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01/10/1992 | CJUE | N°T-7/91

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal de première instance, Sibylle Schavoir contre Conseil des Communautés européennes., 01/10/1992, T-7/91


Avis juridique important

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61991A0007

Arrêt du Tribunal de première instance (troisième chambre) du 1er octobre 1992. - Sibylle Schavoir contre Conseil des Communautés européennes. - Fonctionnaires - Recevabilité - Délais - Indemnité de dépaysement. - Affaire T-7/91.
Recueil de jurisprudence 1992 page II-02

307

Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Disposi...

Avis juridique important

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61991A0007

Arrêt du Tribunal de première instance (troisième chambre) du 1er octobre 1992. - Sibylle Schavoir contre Conseil des Communautés européennes. - Fonctionnaires - Recevabilité - Délais - Indemnité de dépaysement. - Affaire T-7/91.
Recueil de jurisprudence 1992 page II-02307

Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

++++

1. Fonctionnaires - Recours - Acte faisant grief - Notion - Fiche de traitement révélant l' existence d' une décision de refus de l' indemnité de dépaysement

(Statut des fonctionnaires, art. 90 et 91)

2. Fonctionnaires - Recours - Réclamation administrative préalable - Délais - Forclusion - Réouverture - Conditions - Fait nouveau - Absence - Décision confirmative après réexamen du dossier - Absence d' incidence

(Statut des fonctionnaires, art. 90 et 91)

Parties

Dans l' affaire T-7/91,

Sibylle Schavoir, fonctionnaire du Conseil des Communautés européennes, demeurant à Ottignies-Louvain-la-Neuve (Belgique), représentée par Me Jacques Buekenhoudt, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l' étude de Me Patrick Birden, 5, rue de la Reine,

partie requérante,

contre

Conseil des Communautés européennes, représenté par M. Ruediger Bandilla, directeur au service juridique, en qualité d' agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Xavier Herlin, directeur adjoint de la direction des affaires juridiques de la Banque européenne d' investissement, 100, boulevard Konrad Adenauer,

partie défenderesse,

ayant pour objet l' annulation de la décision du Conseil du 5 novembre 1990 refusant à la requérante l' octroi de l' indemnité de dépaysement,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. B. Vesterdorf, président, A. Saggio et J. Biancarelli, juges,

greffier: Mme B. Pastor, administrateur

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 1er juillet 1992,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

Les faits à l' origine du litige

1 La requérante, fonctionnaire de catégorie C, est entrée au service du Conseil le 16 avril 1982. Elle est de nationalités allemande et belge. Elle a acquis cette dernière nationalité par son mariage avec un ressortissant belge.

2 Lors de son entrée en fonctions, le bénéfice de l' indemnité de dépaysement prévue à l' article 4 de l' annexe VII du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après "statut") ne lui a pas été accordé, ainsi qu' il ressort d' une note établie, le 20 avril 1982, par le service du personnel et destinée au service "traitements et indemnités".

3 Le 9 octobre 1989, la requérante a adressé une note au directeur de la direction du personnel et de l' administration du Conseil, lui demandant d' examiner son cas, au motif que les fonctionnaires en charge de son dossier au niveau hiérarchique inférieur n' avaient pas accepté son point de vue, selon lequel elle satisfaisait aux conditions pour se voir accorder l' indemnité en question.

4 Par lettre du 5 février 1990, le directeur de la direction du personnel et de l' administration a fait savoir à la requérante que, "malgré un préjugé initial favorable à l' égard de votre demande de pouvoir bénéficier de l' indemnité de dépaysement, des consultations ultérieures à l' intérieur de la direction du personnel, ainsi qu' auprès d' autres institutions, m' ont amené à estimer que je ne peux à ce stade me prononcer ni sur votre demande ni sur d' autres cas en cours d' examen". Après avoir
signalé qu' il avait décidé de soumettre le dossier au service juridique du Conseil pour avis, le directeur terminait sa lettre de la manière suivante: "J' espère pouvoir disposer de l' avis du service juridique dans quelques semaines et je vous prie donc de bien vouloir patienter encore quelque temps avant de recevoir une réponse définitive."

