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10/07/1992 | CJUE | N°T-63/91

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal de première instance, Elisabeth Benzler contre Commission des Communautés européennes., 10/07/1992, T-63/91


Avis juridique important

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61991A0063

Arrêt du Tribunal de première instance (troisième chambre) du 10 juillet 1992. - Elisabeth Benzler contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaires - Détermination du lieu de recrutement - Conditions d'octroi de l'indemnité journalière et de l'indemnité de dép

aysement. - Affaire T-63/91.
Recueil de jurisprudence 1992 page II-02095...

Avis juridique important

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61991A0063

Arrêt du Tribunal de première instance (troisième chambre) du 10 juillet 1992. - Elisabeth Benzler contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaires - Détermination du lieu de recrutement - Conditions d'octroi de l'indemnité journalière et de l'indemnité de dépaysement. - Affaire T-63/91.
Recueil de jurisprudence 1992 page II-02095

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

++++

1. Fonctionnaires - Remboursement de frais - Indemnité journalière - Objet

(Statut des fonctionnaires, annexe VII, art. 10)

2. Fonctionnaires - Lieu de recrutement - Détermination - Lieu de résidence habituelle lors du recrutement - Notion - Centre d' intérêts du fonctionnaire

(Statut des fonctionnaires, annexe VII, art. 7, § 3)

Sommaire

1. L' indemnité journalière prévue à l' article 10, paragraphe 1, de l' annexe VII du statut, à laquelle le fonctionnaire nouvellement recruté n' a droit qu' avant son déménagement en vue de résider au lieu de son affectation, vise à compenser les frais et les inconvénients occasionnés par la nécessité de se déplacer et de s' installer provisoirement au lieu de cette affectation, tout en gardant, également à titre provisoire, sa résidence antérieure.

Cette indemnité ne saurait, dès lors, être accordée au fonctionnaire qui ne justifie pas avoir supporté de tels frais ou inconvénients.

2. La notion de résidence habituelle lors du recrutement, à laquelle se réfèrent, pour déterminer le lieu de recrutement d' un fonctionnaire et en l' absence de définition statutaire, les dispositions générales d' exécution de l' article 7, paragraphe 3, de l' annexe VII du statut, adoptées par une institution, doit être entendue comme l' endroit où l' intéressé a fixé, avec la volonté de lui conférer un caractère stable, le centre permanent ou habituel de ses intérêts. A cet égard, le fait de
résider en un lieu aux seules fins d' y poursuivre des études ne permet pas, à lui seul et en l' absence d' autres éléments pertinents, de considérer que l' intéressé a entendu déplacer le centre permanent de ses intérêts en ce lieu.

Parties

Dans l' affaire T-63/91,

Elisabeth Benzler, alors agent auxiliaire de la Commission des Communautés européennes, représentée par Me J. N. Louis, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de la société Fiduciaire Myson, 1, rue Glesener,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par son conseiller juridique, M. J. Griesmar, en qualité d' agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. R. Hayder, représentant du service juridique de la Commission, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet l' annulation de la décision du 29 octobre 1990 fixant le lieu de recrutement de la requérante à Bruxelles et lui refusant le bénéfice des indemnités journalières et de l' indemnité de dépaysement,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. B. Vesterdorf, président, A. Saggio et J. Biancarelli, juges,

greffier: M. H. Jung

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 19 mai 1992,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

Faits et procédure

1 La requérante, née en Belgique en 1964, est la fille d' un fonctionnaire de la Commission affecté à Bruxelles. Elle est de nationalité allemande et n' a jamais eu la nationalité belge. A la suite de ses études secondaires à l' école européenne de Bruxelles, elle a, selon les informations figurant dans son dossier personnel, suivi une formation à l' Institut supérieur de tourisme de Louvain-la-Neuve, de 1984 à 1986. Il ressort des pièces du dossier que, à partir de 1986, elle a entrepris une
formation professionnelle tant théorique que pratique auprès de la "Fachhochschule" à Dusseldorf, puis de la "Kaufmaennische Berufsschule" à Neuss, combinant la fréquentation de cours avec une formation professionnelle, dans le cadre de deux contrats de stage et d' apprentissage conclus, successivement, avec les entreprises L. B. et K. Werbeagentur, de Dusseldorf, pour la période du 1er octobre 1986 au 31 mai 1988, et Beste Accessoires, de Neuss, pour la période du 6 juin 1988 au 23 mai 1990. Durant
ces périodes, son père a bénéficié des allocations d' enfant à charge et des allocations scolaires. Par la suite, la requérante a été employée comme "Kauffrau" (employée agréée commerciale) dans l' entreprise Elysian Accessoires, à Neuss, du 1er juillet 1990 au 31 août 1990.

