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21/05/1992 | CJUE | N°T-54/91

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal de première instance, Nicole Almeida Antunes contre Parlement européen., 21/05/1992, T-54/91


Avis juridique important

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61991A0054

Arrêt du Tribunal de première instance (quatrième chambre) du 21 mai 1992. - Nicole Almeida Antunes contre Parlement européen. - Fonctionnaires - Concours - Expérience professionnelle - Obligation de motivation de la décision de rejet d'une candidature - Obligation de respecter

les termes de l'avis de concours. - Affaire T-54/91.
Recueil de juri...

Avis juridique important

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61991A0054

Arrêt du Tribunal de première instance (quatrième chambre) du 21 mai 1992. - Nicole Almeida Antunes contre Parlement européen. - Fonctionnaires - Concours - Expérience professionnelle - Obligation de motivation de la décision de rejet d'une candidature - Obligation de respecter les termes de l'avis de concours. - Affaire T-54/91.
Recueil de jurisprudence 1992 page II-01739

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

++++

1. Fonctionnaires - Recrutement - Concours - Concours sur titres et épreuves - Refus d' admission aux épreuves - Décision faisant grief - Obligation de motivation - Portée

(Statut des fonctionnaires, art. 25, alinéa 2; annexe III, art. 5)

2. Fonctionnaires - Recrutement - Concours - Concours sur titres et épreuves - Conditions d' admission - Fixation par l' avis de concours - Pièces justificatives - Prise en compte par le jury des seules pièces déposées avant la date limite de dépôt des candidatures

(Statut des fonctionnaires, annexe III, art. 2)

Sommaire

1. L' obligation de motivation de toute décision individuelle prise en application du statut a pour but, d' une part, de fournir à l' intéressé les indications nécessaires pour savoir si la décision est ou non fondée et, d' autre part, de rendre possible le contrôle juridictionnel. S' agissant de la décision d' un jury de concours de ne pas admettre un candidat aux épreuves, il appartient au jury d' indiquer précisément quelles sont les conditions arrêtées dans l' avis de concours qui ont été jugées
non satisfaites par le candidat. Si, dans le cas d' un concours à participation nombreuse, le jury peut, dans un premier stade, se limiter à motiver le refus de façon sommaire et ne communiquer aux candidats que les critères et le résultat de la sélection, il est néanmoins tenu de fournir, ultérieurement, des explications individuelles à ceux des candidats qui le demandent expressément.

Cette exigence de motivation est satisfaite lorsque, dans la lettre adressée à un candidat non admis aux épreuves, le jury, après avoir procédé, à la demande de l' intéressé, au réexamen de sa candidature, précise que l' expérience professionnelle requise par l' avis de concours n' était pas intégralement justifiée à la date limite fixée par cet avis pour le dépôt des candidatures.

2. Bien que le jury d' un concours sur titres et épreuves dispose d' un pouvoir d' appréciation pour évaluer les titres et l' expérience professionnelle des candidats, il n' en demeure pas moins lié par les termes de l' avis de concours. En effet, cet avis a pour rôle essentiel d' informer les intéressés d' une façon aussi exacte que possible de la nature des conditions requises pour occuper le poste à pourvoir, afin de les mettre en mesure d' apprécier, d' une part, s' il y a lieu pour eux de faire
acte de candidature et, d' autre part, quelles pièces justificatives sont importantes pour les travaux du jury et doivent, par conséquent, être jointes à leur acte de candidature.

Le jury a uniquement pour obligation de tenir compte des pièces justificatives que les candidats doivent déposer avant la date limite fixée par l' avis de concours pour le dépôt des candidatures. Il n' est nullement tenu ni de parcourir tous les actes de candidature pour vérifier si toutes les pièces requises lui ont été transmises et d' inviter, le cas échéant, les intéressés à fournir des pièces supplémentaires, ni de prendre en considération des pièces versées après la date limite.

