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11/05/1992 | CJUE | N°T-34/91

CJUE | CJUE, Ordonnance du Tribunal de première instance, Edward P. Whitehead contre Commission des Communautés européennes., 11/05/1992, T-34/91


Avis juridique important

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61991B0034

Ordonnance du Tribunal de première instance (troisième chambre) du 11 mai 1992. - Edward P. Whitehead contre Commission des Communautés européennes. - Irrecevabilité. - Affaire T-34/91.
Recueil de jurisprudence 1992 page II-01723

Sommaire
Parties
Motif

s de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

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1. F...

Avis juridique important

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61991B0034

Ordonnance du Tribunal de première instance (troisième chambre) du 11 mai 1992. - Edward P. Whitehead contre Commission des Communautés européennes. - Irrecevabilité. - Affaire T-34/91.
Recueil de jurisprudence 1992 page II-01723

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

++++

1. Fonctionnaires - Recours - Procédure administrative préalable - Déroulement

(Statut des fonctionnaires, art. 90 et 91)

2. Fonctionnaires - Recours - Conditions de recevabilité - Caractère d' ordre public - Pouvoirs du juge

(Statut des fonctionnaires, art. 90 et 91)

3. Fonctionnaires - Recours - Acte faisant grief - Notion - Acte préparatoire - Exclusion

(Statut des fonctionnaires, art. 90 et 91)

4. Fonctionnaires - Recours - Réclamation administrative préalable - Notion

(Statut des fonctionnaires, art. 90, § 2)

Sommaire

1. Les articles 90 et 91 du statut subordonnent la recevabilité du recours contentieux introduit par un fonctionnaire à la condition d' un déroulement régulier de la procédure administrative préalable, prévue par ces articles. Dans le cas où le fonctionnaire cherche à obtenir que l' autorité investie du pouvoir de nomination prenne une décision le concernant, la procédure administrative doit être introduite par une demande de l' intéressé, invitant ladite autorité à prendre la décision sollicitée,
conformément à l' article 90, paragraphe 1, du statut. C' est seulement contre la décision de rejet de cette demande, laquelle, à défaut de réponse de l' administration, est censée intervenir à l' expiration d' un délai de quatre mois, que l' intéressé peut saisir, dans un nouveau délai de trois mois, l' autorité investie du pouvoir de nomination d' une réclamation, conformément au paragraphe 2 de cet article. En revanche, lorsqu' il existe déjà une décision prise par l' autorité investie du pouvoir
de nomination et qu' elle constitue une décision faisant grief au fonctionnaire, celui-ci doit utiliser la procédure de la réclamation, prévue au paragraphe 2 de l' article 90, lorsqu' il entend demander l' annulation, la réformation ou le retrait de l' acte qui lui fait grief.

2. Les règles posées par les articles 90 et 91 du statut sont d' ordre public et les parties ne peuvent s' y soustraire. Il appartient donc au seul Tribunal, quelles que soient les prises de position des parties, de rechercher si, d' une part, un acte faisant grief au fonctionnaire est bien intervenu, constituant ainsi le point de départ de la phase précontentieuse prévue à l' article 90, paragraphe 2, du statut, et, d' autre part, de procéder à la qualification juridique des documents adressés par
l' agent à l' institution dont il dépend. En effet, la qualification d' une lettre de demande ou de réclamation relève de la seule appréciation du juge et non de la volonté des parties.

3. L' acte faisant grief est celui qui est susceptible d' affecter directement et immédiatement la situation juridique et statutaire d' un fonctionnaire. Un tel acte doit émaner de l' autorité investie du pouvoir de nomination et revêtir un caractère décisionnel.

Tel n' est pas le cas d' une note adressée à un fonctionnaire par son supérieur hiérarchique, et non par l' autorité investie du pouvoir de nomination, l' informant de sa prochaine réaffectation. Cette note s' analyse en une mesure préparatoire à la décision de réaffectation qui, adoptée par l' autorité compétente, constitue la décision faisant grief, contre laquelle il appartient à l' intéressé de former une réclamation administrative, dans les conditions prévues aux articles 90, paragraphe 2, et
91 du statut.

