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25/02/1992 | CJUE | N°T-67/91

CJUE | CJUE, Ordonnance du Tribunal de première instance, Francesco Torre contre Commission des Communautés européennes., 25/02/1992, T-67/91


Avis juridique important

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61991B0067

Ordonnance du Tribunal de première instance (quatrième chambre) du 25 février 1992. - Francesco Torre contre Commission des Communautés européennes. - Irrecevabilité. - Affaire T-67/91.
Recueil de jurisprudence 1992 page II-00261

Parties
Motifs de l'arrêt<

br> Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

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Fonctionnaires -...

Avis juridique important

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61991B0067

Ordonnance du Tribunal de première instance (quatrième chambre) du 25 février 1992. - Francesco Torre contre Commission des Communautés européennes. - Irrecevabilité. - Affaire T-67/91.
Recueil de jurisprudence 1992 page II-00261

Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

++++

Fonctionnaires - Recours - Réclamation administrative préalable - Délais - Caractère d' ordre public - Acte faisant grief - Acte confirmatif - Distinction entre réclamation et demande au sens de l' article 90, paragraphe 1, du statut - Rejet de la réclamation - Recours tardif - Irrecevabilité

( Statut des fonctionnaires, art . 90 et 91 )

Parties

Dans l' affaire T-67/91,

Francesco Torre, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Strassen ( Luxembourg ), représenté par Me Jean-Noël Louis, Thierry Demaseure et Véronique Leclercq, avocats au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de la fiduciaire Myson SARL, 1, rue Glesener,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M . Joseph Griesmar, conseiller juridique, en qualité d' agent, assisté de Me Denis Waelbroeck, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M . Roberto Hayder, fonctionnaire national détaché auprès du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet l' annulation de la décision de la Commission de limiter le remboursement des frais de déménagement, exposés par le requérant, à la somme de 258 500 LFR,

LE TRIBUNAL ( quatrième chambre ),

composé de MM . R . García-Valdecasas, président, R . Schintgen et C . P . Briët, juges,

greffier : M . H . Jung

rend la présente

Ordonnance

Motifs de l'arrêt

Faits et procédure

1 M . Francesco Torre était affecté au bureau de presse et d' information de la Commission des Communautés européennes à Rome depuis 1983 . Par décision du 10 août 1990, prenant effet le 1er septembre 1990, il a été muté à Luxembourg . En vue du déménagement de ses meubles de Rome à Luxembourg, le requérant a fait établir trois devis s' élevant respectivement à 309 566, 277 922 et 322 000 LFR, le dernier de ces devis comprenant les frais d' assurance .

2 Considérant ces devis comme étant trop élevés, l' administration a demandé à une autre firme d' établir un devis . Ce devis s' élevait à 165 500 LFR, montant porté à la suite des protestations du requérant, à 182 200 LFR, afin de tenir compte d' une valeur assurée de 10 000 000 LFR . Le requérant ayant également contesté ce dernier devis, un représentant de la même firme a inspecté le mobilier se trouvant à Rome et a établi, en date du 23 juillet 1990, un nouveau devis, portant sur un montant de
258 500 LFR, tous frais compris, les rectifications étant justifiées par "le genre de mobilier et les prestations supplémentaires exigées par M . Torre ".

3 Fin juillet 1990, les services de la Commission ont informé le requérant, par voie téléphonique, de leur décision de limiter le remboursement des frais de déménagement à la somme de 258 500 LFR .

4 En date du 6 août 1990, le requérant a fait effectuer son déménagement . La firme choisie par lui a réalisé le déménagement pour un montant de 277 922 LFR, majoré d' un montant de 192 619 LFR pour prime d' assurance, soit un montant total de 470 541 LFR .

5 Par note du 14 août 1990, envoyée à l' adresse du requérant à Rome, M . R . Llanso, administrateur principal à la direction générale du personnel et de l' administration, a informé M . Torre de ce qui suit :

"Après examen des devis que vous avez remis en vue de votre déménagement de Rome à Luxembourg, nous vous informons que le montant de 258 500 LFR ( devis de la firme Daleiden ) a été accepté comme limite jusqu' à laquelle le remboursement prévu à l' article 9 de l' annexe VII du statut des fonctionnaires pourra vous être assuré, quel que soit le déménageur auquel vous estimerez finalement devoir vous adresser ."

Le requérant soutient, sans être contredit, qu' il a pris connaissance de cette note en date du 3 septembre 1990 seulement, lors de sa prise de service à Luxembourg .

