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10/04/1992 | CJUE | N°T-40/91

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal de première instance, Agostino Ventura contre Parlement européen., 10/04/1992, T-40/91


Avis juridique important

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61991A0040

Arrêt du Tribunal de première instance (cinquième chambre) du 10 avril 1992. - Agostino Ventura contre Parlement européen. - Conditions de nomination d'un fonctionnaire stagiaire. - Affaire T-40/91.
Recueil de jurisprudence 1992 page II-01697

Sommaire
Parties


Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

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Avis juridique important

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61991A0040

Arrêt du Tribunal de première instance (cinquième chambre) du 10 avril 1992. - Agostino Ventura contre Parlement européen. - Conditions de nomination d'un fonctionnaire stagiaire. - Affaire T-40/91.
Recueil de jurisprudence 1992 page II-01697

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

++++

Fonctionnaires - Qualité de fonctionnaire - Conditions d' acquisition non remplies à défaut d' une nomination régulière - Inapplicabilité des dispositions statutaires relatives au stage

Sommaire

Le lien juridique qui unit le fonctionnaire à l' administration étant de nature statutaire et non pas contractuelle, la nomination et la titularisation d' un fonctionnaire ne peuvent intervenir que dans les formes et conditions prévues par le statut.

Conformément à l' article 3 du statut, la nomination d' un fonctionnaire trouve nécessairement son origine dans un acte unilatéral de l' autorité investie du pouvoir de nomination précisant la date à laquelle cette nomination prend effet ainsi que l' emploi auquel le fonctionnaire est affecté.

A défaut d' une décision de nomination en bonne et due forme émanant de l' autorité investie du pouvoir de nomination compétente, l' intéressé ne peut se prévaloir des dispositions statutaires applicables au stage.

Parties

Dans l' affaire T-40/91,

Agostino Ventura, ancien agent auxiliaire du Parlement européen, demeurant à Mamer (Luxembourg), représenté par Me Carlo Revoldini, avocat au barreau de Luxembourg, ayant élu domicile à Luxembourg en son étude, 21, rue Aldringen,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par M. Jorge Campinos, jurisconsulte, et MM. Manfred Peter et José Luis Rufas Quintana, membres du service juridique, en qualité d' agents, ayant élu domicile à Luxembourg au secrétariat général du Parlement européen, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet l' annulation de la décision du Parlement européen du 30 juillet 1990 refusant de procéder à la nomination du requérant en qualité de fonctionnaire stagiaire de catégorie D,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. K. Lenaerts, président, H. Kirschner et D. Barrington, juges,

greffier: M. H. Jung

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 12 mars 1992,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

Les faits à l' origine du recours et le déroulement de la procédure administrative

1 Après avoir participé avec succès aux épreuves du concours général PE/2/D, organisé par le Parlement européen (ci-après "Parlement"), le requérant a été inscrit sur la liste de réserve établie à l' issue de ce concours en vue du recrutement d' "agents et ouvriers qualifiés" (option n 6 - Agents chargés de différents travaux de manutention). La validité de cette liste de réserve, pour autant qu' elle concernait l' option choisie par le requérant, a été prorogée à plusieurs reprises, jusqu' au 30
juin 1989.

2 A la suite de la publication, le 8 janvier 1990, de l' avis de vacance n 6143 concernant un emploi d' agent qualifié (F/M) (carrière D 3/2) auprès de la direction générale III Information et relations publiques du Parlement (ci-après "DG III"), avec affectation à Paris, le requérant a déposé son acte de candidature le 9 janvier 1990.

3 Selon les affirmations du Parlement, le directeur général de la DG III a retenu la candidature du requérant et a proposé, le 18 février 1990, sa nomination en qualité de fonctionnaire stagiaire au poste visé par l' avis de vacance susmentionné, avec effet au 1er avril 1990.