5 Le 6 février 1990, la requérante a envoyé la note suivante au service juridique: "Par lettre du 5 février 1990, M. H. (le directeur de la direction du personnel et de l' administration) m' informe, en réponse à ma lettre du 9 octobre 1989, qu' il a décidé de soumettre l' affaire au service juridique pour avis. En réalité, mon dossier vous a été transmis depuis bon nombre d' années et je suis restée sans réponse depuis (voir aussi ma lettre du 9 octobre 1989 à M. H., dernier paragraphe). A titre d'
information, veuillez trouver ci-joint quelques documents qui concernent également mon cas...".

6 Le 27 avril 1990, le Conseil a rejeté la demande de la requérante en motivant sa décision par des considérations tirées de l' examen au fond des questions soulevées. Le 8 juin 1990, la requérante a introduit une réclamation, au sens de l' article 90 du statut, à l' encontre de ladite note. Cette réclamation a été rejetée par le défendeur, par lettre du 5 novembre 1990, dans les termes suivants: "J' ai procédé à un examen approfondi de votre note. Étant donné que vous aviez à la date de votre
entrée en fonctions - outre la nationalité allemande - la nationalité belge, le droit à l' indemnité de dépaysement est - en ce qui vous concerne - soumis aux conditions prévues à l' article 4, paragraphe 1, sous b), de l' annexe VII du statut. Suivant ces dispositions, l' indemnité de dépaysement est accordée ... Or, eu égard à votre inscription depuis le 15 mai 1970 dans les registres de la population de Ganshoren et de Bruxelles, d' une part, et à votre activité professionnelle à Bruxelles depuis
le 1er juillet 1980, d' autre part, je constate que vous avez habité hors de la Belgique pendant une période inférieure à dix années expirant le 16 avril 1982, date de votre entrée en service (voir arrêt de la Cour de justice du 17 février 1976 dans l' affaire 42/75). De ce fait, je ne peux que confirmer que la décision - prise à l' occasion de votre entrée en fonctions en 1982 - par laquelle l' indemnité de dépaysement vous a été refusée a été correcte."

La procédure

7 C' est dans ces circonstances que la requérante a introduit le présent recours en date du 1er février 1991.

8 Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 25 mars 1991, le Conseil a soulevé une exception d' irrecevabilité, tirée du non-respect des délais fixés à l' article 90 du statut pour l' accomplissement de la procédure administrative précontentieuse. Par ordonnance du 22 juillet 1991, le Tribunal a décidé de joindre l' exception au fond de l' affaire.

9 Le défendeur n' a pas déposé son mémoire en défense dans le délai imparti. Sur demande du Conseil et après avoir invité la requérante à présenter ses observations, le Tribunal, par ordonnance du 7 octobre 1991, a décidé de rouvrir la procédure écrite.

10 La procédure écrite s' est, dès lors, déroulée normalement et s' est terminée le 19 mars 1992.

11 Par lettre du 9 avril 1992, le Tribunal a invité le Conseil à produire toutes les pièces relatives à l' octroi éventuel de l' indemnité de dépaysement figurant dans le dossier individuel de la requérante. En réponse, le Conseil a déposé le dossier individuel de la requérante.

12 Par lettre du 22 mai 1992, le Tribunal a demandé à la partie défenderesse d' indiquer s' il existe des pièces établissant qu' une décision sur le droit de la requérante à l' indemnité de dépaysement a été prise en 1982 et, le cas échéant, de les produire. En réponse à cette lettre, le Conseil a déposé la note mentionnée au point 2 du présent arrêt.

13 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d' ouvrir la procédure orale, limitée à l' examen de la recevabilité de l' affaire, sans procéder à des mesures d' instruction préalables.

14 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries à l' audience du 1er juillet 1992.