4. Pour qu' un acte d' un fonctionnaire puisse être qualifié de réclamation administrative préalable, au sens de l' article 90, paragraphe 2, du statut, il importe que, même sans se référer explicitement à cette disposition, il manifeste avec suffisamment de clarté la volonté de son auteur d' obtenir satisfaction sur ses griefs.

Tel n' est pas le cas d' une demande d' information et d' audition, adressée par un fonctionnaire à l' administration, qui, dépourvue des caractéristiques formelles d' une réclamation, n' a pas été transmise à l' autorité investie du pouvoir de nomination par la voie hiérarchique, contrairement aux prescriptions de l' article 90, paragraphe 3, du statut, et ne présente pas davantage le caractère d' une réclamation du point de vue de son contenu et de son objet.

Parties

Dans l' affaire T-34/91,

Edward P. Whitehead, demeurant à Bruxelles, représenté par Me Jean-Noël Louis, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l' étude de la Fiduciaire Myson SARL, 1, rue Glesener,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. Sean van Raepenbusch, membre du service juridique, agissant en qualité d' agent, ayant élu domicile à Luxembourg successivement auprès de M. Guido Berardis puis de M. Roberto Hayder, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d' une part, l' annulation de la décision de la Commission du 24 juillet 1990 portant réaffectation du requérant à Bruxelles et, d' autre part, l' annulation de la décision du 11 octobre 1990 portant retenue d' une somme de 13 115 BFR et faisant application à la rémunération du requérant, à partir du 1er octobre 1990, du coefficicient correcteur en vigueur à Bruxelles,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. B. Vesterdorf, président, C. Yeraris et J. Biancarelli, juges,

greffier: M. H. Jung

rend la présente

Ordonnance

Motifs de l'arrêt

Faits et procédure

1 M. Whitehead, de nationalité britannique, est fonctionnaire de grade A 4. Il est entré au service de la Commission des Communautés européennes (ci-après "Commission") en 1963 en qualité d' agent temporaire, dans le cadre d' un programme de recherche Euratom. Par décision du 26 mars 1965, il a été nommé fonctionnaire scientifique et rattaché à la direction générale recherche et enseignement, service biologie. Il a été titularisé par décision du 6 décembre 1965. Il relève, depuis le 1er juillet
1976, de la direction générale XII. Antérieurement affecté à la direction recherche-sécurité nucléaire, il dépend, depuis septembre 1990, de la direction "support à la politique scientifique et technique". Il a été successivement affecté à l' Institut national agronomique de Paris, puis, de 1968 à 1973, à l' Institut international de génétique et de biophysique de Naples et, enfin, du 15 juin 1973 au 31 août 1990, à l' Institut de chimie biologique de l' université de Rome, dans le cadre du
programme "radioprotection".

2 A partir de 1987, l' autorité budgétaire n' a cessé de réduire les crédits affectés à ce programme de recherche, dont les effectifs sont passés de 71 personnes en 1977 à 28 en 1991, ce qui, selon la Commission, conduirait à l' alternative suivante: soit réaffecter les personnels concernés à d' autres tâches scientifiques ou administratives, soit envisager avec eux une solution permettant de mettre fin à leurs activités, telle que le dégagement ou le congé pour convenance personnelle.

3 Le 19 décembre 1989, M. Tanzilli, chef de division, a fait savoir par note au requérant que celui-ci serait réaffecté à Bruxelles à compter de janvier 1990. Contrairement au contenu de cette note, l' intéressé n' a, cependant, pas été affecté à Bruxelles à compter du mois de janvier 1990. Selon la Commission, l' exécution de cette note a, en effet, été différée pour tenir compte des difficultés personnelles alléguées par le requérant, qui résulteraient, selon lui, d' une réaffectation à Bruxelles.