4 Le 13 mars 1990, le secrétaire général du Parlement a décidé, après avoir recueilli l' avis favorable unanime de la Commission paritaire, de proroger rétroactivement la validité de la liste de réserve issue du concours PE/2/D, pour la période allant du 1er juillet 1989 au 30 juin 1990.

5 Le 20 mars 1990, le requérant a subi l' examen médical, prévu par l' article 33 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après "statut"). Il a pris ses nouvelles fonctions le 1er avril 1990.

6 Au moment de sa prise de fonctions à Paris, le requérant était agent auxiliaire (free-lance) du Parlement à Luxembourg. Son contrat d' emploi, conclu le 15 janvier 1990, devait normalement expirer le 30 avril 1990, soit un mois après sa prise de fonctions dans sa nouvelle affectation.

7 Par lettre du 30 juillet 1990, M. Van den Berge, directeur général du personnel, du budget et des finances a informé le requérant qu' il ne serait pas procédé à sa nomination en qualité de fonctionnaire et qu' il serait mis fin à son engagement. Cette lettre se lit comme suit:

"Compte tenu, d' une part, des objections formulées par le contrôle financier et, d' autre part, des observations négatives contenues dans les notes que m' ont adressées vos supérieurs hiérarchiques de la DG III portant sur votre comportement professionnel, le secrétaire général a décidé de ne pas proposer au président de passer outre au refus de visa du contrôle financier. Votre nomination comme fonctionnaire ne pourra donc avoir lieu.

Comme vous avez toutefois exercé effectivement les fonctions pour lesquelles votre nomination était envisagée, ce depuis le 1er avril 1990, cette période d' activité sera couverte par un contrat d' agent auxiliaire jusqu' au 31 août prochain en prolongement du contrat que vous aviez auparavant."

8 Il apparaît des documents versés au dossier par le Parlement que, le 28 mai 1990, le contrôleur financier avait refusé d' accorder son visa au projet de nomination du requérant en qualité d' agent qualifié (D 3, échelon 3) stagiaire aux motifs, d' une part, que la prorogation rétroactive de la liste de réserve issue du concours PE/2/D était illégale et, d' autre part, que le requérant n' était pas placé en ordre utile sur cette liste, puisqu' il figurait en 110e position sur 125 lauréats dudit
concours.

9 Faisant suite à la décision du 30 juillet 1990, le Parlement a fait parvenir au requérant le texte d' un contrat d' agent auxiliaire daté du 11 juillet 1990, signé par le représentant du Parlement et visé par le contrôle financier, portant sur la période allant du 1er mai 1990, date qui correspondait à la fin des engagements précédents du requérant, au 31 août 1990. Un avenant également daté du 11 juillet 1990 stipulait qu' à partir du 1er avril 1990, le requérant serait affecté à la direction
générale de l' information et des relations publiques, au bureau d' information de Paris, mais qu' il ne serait pas autrement dérogé aux clauses et conditions du contrat d' agent auxiliaire du 15 janvier 1990.

10 Il est constant entre les parties que le requérant n' a signé aucun de ces deux documents. Il apparaît des documents déposés par le requérant à la suite de la procédure orale, qu' au cours de la période allant du 1er mai 1990 au 31 août 1990, celui-ci a perçu des avances mensuelles dont le montant correspondait à la rémunération d' un agent auxiliaire. Ces avances ont été allouées sous réserve d' un décompte final ultérieur.

11 Le 29 octobre 1990, le requérant a saisi l' autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après "AIPN") d' une réclamation au titre de l' article 90, paragraphe 2, du statut à l' encontre de la décision du 30 juillet 1990, précitée. Dans une lettre du 19 avril 1991, adressée à M. Vinci, secrétaire général du Parlement, le requérant a répété les motifs de cette réclamation et a sollicité la "continuation de son stage de fonctionnaire".

12 Le 22 avril 1991, M. Vinci, secrétaire général du Parlement, a rejeté la réclamation du requérant, confirmant ainsi la décision du 30 juillet 1990.