Les conclusions des parties

15 La requérante conclut à ce qu' il plaise au Tribunal:

- déclarer le recours recevable et fondé;

- annuler la décision du Conseil du 5 novembre 1990, notifiée le 6 novembre 1990, lui refusant l' octroi de l' indemnité de dépaysement;

- dire pour droit qu' elle remplit les conditions d' octroi de l' indemnité de dépaysement, sur la base de l' article 4, paragraphe 1, sous a), de l' annexe VII du statut des fonctionnaires et, subsidiairement, sur la base de l' article 4, paragraphe 1, sous b), du même statut;

- réserver la question des intérêts moratoires;

- condamner le Conseil aux dépens de l' instance, par application des articles 87 et 91 du projet de règlement de procédure du Tribunal de première instance, subsidiairement sur la base des articles 69 et 73 du règlement de procédure de la Cour.

Dans le cadre de sa réponse à la fin de non-recevoir soulevée par le Conseil, la requérante conclut à ce qu' il plaise au Tribunal:

- lui donner acte de ses réserves quant à la mise en oeuvre de la responsabilité quasi délictuelle de la partie défenderesse, en raison du système de défense négligent et fautif qu' elle a adopté dans l' instruction de la cause.

16 Le Conseil conclut à ce qu' il plaise au Tribunal:

- rejeter le présent recours comme irrecevable;

- subsidiairement, le rejeter comme non fondé;

- condamner la requérante aux dépens dans la mesure où ceux-ci ne seraient pas à la charge du défendeur en vertu de l' article 88 du règlement de procédure du Tribunal.

Sur la recevabilité

Moyens et arguments des parties

17 A l' appui de la fin de non-recevoir qu' il soulève, le Conseil invoque le non-respect par la partie requérante des délais prévus à l' article 90 du statut. Selon le Conseil, l' acte faisant grief à la requérante est constitué par la décision prise par l' autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après "AIPN") lors de l' entrée en fonctions de la requérante en 1982 et lui refusant le bénéfice de l' indemnité de dépaysement.

18 A cet égard, le Conseil se réfère, tout d' abord, à la jurisprudence de la Cour, notamment à l' arrêt du 21 février 1974, Schots-Kortner e.a./Conseil, Commission et Parlement (15/73 à 33/73, 52/73, 53/73, 57/73 à 109/73, 116/73, 117/73, 123/73, 132/73 et 135/73 à 137/73, Rec. p. 177), dont il ressortirait qu' une fiche de traitement doit être considérée comme une décision à l' égard du fonctionnaire auquel elle est communiquée. Les fiches de traitement de la requérante, comportant depuis le mois
d' avril 1982 un "0" dans la case "indemnité de dépaysement", auraient fait clairement apparaître que l' administration avait décidé de lui refuser le bénéfice de cette indemnité, et cette indication n' aurait pu lui échapper.

19 Le Conseil se réfère, ensuite, aux différentes notes adressées, à partir de 1988, par la requérante à l' administration et dont il ressortirait qu' elle était, dès le début, consciente de la décision négative qui avait été prise à son égard. La note du 9 octobre 1989 prouve, selon le Conseil, que la requérante considérait ce refus comme une décision prise, dans son cas, sur la base des renseignements qu' elle avait fournis lors de son recrutement. Or, le Conseil considère que ces renseignements
contenaient déjà tous les éléments essentiels pour la prise d' une décision sur l' octroi ou le refus de l' indemnité en cause et qu' ils n' ont pas changé depuis lors, à savoir les deux nationalités de la requérante et ses lieux de résidence successifs depuis 1970.

20 Le fait que l' AIPN, à la suite de la note de la requérante du 8 juin 1990, a réexaminé le dossier sous tous ses aspects et y a répondu par sa note du 5 novembre 1990 ne saurait, selon le défendeur, conduire à une conclusion différente, ladite note du 5 novembre 1990 n' ayant fait que confirmer expressément la décision déjà prise en 1982. Invoquant l' arrêt de la Cour du 15 juin 1976, Wack/Commission (1/76, Rec. p. 1017), le Conseil souligne, en effet, que les faits à l' origine du litige, tels
qu' ils ont motivé le refus opposé par ses services en 1982, n' ont pas connu de modification depuis lors et que la requérante n' a fait valoir aucun fait nouveau qui aurait pu être considéré comme pertinent.

