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10/04/1992 | CJUE | N°T-15/91

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal de première instance, Josée Bollendorff contre Parlement européen., 10/04/1992, T-15/91


Avis juridique important

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61991A0015

Arrêt du Tribunal de première instance (cinquième chambre) du 10 avril 1992. - Josée Bollendorff contre Parlement européen. - Recevabilité - Intérêt à agir - Demande de revalorisation d'un poste - Principes de bonne administration et d'égalité de traitement. - Affaire T-15/

91.
Recueil de jurisprudence 1992 page II-01679

Sommaire
Parties
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Avis juridique important

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61991A0015

Arrêt du Tribunal de première instance (cinquième chambre) du 10 avril 1992. - Josée Bollendorff contre Parlement européen. - Recevabilité - Intérêt à agir - Demande de revalorisation d'un poste - Principes de bonne administration et d'égalité de traitement. - Affaire T-15/91.
Recueil de jurisprudence 1992 page II-01679

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

++++

1. Fonctionnaires - Recours - Réclamation administrative préalable - Délais - Caractère d' ordre public

(Statut des fonctionnaires, art. 90 et 91)

2. Fonctionnaires - Recours - Réclamation administrative préalable - Décision implicite de rejet d' une demande non contestée dans les délais - Décision explicite ultérieure - Acte confirmatif - Forclusion

(Statut des fonctionnaires, art. 90, § 1, et 91)

Sommaire

1. Les délais prévus par les articles 90 et 91 du statut pour l' introduction d' une réclamation et d' un recours, institués en vue d' assurer la clarté et la sécurité des situations juridiques, sont d' ordre public et ne constituent pas un moyen à la discrétion des parties ou du juge.

Le fait qu' une institution n' ait pas souligné le caractère tardif de la réclamation ne saurait dispenser le Tribunal de l' obligation qui lui incombe de vérifier le respect des délais statutaires.

2. Le rejet explicite d' une demande, postérieur à une décision implicite de rejet de la même demande, ayant le caractère d' un acte purement confirmatif, ne saurait, à défaut de disposition statutaire à cet effet, permettre au fonctionnaire qui n' a pas contesté dans les délais la décision implicite de rejet de sa demande, de poursuivre la procédure précontentieuse en lui ouvrant un nouveau délai pour l' introduction d' une réclamation, sous peine de mettre en danger la sécurité juridique qui exige
que les voies de recours des fonctionnaires et agents des Communautés soient régies par des règles précises et d' interprétation stricte.

Parties

Dans l' affaire T-15/91,

Josée Bollendorff, fonctionnaire du Parlement européen, demeurant à Bertrange (Luxembourg), représentée par Me Laurent Mosar, avocat au barreau de Luxembourg, ayant élu domicile à Luxembourg en son étude, 8, rue Notre-Dame,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par M. Jorge Campinos, jurisconsulte, MM. Manfred Peter et Jannis Pantalis, membres du service juridique, en qualité d' agents, ayant élu domicile à Luxembourg au secrétariat général du Parlement européen, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet l' annulation de la décision implicite du Parlement, rejetant la réclamation de la requérante du 10 août 1990, d' ordonner le reclassement de la requérante ou, subsidiairement, l' ouverture d' une procédure de concours interne, ainsi que de condamner le Parlement à réparer le préjudice matériel et moral prétendument subi par la requérante,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. K. Lenaerts, président, H. Kirschner et D. Barrington, juges,

greffier: Mme B. Pastor, administrateur

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 9 janvier 1992,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

Faits et procédure

1 La requérante est entrée au service du Parlement européen (ci-après "Parlement") le 24 octobre 1977 en tant qu' agent auxiliaire, affectée à la direction générale de l' information et des relations publiques. Après avoir réussi le concours interne n C/246, elle a été titularisée le 1er avril 1980 au grade C 3 et affectée aux services du Parlement à Luxembourg. Le 1er avril 1982, elle a été promue au grade C 2.

2 L' avis de concours interne n C/246 du 7 janvier 1980 décrivait comme suit la nature des fonctions:

"Travaux d' exécution de caractère administratif, concernant notamment:

- accueil de visiteurs et plus particulièrement des visiteurs latino-américains;

- travaux de bureau dont travaux de dactylographie.