Parties

Dans l' affaire T-54/91,

Nicole Almeida Antunes, demeurant à Kayl (Luxembourg), représentée par Mes Jean-Noël Louis, Thierry Demaseure et Véronique Leclercq, avocats au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de la Fiduciaire Myson SARL, 1, rue Glesener,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par M. Jorge Campinos, jurisconsulte, et initialement par M. Roland Bieber, puis par M. François Vainker, membres du service juridique, en qualité d' agents, ayant élu domicile à Luxembourg au secrétariat général du Parlement européen, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet l' annulation de la décision du jury du concours général P/107/C refusant d' admettre la requérante aux épreuves de ce concours,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. R. García-Valdecasas, président, R. Schintgen et C. P. Briët, juges,

greffier: M. H. Jung

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 17 mars 1992,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

Les faits à l' origine du recours

1 La requérante, Mme Nicole Almeida Antunes, s' est portée candidate, en date du 7 juin 1990, au concours général PE/107/C organisé par le Parlement européen (ci-après "Parlement") pour la constitution d' une liste de réserve de recrutement de dactylographes de langue française, dont la carrière portait sur les grades 5 et 4 de la catégorie C.

2 L' avis de concours, publié au JO C 118 du 12 mai 1990, page 28, disposait quant aux conditions d' admission aux épreuves:

"III. Concours - Nature et conditions d' admission

...

A. Conditions générales

B. Conditions particulières

1. Titres, diplômes et/ou expérience professionnelle requis

a) Justifier avoir accompli des études de niveau moyen (secondaires inférieures, commerciales, techniques, professionnelles) sanctionnées par un diplôme, ou posséder une expérience professionnelle d' un niveau équivalent;

...

b) Posséder une expérience professionnelle en rapport avec la 'Nature des fonctions' visée au titre I, d' une durée d' au moins deux ans, acquise postérieurement au niveau exigé au point a) ci-avant.

Seront prises en considération au titre de l' expérience professionnelle les périodes de stage de spécialisation ou de perfectionnement ou les formations complémentaires en rapport avec les fonctions décrites au titre I, dûment attestées par des certificats ou diplômes."

3 Selon le titre I de l' avis de concours, les fonctions dont il s' agissait consistaient à exécuter des travaux courants de bureau comprenant, notamment, des travaux de dactylographie.

4 L' avis de concours comportait un titre V, intitulé "Réexamen des candidatures", dont le libellé était le suivant:

"Tout candidat a le droit de demander un réexamen de sa candidature s' il estime qu' une erreur a été commise. Dans ce cas il peut, dans un délai de 20 jours à compter de la date d' envoi de la lettre lui annonçant que sa candidature n' a pas été retenue (le cachet de la poste faisant foi), adresser une réclamation, en mentionnant le numéro du concours sur la lettre et sur l' enveloppe, au service du recrutement, Parlement européen, BAK 222, L-2929 Luxembourg.

Dans les 30 jours qui suivent la date d' envoi de la lettre du candidat demandant le réexamen (le cachet de la poste faisant foi), le jury réexamine alors le dossier, en tenant compte des observations du candidat."

5 Le titre VIII de l' avis de concours, publié au JO du 12 mai 1990, disposait que l' acte de candidature, accompagné des documents justificatifs, devrait être expédié au plus tard le 25 juin 1989. Le Tribunal, qui constate qu' en réalité il faut lire "25 juin 1990", considère qu' il s' agit là d' une erreur matérielle qui ne porte pas à conséquence, d' autant plus qu' aucune des parties n' en a fait état.

6 La requérante détient, outre le diplôme d' enseignement secondaire inférieur, correspondant en Belgique à des études de niveau moyen, le certificat de qualification de sixième année de l' enseignement secondaire et le certificat d' enseignement secondaire supérieur, desquels il résulte qu' elle a suivi un enseignement technique dans la section "Qualification", subdivision "OG secrétariat 20 h", ainsi que le diplôme d' aptitude à accéder à l' enseignement supérieur. Les trois derniers certificats
lui ont été délivrés le 30 juin 1987 par l' institut Marie José de Liège.