21 A l' encontre de cette argumentation, la requérante fait valoir que tout rapprochement avec les arrêts Kortner et Wack, précités, est dénué de pertinence en l' espèce. Dans ces deux affaires, en effet, au moment où les fiches de traitement en cause avaient été communiquées aux intéressés, le bénéfice de l' indemnité de dépaysement était déjà au centre d' un débat entre les parties. Dans l' affaire Kortner, en particulier, l' administration, après avoir, dans un premier temps, accordé aux
requérants le bénéfice de l' indemnité, le leur avait ensuite retiré; dans ces conditions, la fiche de traitement était la matérialisation claire de cette décision de retrait. Dans le cas présent, en revanche, avant 1989, aucune demande n' aurait jamais été formulée par la requérante, ni aucun débat engagé avec la partie défenderesse, au sens de l' article 90 du statut, sur le point de savoir si cette dernière était suffisamment éclairée sur la situation de la requérante au moment de son engagement.

22 D' après la requérante, la communication d' une fiche de traitement ne saurait avoir pour effet de faire courir les délais de recours contre une décision administrative que si la fiche fait apparaître clairement l' existence d' une décision. Invoquant l' arrêt de la Cour du 2 juillet 1981, Garganese/Commission (185/80, Rec. p. 1785), la requérante soutient que le "silence de sa fiche" de traitement au sujet de l' indemnité litigieuse ne saurait être assimilé à une décision au sens du statut. L'
attitude adoptée par la partie défenderesse impliquerait nécessairement qu' aucune décision n' a pu être prise antérieurement à 1989 quant à l' octroi de l' indemnité en cause. La décision prise par le Conseil le 5 novembre 1990 constituerait donc un acte juridique qui se suffirait à lui-même.

23 La requérante fait également valoir que, dans son arrêt du 22 septembre 1988, Canters/Commission (159/86, Rec. p. 4859), la Cour a jugé que l' omission d' une indemnité litigieuse dans une fiche de traitement ne saurait être assimilée à une décision de refus lorsque l' administration n' a été en mesure de vérifier que l' intéressé remplissait les conditions d' octroi de cette indemnité qu' après qu' il en eut fait la demande. La requérante souligne qu' en l' espèce elle a, en 1989, accompagné sa
demande d' un dossier composé d' éléments de fait ignorés jusqu' alors du Conseil, établissant notamment qu' elle avait habité en Allemagne entre 1972 et 1980, nonobstant les mentions portées d' office sur des documents d' état civil belges.

24 D' après la requérante, les documents émanant du Conseil dans la présente affaire montrent clairement que les services du Conseil eux-mêmes n' estimaient pas qu' une décision avait été prise en 1982.

25 La requérante relève encore qu' aucune disposition statutaire n' oblige un fonctionnaire à introduire une demande pour obtenir le droit à l' indemnité de dépaysement, de même qu' aucune disposition statutaire n' instaure de délai de prescription pour réclamer le paiement effectif de cette indemnité. La requérante est d' avis qu' elle se trouve, à ce titre, dans une situation comparable à celle de Mme Jeanne Airola, entrée à la Commission en 1965, sans que l' indemnité de dépaysement ne lui soit
octroyée, et qui ne l' a réclamée, avec succès, qu' en 1972, soit après sept années de fonctions (arrêt du 20 février 1975, Airola/Commission, 21/74, Rec. p. 221). Sa situation pourrait également être rapprochée de celle de M. Michele Canters, entré à la Commission en 1975, qui n' a réclamé, avec succès, l' indemnité de dépaysement qu' en 1985, soit après dix années de fonctions.