Ces travaux exigent de l' expérience et du jugement ainsi que le sens des relations publiques et l' aptitude aux contacts.

Cet emploi pourrait nécessiter certains déplacements, notamment à Strasbourg et à Bruxelles."

3 Comparant cette description avec celle contenue dans ses différents rapports de notation, rédigés depuis sa titularisation en 1980, la requérante en a déduit un accroissement continuel dans l' importance des tâches qui lui étaient confiées. De l' avis de la requérante, cette constatation était confirmée par le fait que l' avis de vacance n 5363 du 21 septembre 1987, relatif à un emploi au sein de la même division mais avec affectation à Bruxelles, a classé l' emploi disponible au grade B 3/2,
alors que les fonctions qui s' y rapportaient étaient, selon la requérante, semblables, voire identiques aux fonctions qu' elle assumait, alors qu' à l' époque elle était toujours classée au grade C 2.

4 Le passage de l' avis de vacance n 5363, relatif à la nature des fonctions, se lit comme suit:

"Fonctionnaire chargé d' effectuer, dans le cadre de directives générales et sous l' autorité du chef du secrétariat, des travaux d' application et de contrôle difficiles et complexes relatifs à la réalisation d' un programme d' invitation commun au Parlement et à la Commission destiné à des citoyens de certains États tiers, notamment:

- préparation de programmes individuels pour les visiteurs (itinéraires de voyage, réservation d' hôtels et de billets, liaison avec les bureaux d' information extérieurs, etc.);

- comptabilité et travaux financiers (prévisions, paiements, comptes mensuels, etc.);

- travaux administratifs (préparation des réunions du comité de direction, rapport annuel, statistiques et rédaction de notes, lettres, etc.);

- travaux de secrétariat (sténodactylo, classement, etc.).

Ces travaux exigent des dispositions pour les relations publiques, le sens des responsabilités et de l' initiative et des qualités d' ordre et de méthode indispensables au fonctionnement harmonieux d' une petite équipe."

5 Partant, la requérante a sollicité, dans une première demande au sens de l' article 90, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après "statut"), datée du 10 novembre 1987, "la revalorisation en B 3/2 du poste que j' occupe actuellement, à Luxembourg, et qui fut classé en C 3/2, suite au concours interne n C/246". Elle poursuivait "qu' à défaut de réponse positive de la part de l' administration, (elle se verrait) contrainte d' introduire une réclamation
administrative, au sens de l' article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires."

6 Le 5 janvier 1988, le secrétaire général du Parlement a rejeté cette demande au motif que la revalorisation d' un poste ne comporte pas automatiquement et nécessairement la promotion du fonctionnaire qui occupe le poste en question. Il ajoutait que, de toute manière, la revalorisation du poste en question n' était pas envisageable et que tout passage d' une catégorie à l' autre ne pouvait s' effectuer que par voie de concours.

7 Ultérieurement, la requérante a constaté que son rapport de notation pour la période 1985-1986, établi de façon définitive le 22 février 1988, ainsi que son rapport de notation pour la période 1987-1988, établi le 16 novembre 1989, confirmaient l' accroissement de ses fonctions.

8 Le fait qu' au cours d' un congé pour maladie elle avait été remplacée par un fonctionnaire de la même division, mais de catégorie B, l' a renforcée dans cette conviction.

9 La requérante a donc introduit, le 28 novembre 1989, une nouvelle demande visant à "obtenir la revalorisation du poste 2337 (au moins en C 1) et, le cas échéant, (l' ouverture de) la procédure de concours interne B". Il faut noter que la requérante avait présenté cette demande sous forme d' une réclamation au sens de l' article 90, paragraphe 2, du statut.

10 Le 17 mai 1990, le secrétaire général du Parlement a rejeté cette demande, que la requérante avait, selon lui, indûment qualifiée de réclamation en l' absence d' acte administratif faisant grief, au motif que "Le statut des fonctionnaires ne prévoit pas la revalorisation des postes ni l' ouverture de concours sur demande des intéressés."