7 Par lettre-type du 4 mars 1991, le président du jury du concours a informé la requérante qu' elle n' avait pas été admise à participer aux épreuves, au motif suivant (voir point 7 de la lettre du 4 mars 1991):

"Manque d' une expérience professionnelle d' au moins deux ans (point III.B.1 de l' avis de vacance de concours)."

8 Par lettre du 18 mars 1991, la requérante a sollicité un réexamen de sa candidature. Elle a fourni, par ailleurs, des précisions quant aux différents emplois qu' elle avait précédemment occupés, à savoir du 1er octobre 1987 au 31 octobre 1988 auprès d' une société établie à Soumagne (Belgique); du 22 août 1988 au 12 novembre 1989 auprès d' un notaire de Liège; du 28 novembre 1989 au 31 octobre 1990, en qualité d' employée d' un bureau d' intérimaires de Luxembourg, auprès de la Commission des
Communautés européennes (ci-après "Commission"); depuis le 1er novembre 1990, en qualité d' agent auxiliaire, auprès de la Commission. Elle a notamment indiqué les différentes tâches qu' elle avait exercées auprès des différents employeurs.

9 Par lettre du 5 avril 1991, le président du jury a accusé réception de la lettre de réclamation du 18 mars 1991 et a informé la requérante de ce qui suit: "Au cours de sa réunion du 27 mars 1991 le jury a procédé au réexamen de votre dossier et a tenu compte de vos observations. J' ai le regret de vous informer qu' aucun élément ne lui a permis de revenir sur sa décision initiale, l' expérience professionnelle requise n' étant pas intégralement justifiée à la date limite de dépôt des
candidatures".

10 Par lettre du 10 avril 1991, la requérante a demandé au jury de réexaminer à nouveau sa candidature en insistant sur l' expérience professionnelle qu' elle avait acquise au cours des périodes allant du 1er octobre 1987 au 31 octobre 1988 et du 22 août 1988 au 12 novembre 1989, soit pendant 28 mois, et sur le fait qu' elle possédait un certificat de qualification de sixième année de l' enseignement secondaire attestant qu' elle avait suivi un enseignement technique.

11 La requérante soutient qu' aucune suite n' a été réservée à cette demande. Le défendeur, en revanche, affirme que, par lettre du 22 mai 1991, le président du jury a confirmé la décision du jury de ne pas admettre la requérante aux épreuves du concours. Le Parlement a déposé copie d' une lettre datée du 22 mai 1991, dans laquelle le président du jury informait la requérante que "chaque acte de candidature a fait l' objet d' un examen minutieux sur la base des dispositions de l' avis de concours"
et dans laquelle il lui "rappelait", en outre, que sa lettre n' avait pas valeur de réclamation.

La procédure

12 C' est dans ces conditions que, par requête déposée au greffe du Tribunal de première instance le 4 juillet 1991, la requérante a introduit le présent recours.

13 Après le dépôt du mémoire en défense, la requérante a renoncé à déposer un mémoire en réplique. Le défendeur a pareillement renoncé à déposer un mémoire en duplique.

14 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d' ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d' instruction préalables. Toutefois, par lettre de son greffier du 20 janvier 1992, le Tribunal a invité le défendeur à rapporter la preuve de la notification de la lettre du 22 mai 1991 à la requérante. Il a, en outre, invité les deux parties à préciser la date à laquelle la requérante avait déposé les différentes pièces à l' appui de son acte de candidature.

15 La procédure orale s' est déroulée le 17 mars 1992. Les représentants des parties ont été entendus en leur plaidoirie et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal.

16 Il s' est avéré, au vu des explications fournies par les parties, que la lettre du 22 mai 1991 a été expédiée par le Parlement, mais qu' elle n' a pas été reçue par la requérante, probablement en raison du fait que fin avril/début mai 1991, celle-ci avait quitté son ancien domicile et que, à la suite de ce déménagement, elle avait rencontré des problèmes de réception de son courrier.