6 En date du 24 septembre 1990, le requérant a adressé à l' administration une note qu' il qualifie de "demande ... conforme aux procédures prévues à l' article 90, paragraphe 1, du statut ". Dans cette note, il accuse réception de la note de l' administration du 14 août 1990, il critique le devis portant sur 258 500 LFR et il soutient que les devis qu' il a présentés lui-même reflètent le prix réel . Faisant état notamment du fait qu' en 1983 les mêmes services de l' administration avaient accordé
pour le même déménagement en sens inverse, Luxembourg-Rome, le paiement du montant de 9 450 000 LIT, il conclut en ces termes : "je vous prie de bien vouloir réanalyser mon dossier et prendre une décision positive à mon égard, en m' accordant le paiement de la facture de la firme ... d' un montant de 10 100 000 LIT, plus assurance 2 %. Cette facture reflète la valeur réelle des services que l' on m' a fournis et son montant est raisonnable, et correspond aux prix du marché ".

7 Par note du 29 octobre 1990, adressée à M . Torre par M . Llanso, ce dernier rappelle les antécédents de l' affaire et conclut en ces termes :

"En ce qui concerne votre argument de conclure qu' il y a lieu de tenir compte des tarifs approuvés par les services de l' administration à Bruxelles sur base d' un devis présenté il y a quelques années, je vous ai déjà expliqué que ni l' administration ni le contrôle financier ne peuvent être engagés, devant des situations de fait différentes, par une décision administrative antérieure .

Pour tout ce qui précède, je suis au regret de devoir vous informer que je ne peux pas donner suite à votre réclamation et que le montant de 258 500 LFR ( devis rectifié de la firme Daleiden, dont vous trouverez copie en annexe ) est confirmé comme étant la limite jusqu' à laquelle le remboursement prévu à l' article 9 de l' annexe VII du statut des fonctionnaires peut vous être assuré ".

8 Par note adressée le 3 décembre 1990 à M . Llanso, le requérant informe celui-ci que sa note du 24 septembre 1990 avait été introduite au titre de l' article 90, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes ( ci-après "statut "). Il demande la confirmation que la note de l' administration du 29 octobre 1990 constitue la réponse officielle de l' autorité investie du pouvoir de nomination ( ci-après "AIPN ") à sa demande formelle . Il sollicite une réponse rapide pour être
en mesure "d' introduire dans les délais une réclamation contre cette décision qui me fait grief ".

9 Par note du 13 décembre 1990, l' administration a fait savoir au requérant que la note du 14 août 1990, confirmée et motivée par la note du 29 octobre 1990, constitue la décision officielle de l' AIPN en ce qui concerne la limite jusqu' à concurrence de laquelle le remboursement prévu à l' article 9 de l' annexe VII du statut des fonctionnaires peut lui être assuré .

10 Par lettre du 29 janvier 1991, enregistrée au secrétariat général de la Commission le 1er février 1991, le requérant a déclaré introduire une réclamation au titre de l' article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision de M . Llanso, qui lui a été notifiée par note du 29 octobre 1990, limitant le remboursement de ses frais de déménagement à la somme de 258 500 LFR . Après avoir rappelé les faits, il invoque à l' appui de ses prétentions la violation de l' article 9 de l' annexe VII du statut
ainsi que la violation du principe de confiance légitime et du devoir de sollicitude . Il conclut en demandant à l' administration d' annuler la décision qui lui a été notifiée par lettre du 29 octobre 1990 de M . Llanso et d' adopter une nouvelle décision lui accordant le remboursement des frais de déménagement qu' il a réellement exposés .

11 Dans sa réponse du 11 juin 1991 à cette réclamation, le directeur général de la direction générale du personnel et de l' administration, M . Frans de Koster, expose, dans la partie "en droit", notamment cela :

"Il convient de relever, tout d' abord, que l' acte faisant grief au requérant est constitué par la décision de l' administration du 14 août 1990 . La seconde décision du 29 octobre 1990 contre laquelle est formellement dirigée la réclamation n' a fait que confirmer la première et n' est donc pas un acte attaquable .

L' article 90, paragraphe 2, du statut stipule qu' une réclamation doit être introduite dans un délai de trois mois et que ce délai court du jour de la notification de la décision au destinataire et en tous cas au plus tard le jour où l' intéressé en a connaissance s' il s' agit d' une mesure de caractère individuel .

La présente réclamation étant tardive par rapport à l' acte initial faisant grief et aucune réouverture des délais n' ayant pu se produire à la suite de la décision confirmative du 24 octobre 1990, la Commission se réserve la possibilité d' exciper de l' irrecevabilité d' un éventuel contentieux concernant sa décision de limiter à 258 000 LFR le remboursement des frais de déménagement de M . Torre . Néanmoins, elle croit devoir répondre à la présente réclamation ainsi qu' elle le fait généralement,
dans l' intérêt de ses bonnes relations avec son personnel, alors même que des réclamations seraient tardives ".