11 Il ajoutait "De telles décisions peuvent être prises, le cas échéant, après évaluation objective du contenu professionnel du poste. Un examen approfondi de votre cas a montré que les fonctions que vous devez remplir ne correspondent pas à une carrière plus élevée que celle dans laquelle vous occupez actuellement un poste."

12 Le 10 août 1990, la requérante a introduit une réclamation à l' encontre de cette décision.

13 Le 13 février 1991, le secrétaire général du Parlement a explicitement refusé de revaloriser le poste de la requérante et a rejeté sa réclamation. Il faut noter qu' une décision implicite de rejet était intervenue le 10 décembre 1990.

14 Par requête, enregistrée au greffe du Tribunal le 8 mars 1991, la requérante a formé un recours à l' encontre de la décision implicite de rejet opposée à sa réclamation du 10 août 1990.

15 La procédure écrite a suivi un cours normal et s' est terminée le 12 août 1991.

16 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a invité le Parlement, le 28 novembre 1991, à fournir diverses précisions relatives à l' organisation et à la gestion budgétaire du programme des visites de la Communauté européenne (ci-après "PVCE") et à soumettre l' organigramme de la division "visites et séminaires", au sein de la direction générale de l' information et des relations publiques. Par lettre du 16 décembre 1991, le Parlement a répondu à ces questions et soumis l' organigramme demandé.

17 Le Tribunal, sur rapport du juge rapporteur, a décidé d' ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d' instruction préalables.

Conclusions des parties

18 La requérante conclut à ce qu' il plaise au Tribunal:

- dire le présent recours recevable dans la forme et pour avoir été introduit dans les délais;

- annuler la décision implicite de rejet de l' autorité investie du pouvoir de nomination, survenue le 10 décembre 1990, à la suite de la réclamation au sens de l' article 90, paragraphe 2, du statut, introduite en date du 10 août 1990;

- principalement dire que la requérante est en droit, pour les fonctions qu' elle assume au sein de l' institution, d' être classée à un poste de grade C 1, avec effet rétroactif au jour de l' introduction de la demande de revalorisation, le 28 novembre 1989, ou à toute autre date à fixer par le Tribunal; et subsidiairement ordonner au profit de la requérante l' ouverture d' une procédure de concours interne de catégorie "B";

- dire qu' en tout état de cause la requérante est en droit de percevoir rétroactivement, du jour de l' introduction de la demande de revalorisation, le 28 novembre 1989, ou de toute autre date à fixer par le Tribunal, la différence entre les traitements qu' elle a effectivement perçus depuis cette date et les traitements correspondant à un classement de la requérante à un poste de grade C 1;

- condamner le Parlement européen à verser des intérêts moratoires au taux de 8 % l' an sur les sommes correspondant aux différences de traitements à verser à compter du 28 novembre 1989, ou de toute autre date à fixer par le Tribunal, jusqu' à solde;

- condamner le Parlement européen à payer à la requérante, à titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral qu' elle a subi, la somme de 50 000 BFR;

- réserver à la requérante le droit de formuler toute offre de preuve au cours de la procédure écrite à intervenir.

19 Le Parlement, pour sa part, conclut à ce qu' il plaise au Tribunal:

- déclarer le présent recours non recevable;

- pour autant que de besoin, le rejeter au fond quant à toutes les demandes;

- statuer sur les dépens en conformité avec les dispositions applicables.

Sur les conclusions tendant à l' annulation de la décision attaquée

Quant à la recevabilité

Sur les délais de recours

20 Conformément aux dispositions de l' article 113 de son règlement de procédure, le Tribunal entend examiner, en premier lieu, si l' introduction du présent recours ne se heurte pas à une fin de non-recevoir d' ordre public, et ce indépendamment des moyens invoqués par les parties.

21 En l' espèce, il y a lieu de vérifier si les délais prévus aux articles 90 et 91 du statut ont été effectivement respectés.