La procédure et les conclusions des parties

13 Par requête, enregistrée au greffe du Tribunal le 29 mai 1991, le requérant a formé un recours à l' encontre de la décision du secrétaire général du Parlement du 22 avril 1991, rejetant la réclamation qu' il avait introduite à l' encontre de la décision du directeur général du personnel, des finances et du budget du 30 juillet 1990, aux termes de laquelle ce dernier avait refusé de procéder à sa nomination en qualité de fonctionnaire stagiaire, affecté à un emploi d' agent qualifié.

14 La procédure écrite a suivi un cours normal et s' est terminée le 13 décembre 1991.

15 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a invité le Parlement, le 12 février 1992, à préciser, au sujet de la liste de réserve issue du concours général PE/2/D, le nombre d' options existantes et leur date d' expiration respective. Par lettre du 28 février 1992, le Parlement a déféré à cette demande.

16 Le Tribunal a, sur rapport du juge rapporteur, décidé d' ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d' instruction préalables.

17 Faisant suite à une invitation du Tribunal au cours de la procédure orale du 12 mars 1992, le requérant a déposé le 13 mars 1992 cinq documents relatifs aux modalités selon lesquelles lui a été versée sa rémunération pour la période allant du 1er avril 1990 au 1er août 1990.

18 Le requérant conclut à ce qu' il plaise au Tribunal:

- dire le présent recours recevable;

- dire qu' il y a eu violation de l' article 34 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes;

- dire qu' il y a eu tentative de détournement dudit statut des fonctionnaires par transformation non autorisée d' un contrat d' emploi de stagiaire fonctionnaire en contrat d' emploi d' agent auxiliaire;

- en conséquence, réintégrer le requérant dans ses fonctions de fonctionnaire stagiaire en qualité d' agent qualifié de la carrière D 3/2;

- condamner le Parlement européen à tous les frais et dépens de l' instance.

19 Le Parlement, pour sa part, conclut à ce qu' il plaise au Tribunal:

- rejeter le recours au fond quant à toutes les demandes;

- statuer sur les dépens en conformité avec les dispositions applicables.

Sur les conclusions tendant à l' annulation de l' acte attaqué

20 A l' appui de son recours en annulation, le requérant invoque deux moyens, tirés respectivement de la violation de l' article 34 du statut ainsi que d' un détournement des principes régissant les contrats d' emploi liant les institutions et leurs agents.

Quant au premier moyen tiré de la violation de l' article 34 du statut

21 Le requérant maintient qu' à la suite de l' acceptation de sa candidature à l' emploi déclaré vacant par l' avis n 6143, il a régulièrement entamé, le 1er avril 1990, la période de stage prévue à l' article 34 du statut. Selon le requérant, le fait d' accomplir ledit stage aurait normalement dû aboutir à sa nomination en tant que fonctionnaire.

22 Sur ce point, le requérant prétend que l' article 34 du statut a été enfreint, en premier lieu, en ce que, d' une part, son stage a été interrompu le 31 août 1990, soit quatre mois après son début, alors que l' article 34, paragraphe 1, du statut prescrit un stage d' une durée de six mois pour les fonctionnaires de catégorie D, et en ce que, d' autre part, la procédure prévue au paragraphe 2 dudit article 34 n' a pas été respectée, aucun rapport de stage n' ayant été établi ni ne lui ayant été
communiqué.

23 En second lieu, le requérant avance que les "observations négatives contenues dans des notes que (ses) supérieurs hiérarchiques avaient adressées au secrétaire général du Parlement", qui étaient mentionnées dans la décision du 30 juillet 1990, ne peuvent aucunement être assimilées à un rapport de stage régulièrement établi et communiqué à l' intéressé pour observations éventuelles. De l' avis du requérant, cette irrégularité a porté atteinte à ses droits de fonctionnaire stagiaire.

24 En tout état de cause, le requérant note que la lettre du secrétaire général du Parlement du 22 avril 1991, rejetant sa réclamation du 29 octobre 1990, n' invoque plus ces notes négatives. Par suite, le requérant reconnaît que cet argument n' est mentionné que dans un souci d' exhaustivité.