4 Par note du 24 juillet 1990, M. Tanzilli a avisé le requérant de sa réaffectation à Bruxelles, à compter du 1er septembre 1990, dans les termes suivants:

"Dear Mr. Whitehead,

Referring to the previous exchange of letters and to your recent telephone conversation with Mrs. Larsen, I confirm your assignment to DG XII-H-1, Brussels, as from 1st september 1990. You will take up duties with Mr. Bellemin' s team.

Would you kindly confirm receipt of this letter as soon as possible."

("Cher M. Whitehead,

Me référant à l' échange de courrier précédent et à l' entretien téléphonique que vous avez eu avec Mme Larsen, je vous confirme votre nouvelle affectation à la DG XII-H-1, Bruxelles, à partir du 1er septembre 1990. Vous exercerez vos responsabilités dans l' équipe de M. Bellemin.

Pourriez-vous accuser réception de cette lettre dans les meilleurs délais?").

L' intéressé a accusé réception de cette note le 25 juillet 1990.

5 Par décision du 25 septembre 1990, le directeur général de la DG XII, en sa qualité d' autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après "AIPN") a prononcé la réaffectation du requérant à Bruxelles, à compter du 1er septembre 1990. Selon le requérant, cette décision ne lui a pas été notifiée. Selon la Commission, cette décision a été présentée à trois reprises au requérant qui a refusé d' en accuser réception.

6 Le requérant a pris ses nouvelles fonctions à Bruxelles le 1er septembre 1990. Le 11 octobre 1990, il a adressé au chef de l' unité XII-B de la direction générale, avec copie au directeur général, une note dans laquelle, en particulier, après s' être référé aux "notes" précitées de M. Tanzilli en date du 19 décembre 1989 et du 24 juillet 1990, il faisait état des difficultés professionnelles et familiales provoquées par sa réaffectation de Rome à Bruxelles, il se plaignait de la gestion de sa
carrière par la Commission en déclarant considérer qu' il était encore affecté à Rome et, enfin, il sollicitait un entretien afin d' étudier les possibilités de continuer son travail de recherches à Rome, Frascati ou Ispra. Aucune suite n' a été réservée à cette note.

7 Par note du chef de l' unité "rémunération et crédits opérationnels" du 11 octobre 1990, le requérant a été avisé de la décision d' appliquer à sa rémunération, à compter du mois d' octobre 1990, le coefficient correcteur applicable à Bruxelles et de procéder à une retenue de 13 115 BFR, correspondant à un trop-perçu dû à l' application du coefficient correcteur en vigueur à Rome à sa rémunération versée au titre du mois d' octobre 1990.

8 Par lettre du 31 décembre 1990, le requérant a relevé qu' une retenue avait été effectuée sur sa rémunération du mois de décembre et a soutenu ignorer la base juridique ayant permis à la Commission d' effectuer une telle retenue, en faisant valoir que la décision portant réaffectation à Bruxelles ne lui avait pas été notifiée et que sa famille résidait toujours à Rome, lieu de sa résidence principale. Dès lors, il demandait qu' on veuille bien lui apporter une clarification sur ce point.

9 Le chef de l' unité "rémunérations et crédits opérationnels" a répondu à cette note par une lettre du 4 février 1991, adressée à la résidence de l' intéressé à Rome. Cette lettre attire l' attention du requérant sur le fait que, en application de l' article 64 du statut des fonctionnaires (ci-après "statut"), le traitement du fonctionnaire est affecté d' un coefficient correcteur qui tient compte des conditions de vie au lieu d' affectation. Elle lui précise que, depuis le 1er septembre 1990, son
lieu d' affectation est fixé à Bruxelles et qu' en conséquence le coefficient correcteur applicable à son traitement est égal à 100, alors que le coefficient correcteur applicable jusqu' alors était égal à 104,8. Elle ajoute que ce nouveau coefficient a été appliqué pour la première fois en octobre 1990. Il en est résulté un trop-perçu de 13 115 BFR, au titre du traitement perçu pour le mois d' octobre 1990.