22 Le Tribunal rappelle, en effet, que, selon une jurisprudence constante, ces délais sont d' ordre public et ne constituent pas un moyen à la discrétion des parties ou du juge en ce qu' ils ont été institués en vue d' assurer la clarté et la sécurité des situations juridiques (voir notamment, les arrêts de la Cour du 13 novembre 1986, Becker/Commission, 232/85, Rec. p. 3401, et du 14 juin 1988, Muysers e.a./Cour des comptes, 161/87, Rec. p. 3037, ainsi que les arrêts du Tribunal du 7 février 1991,
Williams/Cour des comptes, T-58/89, Rec. p. II-77, et du 17 octobre 1991, Offermann/Parlement européen, T-129/89, Rec. p. II-0000).

23 Or, il apparaît qu' en l' occurrence la demande de la requérante du 28 novembre 1989, que la requérante avait erronément qualifiée de réclamation, a été implicitement rejetée le 28 mars 1990, en l' absence de toute réponse de la part du Parlement, conformément aux dispositions de l' article 90, paragraphe 1, du statut.

24 Selon les termes de l' article 90, paragraphe 2, du statut, la requérante disposait alors d' un délai de trois mois pour présenter une réclamation à l' encontre de cette décision implicite de rejet.

25 Il est toutefois clairement établi que la réclamation de la requérante date du 10 août 1990 et n' a donc pas été introduite avant le 28 juin 1990, date d' expiration dudit délai.

26 A cet égard, il convient d' ajouter que la réponse du secrétaire général du Parlement du 17 mai 1990, au terme de laquelle ce dernier rejetait explicitement la demande de la requérante du 28 novembre 1989, constitue un acte purement confirmatif de la décision implicite de rejet, intervenue précédemment. En tant que telle, cette confirmation n' a aucunement réouvert le délai de réclamation, précédemment venu à échéance (voir notamment l' arrêt du Tribunal du 17 octobre 1991, Offermann, T-129/89,
précité).

27 Tout en notant que, aux termes de l' article 91, paragraphe 3, dernier alinéa, du statut, le délai de recours est réouvert lorsqu' une décision explicite de rejet d' une réclamation intervient après la décision implicite de rejet, le Tribunal rappelle qu' à défaut de toute disposition expresse prévue à cet effet, une telle réouverture ne saurait être étendue par analogie à la phase précontentieuse de la demande, qui fait l' objet de l' article 90, paragraphe 1, du statut, sous peine de mettre en
danger la sécurité juridique, qui exige que les voies de recours des fonctionnaires et autres agents soient régies par des règles précises et d' interprétation stricte.

28 De même, le fait que la partie défenderesse n' ait invoqué ni dans ses écrits ni dans sa plaidoirie le caractère tardif de la réclamation de la requérante du 10 août 1990 ne saurait dispenser le Tribunal de l' obligation qui lui incombe de vérifier le respect des délais statutaires (voir également les arrêts du Tribunal du 6 décembre 1990, B./Commission, T-130/89, Rec. p. II-761, et Petrilli/Commission, T-6/90, Rec. p. II-765; du 11 juillet 1991, Von Hoessle/Cour des comptes, T-19/90, et du 25
septembre 1991, Lacroix/Commission, T-54/90, Rec. p. II-0000).

29 Le Tribunal constate donc qu' en l' espèce les délais statutaires n' ont pas été respectés.

30 En second lieu, le Tribunal relève qu' en vue de contester la recevabilité du recours, le Parlement rappelle que la requérante avait introduit le 10 novembre 1987 une première demande visant à obtenir la revalorisation du poste qu' elle occupait. Il ajoute que cette première demande avait été explicitement rejetée le 5 janvier 1988, sans que la requérante n' ait introduit, dans le délai de trois mois prévu par l' article 90, paragraphe 2, du statut, une réclamation à l' encontre de ce rejet.

31 De l' avis du Parlement, cette absence de réclamation aurait définitivement éteint le droit de la requérante de former un recours. En effet, celle-ci n' aurait plus été en droit d' attaquer la décision du 5 janvier 1988, au moyen de sa seconde demande du 28 novembre 1989, puisque cette seconde demande était, toujours selon le Parlement, identique à la première demande, en ce qu' elle visait également la revalorisation du poste qu' elle occupait, ou, éventuellement, l' ouverture d' un concours
interne.