25 En troisième lieu, le requérant maintient que le Parlement ne peut invoquer l' "objection formulée par le contrôle financier", mentionnée dans la décision du 30 juillet 1990, afin de justifier le refus de le nommer en qualité de fonctionnaire en ce que ni l' article 34 ni, par ailleurs, aucune autre disposition du titre III du statut ne reconnaissent une quelconque compétence à un organe de contrôle financier dans le cadre du recrutement des fonctionnaires. De même, le requérant fait valoir que,
en tant qu' organe de contrôle de la régularité formelle de l' exécution des dépenses communautaires, il ne revient pas au contrôleur financier de juger de l' opportunité matérielle ou politique des actes communautaires. Selon le requérant, toute opinion contraire aboutirait à priver les fonctionnaires stagiaires et, par extension, tout fonctionnaire de la protection institutionnelle garantie par le statut.

26 En quatrième lieu, le requérant affirme que, même dans l' hypothèse où une quelconque implication du contrôleur financier devrait être reconnue lors de la nomination de fonctionnaires stagiaires, les observations que celui-ci pourrait formuler devraient être directement liées à une cause personnellement imputable aux fonctionnaires stagiaires et non pas, comme en l' espèce, à un problème lié au respect des règles budgétaires. Selon le requérant, une telle interprétation est commandée par l'
article 34 du statut, lequel prévoit une appréciation personnelle des aptitudes du fonctionnaire stagiaire.

27 Dans les explications orales qu' il a fournies au cours de l' audience, le requérant a, par ailleurs, insisté sur le fait que, contrairement aux affirmations du Parlement, la liste de réserve issue du concours général PE/2/D était encore valable au moment où sa candidature a été retenue. A cet égard, le requérant rappelle, d' une part, qu' un autre lauréat, inscrit sur la même liste de réserve à la suite de sa participation au concours PE/2/D, a bel et bien été recruté le 19 juillet 1991. Il
ajoute que dans ce cas précis, la décision de nomination, signée par le secrétaire général du Parlement, a été régulièrement visée par le contrôleur financier.

28 Le requérant conteste, d' autre part, que le Parlement puisse arbitrairement subdiviser une liste de réserve en diverses rubriques, assorties de dates d' expiration différentes, alors que le principe de bonne administration exigerait que toutes les personnes figurant sur une même liste bénéficient d' un même traitement.

29 Le Parlement conteste, pour sa part, que le requérant puisse se prévaloir des dispositions de l' article 34 du statut, alors même qu' il n' a pas été nommé fonctionnaire stagiaire par l' AIPN compétente.

30 En se basant sur les dispositions des articles 1, 2 et 3 du statut, telles qu' interprétées par la jurisprudence de la Cour et du Tribunal, notamment dans l' arrêt de la Cour du 2 décembre 1976, Petersen/Commission (102/75, Rec. p. 1777), ainsi que dans l' arrêt du Tribunal du 7 février 1991, Tagaras/Cour de justice (T-18/89 et 24/89, Rec. p. II-53), le Parlement rappelle, en effet, que la nomination d' un fonctionnaire présuppose l' existence d' un acte écrit de nomination, qui doit être arrêté
par l' AIPN compétente et qui doit préciser la date à laquelle cette nomination prend effet ainsi que l' emploi auquel le fonctionnaire est affecté. Or, le Parlement affirme qu' en l' espèce un tel acte n' existe pas.

31 En outre, le Parlement estime qu' en l' occurrence l' une des conditions de nomination prévues à l' article 28 du statut, à savoir le fait que tout fonctionnaire stagiaire doit avoir satisfait à un concours sur titres, sur épreuves ou sur titres et épreuves dans les conditions prévues à l' annexe III, n' était pas remplie. En effet, toute la procédure administrative de sélection, depuis la publication de l' avis de vacance jusqu' à la proposition de nomination du candidat retenu par la direction
générale concernée, se serait déroulée durant une période pendant laquelle le requérant n' était lauréat d' aucun concours, puisque la liste de réserve sur laquelle il avait été inscrit à l' issue du concours PE/2/D avait déjà cessé de produire ses effets en ce qui le concernait.