26 A titre subsidiaire, la requérante allègue que, à partir du 9 octobre 1989, les services du Conseil, sur sa demande, ont procédé, sinon à un examen, tout au moins à un réexamen approfondi de sa situation. A l' issue de cette procédure et pour la première fois, le Conseil aurait exprimé sa position, en l' assortissant d' une motivation formelle, au sens de l' article 25 du statut. La décision rendue le 5 novembre 1990 devrait donc, dans tous les cas, être considérée comme se substituant à toute
autre qui aurait pu être rendue antérieurement et ne pourrait être considérée comme étant purement confirmative de celle-ci (arrêts de la Cour du 11 mars 1986, Sorani e.a./Commission, 293/84, Rec. p. 967, et du 16 décembre 1987, Beiten/Commission, 206/85, Rec. p. 5301).

27 La requérante est, en outre, d' avis que l' attitude du Conseil dans la présente affaire révèle une négligence fautive, préjudiciable à ses intérêts en tant que fonctionnaire du Conseil. La partie défenderesse aurait adopté dans l' instruction de cette affaire un "comportement abusif, inutilement vexatoire, partant fautif, susceptible de mettre en oeuvre sa responsabilité quasi délictuelle". Il irait de soi que les frais irrépétibles imposés pour combattre un tel système de défense font partie du
préjudice subi par l' intéressée, qui doit être réparé. Il y aurait lieu de sanctionner par l' attribution de dommages-intérêts de telles attitudes qui, "tout en manquant de justification, imposent à la partie adverse des efforts importants et en pure perte".

Appréciation du Tribunal

28 A titre liminaire, le Tribunal constate, en premier lieu, qu' il ressort de la note du 20 avril 1982, précitée, établie par le service du personnel du Conseil et intitulée "Note au service traitements et indemnités", qui reprend sous une forme schématisée différents renseignements personnels concernant la requérante et indique un "non" après la mention "Idepex", que l' administration a pris, lors de l' entrée en fonctions de la requérante, la décision de ne pas lui accorder le bénéfice de l'
indemnité de dépaysement. L' intéressée n' a pas contesté avoir reçu copie de la note à l' époque.

29 Le Tribunal constate, en second lieu, que les copies des fiches de traitement établies au nom de la requérante pour les mois d' avril et de mai 1982, qui ont été produites devant le Tribunal par le défendeur, portent un "0" dans la case "IND.DEP./EXP".

30 En troisième lieu, il est constant que, dans la note qu' elle a adressée, le 9 octobre 1989, au directeur de la direction du personnel et de l' administration, la requérante s' est exprimée dans les termes suivants: "J' ai toujours considéré la décision de Mme V. comme injuste. C' est pourquoi je me suis adressée plusieurs fois, si bien pendant la première année que pendant la deuxième de mon affectation, à Mme V., M. L. ainsi qu' au service juridique, M. S..."

31 Au vu de ces éléments de fait, le Tribunal estime que, même si l' on devait admettre que la mention "Idepex", figurant sur la note du 20 avril 1982, est susceptible d' être difficilement compréhensible, dans toute sa portée et ses implications, par un fonctionnaire nouvellement recruté, il est établi que la requérante, en 1982, savait, d' une part, qu' elle pouvait avoir droit, à certaines conditions, à l' indemnité de dépaysement et, d' autre part, que l' administration avait pris la décision de
ne pas lui accorder cette indemnité.

32 C' est à la lumière de ces constatations que le Tribunal doit apprécier la situation de la requérante par rapport à l' obligation de respecter les délais, que lui imposent les articles 90 et 91 du statut, tels qu' interprétés par la jurisprudence de la Cour et du Tribunal.

33 L' article 90, paragraphe 2, du statut dispose que la réclamation dirigée contre un acte faisant grief à un fonctionnaire doit être introduite dans un délai de trois mois à compter, pour ce qui est de la présente espèce, du jour où la requérante en a eu connaissance.

34 A cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour (voir, en dernier lieu, l' arrêt du 22 septembre 1988, Canters, point 6, 159/86, Rec. p. 4859), "la communication de la fiche mensuelle de traitement a pour effet de faire courir les délais de recours contre une décision administrative lorsque cette fiche fait apparaître clairement l' existence de cette décision".