10 Le requérant affirme n' avoir pris connaissance de cette lettre qu' à une date indéterminée, à l' occasion de l' un de ses séjours à Rome.

11 C' est dans ces conditions que le requérant a introduit le présent recours, enregistré au greffe du Tribunal le 13 mai 1991. Par acte déposé le 19 septembre 1991, il a expressément renoncé au dépôt d' un mémoire en réplique.

Les conclusions et moyens des parties

12 Le requérant conclut à ce qu' il plaise au Tribunal de décider et d' arrêter:

- la décision de la Commission du 24 juillet 1990 portant réaffectation du requérant à Bruxelles est annulée en ce qu' elle ne prévoit pas l' indemnisation de tous les dommages et préjudices qu' elle comporte pour le requérant;

- la décision du 11 octobre 1990 portant retenue d' une somme de 13 115 BFR et faisant application, à partir du 1er octobre 1990, du coefficient correcteur en vigueur à Bruxelles est annulée;

- la Commission est condamnée aux dépens.

13 La Commission conclut à ce qu' il plaise au Tribunal:

- rejeter le recours comme irrecevable ou, à tout le moins, comme non fondé;

- statuer sur les dépens comme de droit.

Sur la recevabilité du recours

14 Le requérant avance trois moyens au soutien de ses conclusions. Il soutient que les décisions attaquées sont entachées d' un défaut de motivation, que l' autorité administrative a méconnu le principe du devoir de sollicitude et qu' elle a méconnu l' article 38, sous d), du statut et le principe de l' égalité de traitement des fonctionnaires.

15 En vertu de l' article 111 du règlement de procédure, lorsque le recours est manifestement irrecevable, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d' ordonnance motivée. Le Tribunal (troisième chambre) estime qu' en l' espèce il est suffisamment informé par l' examen des pièces du dossier et qu' il n' y a pas lieu d' ouvrir la procédure orale.

En ce qui concerne la recevabilité des conclusions dirigées contre la note du 24 juillet 1990 annonçant à l' intéressé sa réaffectation à Bruxelles, à compter du 1er septembre 1990

16 Le requérant soutient que l' acte qui lui fait grief est la décision de le réaffecter à Bruxelles. Cet acte lui aurait été notifié par la note de M. Tanzilli, précitée, du 24 juillet 1990. Cette décision aurait été contestée par une note du 11 octobre 1990. Faute pour l' autorité administrative d' avoir répondu à cette note, celle-ci aurait été implicitement rejetée et le requérant serait recevable à en demander l' annulation.

17 La Commission soutient, quant à elle, que le recours est irrecevable en tant qu' il est dirigé contre la décision du 24 juillet 1990. En effet, cette décision ne serait qu' une mesure d' exécution de la décision de réaffectation du 19 décembre 1989, contenue dans une précédente note de M. Tanzilli, laquelle ne pouvait prêter à aucune confusion quant à la réaffectation à intervenir. Or, cette décision serait devenue définitive, faute d' avoir été contestée dans les délais précontentieux ou
contentieux. La Commission affirme que cette décision du 19 décembre 1989 de réaffecter l' intéressé à Bruxelles a été prise à l' issue d' un entretien entre le requérant et le directeur général de la direction générale XII, lequel est également l' AIPN, en vertu de la décision de la Commission du 11 mai 1989 sur la décentralisation de certains pouvoirs en matière de gestion du personnel en faveur des directeurs généraux, publiée au bulletin d' informations administratives n 597 du 21 juin 1989. Par
suite, le requérant ne serait pas recevable à contester la décision du 19 décembre 1989, à l' occasion d' un recours dirigé contre une mesure prise pour son exécution. En tant qu' elles sont dirigées contre la décision du 24 juillet 1990, les conclusions du recours, qui ne contestent pas la date d' effet de la mesure de réaffectation mais le principe de cette dernière, seraient donc irrecevables, puisque cette décision serait, sur ce point, purement confirmative de la décision du 19 décembre 1989
(arrêts de la Cour du 2 juillet 1969, Renckens/Commission, 27/68, Rec. p. 255, et du 28 mai 1980, Kuhner/Commission, 33/79 et 35/79, Rec. p. 1677; ordonnance de la Cour du 16 juin 1988, Progoulis/Commission, 372/87, Rec. p. 3091; ordonnance du Tribunal du 7 juin 1991, Weyrich/Commission, T-14/91, Rec. p. II-0000).