32 Reconnaissant l' irrégularité de la prorogation rétroactive de la liste de réserve concernée, décidée le 13 mars 1990, le Parlement prétend que le requérant ne peut invoquer cette irrégularité, qu' il qualifie de problème administratif interne, afin d' en tirer des droits. A cet égard, le Parlement se réfère à l' arrêt de la Cour du 14 décembre 1979, Devred/Commission (257/78, Rec. p. 3767), dont le point 22 se lit comme suit: " Une administration ne pourrait être considérée comme agissant de
façon fautive ou de façon à engager sa responsabilité parce qu' elle redresse une situation illégale."

33 En l' occurrence, le Parlement estime que le requérant assimile, à tort, son entrée en fonctions à Paris à une nomination en bonne et due forme. De l' avis du Parlement, le requérant méconnaît ainsi les pouvoirs reconnus en la matière à l' AIPN ainsi qu' aux organes intermédiaires, dont le contrôleur financier.

34 Plus précisément encore, le Parlement maintient qu' il ressort a contrario des dispositions de l' article 3 du statut que la date d' effet d' une nomination peut être postérieure à l' entrée en fonctions de l' intéressé. A cet égard, le Parlement relève que l' article 3 du statut utilise le terme "fonctionnaire" lorsqu' il se réfère à l' acte de nomination, mais uniquement celui d' "intéressé" lorsqu' il se réfère au moment de l' entrée en fonctions.

35 Au sujet de la liste de réserve établie à l' issue du concours PE/2/D, le Parlement indique qu' il n' a jamais prétendu, sans plus de précisions, que la liste de réserve aurait expiré le 30 juin 1989, mais que cette liste n' était plus valable en ce qui concerne la candidature du requérant au poste auquel il prétendait.

36 Selon le Parlement, il n' y a donc pas de contradiction entre son argumentation dans cette affaire et le fait qu' un autre lauréat, inscrit sur la liste de réserve issue du concours PE/2/D, ait pu être ultérieurement nommé fonctionnaire, cette liste étant toujours valable en ce qui concerne l' option 3 (déménagement) - option choisie par le lauréat en question - alors qu' elle est parvenue à expiration en ce qui concerne toutes les autres options.

37 Dans les explications qu' il a fournies au cours de la procédure orale, le Parlement a, de surcroît, maintenu qu' il était pleinement en droit de subdiviser la liste de réserve en fonction des diverses qualifications des personnes y figurant, sans qu' une telle pratique administrative enfreigne le principe invoqué par le requérant.

38 S' agissant de l' argumentation du requérant relative au refus de visa opposé par le contrôleur financier, le Parlement rappelle les termes de l' article 38, paragraphe 1, sous c), du règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO 1991, C 80, p. 1), selon lequel le visa du contrôleur financier a pour objet de constater "la régularité et la conformité de la dépense au regard des dispositions applicables". Il en tire argument pour insister sur le fait que, en
confirmant le refus du contrôleur financier et en omettant de demander à l' autorité supérieure d' y passer outre, l' institution a fait siens les arguments du contrôleur financier. Partant, le Parlement estime que le refus de ce dernier ne peut plus être mis en cause, mais uniquement la décision de l' institution défenderesse.

39 Selon le Parlement, il en résulte que l' argumentation du requérant relative à la limitation des compétences du contrôleur est dépourvue de tout fondement et même irrecevable. A ce sujet, le Parlement précise que c' est dans le seul souci d' illustrer les circonstances irrégulières dans lesquelles le requérant avait été proposé pour le poste en question qu' il a annexé le dossier du refus de visa à son mémoire en défense.