2 Dès le 29 mai 1990, la requérante a résilié, à compter du 31 août 1990, le bail de l' appartement qu' elle occupait à Dusseldorf.

3 Le 30 juillet 1990, alors qu' elle séjournait chez ses parents durant un congé, la requérante s' est informée auprès de la Commission de la vacance éventuelle d' un emploi d' auxiliaire de langue allemande. L' administration de la Commission l' a contactée, le même jour, pour l' inviter à passer une visite médicale d' aptitude dès le lendemain, en raison de son retour imminent à Dusseldorf. La requérante a introduit son acte de candidature le 1er août 1990, indiquant, comme adresse de
correspondance, celle de ses parents, en Belgique. Elle a mentionné comme résidence permanente (staendiger Aufenthaltsort) la ville de Dusseldorf. La requérante est entrée en fonctions à la Commission, à Bruxelles, le 1er septembre 1990.

4 Par décision du 29 octobre 1990, la Commission a fixé le lieu de recrutement de la requérante à Bruxelles. Dans la même décision, elle a constaté que la requérante n' avait pas droit au payement des indemnités journalières, dans la mesure où son entrée en service n' a pas nécessité un changement de résidence pour satisfaire aux obligations de l' article 20 du statut. Elle lui a dénié, en outre, le droit à l' indemnité de dépaysement, en raison du caractère, selon elle, provisoire de son absence de
Belgique.

5 La requérante a introduit, le 29 janvier 1991, une réclamation contre la décision précitée. Faute de réponse explicite rejetant ladite réclamation, elle a demandé, par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 août 1991, l' annulation de la décision de la Commission du 29 octobre 1990. La procédure écrite s' est déroulée normalement et s' est achevée le 6 mars 1992. Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé, conformément à l' article 53 de son règlement de procédure, d' ouvrir la
procédure orale sans mesures d' instruction préalables. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries lors de l' audience du 19 mai 1992.

Conclusions des parties

6 La partie requérante conclut à ce qu' il plaise au Tribunal:

- annuler la décision du 29 octobre 1990 fixant à Bruxelles les lieux de recrutement et d' origine de la requérante et refusant le paiement des indemnités journalières et de l' indemnité de dépaysement;

- annuler, pour autant que de besoin, la décision implicite de rejet opposée par la Commission à la réclamation qu' elle a introduite le 29 janvier 1991;

- condamner la défenderesse aux dépens.

La partie défenderesse conclut à ce qu' il plaise au Tribunal:

- rejeter le recours comme non fondé;

- statuer comme de droit sur les dépens.

Moyens et arguments des parties

7 A l' appui de sa demande en annulation, la requérante invoque:

- la violation de l' article 7, troisième alinéa, de l' annexe VII du statut et de la décision de la Commission du 15 juillet 1980 portant adoption des dispositions générales d' exécution, et plus particulièrement de son article 2, paragraphe 2;

- la violation des dispositions relatives à la fixation du lieu d' origine.

8 Elle fait tout d' abord valoir que le lieu de recrutement a été défini par l' article 2, paragraphe 2, de la décision de la Commission du 15 juillet 1980, susvisée, comme l' "endroit où le fonctionnaire avait sa résidence habituelle lors de son recrutement". Elle rappelle, en outre, que, en vue de l' octroi des droits à indemnité de dépaysement, il convient de vérifier le lieu de la résidence habituelle de l' intéressé au moment de son recrutement. Elle invoque à cet égard l' arrêt de la Cour du
10 octobre 1989, Atala-Palmerini/Commission, point 9 (201/88, Rec. p. 3109), aux termes duquel "la notion de dépaysement dépend également de la situation subjective du fonctionnaire, à savoir son degré d' intégration dans son ... milieu, résultant, par exemple, de sa résidence habituelle ou de l' exercice d' une activité professionnelle principale".