18 Face à cette argumentation des parties, le Tribunal estime qu' il convient de rappeler que les articles 90 et 91 du statut subordonnent la recevabilité du recours contentieux introduit par un fonctionnaire contre l' institution à laquelle il appartient à la condition d' un déroulement régulier de la procédure administrative préalable, prévue par ces articles (ordonnance de la Cour du 4 juin 1987, P./CES, 16/86, Rec. p. 2409, et ordonnance du Tribunal du 7 juin 1991, précitée). Dans le cas où le
fonctionnaire cherche à obtenir que l' AIPN prenne, à son égard, une décision, la procédure administrative doit être introduite par une demande de l' intéressé invitant ladite autorité à prendre la décision sollicitée, conformément à l' article 90, paragraphe 1, du statut. C' est seulement contre la décision de rejet de cette demande, laquelle, à défaut de réponse de l' administration, est censée intervenir à l' expiration d' un délai de quatre mois, que l' intéressé peut saisir, dans un nouveau
délai de trois mois, l' AIPN d' une réclamation, conformément au paragraphe 2 de cet article. En revanche, lorsqu' il existe déjà une décision prise par l' AIPN et qu' elle constitue une décision faisant grief au fonctionnaire, il est clair qu' une demande, au sens de l' article 90, paragraphe 1, n' aurait aucun sens et que le fonctionnaire doit alors utiliser la procédure de la réclamation, prévue à l' article 90, paragraphe 2, lorsqu' il entend demander l' annulation, la réformation ou le retrait
de l' acte qui lui fait grief (ordonnance du Tribunal du 7 juin 1991, Weyrich/Commission, précitée).

19 Ces règles sont d' ordre public et les parties ne peuvent s' y soustraire (arrêt de la Cour du 19 février 1981, Shiavo/Conseil, 122/79 et 123/79, Rec. p. 473). Il appartient donc au seul Tribunal, quelles que soient les prises de position des parties, de rechercher si, dans la présente espèce, d' une part, un acte faisant grief au fonctionnaire est bien intervenu, constituant ainsi le point de départ de la phase précontentieuse prévue à l' article 90, paragraphe 2, du statut, et, d' autre part,
de procéder à la qualification juridique des lettres adressées à la Commission par le requérant. En effet, comme l' a jugé le Tribunal dans l' arrêt du 20 mars 1991, Perez-Minguez Casariego/Commission (T-1/90, Rec. p. II-143), la qualification d' une lettre du requérant de demande ou de réclamation relève de la seule appréciation du juge et non de la volonté des parties. A la lumière de ces principes, il convient de rechercher si, dans les circonstances de l' espèce, l' AIPN a adopté à l' égard du
requérant une décision susceptible de lui faire grief et, en cas de réponse affirmative, si celui-ci a initié à l' encontre de ladite décision la procédure de réclamation préalable obligatoire, prévue par les articles 90, paragraphe 2, et 91 du statut. Il convient, en outre, de vérifier que les délais prévus par lesdites dispositions ont été respectés.

20 Selon le requérant, la décision attaquée, à l' encontre de laquelle il pouvait valablement former réclamation, conformément aux dispositions des articles 90, paragraphe 2, et 91 du statut, serait constituée par la note, précitée, de M. Tanzilli du 24 juillet 1990. La Commission, tout en soutenant que cet acte revêt un caractère purement confirmatif, n' a pas contesté qu' il présentait le caractère d' une décision.