17 Au cours de l' audience, il a été constaté, quant à la justification de l' expérience professionnelle proprement dite de la requérante, que celle-ci avait uniquement transmis au jury avec son acte de candidature, et donc avant la date limite prévue pour le dépôt des pièces justificatives, un certificat de travail concernant l' emploi qu' elle avait occupé à temps partiel, pendant la période du 1er octobre 1987 au 31 octobre 1988, auprès d' une société de Soumagne et un certificat concernant l'
emploi qu' elle avait occupé à temps plein, pendant la période du 22 août 1988 au 12 novembre 1989, auprès d' un notaire de Liège. Ce n' est qu' avec sa réclamation du 18 mars 1991 que la requérante a produit le certificat de travail, établi le 18 octobre 1990, concernant son activité pendant la période du 28 novembre 1989 au 31 octobre 1990 en tant qu' employée d' un bureau d' intérimaires de Luxembourg.

18 Par ailleurs, au cours de l' audience, les parties ont exprimé leur accord sur le fait que, avec son acte de candidature, la requérante avait déposé trois "formules provisoires" attestant qu' en date du 30 juin 1987 elle avait obtenu le "certificat de qualification de sixième année technique de qualification - groupe Économie", le certificat d' enseignement secondaire supérieur et le diplôme d' aptitude à accéder à l' enseignement supérieur. En revanche, les parties se trouvent en désaccord en ce
qui concerne la date à laquelle les diplômes définitifs eux-mêmes, mentionnés ci-avant au point 6, ont été déposés, la requérante soutenant les avoir transmis avec son acte de candidature et le défendeur soutenant les avoir reçus seulement avec la lettre du 18 mars 1991, dans laquelle la requérante a sollicité un réexamen de sa candidature.

19 La requérante conclut à ce qu' il plaise au Tribunal:

- annuler la décision du 5 avril 1991 du jury du concours général PE/107/C de ne pas l' admettre aux épreuves de ce concours;

- condamner le défendeur aux dépens.

20 Le défendeur conclut à ce qu' il plaise au Tribunal:

- déclarer le recours non fondé;

- statuer sur les dépens en conformité avec les dispositions applicables.

Sur le fond

21 La requérante a exposé à différentes reprises, lors de la procédure écrite et lors de la procédure orale, qu' elle invoque comme moyen unique à l' appui de sa demande le défaut de motivation de la décision attaquée. Néanmoins, elle a soutenu, dans le cadre de ce moyen et à la fin de l' exposé de ses arguments, que la décision est entachée également d' une erreur manifeste d' appréciation et a été prise en méconnaissance des conditions imposées par l' avis de concours. Le Tribunal estime, dès
lors, qu' il lui appartient d' examiner également la demande sous ce rapport.

Sur le moyen tiré de la violation de l' obligation de motivation

22 A l' appui de son recours, la requérante invoque la violation de l' article 25, deuxième alinéa, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après "statut"), aux termes duquel "toute décision individuelle prise en application du présent statut doit être communiquée par écrit, sans délai, au fonctionnaire intéressé. Toute décision faisant grief doit être motivée".

23 Se fondant sur la jurisprudence de la Cour et du Tribunal quant à l' obligation de motivation (voir arrêts de la Cour du 26 novembre 1981, Michel/Parlement, 195/80, Rec. p. 2861; conclusions de l' avocat général Mme Rozès sous l' arrêt de la Cour du 9 février 1984, Kohler/Cour des Comptes, 316/82 et 40/83, Rec. p. 667; arrêt du Tribunal du 20 mars 1991, Perez-Minguez Casariego/Commission, point 73, T-1/90, Rec. p. II-143), la requérante estime qu' en l' espèce il convient d' examiner, d' une
part, si la motivation de la décision attaquée lui fournit une indication suffisante pour savoir si la décision est bien fondée ou si elle est entachée d' un vice permettant d' en contester la légalité et, d' autre part, si la motivation de la décision permet au Tribunal d' exercer son contrôle sur la légalité de la décision.