9 Eu égard aux critères susvisés, la requérante estime qu' au moment de son recrutement elle était parfaitement intégrée à Dusseldorf, tant du point de vue "objectif" que "subjectif". En attesteraient, d' une part, la nature de la formation professionnelle - alternant des cours théoriques et des stages pratiques en entreprise - qu' elle a suivie de 1986 à 1990 et, d' autre part, le fait qu' une telle formation ne puisse être valorisée ailleurs qu' en Allemagne, ce qui démontrerait clairement son
intention de s' établir définitivement dans ce pays. En effet, elle aurait uniquement accepté de poursuivre sa formation en entreprise, de 1988 à 1990, dans l' espoir qu' un emploi lui serait offert dans cette entreprise. C' est ainsi que, à l' issue de sa période de stage, elle est, précise-t-elle, restée au service de son employeur pour commencer une carrière en tant que "Kauffrau" auprès des établissements Elysian Accessoires. A cet égard, elle explique, dans son mémoire en réplique, qu' elle n'
avait pas fait état de ces deux mois d' activité professionnelle salariée dans son acte de candidature à un emploi d' auxiliaire auprès de la Commission parce qu' elle avait considéré qu' il s' agissait d' un "job d' étudiant pendant la période des vacances d' été", dans la mesure où elle n' avait été engagée officiellement par cette entreprise que le 1er juillet 1990, soit un mois avant l' introduction de son acte de candidature et après avoir décidé de quitter son emploi. Toutefois, au cours de l'
audience, elle a soutenu que la Commission n' a pas, quant à elle, estimé qu' il s' agissait d' un job d' étudiant, dans la mesure où elle a exigé la restitution des indemnités scolaires et pour enfant à charge, perçues par le père de la requérante pendant ces deux mois, contrairement à la pratique consistant à considérer que les étudiants effectuant des jobs d' été restent à la charge de leurs parents durant cette période.

La requérante fait valoir, de surcroît, qu' elle a occupé sans interruption, jusqu' au jour de son recrutement, un appartement qu' elle avait loué à Dusseldorf, où elle se serait "fait régulièrement domicilier". En outre, elle aurait bénéficié de sa propre couverture sociale, en étant affiliée à une caisse mutuelle et à un régime de pension. Enfin, elle observe que ses frère et soeur ont effectué leurs études supérieures en Allemagne et s' y sont établis définitivement et que ses parents y
retourneront, dès leur admission au bénéfice de la pension.

10 Après avoir soutenu que, selon les critères retenus par la Cour, son lieu de recrutement doit être fixé à Dusseldorf, la requérante procède à une analyse linguistique des termes utilisés, pour définir le lieu de recrutement, à l' article 2, paragraphe 2, des dispositions générales d' exécution de l' article 7, paragraphe 3, de l' annexe VII du statut, relatif au lieu d' origine. A cet égard, elle relève que, dans sa version allemande, l' article 2, précité, se réfère à la notion de
"Hauptwohnsitz" ("résidence habituelle", dans la version française), tout comme l' article 4 de l' annexe VII du statut, régissant l' octroi de l' indemnité de dépaysement. La requérante en déduit que, "par application de cette disposition, (son) lieu de recrutement ... devrait être fixé à Munich. En effet, suivant la jurisprudence allemande, il n' existe, par définition, qu' un seul 'Hauptwohnsitz' , qui est celui de l' exercice du droit de vote". Elle se fonde sur l' attestation établie par la
ville de Munich, le 3 janvier 1991, pour étayer ces affirmations. Elle en conclut que "la Commission est tenue de fixer le lieu d' origine au lieu du 'Hauptwohnsitz' de la requérante, à savoir Munich". La requérante en conclut que son lieu de recrutement doit être fixé à Dusseldorf et son lieu d' origine à Munich et, à titre tout à fait subsidiaire, à Dusseldorf.