21 A cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, l' acte faisant grief est celui qui est susceptible d' affecter directement et immédiatement la situation juridique et statutaire du fonctionnaire (voir, en dernier lieu, les arrêts du 14 juillet 1976, Hirschberg/Commission, 129/75, Rec. p. 1259, et du 21 janvier 1987, Stroghili/Cour des comptes, 204/85, Rec. p. 389, et l' ordonnance du 16 juin 1988, Progoulis/Commission, précitée). Le fait que l' acte en
litige émane de l' AIPN constitue, selon une jurisprudence constante, un indice de ce qu' il est susceptible d' affecter la situation statutaire de l' agent (arrêts de la Cour du 1er février 1979, Deshormes/Commission, 17/78, Rec. p. 189, et du 20 novembre 1980, Gerin/Commission, 806/79, Rec. p. 3515; ordonnance de la Cour du 4 octobre 1979, Ooms/Commission, 48/79, Rec. p. 3121). En outre, il convient de s' attacher à l' examen du contenu même de l' acte, afin de rechercher s' il présente bien un
caractère décisionnel.

22 En l' espèce, l' AIPN est le directeur général de la DG XII, en vertu de la décision susmentionnée de la Commission du 11 mai 1989 sur la décentralisation de certains pouvoirs en matière de gestion du personnel en faveur des directeurs généraux. Ainsi, la note signée le 24 juillet 1990 par M. Tanzilli, chef de division, n' émane pas de l' AIPN. Par ailleurs, du point de vue de son contenu, cette note se présente comme une simple lettre d' information, précisant à l' intéressé qu' une mesure de
réaffectation à Bruxelles sera prise à son égard, avec effet au 1er septembre 1990. Cette mesure est effectivement intervenue le 25 septembre 1990, sous la signature de l' autorité compétente et sous la forme d' une véritable décision. Le Tribunal estime donc que seul l' acte du 25 septembre 1990 présente le caractère d' une décision faisant grief et susceptible, dès lors, de faire l' objet d' une réclamation, dans les conditions prévues aux articles 90, paragraphe 2, et 91 du statut, préalablement
à l' introduction de tout recours juridictionnel. Or, le Tribunal relève que les conclusions du recours ne sont nullement dirigées contre ladite décision, à l' encontre de laquelle, en tout état de cause, le requérant n' a pas mis en oeuvre la procédure de réclamation préalable susanalysée. Dès lors, les conclusions de la requête sur ce point, lesquelles sont dirigées contre une mesure préparatoire à la décision prise par l' AIPN le 25 septembre 1990, ne sont pas recevables.

23 De toute façon, en admettant même, quod non, qu' on retienne la thèse du requérant selon laquelle la note d' information qui lui a été adressée le 24 juillet 1990 devrait s' analyser comme une décision faisant grief, il conviendrait alors de relever que les conclusions de la requête sur ce point devraient être rejetées pour inobservation de la procédure précontentieuse. En effet, le Tribunal estime que la note, susanalysée, adressée par le requérant au directeur dont il dépend, avec copie au
directeur général, le 11 octobre 1990 ne saurait être qualifiée de réclamation au sens des articles 90 et 91 du statut. Pour qu' un acte d' un fonctionnaire puisse être qualifié de réclamation au sens de ces dispositions, il est, en effet, nécessaire que, même sans faire une référence explicite auxdites dispositions, il manifeste avec suffisamment de clarté la volonté de l' agent d' obtenir satisfaction sur ses griefs (arrêts de la Cour du 28 mai 1970, Lacroix/Commission, 30/68, Rec. p. 301; du 7
juillet 1971, Muellers/CES, 79/70, Rec. p. 689, et du 22 novembre 1972, Thomik/Commission, 19/72, Rec. p. 1155).