32 La requérante récuse ce raisonnement en insistant sur le fait que les deux demandes avaient un objet différent, en ce que la première tendait à obtenir son reclassement dans une catégorie supérieure à celle qu' elle occupait au moment de ladite demande, tandis que la seconde visait essentiellement une simple promotion à l' intérieur de la même catégorie.

33 A titre subsidiaire, la requérante fait valoir, à l' appui de la recevabilité de son recours, que sa seconde demande du 28 novembre 1989 était basée sur des faits nouveaux.

34 A cet effet, elle se réfère, en premier lieu, aux rapports de notation établis pour les années 1985-1986 et 1987-1988, qui illustreraient l' accroissement de ses responsabilités par rapport à celles consignées dans ses précédents rapports de notation. De l' avis de la requérante, cet accroissement de responsabilités confirmait qu' elle avait désormais quitté le terrain des travaux de bureau proprement dits pour être chargée de l' élaboration et de la gestion des programmes de visites à Luxembourg
et à Strasbourg.

35 En second lieu, la requérante invoque le fait que des fonctionnaires de grade plus élevé l' auraient remplacée pendant ses absences pour raisons médicales.

36 La requérante prétend, en troisième lieu, que le Parlement aurait implicitement reconnu l' existence de tels faits nouveaux, en ce que la décision du 17 mai 1990 lui annonçait le rejet de sa seconde demande du 28 novembre 1989 "après un examen approfondi". Or, selon la requérante, un tel examen approfondi n' aurait pas été nécessaire en l' absence d' éléments nouveaux puisque, dans cette hypothèse, la décision du 17 mai 1990 aurait pu se borner à renvoyer à la première décision de rejet du 5
janvier 1988.

37 Tout en maintenant pour sa part, que les deux demandes de la requérante avaient un objet identique, le Parlement soulève, en premier lieu, à l' encontre de l' argumentation subsidiaire de la requérante, que la demande du 10 novembre 1987 se référait déjà à l' avis de vacance n 5363 du 21 septembre 1987, mentionné ci-dessus, et, en second lieu, que cette première demande soulignait déjà l' accroissement continuel dans l' importance de ses tâches depuis sa titularisation, et cela sur la base d' une
comparaison entre l' avis de concours n C/246 et le rapport de notation pour 1983-1984.

38 Plus précisément encore, le Parlement conteste que les termes des rapports de notation pour 1985-1986 et 1987-1988 apportent des éléments nouveaux en comparaison avec les rapports invoqués précédemment.

39 De même, le Parlement refuse de considérer que le remplacement de la requérante par un fonctionnaire de grade plus élevé constitue un élément nouveau, puisque, au cours de ses nombreux congés de maladie, elle aurait été remplacée par des fonctionnaires de grade C 3/2, B 4, A 7 et même par le chef de division lui-même. Sur ce point, le Parlement ajoute que cette mesure de remplacement, qui se situe dans le cadre de l' organisation des travaux d' un service, ne pouvait en aucun cas être analysée
comme dénotant un changement de sa position à l' égard de la requérante depuis sa première demande.

40 Finalement, le Parlement conteste que la requérante puisse invoquer le fait que la décision du 17 mai 1990 mentionne l' "examen approfondi" de sa seconde demande afin d' en déduire une reconnaissance de sa part de certains éléments nouveaux. Selon le Parlement, cette mention se référait à la demande de revalorisation du poste et se situait donc dans le cadre des bonnes relations entre administration et administrés, qui veulent que les revendications de ces derniers soient prises sérieusement en
considération.

41 En présence de ces éléments de fait et de droit, le Tribunal rappelle qu' au cas où un fonctionnaire ou un agent s' estime lésé par une décision au sens de l' article 90, paragraphe 1, du statut, il lui incombe d' attaquer cette décision au moyen d' une réclamation, introduite dans le délai prévu à l' article 90, paragraphe 2, du statut.

42 Il en découle qu' après l' expiration dudit délai de réclamation, l' introduction d' une nouvelle demande, fondée sur l' article 90, paragraphe 1, du statut, n' est admissible qu' en cas de survenance d' un fait nouveau de nature à motiver un réexamen de la situation.