11 Enfin, dans sa réplique et lors de la procédure orale, la requérante a également soutenu que, de 1984 à 1986, elle a séjourné à Munich en vue d' y poursuivre une formation universitaire, les études qu' elle poursuivait parallèlement à Louvain-la-Neuve ne présentant qu' un caractère complémentaire.

12 La Commission soutient, pour sa part, que le lieu de recrutement et le lieu d' origine de la requérante ne peuvent pas être fixés respectivement à Dusseldorf et à Munich.

Elle conteste, en premier lieu, l' argumentation de la requérante relative à la détermination de son lieu d' origine à Munich. Elle relève que, selon l' article 2, paragraphe 1, des dispositions générales d' exécution de l' article 7, paragraphe 3, de l' annexe VII du statut, "lors de l' entrée en fonctions, le lieu d' origine est présumé être le lieu de recrutement". Ce n' est qu' à la demande du fonctionnaire, dans l' année suivant sa prise de fonctions, que son lieu d' origine peut être fixé au
centre de ses intérêts, sur la base de pièces justificatives, s' il ne coïncide pas avec le lieu de son recrutement. A cet égard, elle estime que le lieu d' exercice du droit de vote ne constitue que l' un des éléments permettant de localiser le centre d' intérêts et ne saurait donc, à lui seul, se substituer au lieu de recrutement, pour la définition du lieu d' origine.

13 La Commission soutient, en second lieu, que Dusseldorf ne saurait être considérée comme le lieu de recrutement de la requérante. Elle fait valoir que, durant la période antérieure au 23 mai 1990, la requérante a séjourné en Allemagne aux seules fins d' études et de formation professionnelle, ce qui ne saurait être considéré comme une résidence habituelle, aux sens de l' article 2, paragraphe 2, des dispositions générales d' exécution du 15 juillet 1980. Quant à l' activité salariée exercée aux
mois de juillet et août 1990, la Commission est d' avis qu' elle ne permet pas davantage, en raison da sa brièveté, de considérer que la requérante avait sa résidence habituelle à Dusseldorf. A cet égard, un ensemble de faits démontrerait l' intention de la requérante de ne pas s' établir en Allemagne à l' issue de son stage. En effet, elle aurait résilié le bail de son appartement à la fin du mois de mai 1990, à compter du 31 août. En outre, elle aurait envisagé son premier emploi salarié comme un
simple "job d' étudiant pendant les vacances d' été" et serait entrée en pourparlers avec l' administration à la fin du mois de juillet pour obtenir un emploi en Belgique. Dans ces conditions, la résidence de la requérante à Dusseldorf devrait être considérée comme provisoire et ne saurait entrer en ligne de compte pour la détermination du lieu de recrutement.

Appréciation en droit

14 Les conclusions en annulation de la décision attaquée se divisent en quatre branches se rapportant, respectivement, au refus d' octroyer à la requérante l' indemnité de dépaysement et l' indemnité journalière et à la fixation de son lieu de recrutement ainsi que de son lieu d' origine en un lieu autre que le lieu de recrutement.

Sur la demande relative à l' indemnité de dépaysement

15 En ce qui concerne l' indemnité de dépaysement, il convient de rappeler que, aux termes de l' article 4, paragraphe 1, sous a), de l' annexe VII du statut, cette indemnité est accordée au fonctionnaire qui, telle la requérante, n' a pas et n' a jamais eu la nationalité de l' État sur le territoire duquel est situé le lieu de son affectation, à condition qu' il n' ait pas, "de façon habituelle, pendant la période de cinq années expirant six mois avant son entrée en fonctions, habité ou exercé son
activité professionnelle principale sur le territoire européen dudit État. Pour l' application de cette disposition, les situations résultant de services effectués pour un autre État ou une organisation internationale ne sont pas à prendre en considération".

