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25/03/1992 | CJUE | N°C-166/91

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 25 mars 1992., Gerhard Bauer contre Conseil national de l'ordre des architectes., 25/03/1992, C-166/91


Avis juridique important

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61991C0166

Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 25 mars 1992. - Gerhard Bauer contre Conseil national de l'ordre des architectes. - Demande de décision préjudicielle: Conseil d'appel d'expression française de l'ordre des architectes - Belgique. - Reconnaissance de titres d

u domaine de l'architecture. - Affaire C-166/91.
Recueil de jurisprud...

Avis juridique important

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61991C0166

Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 25 mars 1992. - Gerhard Bauer contre Conseil national de l'ordre des architectes. - Demande de décision préjudicielle: Conseil d'appel d'expression française de l'ordre des architectes - Belgique. - Reconnaissance de titres du domaine de l'architecture. - Affaire C-166/91.
Recueil de jurisprudence 1992 page I-02797

Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. La question préjudicielle que vous pose le conseil d' appel d' expression française de l' ordre des architectes de Bruxelles (ci-après "conseil d' appel") vous invite, à nouveau, à interpréter la directive 85/384/CEE du Conseil, du 10 juin 1985, visant à la reconnaissance mutuelle des diplômes, certificats et autres titres du domaine de l' architecture et comportant des mesures destinées à faciliter l' exercice effectif du droit d' établissement et de libre prestation des services (ci-après
"directive") (1).

2. M. Bauer, ressortissant allemand, a obtenu le 9 février 1989 le diplôme d' ingénieur en architecture (("Diplom- Ingenieur (Fachhochschule)")) délivré par la Fachhochschule de Stuttgart en Allemagne. Ce diplôme sanctionnait quatre années d' études incluant deux semestres pratiques (Praxissemester).

3. Résidant en Belgique, il a demandé à être inscrit sur la liste des stagiaires de l' ordre des architectes de la province du Brabant, ce qui lui a été refusé le 26 juin 1990 par le conseil de l' ordre (2) au motif que son diplôme n' aurait pas été conforme aux prescriptions de la directive (3).

4. Le conseil d' appel vous interroge sur la portée de la notion de "quatre années d' études" au sens de l' article 11 de la directive, dans les termes suivants: "L' article 11, sous a), troisième alinéa, doit-il être interprété en ce sens qu' une formation d' une durée de quatre années comprenant en tant que partie intégrante deux 'Praxissemester' sous la direction de la 'Fachhochschule' de Stuttgart, doit être considérée comme quatre années d' études?".

5. Il n' est pas contesté (4) que M. Bauer - qui a commencé ses études d' architecture le 9 mars 1984 - pouvait se prévaloir du régime transitoire applicable, selon l' article 10 de la directive, à tous les ressortissants de la Communauté qui ont entamé leurs études au plus tard au cours de la troisième année académique suivant la notification de la directive (août 1985).

6. Celle-ci prévoit, en effet, dans son chapitre III intitulé "diplômes, certificats et autres titres donnant accès aux activités du domaine de l' architecture, en vertu de droits acquis ou de dispositions nationales existantes" un régime transitoire qui doit être soigneusement distingué du régime définitif réglementé par le chapitre II intitulé "diplômes, certificats et autres titres donnant accès aux activités du domaine de l' architecture sous le titre professionnel d' architecte".

7. Si le régime définitif ne prévoit pas l' harmonisation des formations, à tout le moins prévoit-il les critères pour voir reconnaître celles-ci: le chapitre II ne comporte pas la liste des diplômes que les États membres doivent reconnaître, mais prescrit la reconnaissance mutuelle des diplômes, certificats et titres qui satisfont aux critères que précisent ses articles 3 et 4.

8. Aux exigences qualitatives concernant le contenu de l' enseignement - qui doit maintenir un équilibre entre les aspects théoriques et pratiques de la formation en architecture et en assurer l' acquisition - énoncées par l' article 3, s' ajoute une condition de durée des études prévue par l' article 4. Aux termes du paragraphe 1, premier alinéa, sous a), de cet article, la durée totale de la formation doit comprendre au minimum soit quatre années d' études à plein-temps dans une université ou un
établissement d' enseignement comparable, soit au moins six années d' études dans une université ou dans un établissement comparable, dont au moins trois à plein-temps. Par exception, le deuxième alinéa du même texte prévoit que satisfait aux exigences de la directive la formation des "Fachhochschulen" allemandes dispensée en trois années dès lors que cette formation est complétée par une période d' expérience professionnelle de quatre ans dans ce même État.

9. Dans l' affaire Conseil national de l' ordre des architectes/Egle (5) (ci-après "Egle"), le requérant au principal, titulaire d' un diplôme délivré par la Fachhochschule de Constance au terme de quatre années d' études comprenant deux semestres de pratique, avait sollicité son inscription au tableau du conseil de l' ordre des architectes de la province du Limbourg en se fondant, précisément, sur l' article 4, paragraphe 1, premier alinéa, sous a). Cette demande avait été rejetée au motif
notamment que le diplôme de l' intéressé n' aurait pas rempli les conditions prévues par la directive.