43 L' opinion contraire, qui reviendrait à admettre l' introduction réitérée de demandes, aboutirait, de même, à accepter la prolongation indéfinie du délai de recours ouvert à l' encontre de toute décision faisant grief alors que cela est incompatible avec le système de voies de recours instauré par le statut (voir notamment les arrêts de la Cour du 11 mars 1986, Adams/Commission, 294/84, Rec. p. 977, 987, et du 4 février 1987, Pressler-Hoeft/Cour des comptes, 302/85, Rec. p. 513, 526).

44 En l' espèce, le Tribunal constate que la requérante n' a pas introduit de réclamation à l' encontre de la décision du secrétaire général du Parlement du 5 janvier 1988, portant rejet de sa première demande du 10 novembre 1987.

45 Il s' ensuit que, en l' absence d' une telle réclamation, la seconde demande du 28 novembre 1989 ne pourrait être recevable qu' en présence de faits nouveaux de nature à motiver un réexamen de la situation de la requérante.

46 Or, le Tribunal constate que ni les écrits de la requérante ni ses déclarations au cours de la procédure orale ne parviennent à démontrer que ses responsabilités auraient été substantiellement modifiées au cours de la période intermédiaire entre la première et la seconde demande.

47 Le Tribunal en conclut que, en l' absence de tout élément nouveau, la seconde demande du 28 novembre 1989 était tardive pour avoir été introduite après l' expiration du délai de réclamation à l' encontre de la décision du 5 janvier 1988.

48 Il résulte de l' ensemble des considérations qui précèdent que le recours est irrecevable.

Sur le fond

49 Ayant ainsi constaté l' irrecevabilité du recours, le Tribunal relève, à titre surabondant, que la requérante invoque deux moyens tirés respectivement de la violation du principe d' égalité et du principe d' une bonne administration, aux fins d' en établir le bien-fondé.

50 Le Tribunal constate qu' à l' appui de ses prétentions la requérante maintient, en substance, qu' au sein de la même institution et, au surplus, au sein de la même division, elle exerçait à Luxembourg des fonctions similaires sinon identiques à celles exercées à Bruxelles par un fonctionnaire relevant de la catégorie B, alors qu' elle-même appartient, en l' absence de toute différenciation objectivement justifiée, à la catégorie C.

51 Pour sa part, le Parlement concède que le poste visé par l' avis de vacance n 5363, auquel se réfère la requérante, couvre, en effet, le même domaine d' activités que celui de la requérante, à savoir le programme PVCE mais il insiste, toutefois, sur l' existence de différences, à son avis décisives, entre ces deux postes, portant sur la comptabilité et les travaux financiers (prévisions, paiements, comptes mensuels, etc). Il relève ainsi que la gestion et la régie centrale de comptabilité du
programme en question relève exclusivement du poste n 5363. Dans ce contexte, le Parlement précise que l' aspect interinstitutionnel du programme PVCE, réalisé en commun par le Parlement et la Commission, implique que le titulaire du poste n 5363 exerce, avec d' autres fonctionnaires tous basés à Bruxelles, des fonctions importantes relatives à l' organisation centrale du programme, alors que la requérante, seule affectée à Luxembourg, était uniquement chargée à l' époque des faits considérés, de l'
exécution d' une partie de ce programme, lors de visites à Strasbourg et éventuellement à Luxembourg. Selon le Parlement, ces éléments prouvent l' existence d' une différence sensible des fonctions, écartant ainsi toute atteinte aux principes invoqués par la requérante.

52 Sur ce point, le Tribunal constate au vu des documents versés au dossier, des réponses que le Parlement a apportées le 16 décembre 1991 aux questions qui lui avaient été soumises le 28 novembre 1991, et après avoir entendu les explications fournies par les parties au cours de la procédure orale, que les allégations de la requérante ne sont nullement corroborées par les faits.