16 Dans la présente espèce, la requérante est entrée en fonctions à la Commission le 1er septembre 1990. Le bénéfice de l' indemnité de dépaysement est donc subordonné, à son égard, à l' absence de résidence habituelle ou d' activité professionnelle principale en Belgique au cours de la période de cinq ans située entre le 1er mars 1985 et le 1er mars 1990 (voir les arrêts de la Cour du 2 mai 1985, De Angelis/Commission, point 14, 246/83, Rec. p. 1253, et du 10 octobre 1989,
Atala-Palmerini/Commission, précité, points 6 à 11; ainsi que l' arrêt du Tribunal du 8 avril 1992, Costacurta Gelabert/Commission, point 44, T-18/91, Rec. p. II-0000).

17 En l' occurrence, cette condition n' est pas remplie. Il est en effet établi, sur la base des pièces du dossier, et en particulier des indications portées par la requérante elle-même dans son acte de candidature auprès de la Commission, qu' au début de la période de référence susvisée elle a suivi une formation à l' Institut européen de tourisme de Louvain-la-Neuve, de 1984 à 1986, sanctionnée par l' obtention d' un diplôme avec la plus haute distinction, selon les indications fournies par l'
intéressée à l' audience. A l' inverse, les allégations de la requérante, selon lesquelles elle aurait établi sa résidence habituelle à Munich de 1984 à 1986, en vue d' y suivre une formation universitaire en économie, ne sont étayées par aucun élément de preuve concernant, notamment, la poursuite effective des études alléguées. En particulier, la requérante n' a pas fait état de cette formation universitaire dans son acte de candidature auprès de la Commission. Elle n' a, en outre, produit, devant
le Tribunal, ni certificat d' inscription ni attestation établissant qu' elle a régulièrement suivi cette formation. De plus, l' attestation de la ville de Munich, invoquée par la requérante, établissant qu' elle y a sa résidence habituelle ("Hauptwohnung") se réfère, conformément à la législation allemande applicable, à la résidence que l' intéressée - ou ses parents pendant sa minorité - a déclarée comme étant sa résidence habituelle sur le territoire allemand, sans préjudice d' une éventuelle
résidence habituelle effective hors de ce territoire (voir l' article 12, paragraphe 1, du "Melderechtsrahmengesetz" du 16 août 1980, BGBl. III, p. 210-4, loi cadre du 16 août 1980 concernant la déclaration de résidence). La notion de "Hauptwohnung", au sens du droit allemand, se distingue donc de la notion de résidence habituelle visée à l' article 4, paragraphe 1, sous a), de l' annexe VII du statut, laquelle est une notion de fait exigeant la prise en considération de la résidence effective de l'
intéressée. Cette constatation est confirmée par le fait que l' attestation susvisée, délivrée le 3 janvier 1991, établit qu' à cette même date la requérante avait conservé, depuis le 1er mars 1972, sa "Hauptwohnung" à Munich. Or, il n' est pas contesté qu' elle avait alors sa résidence habituelle, au sens du statut, à Bruxelles, à la suite de son engagement comme agent auxiliaire, le 1er septembre 1990. Il résulte donc clairement de l' ensemble de ces éléments que, à supposer même que la requérante
ait suivi - ce qui n' est pas établi - une formation universitaire à Munich en 1984, celle-ci n' a pu présenter qu' un caractère complémentaire par rapport aux études effectuées à Louvain-la-Neuve. Par ailleurs, il est à noter qu' avant d' entreprendre ses études à Louvain-la-Neuve la requérante avait déjà sa résidence habituelle en Belgique, et plus précisément à Bruxelles, où étaient domiciliés ses parents et où elle a effectué ses études secondaires jusqu' au baccalauréat, en 1984. La requérante
a donc continué à résider de manière habituelle en Belgique durant ses études à Louvain-la-Neuve, qui se sont étendues sur une partie non négligeable de la période de référence, du 1er mars 1985 au 30 septembre 1986.

18 Dans ce contexte, le Tribunal constate que la condition relative à l' absence de résidence habituelle dans le pays d' affectation durant toute la période de référence, à laquelle est subordonné l' octroi de l' indemnité de dépaysement, n' est pas remplie en l' espèce. La demande relative à l' indemnité de dépaysement doit, dès lors, être déclarée non fondée.