10. Interrogés sur la conformité d' une telle formation aux critères de l' article 4, vous avez jugé que cet article "doit être interprété en ce sens qu' une formation d' une durée de quatre années incluant des semestres d' expérience pratique organisés et accompagnés par la Fachhochschule doit être considérée comme des études à plein-temps d' une durée de quatre années" (6).

11. En ce qui concerne le régime transitoire, l' article 10 prévoit que les États membres reconnaissent les diplômes visés à l' article 11 et leur donnent le même effet sur leur territoire qu' aux diplômes du domaine de l' architecture qu' ils délivrent eux-mêmes.

12. Les diplômes allemands visés par l' article 11 sont, notamment, ceux délivrés par les Fachhochschulen, section architecture, étant précisé que lorsque ceux-ci sanctionnent des études d' une durée inférieure à quatre années mais d' au moins trois ans, une expérience professionnelle d' au moins quatre ans est exigée (7). Il en résulte, a contrario, que lorsque la formation comporte quatre années d' études, la condition d' une expérience professionnelle n' est pas requise (8). Dans le cadre
transitoire, les diplômes délivrés par les Fachhochschulen sont donc soumis à trois régimes différents:

- si la durée des études est inférieure à trois ans, les États membres ne sont pas tenus de reconnaître le diplôme;

- si la durée des études est inférieure à quatre ans, mais comprend au moins trois années, le diplôme, pour pouvoir être reconnu, doit être accompagné d' un certificat attestant de quatre années d' expérience professionnelle;

- si la durée des études est de quatre ans au moins, le diplôme doit être reconnu par les États membres.

13. Notons que, très logiquement, les diplômes des personnes relevant du chapitre III , qui ont suivi des études antérieurement à l' entrée en vigueur de la directive, sont soumis à des conditions moins sévères que celles prévues à l' article 4. C' est ainsi qu' il n' est pas exigé, dans le cadre du régime transitoire, que les études aient eu lieu à plein temps.

14. Dans le cadre du régime définitif, la directive fixe des critères. Il appartient à l' État membre, sur le territoire duquel la demande d' inscription comme architecte est présentée, de vérifier que le diplôme dont se prévaut le requérant répond à ces exigences: l' État d' "accueil" dispose d' un pouvoir d' appréciation.

15. En revanche, le chapitre III énumère la liste des diplômes que les États membres sont tenus de reconnaître sans avoir à vérifier qu' ils répondent aux critères posés par les articles 3 et 4 (9). L' État d' "accueil" est lié par l' énumération de l' article 11 (10). L' article 10 de la directive précise d' ailleurs que ces diplômes ne répondent pas nécessairement aux "exigences minimales des titres visés au chapitre II".

16. Ainsi, le diplôme d' une Fachhochschule doit faire l' objet d' une reconnaissance inconditionnelle dès lors que la durée des études est de quatre années.

17. La formation de quatre ans intégrant deux Praxissemester dispensée par l' école de Stuttgart répond-elle à cette condition et, plus spécialement, ceux-ci font-il partie de la "durée des études" au sens de l' article 11? Telle est l' interrogation du juge a quo.

18. Disons-le d' emblée, la réponse que vous avez donnée dans l' arrêt Egle et le paradoxe qui consisterait à admettre l' intégration des Praxissemester dans la durée des études dans le cadre du régime définitif et à la refuser dans le cadre du régime transitoire - pourtant moins exigeant - interdisent d' en douter.

19. En l' espèce, nous l' avons vu, le requérant au principal a fait ses études d' architecte à la Fachhochschule de Stuttgart. Cette école est soumise à la même réglementation que la Fachhochschule de Constance qu' avait fréquentée le requérant au principal dans l' affaire Egle: la loi sur les Fachhochschulen de Bade-Wurtemberg du 4 juin 1982 (11) dont le paragraphe 31, troisième alinéa, précise que: "En principe, un cursus dans une Fachhochschule s' étend sur quatre années. Il comprend en règle
générale trois années d' études à la Fachhochschule et une activité professionnelle de deux semestres (Praxissemester)" (12).

20. Nous avons considéré, dans nos conclusions sur l' affaire Egle (13), que les semestres pratiques, dès lors qu' ils étaient supervisés par l' école, faisaient partie intégrante des études accomplies dans les Fachhochschulen et devaient être pris en considération pour la computation du délai de quatre années. Votre arrêt a fait sienne cette appréciation.

21. Nous nous bornerons donc, sur ce point, à quelques observations en réponse aux arguments nouveaux présentés par la partie défenderesse au principal.

22. Loin d' être une activité de stage professionnel indépendante des études (14), le Praxissemester fait partie intégrante des études comme le rappelle le paragraphe 7 du règlement des études et des examens de la Fachhochschule de Stuttgart (15).