24 La requérante fait valoir qu' elle avait transmis au jury du concours, avec son acte de candidature, une copie de l' ensemble des diplômes qui lui avaient été délivrés par l' institut Marie José de Liège ainsi que des certificats de travail concernant les emplois qu' elle avait occupés pendant les périodes du 1er octobre 1987 au 31 octobre 1988 et du 22 août 1988 au 12 novembre 1989. Il résulterait desdites pièces, d' une part, quant à la condition relative aux études, que la requérante
justifiait d' études de niveau moyen sanctionnées par un diplôme. Il en résulterait, d' autre part, quant à la condition relative à l' expérience professionnelle, que le jury aurait dû prendre en considération aussi bien l' expérience professionnelle dûment justifiée par les certificats de travail que les trois années de formation complémentaire en secrétariat accomplies par la requérante et justifiées par le certificat d' enseignement secondaire supérieur, formation qui était en rapport avec les
fonctions décrites dans l' avis de concours. La requérante ajoute que, à supposer même que les diplômes définitifs n' auraient pas été déposés dans le délai prévu par l' avis de concours, ses qualifications auraient été justifiées à suffisance par les seules "formules provisoires".

25 Selon la requérante, la motivation de la décision attaquée n' explique pas en quoi l' expérience professionnelle requise par l' avis de concours n' était pas intégralement justifiée à la date du dépôt de sa candidature ni les raisons pour lesquelles la formation complémentaire qu' elle avait suivie n' a pas été prise en compte.

26 Au cours de l' audience, la requérante a encore insisté sur le fait que le jury du concours s' est trompé en considérant que l' emploi qu' elle avait occupé à temps partiel auprès de la société de Soumagne était un emploi à mi-temps, alors qu' en réalité il s' était agi d' un travail exercé à trois quarts de temps. Si cette période d' activité avait été calculée d' une façon correcte, le jury aurait dû arriver à la conclusion que la requérante justifiait d' une expérience professionnelle d' une
durée totale de 24 mois, soit les deux années exigées par l' avis de concours, du seul fait des deux emplois occupés auprès de la société de Soumagne (trois quarts de treize mois) et du notaire de Liège (quinze mois).

27 La requérante conclut en faisant valoir que la décision attaquée est entachée d' un défaut ou, à tout le moins, d' une insuffisance de motivation, d' une erreur manifeste d' appréciation et a été prise en méconnaissance des conditions imposées par l' avis de concours.

28 Le défendeur renvoie, à titre liminaire, à la jurisprudence de la Cour quant à la finalité et la portée du devoir de motivation qui incombe à un jury de concours (voir arrêts du 8 mars 1988, Sergio/Commission, point 48, 64/86, 71/86 à 73/86 et 78/86, Rec. p. 1399; du 9 juin 1983, Verzyck/Commission, 225/82, Rec. p. 1991, et du 26 novembre 1981, Michel/Parlement, précité).

29 Il ajoute que, dans plusieurs arrêts, la Cour a admis que le jury d' un concours à participation nombreuse peut procéder en deux étapes dans l' exercice de son devoir de motivation (voir arrêts du 12 juillet 1989, Belardinelli/Cour de justice, 225/87, Rec. p. 2353; du 28 février 1989, Basch e.a./Commission, 100/87, 146/87 et 153/87, Rec. p. 447, et du 16 décembre 1987, Beiten/Commission, 206/85, Rec. p. 530; voir également les arrêts Michel/Parlement, Verzyck/Commission et Sergio/Commission,
précités).

30 Par ailleurs, à la suite de la réclamation introduite par la requérante le 18 mars 1991, le président du jury, dans sa réponse du 5 avril 1991, aurait fourni des explications individuelles en précisant que "l' expérience professionnelle requise (n' était) pas intégralement justifiée à la date limite de dépôt des candidatures". D' une lecture combinée de cette dernière réponse et de celle contenue dans la lettre du 4 mars 1991, il serait clairement ressorti que, selon l' avis du jury, la candidate
ne possédait pas les deux années d' expérience professionnelle requises.