Sur la demande relative à l' indemnité journalière

19 En ce qui concerne l' indemnité journalière, il y a lieu de rappeler que l' article 10, paragraphe 1, de l' annexe VII du statut prévoit l' octroi d' une telle indemnité aux "fonctionnaires qui justifient être tenus de changer de résidence pour satisfaire aux obligations de l' article 20 du statut". Ce dernier article fait obligation au fonctionnaire de résider au lieu de son affectation ou à une distance telle de celui-ci qu' il ne soit pas gêné dans l' exercice de ses fonctions.

20 A cet égard, il convient de préciser que l' indemnité journalière, à laquelle le fonctionnaire nouvellement recruté a uniquement droit avant son déménagement en vue de résider au lieu de son affectation, vise à compenser les frais et les inconvénients occasionnés par la nécessité de se déplacer et de s' installer provisoirement au lieu de cette affectation, tout en gardant, également à titre provisoire, sa résidence antérieure. Cette finalité a été mise en évidence de manière constante par la
Cour (voir, notamment, les arrêts du 30 janvier 1974, Louwage/Commission, point 25, 148/73, Rec. p. 81, et du 5 février 1987, Mouzourakis/Parlement, point 9, 280/85, Rec. p. 589).

21 En l' espèce, le Tribunal constate que la requérante, qui avait, dès le 29 mai 1990, résilié, comme elle l' a confirmé lors de l' audience, à partir du 31 août 1990, le contrat de bail de son appartement à Dusseldorf, n' a pas supporté de frais occasionnés par la nécessité de s' installer dans une résidence autre que celle qu' elle occupait précédemment, sans pouvoir cependant abandonner cette dernière. En outre, la requérante n' indique pas quels sont les frais ou les inconvénients qui auraient
résulté, pour elle, de son obligation de résider au lieu de son affectation, lors de son entrée au service de la Commission, à Bruxelles.

22 Eu égard à l' ensemble de ces circonstances, la demande relative à l' indemnité journalière doit être déclarée non fondée.

Sur la fixation du lieu de recrutement

23 En l' absence d' une définition statutaire expresse de la notion de lieu de recrutement visée à l' article 7, paragraphe 3, de l' annexe VII du statut, le lieu de recrutement est défini à l' article 2, paragraphe 2, de la décision du 15 juillet 1980, portant dispositions générales d' application dudit article 7, paragraphe 3, comme l' "endroit où le fonctionnaire avait sa résidence habituelle lors de son recrutement. Ne peuvent être considérées comme résidence habituelle les résidences
provisoires, notamment pour études, service militaire, stages, tourisme" (Informations administratives n 291, du 5 septembre 1980).

24 A cet égard, il convient de rappeler que les dispositions générales d' exécution, susvisées, ne sont qu' une interprétation et une précision de l' article 7, paragraphe 3, de l' annexe VII du statut (arrêt du 6 juin 1990, Gouvras-Laycock/Commission, point 25, T-44/89, Rec. p. II-217). En l' occurrence, la notion de résidence habituelle, telle qu' elle figure dans les dispositions générales d' exécution du statut et telle qu' elle a été appliquée par la Commission en l' espèce, est pertinente pour
la définition du lieu de recrutement.

25 Dans ces conditions, il convient de rappeler que la notion de résidence habituelle a été interprétée de manière constante par la Cour comme le lieu où l' intéressé a fixé, avec la volonté de lui conférer un caractère stable, le centre permanent ou habituel de ses intérêts (voir les arrêts du 12 juillet 1973 Angenieux, 13/73, Rec. p. 935; du 17 février 1977, Di Paolo, 76/76, Rec. p. 315, et du 14 juillet 1988, Schaeflein/Commission, 284/87, Rec. p. 4475; ainsi que, dans d' autres domaines du
droit, l' arrêt du 23 avril 1991, Ryborg, point 19, C-297/89, Rec. p. I-1943).