53 Ainsi, le Tribunal relève que les fonctions de la requérante et celles du fonctionnaire occupant le poste visé par l' avis de vacance n 5363 peuvent paraître similaires en ce qu' elles se rapportent au même domaine d' activités, à savoir la mise en oeuvre du programme PVCE. Il constate, toutefois, que le Parlement insiste, à juste titre, sur l' existence de différences décisives quant au niveau des responsabilités qu' exerçaient respectivement la requérante et le fonctionnaire occupant le poste n
5363, dans le cadre de ce programme.

54 A cet égard, le Tribunal relève que l' aspect interinstitutionnel du programme PVCE, réalisé en commun par le Parlement et la Commission, implique que le titulaire du poste n 5363 exerce, avec d' autres fonctionnaires tous basés à Bruxelles, des fonctions importantes relatives à l' organisation centrale du programme, alors que la requérante, seule affectée à Luxembourg, ne couvre que l' exécution d' une partie de ce programme, lors de visites à Strasbourg et éventuellement à Luxembourg.

55 De même convient-il d' ajouter que les responsables de l' organisation centrale dudit programme à Bruxelles, et notamment le titulaire du poste n 5363, s' assurent de la bonne exécution de ce programme à Strasbourg et à Luxembourg à l' occasion de visites ponctuelles et qu' en l' occurrence ces responsables supervisent donc les travaux effectués par la requérante.

56 Il résulte de l' ensemble de ces considérations que les moyens tirés de la prétendue violation des principes d' égalité de traitement et de bonne administration sont sans fondement et doivent, en tout état de cause, être écartés.

Sur les conclusions tendant à ce que le Tribunal ordonne le reclassement de la requérante ou, subsidiairement, l' ouverture d' un concours interne à son profit

57 A cet égard, il suffit de rappeler que le juge communautaire ne saurait, sans empiéter sur les prérogatives de l' autorité administrative, adresser des injonctions à une institution communautaire.

58 En vertu de ce principe, il faut conclure qu' en l' espèce les conclusions susvisées sont irrecevables.

Sur les conclusions tendant à obtenir la réparation du préjudice prétendument subi

59 La requérante maintient qu' en refusant, au mépris des principes de bonne administration et d' égalité de traitement, d' accéder à sa demande visant la revalorisation du poste qu' elle occupait, le Parlement s' est rendu coupable d' une lourde faute de service, engageant sa responsabilité.

60 Elle en déduit qu' il incombe au Parlement de réparer le préjudice que cette faute de service lui a infligé. De l' avis de la requérante, ce préjudice correspond à la différence entre les traitements qu' elle aurait perçus en cas de revalorisation de son poste et ceux effectivement perçus, différence qui devrait être complétée par l' allocation d' intérêts moratoires au taux de 8 % l' an à partir des dates d' échéances respectives. Elle demande également que lui soient alloués 50 000 BFR, à titre
de dommages-intérêts, en réparation du préjudice moral qu' elle a subi.

61 Le Tribunal relève que l' ensemble de ces demandes présente un lien étroit avec la demande en annulation, dont il a déjà constaté l' irrecevabilité.

62 De même, le Tribunal rappelle qu' il a constaté, à titre surabondant, que la requérante n' a présenté aucun moyen de nature à entraîner l' annulation de la décision attaquée. Partant, la requérante n' a établi aucune irrégularité susceptible de constituer une faute de service imputable au Parlement et qui pourrait justifier l' octroi de dommages et intérêts.

63 L' ensemble des conclusions visant à obtenir la réparation du préjudice matériel et moral prétendument subi doivent donc être rejetées en ce qu' elles sont tant irrecevables que non fondées.

64 Il résulte des considérations qui précèdent que le recours est rejeté.

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

65 Conformément à l' article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. Toutefois, en vertu de l' article 88 du même règlement, les frais exposés par les institutions dans les recours des agents des Communautés restent à la charge de celles-ci.

Dispositif

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête:

1) Le recours est rejeté.

2) Chacune des parties supportera ses propres dépens.


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : T-15/91
Date de la décision : 10/04/1992
Type de recours : Recours de fonctionnaires - irrecevable

Analyses

Recevabilité - Intérêt à agir - Demande de revalorisation d'un poste - Principes de bonne administration et d'égalité de traitement.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Josée Bollendorff
Défendeurs : Parlement européen.

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:1992:58

Source

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