24 En l' espèce, l' analyse de la note du 11 octobre 1990 montre qu' il s' agissait d' une simple demande d' audition formée par le requérant, qui souhaitait recueillir des informations relatives à sa nouvelle situation. A cet égard, le Tribunal relève, en particulier, que les paragraphes introductif et conclusif de cette demande de rendez-vous auprès du directeur sont ainsi rédigés:

"Urgent: Dr. Tanzilli' s notes of 19/12/89 and 24/7/90 to me (copies enclose).

Dear Mr G.,

I am writing to you as director, DG XII-B to request an urgent meeting in order to clarify what appears to be an irregular situation arising as consequence of the above communications, as well as to discuss the underlying problems as illustrated below.

...

The meeting I am urgently requesting with you should therefore also deal with possibilities of me continuing research work in Rome or Frascati where the CCE has many research contracts, and in second place possibilities of development of scientific work at CCR Ispra."

(("Urgent: notes des 19/12/89 et 24/7/90 qui m' ont été adressées par le Dr Tanzilli (copies en annexe).

Cher M. G.,

Je vous écris en votre qualité de directeur de la DG XII-B pour solliciter une réunion urgente afin d' éclaircir une situation qui paraît être irrégulière, établie par les notes indiquées ci-avant, ainsi que discuter des problèmes sous-jacents, exposés ci-après.

...

Le rendez-vous que je sollicite d' urgence devrait, dès lors, également porter sur les possibilités de confirmer mon travail de recherches à Rome ou à Frascati, où les Communautés ont de nombreux contrats de recherche et, en second lieu, sur les possibilités de développement des activités scientifiques auprès du centre commun de recherches d' Ispra."))

25 Ne présentant pas le caractère d' une réclamation du point de vue de son contenu et son objet, cette demande d' information et d' audition du 11 octobre 1990 n' en présentait pas davantage les caractéristiques formelles et n' a d' ailleurs pas été adressée à l' AIPN par la voie hiérarchique, contrairement aux prescriptions de l' article 90, paragraphe 3, du statut. Le Tribunal constate d' ailleurs que le requérant ne soutient pas expressément avoir formé une réclamation. En particulier, dans son
recours contentieux, il qualifie cette demande d' entretien, formée auprès de son supérieur hiérarchique, de "note" du 11 octobre 1990 et non pas de réclamation.

26 Au surplus, et en tout état de cause, si on devait considérer, quod non, que la note du 11 octobre 1990 constitue une demande au sens de l' article 90, paragraphe 1, du statut, il conviendrait alors de relever que cette demande n' a pas été suivie d' une réclamation dirigée contre la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par la Commission pendant quatre mois et que, dès lors, le présent recours n' a pas été précédé d' une procédure précontentieuse régulière.

27 Il résulte de ce qui précède que les conclusions de la requête tendant à l' annulation de la note du 24 juillet 1990 ne sont pas recevables, dès lors que, d' une part, ladite note ne présente pas le caractère d' un acte faisant grief et que, d' autre part, et en tout état de cause, le requérant n' a pas saisi l' autorité administrative, préalablement à l' introduction de son recours contentieux, d' une véritable réclamation, dans les conditions prévues par les articles 90 et 91 du statut, sans
même qu' il soit besoin pour le Tribunal d' examiner la fin de non-recevoir soulevée par la Commission.

En ce qui concerne la recevabilité des conclusions dirigées contre l' acte du 11 octobre 1990 portant application à la rémunération du requérant du coefficient correcteur applicable à Bruxelles

28 La note adressée au requérant le 11 octobre 1990 par le chef de l' unité "rémunération et crédits opérationnels" l' avise que le coefficient correcteur applicable à Rome a été appliqué à tort au traitement d' octobre 1990 et qu' en conséquence une retenue sera opérée sur le traitement du mois de décembre 1990, pour un montant de 13 115 BFR, correspondant au trop-perçu. Le Tribunal estime qu' un tel acte, qui modifie la situation pécuniaire de l' agent, affecte sa situation juridique et constitue
une décision faisant grief (arrêt de la Cour du 8 février 1973, Goeth/Commission, 56/72, Rec. p. 181).