31 Quant au mode de computation de la durée de l' expérience professionnelle acquise par la requérante, le défendeur expose qu' il n' a pris en considération que les certificats de scolarité et de travail déposés avant la date limite prévue pour le dépôt des candidatures. Les "formules provisoires", attestant que la requérante a obtenu le diplôme et les certificats dont elle se prévaut actuellement, n' auraient pas fourni d' indications suffisantes concernant l' objet des études poursuivies par la
requérante. Ce n' est qu' au moment où la requérante a versé le diplôme et les certificats définitifs concernant ses études que des éclaircissements sur l' objet de ces études auraient été fournis. Aussi le jury aurait-il appris à ce moment seulement que le certificat d' enseignement secondaire supérieur de la requérante porte la mention "secrétariat" et que son certificat de qualification de sixième année précise que cette formation s' est déroulée sur une année scolaire entière. Par conséquent, ce
serait à juste titre que le jury a refusé de prendre en considération ladite formation complémentaire. Par ailleurs, quant à l' expérience professionnelle proprement dite, le défendeur explique que, bien que les périodes de travail indiquées comme ayant été effectuées auprès du premier et du deuxième employeur coïncident pour la période du 22 août 1988 au 31 octobre 1988, c' est-à-dire pendant plus de deux mois, le jury a néanmoins reconnu 21,5 mois d' expérience professionnelle, à raison de treize
mois à mi-temps, soit six mois et demi, et de quinze mois à plein temps.

32 Le Tribunal relève que, selon une jurisprudence constante (voir arrêt du Tribunal du 13 décembre 1990, González Holguera/Parlement, points 42-45, T-115/89, Rec. p. II-831), l' obligation de motivation de toute décision individuelle prise en application du statut a pour finalité, d' une part, de fournir à l' intéressé les indications nécessaires pour savoir si la décision est ou non fondée et, d' autre part, de rendre possible le contrôle juridictionnel. Pour ce qui est plus particulièrement des
décisions de refus d' admission à concourir, la Cour a précisé qu' il est nécessaire, à cet effet, que le jury indique précisément quelles sont les conditions arrêtées dans l' avis de concours qui ont été jugées non satisfaites par le candidat (voir, par exemple, les arrêts du 30 novembre 1978, Salerno/Commission, 4/78, 19/78 et 28/78, Rec. p. 2403, et du 21 mars 1985, De Santis/Cour des comptes, 108/84, Rec. p. 947).

33 Il convient de relever également que, en cas de concours à participation nombreuse, une jurisprudence établie autorise le jury à se limiter, dans un premier stade, à motiver le refus de façon sommaire et à ne communiquer aux candidats que les critères et le résultat de la sélection (voir arrêt du 12 juillet 1989, Belardinelli/Cour de justice, précité).

34 Le Tribunal estime, compte tenu du fait qu' il s' agit en l' espèce d' un concours à participation nombreuse, que la décision du 4 mars 1991 qui fait état du "manque d' une expérience professionnelle d' au moins deux ans (point III.B.1 de l' avis de vacance de concours)" dans le chef de la requérante satisfait à l' obligation de motivation prescrite à l' article 25 du statut.

35 Néanmoins, conformément à la même jurisprudence, le jury du concours est tenu de fournir ultérieurement des explications individuelles à ceux des candidats qui le demandent expressément. En l' espèce, le Tribunal considère que la motivation donnée dans la décision du 5 avril 1991 ("l' expérience professionnelle requise n' étant pas intégralement justifiée à la date limite de dépôt des candidatures"), laquelle a été adoptée à la suite de la demande de réexamen, lue en combinaison avec la première
lettre du 4 mars 1991, a fourni à la requérante suffisamment d' indications sur les raisons du refus de son admission à participer au concours. En effet, il lui était clairement indiqué qu' à la date limite du dépôt des candidatures elle n' avait pas produit suffisamment de pièces justifiant une expérience professionnelle de deux ans. Le Tribunal considère que cette information a été suffisante pour permettre à la requérante d' apprécier si la décision était justifiée ou non et de décider s' il
était opportun d' introduire un recours en justice ainsi que pour permettre au Tribunal d' exercer son contrôle juridictionnel.