26 Dans la présente espèce, le Tribunal constate que, en demeurant à Dusseldorf du 1er octobre 1986 au 31 août 1990, la requérante n' a pas interrompu ses liens durables avec la Belgique. En effet, il ressort de l' ensemble des éléments du dossier qu' elle a résidé à Dusseldorf à partir de 1986 aux seules fins d' y poursuivre ses études et qu' elle n' y a pas fixé le centre permanent de ses intérêts.

27 Le fait que la requérante a conservé, à l' époque, l' ensemble de ses points d' attache à Bruxelles, où elle bénéficiait d' un permis de séjour spécial et retournait, pendant les vacances, auprès de sa famille, résulte des considérations suivantes. Durant ses quatre années d' études à la "Fachhochschule" de Dusseldorf, la requérante avait le statut d' étudiante et n' exerçait, selon les informations figurant dans le dossier, aucune activité professionnelle, présentant un caractère de stabilité et
donnant lieu à une rémunération comparable à celle habituellement versée à des salariés exerçant une telle activité, qui lui aurait permis de s' intégrer dans le milieu socio-professionnel du pays concerné. A cet égard, les périodes de stage et d' apprentissage effectuées, du 1er octobre 1986 au 31 mai 1988, auprès de deux entreprises s' inscrivaient dans le cadre précis d' études combinant une formation théorique et pratique poursuivies par la requérante, qui a bénéficié, de ce fait, du versement
d' une indemnité de 150 à 350 DM, selon les périodes considérées, comme les parties l' ont précisé lors de la procédure orale. En outre, la requérante ne justifiait pas d' une autonomie financière par rapport à ses parents, lesquels pourvoyaient à ses besoins, et notamment au financement de ses études, et percevaient, à ce titre, une indemnité pour enfant à charge et une allocation d' études. Enfin, en ce qui concerne l' argumentation de la requérante fondée sur son affiliation à un régime d'
assurance maladie et de pension en Allemagne, il convient de relever que cette affiliation découlait du statut d' étudiante de l' intéressée et ne saurait, dès lors, représenter un indice de son intégration en Allemagne, faute d' autres éléments pertinents.

Quant à l' activité professionnelle salariée exercée par la requérante durant les mois de juillet et août 1990, c' est-à-dire précisément au moment de son recrutement, elle doit être considérée comme un "job de vacances", selon les termes mêmes employés dans la réplique. La requérante déclare en effet avoir été engagée le 1er juillet 1990, "soit un mois avant l' introduction de son acte de candidature auprès de la Commission et après avoir décidé de quitter son emploi". Cette affirmation est
corroborée par la demande de réinscription à la "Fachhochschule" de Dusseldorf, présentée par la requérante pour la période d' études de septembre 1990 à février 1991, ainsi qu' en témoigne le certificat d' inscription pour le semestre correspondant, annexé à la requête. De surcroît, le fait que la requérante a exercé une activité salariée, limitée à la période des vacances, aux seules fins de se procurer de l' argent de poche, est également attesté par la perception, durant ces deux mois, des
allocations d' enfant à charge et des allocations scolaires par le père de la requérante.

28 Dans ces conditions, et conformément aux dispositions générales d' exécution du statut, le Tribunal estime que le fait de séjourner à Dusseldorf en vue d' y suivre une formation professionnelle ne permet pas, à lui seul et en l' absence d' autres éléments pertinents, de considérer que la requérante a entendu déplacer le centre permanent de ses intérêts de Bruxelles à Dusseldorf. La demande tendant à l' annulation de la décision attaquée en ce qu' elle fixe le lieu de recrutement de la requérante
à Bruxelles doit donc être déclarée non fondée.