29 Le requérant soutient que cette décision a été contestée par une réclamation du 31 décembre 1990, à laquelle il a été répondu par lettre du 4 février 1991, dont il a pris connaissance à une date indéterminée. Le requérant serait donc recevable à introduire un recours en annulation contre ladite décision.

30 La Commission n' a pas soulevé de fin de non-recevoir à l' encontre de ce chef de conclusions et n' a pas contesté la qualification de réclamation, au sens de l' article 90, paragraphe 2, du statut, de la note du requérant en date du 31 décembre 1990, à laquelle elle a répondu le 4 février 1991.

31 Comme il a été dit précédemment, il appartient au Tribunal d' examiner d' office la recevabilité de ce second chef de conclusions et de procéder à la qualification juridique de la lettre du requérant du 31 décembre 1990, laquelle relève de la seule appréciation du juge et non de la volonté des parties.

32 Comme à propos de la note du requérant du 11 octobre 1990, susanalysée, le Tribunal relève que la note adressée au chef de l' unité "rémunérations et crédits opérationnels" par le requérant le 31 décembre 1990, concernant la décision prise, à son égard, par ce dernier le 11 octobre 1990, ne peut être qualifiée de réclamation au sens des articles 90 et 91 du statut, faute pour cette demande de manifester suffisamment clairement la volonté du fonctionnaire d' obtenir satisfaction sur ses griefs. En
effet, dans cette note, le requérant se borne à relever qu' une retenue a été effectuée sur sa rémunération du mois de décembre 1990 et à souligner que, faute pour lui d' avoir reçu notification d' une décision de l' AIPN prononçant sa réaffectation à Bruxelles, il se considère toujours en détachement à Rome, lieu de sa résidence principale où vit sa famille. En conclusion, l' intéressé demande à l' autorité administrative des éclaircissements sur sa situation. Le paragraphe conclusif de cette note
est ainsi rédigé:

"I would be grateful if you would kindly give me a clarification of this point" ("Je vous saurais gré de bien vouloir m' expliquer ce point").

33 Une telle demande d' éclaircissements ne peut, en raison de son contenu et de sa forme, être qualifiée de réclamation, au sens de l' article 90, paragraphe 2, du statut. Il ressort d' ailleurs de la réponse de la Commission du 4 février 1991 que celle-ci n' a pas traité cette note du requérant comme une réclamation. Cette lettre ne saurait davantage être regardée comme une demande, dès lors qu' une décision est bien intervenue et que, comme il a été dit plus haut (voir ci-avant, point 18),
lorsqu' il existe déjà une décision prise par l' AIPN, il est clair qu' une demande, au sens de l' article 90, paragraphe 1, n' aurait aucun sens et que le fonctionnaire doit alors utiliser la procédure de la réclamation, prévue à l' article 90, paragraphe 2, lorsqu' il entend demander l' annulation, la réformation ou le retrait de l' acte qui lui fait grief.

34 Dès lors, faute de réclamation précontentieuse formée, dans les conditions prévues par ces dernières dispositions, devant l' autorité administrative, les conclusions du recours tendant à l' annulation de la décision du 11 octobre 1991 ne sont pas davantage recevables.

35 Il résulte de l' ensemble de ce qui précède que le recours doit être rejeté pour irrecevabilité manifeste.

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

36 Aux termes de l' article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. Toutefois, en vertu de l' article 88 du même règlement, les frais exposés par les institutions dans les recours des agents des Communautés restent à la charge de celles-ci.

Dispositif

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

ordonne:

1) Le recours est rejeté comme irrecevable.

2) Chacune des parties supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 11 mai 1992.


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : T-34/91
Date de la décision : 11/05/1992
Type de recours : Recours de fonctionnaires - irrecevable

Analyses

Irrecevabilité.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Edward P. Whitehead
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:1992:64

Source

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