35 Cette condition étant remplie en l' espèce, compte tenu des circonstances de fait relevées ci-dessus, le Tribunal ne peut que constater que la communication à la requérante, en avril 1982, de sa première fiche de traitement a fait courir le délai de recours prévu à l' article 90 du statut. Il s' ensuit que les différentes démarches entreprises en 1989-1990 et à la suite desquelles le présent recours a été introduit doivent être considérées comme tardives.

36 Il convient d' ajouter que la situation de la requérante ne saurait être comparée à celle des fonctionnaires requérants dans les affaires Garganese ou Canters, précitées. En effet, il ressort clairement de ces arrêts que l' absence de référence, sur les fiches de traitement des intéressés, à l' indemnité de dépaysement, ou l' absence d' apposition du chiffre 0 dans la case correspondante, n' était que l' expression du fait que l' institution compétente n' avait encore pris aucune décision dans
leur cas lors de la communication des bulletins de rémunération en cause. Tel n' est pas le cas en l' espèce, où l' administration avait déjà pris une décision de refus de versement de l' indemnité de dépaysement, avant la communication à la requérante de son premier bulletin de rémunération.

37 Pour ce qui est de l' argument tiré par la requérante de ce que, à la suite de sa note du 9 octobre 1989, la partie défenderesse a entrepris un examen ou un réexamen de sa situation, il y a lieu, d' une part, de remarquer que, entre 1982 et 1989, il n' est intervenu aucun fait nouveau, susceptible de modifier l' appréciation de la situation de la requérante au regard des conditions d' octroi de l' indemnité de dépaysement.

Il convient, d' autre part, de constater que les notes adressées, en 1990, par la partie défenderesse à la requérante, qui se réfèrent expressément à la décision prise en 1982 et qui ne formulent, par rapport à cette dernière, aucune réserve susceptible d' en modifier la portée, ne sauraient être considérées comme l' expression d' une nouvelle décision qui se serait substituée à celle prise lors de l' entrée en fonctions de la requérante, comme l' a soutenu celle-ci à tort. Il s' ensuit que cet
argument doit être rejeté.

38 Dans les circonstances de l' espèce, il convient de souligner que le fait qu' une institution communautaire ne soulève pas, au stade de la procédure précontentieuse, d' éventuels problèmes de recevabilité et procède à l' examen du fond de l' affaire ne saurait avoir pour effet, dès lors qu' il s' agit, comme dans la présente affaire, d' une décision purement confirmative, de rouvrir, au bénéfice de l' agent concerné, un délai de réclamation et de recours déjà écoulé.

39 Il résulte de l' ensemble de ce qui précède que le recours doit être rejeté comme irrecevable.

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

40 Aux termes de l' article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s' il est conclu en ce sens. Toutefois, selon l' article 88 du même règlement, les frais exposés par les institutions dans les recours des agents des Communautés restent à la charge de celles-ci.

41 Compte tenu, notamment, de l' incertitude entretenue par le défendeur dans le chef de la requérante, du fait des diverses notes qui lui ont été adressées, et de ce que le défendeur, même s' il n' y était pas obligé, n' a pas, au stade de la procédure précontentieuse, attiré l' attention de la requérante sur les problèmes de recevabilité que suscitait sa démarche au regard d' une jurisprudence établie de la Cour, il y a lieu, en vertu de l' article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, de
le condamner à rembourser à la requérante la moitié des frais qu' elle a exposés.

42 Il s' ensuit que le Conseil supportera ses propres dépens et la moitié des dépens de la partie requérante. Cette dernière supportera l' autre moitié de ses propres dépens.

Dispositif

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête:

1) Le recours est rejeté comme irrecevable.

2) Le Conseil supportera ses propres dépens et la moitié des dépens de la partie requérante. La partie requérante supportera l' autre moitié de ses propres dépens.


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : T-7/91
Date de la décision : 01/10/1992
Type de recours : Recours de fonctionnaires - irrecevable

Analyses

Fonctionnaires - Recevabilité - Délais - Indemnité de dépaysement.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Sibylle Schavoir
Défendeurs : Conseil des Communautés européennes.

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:1992:100

Source

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