36 S' il est vrai que le défendeur a fourni dans son mémoire en défense des explications supplémentaires au sujet des modalités de computation des durées d' expérience professionnelle de la requérante et des pièces qui avaient été jointes à l' acte de candidature, on ne saurait en déduire pour autant que les explications antérieures étaient insuffisantes. Par ailleurs, on ne saurait exiger du jury d' un concours auquel plus de 2 000 personnes se sont portées candidates de contacter individuellement
chaque candidat aux fins de vérifier si toutes les pièces dont celui-ci aurait pu se prévaloir ou dont il a fait état dans son acte de candidature ont effectivement été déposées. De même, il n' appartient pas à un jury de concours, confronté à des pièces incomplètes ou ambiguës, tel en l' espèce le certificat attestant un emploi à temps partiel sans indication de la durée du travail, de contacter l' intéressé aux fins de clarifier les omissions et ambiguïtés.

37 Il suit de ces considérations que le moyen tiré du défaut ou de l' insuffisance de motivation doit être rejeté.

Sur le moyen tiré d' une erreur manifeste d' appréciation et de la méconnaissance des conditions imposées par l' avis de concours

38 A l' appui de ce moyen, la requérante s' est référée aux mêmes arguments que ceux exposés à l' appui du premier moyen. Le défendeur s' est également référé aux arguments qu' il avait exposés quant au premier moyen.

39 Le Tribunal considère que, dans le cadre du présent moyen, il convient de vérifier si le jury a méconnu la teneur des conditions d' admission aux épreuves prévues à l' avis de concours. Il est utile de rappeler, à cet égard, que, nonobstant son pouvoir d' appréciation, le jury est lié par le texte de l' avis de concours tel qu' il a été publié. En effet, le rôle essentiel de l' avis de concours, tel qu' il a été conçu par le statut, consiste à informer les intéressés d' une façon aussi exacte que
possible de la nature des conditions requises pour occuper le poste dont il s' agit, afin de les mettre en mesure d' apprécier, d' une part, s' il y a lieu pour eux de faire acte de candidature et, d' autre part, quelles pièces justificatives sont d' importance pour les travaux du jury et doivent, par conséquent, être jointes aux actes de candidature (voir arrêt du Tribunal du 28 novembre 1991, Van Hecken/CES, point 23, T-158/89, Rec. p. II-0000).

40 D' emblée, il y a lieu de relever que pour apprécier l' expérience professionnelle de la requérante, telle qu' elle était requise par l' avis de concours au point III.B.1.b), le jury avait uniquement pour obligation de tenir compte des pièces que les candidats étaient tenus de déposer avant la date limite fixée pour le dépôt des candidatures. Il n' était aucunement tenu ni de parcourir tous les actes de candidature pour vérifier si toutes les pièces requises avaient été transmises et d' inviter,
le cas échéant, les intéressés à verser des pièces supplémentaires ni de prendre en considération des pièces versées après cette date limite.

41 En l' espèce, le Tribunal constate qu' il est constant entre les parties que les certificats de travail et les "formules provisoires" visés ci-avant aux points 17 et 18 ont été déposés par la requérante avant la date limite.

42 La requérante a admis également que le certificat de travail concernant son activité auprès d' un bureau d' intérimaires pendant la période du 28 novembre 1989 au 31 octobre 1990, établi le 18 octobre 1990, a été déposé hors délai. Conformément à ce qui a été exposé ci-avant en ce qui concerne les obligations du jury quant à la prise en compte des pièces déposées par les candidats, le jury du concours litigieux n' était, par conséquent, pas tenu de prendre en considération la période de travail
susmentionnée.

43 Les parties restent cependant en désaccord quant au dépôt, avec l' acte de candidature, des trois diplômes, dûment officialisés, délivrés par l' institut Marie José de Liège le 30 juin 1987.