23. Ce principe n' est pas remis en cause par le fait qu' une formation ou une activité professionnelle antérieures peuvent être prises en compte dans le calcul de la durée d' un semestre de pratique. En effet, outre que la prise en compte d' une formation antérieure suppose l' aval de la Fachhochschule, elle ne peut remplacer que le premier Praxissemester. De même, si une activité professionnelle antérieure peut être substituée au deuxième semestre pratique, ce n' est qu' à titre "exceptionnel" et
à la condition qu' elle ait duré plusieurs années et qu' elle ait été sanctionnée par une formation complète (16).

24. Placé sous la surveillance d' un professeur de l' école (17), le semestre pratique fait l' objet non seulement d' "attestations de formation" (Ausbildungsnachweise), mais également d' une "reconnaissance" (Anerkennung) sans lesquels l' étudiant ne peut mener ses études à leur terme (18).

25. De plus, l' existence au sein de l' école d' un bureau des stagiaires et le soin avec lequel les Praxissemester sont réglementés par l' établissement démontrent, à notre avis, que ceux-ci sont inséparables du reste du cursus des études.

26. Enfin, l' article 11, sous a), troisième tiret, nous l' avons vu, prévoit une réglementation différente pour les formations d' architecte dispensées par les Fachhochschulen en trois années. Celles-ci ne sont reconnues que pour autant qu' elles sont complétées par une expérience professionnelle de quatre ans.

27. Or, comme vous le releviez dans l' arrêt Egle à propos de l' article 4, paragraphe 1,

"cette exigence d' une expérience professionnelle s' appliquant aux formations dispensées en trois années serait dépourvue de sens si les formations comportant quatre années d' études entraient également dans le champ d' application de cette réglementation. En effet, si le législateur communautaire avait voulu y inclure toutes les formations d' architecte dispensées dans les Fachhochschulen en Allemagne, il n' aurait pas distingué selon qu' elles durent trois ou quatre années" (19).

28. Nous vous proposons donc de dire pour droit que:

"L' article 11, sous a), troisième alinéa, de la directive 85/384/CEE du Conseil, du 10 juin 1985, visant à la reconnaissance mutuelle des diplômes, certificats et autres titres du domaine de l' architecture et comportant des mesures destinées à faciliter l' exercice effectif du droit d' établissement et de libre prestation de services, doit être interprété en ce sens qu' une formation d' une durée de quatre années intégrant deux 'Praxissemester' supervisés par la direction d' une 'Fachhochschule'
visée par cette disposition doit être considérée comme comprenant quatre années d' études au sens de celle-ci."

(*) Langue originale: le français.

(1) JO L 223, p. 15.

(2) Confirmant, sur opposition, une précédente décision du 30 mars 1990.

(3) Voir décision du juge a quo, p. 2.

(4) Ibidem.

(5) Arrêt du 21 janvier 1992 (C-310/90, Rec. p. I-0000).

(6) Ibidem, dispositif.

(7) On notera, sur ce point, l' identité de formulation avec l' article 4, paragraphe 2, de la directive.

(8) Voir nos conclusions dans l' affaire Egle précitée, points 18 et 21.

(9) Le renvoi fait par l' article 11, sous a), troisième tiret, à l' article 4, paragraphe 1, deuxième alinéa, a pour seul but de déterminer les conditions que doivent remplir les certificats attestant une période d' expérience de quatre années en République fédérale d' Allemagne en cas de formation de trois ans. Ce renvoi n' étend pas aux diplômes énumérés à l' article 11 les exigences de fond de l' article 4.

(10) Sur l' étendue des pouvoirs de l' État d' "accueil", dans un autre contexte, nous renvoyons à nos conclusions sous l' arrêt du 27 septembre 1989, Van de Bijl, points 13 à 17 (130/88, Rec. p. 3050), portant sur l' étendue du contrôle de l' État d' accueil lorsque l' autorisation d' exercer une activité professionnelle non salariée est accordée au vu d' une attestation d' activité professionnelle délivrée par l' autorité compétente de l' État de provenance. Vous avez jugé que le contrôle de
validité de cette attestation par l' État d' "accueil" devait se limiter à l' hypothèse de l' inexactitude manifeste (voir points 22 et 27 de l' arrêt précité).

(11) Annexe 9 du recours; voir le paragraphe 1 sur son champ d' application.

(12) Ibidem.

(13) Points 11 à 16.

(14) Observations de la partie défenderesse, p. 10.

(15) Annexe 2 du recours.

(16) Voir chapitre 5.4.2 h) des dispositions particulières du règlement des études, annexe 2 du recours.

(17) Annexe 10 du recours.

(18) Paragraphe 7, point 5, des observations générales du règlement des études, annexe 2 du recours; voir également chapitre 5.2, cinquième alinéa, des dispositions particulières, ibidem.

(19) Arrêt Egle, précité, point 14.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-166/91
Date de la décision : 25/03/1992
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Conseil d'appel d'expression française de l'ordre des architectes - Belgique.

Reconnaissance de titres du domaine de l'architecture.

Droit d'établissement

Libre prestation des services

Libre circulation des travailleurs


Parties
Demandeurs : Gerhard Bauer
Défendeurs : Conseil national de l'ordre des architectes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Darmon
Rapporteur ?: Díez de Velasco

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1992:146

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