Sur la fixation du lieu d' origine

29 Aux termes de l' article 7, paragraphe 3, du statut, "le lieu d' origine du fonctionnaire est déterminé, lors de l' entrée en fonctions de celui-ci, compte tenu du lieu de recrutement ou du centre de ses intérêts. Cette détermination pourra, par la suite, pendant que l' intéressé est en fonctions et à l' occasion de son départ, être révisée par décision spéciale de l' autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après 'AIPN' ). Toutefois, tant que l' intéressé est en fonctions, cette décision
ne peut intervenir qu' exceptionnellement et après production, par l' intéressé, de pièces justifiant dûment sa demande". A cet égard, il convient de rappeler que, lors de l' entrée en fonctions d' un fonctionnaire, son lieu d' origine est présumé être celui de son recrutement, selon la décision générale d' exécution de l' article 7, paragraphe 3, de l' annexe VII du statut. Cependant, aux termes de cette même disposition, à la demande du fonctionnaire, présentée dans un délai de un an suivant son
entrée en service et sur la base de pièces justificatives, son lieu d' origine est fixé au centre de ses intérêts, si ce dernier lieu ne coïncide pas avec le lieu de son recrutement.

30 Dans la présente espèce, le Tribunal constate que, dans la réclamation introduite le 29 janvier 1991 contre la décision du 29 octobre 1990, la requérante a demandé, pour la première fois, en application de la décision générale d' exécution et conformément aux dispositions statutaires susvisées, que son lieu d' origine soit fixé à Munich, c' est-à-dire en un lieu autre que son lieu de recrutement, fixé à Bruxelles dans cette même décision. Or, sur ce point, la réclamation doit être interprétée
comme une demande, au sens de l' article 90, paragraphe 1, du statut, adressée à l' AIPN en vue de déterminer le lieu d' origine de la requérante en un lieu autre que son lieu de recrutement, compte tenu du centre de ses intérêts, qui se situerait, en l' occurrence, à Munich.

31 A cet égard, il convient de rappeler que, en application de l' article 90, paragraphe 1, du statut, l' absence de réponse explicite à une demande à l' expiration d' un délai de quatre mois à partir du jour de son introduction, à savoir, en l' espèce, le 29 mai 1991, vaut décision implicite de rejet, susceptible de faire l' objet d' une réclamation dans un nouveau délai de trois mois, en vertu du paragraphe 2 de cet article.

32 En l' occurrence, le Tribunal constate que la requérante n' a pas introduit de réclamation administrative contre le refus implicite de l' AIPN de faire droit à sa demande dans le délai prescrit à cet effet par le statut. Il en résulte que le présent recours doit être déclaré irrecevable en ce qu' il se rapporte à la fixation du lieu d' origine en un lieu autre que le lieu de recrutement de la requérante.

33 Il s' ensuit que le présent recours, non fondé en ses trois premières branches et irrecevable en sa quatrième branche, doit être rejeté.

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

34 Lors de la procédure orale, la défenderesse a demandé que, en raison de l' enjeu financier prétendument dérisoire du présent litige, la requérante soit condamnée à supporter l' ensemble des dépens, en application de l' article 87, paragraphe 3, deuxième alinéa, du statut. Aux termes de cette disposition, le Tribunal peut condamner une partie, même gagnante, à rembourser à l' autre partie les frais qu' elle lui a fait exposer et qui sont jugés frustratoires ou vexatoires.

35 En l' occurrence, le Tribunal constate que l' appréciation de l' enjeu financier du litige par la défenderesse est manifestement erronée, compte tenu des implications financières de la décision attaquée. En outre, eu égard au fait que la détermination de la résidence habituelle de l' intéressée à un moment donné exigeait une appréciation délicate fondée sur un ensemble complexe d' éléments factuels, la demande de la requérante ne saurait être considérée comme superfétatoire ou abusive. Dès lors,
la demande de l' institution défenderesse ne peut être accueillie.

36 Aux termes de l' article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s' il est conclu en ce sens. Toutefois, selon l' article 88 du même règlement, les frais exposés par les institutions dans les recours des agents des Communautés restent à la charge de celles-ci. Il y a donc lieu, pour le Tribunal, de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Dispositif

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête:

1) Le recours est rejeté.

2) Chacune des parties supportera ses propres dépens.


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : T-63/91
Date de la décision : 10/07/1992
Type de recours : Recours de fonctionnaires - non fondé

Analyses

Fonctionnaires - Détermination du lieu de recrutement - Conditions d'octroi de l'indemnité journalière et de l'indemnité de dépaysement.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Elisabeth Benzler
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:1992:88

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