44 Il appartient à la requérante de rapporter la preuve qu' elle a satisfait à son obligation de déposer lesdites pièces dans le délai visé au titre VIII de l' avis de concours.

45 En l' espèce, le Tribunal constate qu' il n' existe aucun élément au dossier susceptible d' étayer les affirmations de la requérante à cet égard. Il y a, dès lors, lieu d' en conclure que le jury du concours n' avait pas à prendre en considération les indications supplémentaires figurant sur lesdits diplômes.

46 Quant aux "formules provisoires", le Tribunal constate qu' elles se limitent à attester que la requérante a obtenu, en date du 30 juin 1987, les diplômes et certificats susmentionnés sans spécifier ni l' enseignement que la requérante avait poursuivi ni la durée de ses études. Le fait que le cachet de l' institut Marie José, apposé en bas de page, porte, entre autres, la mention "Secrétariat - Comptabilité - Travaux de bureau" n' est pas, à lui seul, de nature à prouver que la requérante avait
suivi des cours de secrétariat.

47 Il suit de ces développements que la requérante n' avait pas apporté, au moment de la date limite fixée pour le dépôt des pièces, la preuve de la formation complémentaire dont elle fait état.

48 Il en résulte que les seules pièces que le jury était tenu de prendre en considération pour l' appréciation de l' expérience professionnelle de la requérante étaient les certificats de travail concernant son activité auprès de la société de Soumagne et du notaire de Liège.

49 Quant au premier certificat de travail, attestant que la requérante avait occupé pendant la période du 1er octobre 1987 au 31 octobre 1988 un emploi à temps partiel, le Tribunal constate qu' il ne porte aucune mention permettant de déterminer la durée exacte du travail journalier, hebdomadaire ou mensuel effectué par la requérante. L' affirmation faite à l' audience du Tribunal, suivant laquelle il se serait agi d' un emploi à trois quarts de temps, reste d' ailleurs également à l' état de pure
allégation. Il convient de relever que, dans l' acte de candidature, la requérante n' avait même pas précisé du tout qu' il s' agissait d' un temps partiel. Le Tribunal considère dès lors que, faute d' autres indications, le jury a pu raisonnablement assimiler le travail attesté à un travail à mi-temps et que le jury n' a pas commis d' erreur manifeste. La durée de travail de treize mois certifiée a, par conséquent, à bon droit, été prise en compte par le jury, au titre de l' expérience
professionnelle, comme une durée de travail à temps plein de six mois et demi.

50 Il résulte de l' ensemble de ces développements qu' à la date limite du dépôt des candidatures la requérante avait justifié de six mois et demi (société de Soumagne) et de quinze mois (notaire de Liège), soit un total de 21,5 mois d' expérience professionnelle, abstraction faite de ce qu' entre les dates du 22 août 1988 et du 31 octobre 1988 les deux périodes coïncidaient. L' avis de concours exigeant que le candidat possède une expérience professionnelle d' une durée d' au moins deux ans, le
jury du concours a, par conséquent, rejeté la candidature de la requérante sans commettre d' erreur d' appréciation ni violer les termes de l' avis de concours.

51 Il résulte de l' ensemble des considérations qui précèdent que le second moyen doit être écarté également.

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

52 Aux termes de l' article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s' il est conclu en ce sens. Toutefois, selon l' article 88 du même règlement, les frais exposés par les institutions dans les recours des agents des Communautés restent à la charge de celles-ci.

Dispositif

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête:

1) Le recours est rejeté.

2) Chacune des parties supportera ses propres dépens.


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : T-54/91
Date de la décision : 21/05/1992
Type de recours : Recours de fonctionnaires - non fondé

Analyses

Fonctionnaires - Concours - Expérience professionnelle - Obligation de motivation de la décision de rejet d'une candidature - Obligation de respecter les termes de l'avis de concours.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Nicole Almeida Antunes
Défendeurs : Parlement européen.

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:1992:65

Source

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