40 En présence de l' argumentation respective des parties, le Tribunal rappelle qu' en vertu des principes du droit de la fonction publique communautaire, la nomination et la titularisation d' un agent ne peuvent intervenir que dans les formes et conditions prévues au statut (voir notamment l' arrêt de la Cour du 13 mai 1970, Fournier/Commission, 18/69, Rec. p. 249).

41 Ayant ainsi rappelé que le lien juridique qui lie le fonctionnaire à l' administration est de nature statutaire et non pas contractuelle, le Tribunal constate que, aux termes de l' article 3 du statut, la nomination d' un fonctionnaire trouve nécessairement son origine dans un acte unilatéral de l' AIPN précisant la date à laquelle cette nomination prend effet, ainsi que l' emploi auquel le fonctionnaire est affecté (voir notamment l' arrêt du Tribunal du 7 février 1991, Tagaras, T-8/89 et 24/89,
précité).

42 Or, le Tribunal relève qu' en l' espèce un tel acte fait défaut et que le requérant l' a, par ailleurs, expressément reconnu au cours de la procédure orale.

43 Sur ce point, il y a lieu de relever que la "note pour le dossier", émanant de la division du personnel du Parlement, que le requérant a déposée le 13 mars 1992 au greffe du Tribunal à la suite de la procédure orale, mentionne, en effet, que le requérant était engagé en tant que fonctionnaire stagiaire. Toutefois, un tel document ne saurait en aucun cas être assimilé à un acte de nomination en bonne et due forme émanant de l' AIPN compétente.

44 Il s' ensuit qu' en l' absence de tout acte de nomination en qualité de fonctionnaire, le requérant ne peut se prévaloir des dispositions de l' article 34 du statut qui présupposent une nomination en bonne et due forme de l' intéressé par laquelle ce dernier est admis au stage.

45 Partant, il n' y a pas lieu d' examiner le bien-fondé des prétendues violations de l' article 34 du statut invoquées par le requérant.

46 Il s' ensuit que ce moyen doit être écarté.

Quant au deuxième moyen tiré du détournement des principes régissant les contrats d' emploi liant les institutions et leurs agents

47 Sur ce point, le requérant rappelle que, après avoir reçu la lettre de M. Van den Berge du 30 juillet 1990, il a également reçu, le 16 août 1990, copie d' un contrat d' agent auxiliaire, daté du 11 juillet 1990, signé par le représentant du Parlement et visé par le contrôleur financier, l' engageant comme agent auxiliaire pour la période allant du 1er mai 1990 jusqu' au 31 août 1990. Selon le requérant, le Parlement aurait ainsi tenté de transformer unilatéralement et rétroactivement la période
de stage qu' il avait entamée à Paris le 1er avril 1990 en un simple contrat d' agent auxiliaire.

48 Dans son mémoire en défense, le Parlement explique, pour sa part, que la prorogation du contrat d' agent auxiliaire, liant le requérant au Parlement, constituait le seul moyen de remédier à la situation résultant du refus de procéder à la nomination du requérant en qualité de fonctionnaire, et cela en vue d' éviter qu' il ne subisse un préjudice du fait de l' irrégularité entachant la procédure à l' issue de laquelle il était entré en fonctions à Paris.

49 Si le Parlement reconnaît que cette prorogation du contrat n' a jamais été expressément acceptée par le requérant, il maintient, toutefois, que deux arguments plaident en faveur d' une acceptation tacite de sa part.

50 Ainsi, le Parlement note, en premier lieu, que le requérant reconnaît lui-même qu' il a reçu la notification de cette prorogation le 16 août 1990, mais qu' il l' a seulement rejetée dans sa réclamation du 29 octobre 1990.

51 En second lieu, le Parlement rappelle que, pendant toute la période en cause, du mois d' avril au mois d' août 1990, le requérant a été payé en tant qu' agent auxiliaire (64 767 BFR ou 10 500 FF comme traitement de base mensuel) et non en tant que fonctionnaire, et qu' il n' a, à aucun moment, contesté cette circonstance.

52 En tout état de cause, le Parlement prétend que le requérant ne peut se fonder sur une absence d' acceptation expresse du contrat qui lui avait été proposé, pour se voir reconnaître un droit à être nommé en qualité de fonctionnaire stagiaire.

53 Ayant constaté l' absence de tout acte de nomination qui aurait permis au requérant d' entamer le stage prévu à l' article 34 du statut, le Tribunal considère qu' il n' y a pas lieu de reprocher au Parlement d' avoir remédié à la situation résultant du défaut de nomination du requérant en qualité de fonctionnaire stagiaire, en lui proposant de prolonger la durée du contrat d' emploi temporaire qui le liait jusqu' alors au Parlement. A ce titre, il faut, en effet, admettre qu' une administration
ne pourrait être considérée comme agissant de façon fautive ou de façon à engager sa responsabilité parce qu' elle redresse une situation illégale (voir notamment l' arrêt de la Cour du 14 décembre 1979, Devred, 257/78, précité).

54 Même s' il faut relever que le requérant n' a jamais accepté expressément ou tacitement les termes du contrat d' emploi temporaire que le Parlement lui a fait parvenir le 11 juillet 1990, il y a lieu néanmoins de considérer qu' en l' absence de nomination en bonne et due forme, il incombait au Parlement de rémunérer le requérant pour les prestations de services que ce dernier lui avait rendues.

55 Il s' ensuit que l' ensemble des considérations à l' appui de ce moyen sont dénuées de tout objet en l' absence d' une nomination du requérant en bonne et due forme.

56 Ce moyen doit donc également être rejeté.

57 Il en découle que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

Sur les conclusions tendant à ce que le Tribunal ordonne la réintégration du requérant en qualité de fonctionnaire stagiaire

58 A cet égard, il suffit de rappeler que le juge communautaire ne saurait, sans empiéter sur les prérogatives de l' autorité administrative, adresser des injonctions à une institution communautaire.

59 En vertu de ce principe, il faut conclure qu' en l' espèce les conclusions susvisées sont irrecevables.

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

60 Sur ce point, le Tribunal rappelle que, aux termes de l' article 87, paragraphe 2, de son règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s' il est conclu en ce sens. Toutefois, selon l' article 88 du même règlement, les frais exposés par les institutions dans les recours des agents des Communautés restent à la charge de celles-ci.

61 En outre, selon l' article 87, paragraphe 3, premier alinéa, dudit règlement, le Tribunal peut, pour des motifs exceptionnels, répartir les dépens.

62 A cet égard, le Tribunal constate qu' au cours de la procédure orale le Parlement a reconnu que certaines fautes avaient été commises qui ont induit le requérant à croire que sa nomination en qualité de fonctionnaire stagiaire était acquise, alors qu' elle ne l' était pas.

63 A ce titre, il suffit de relever que le Parlement a créé dans le chef du requérant l' impression qu' il serait engagé en "qualité de fonctionnaire stagiaire". En effet, le requérant a apparemment été soumis à toutes les formalités, telles que l' examen médical prévu à l' article 33 du statut, qui précèdent normalement la nomination d' un fonctionnaire stagiaire. Dans ces circonstances, il est équitable de faire supporter au Parlement, outre ses propres dépens, les trois quarts des dépens du
requérant. Le requérant supportera l' autre quart de ses propres dépens.

Dispositif

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête:

1) Le recours est rejeté.

2) Le Parlement supportera, outre ses propres dépens, les trois quarts des dépens du requérant. Le requérant supportera l' autre quart de ses propres dépens.


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : T-40/91
Date de la décision : 10/04/1992
Type de recours : Recours de fonctionnaires - non fondé

Analyses

Conditions de nomination d'un fonctionnaire stagiaire.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Agostino Ventura
Défendeurs : Parlement européen.

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:1992:59

Source

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