Quant au fond, le directeur général se prévaut de l' article 9 de l' annexe VII du statut ainsi que de la jurisprudence y relative pour rejeter la réclamation .

12 C' est dans ces conditions que, par requête déposée le 23 septembre 1991 au greffe du Tribunal de première instance, le requérant a introduit le présent recours tendant à l' annulation de la décision de la Commission portant limitation du remboursement des frais de déménagement exposés par le requérant à 258 500 LFR et à la condamnation de la Commission aux dépens .

13 A l' appui de son recours, le requérant se prévaut, en premier lieu, de la violation de l' article 9 de l' annexe VII du statut et, en second lieu, de la violation du devoir de sollicitude et du principe de confiance légitime .

14 Sans avoir déposé de mémoire en défense au fond, la Commission a soulevé une exception d' irrecevabilité, enregistrée le 20 novembre 1991 au greffe du Tribunal, à l' encontre du recours .

15 Le requérant a déposé des observations, enregistrées le 7 janvier 1992 au greffe du Tribunal, qui tendent au rejet de l' exception d' irrecevabilité .

Sur la recevabilité

16 Aux termes de l' article 111 du règlement de procédure du Tribunal, lorsqu' un recours introduit auprès du Tribunal est manifestement irrecevable, celui-ci peut statuer par voie d' ordonnance motivée sans poursuivre la procédure . En l' espèce, le Tribunal s' estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide qu' il n' y a pas lieu de poursuivre la procédure .

17 A l' appui de son exception d' irrecevabilité, la défenderesse soutient que la réclamation du 29 janvier 1990 est tardive, ce qui entraînerait, conformément à l' article 91, paragraphe 2, du statut, l' irrecevabilité du recours . Elle expose, à cet égard, que seule la décision de l' administration du 14 août 1990 constitue l' acte faisant grief susceptible de recours, la note de l' administration du 29 octobre 1990, contre laquelle la réclamation est formellement dirigée, n' étant que
confirmative de la décision du 14 août 1990 et, par conséquent, non susceptible de recours . Dès lors, la réclamation du 29 janvier 1991 n' aurait pas été introduite dans le délai de trois mois prévu à l' article 90, paragraphe 2, du statut, aucune réouverture des délais n' ayant pu se produire à la suite de la note confirmative du 29 octobre 1990 . La défenderesse ajoute que le requérant lui-même souligne à plusieurs reprises dans sa requête que la note du 29 octobre 1990 "confirme" la décision du
14 août 1990 . La défenderesse conclut, en conséquence, à ce que le Tribunal déclare le recours irrecevable .

18 Le requérant, dans ses observations sur l' exception d' irrecevabilité, fait valoir que la décision du 14 août 1990 est entachée d' un défaut de motivation - à tout le moins, d' une insuffisance grave de motivation - et ne lui a pas été communiquée dans un délai permettant de faire appel à l' entreprise de déménagement professionnelle choisie par les services de la Commission . Ce défaut de motivation de la décision du 14 août 1990 n' aurait été couvert que par l' envoi de la note du 29 octobre
1990 qui ne pourrait, de ce fait, être présentée comme une simple décision de confirmation . La Commission aurait d' ailleurs reconnu elle-même que la note du 14 août 1990 avait été confirmée et "motivée" par la note adressée le 29 octobre 1990 par M . Llanso au requérant . Cette note du 29 octobre 1990 constituerait, dès lors, une nouvelle décision, adoptée régulièrement, portant confirmation et régularisation de la décision adoptée irrégulièrement le 14 août 1990, au terme d' un réexamen des
éléments du dossier . Il en résulterait que le délai du recours précontentieux n' a commencé à courir que le jour où le requérant a pris connaissance de ladite note du 29 octobre 1990 .

Le requérant en déduit que sa réclamation parvenue à la Commission, par télécopieur, le 29 janvier 1991, a été introduite dans les délais . Il conclut, en conséquence, au rejet de l' exception d' irrecevabilité .

19 A titre liminaire, le Tribunal rappelle que, d' après une jurisprudence constante ( voir l' arrêt du Tribunal du 25 septembre 1991, Lacroix/Commission, T-54/90, Rec . p . II-0000 ), les délais de réclamation et de recours sont d' ordre public et que même dans l' hypothèse où l' administration a répondu au stade de la phase précontentieuse aux arguments invoqués quant au fond par le réclamant, le Tribunal ne se trouve pas dispensé de l' obligation de vérifier le respect des délais statutaires .

20 En l' espèce, l' administration a veillé, dès sa réponse à la réclamation, à souligner le caractère tardif de cette dernière . Il importe, dès lors, de vérifier la régularité du recours au regard du respect des délais statutaires .

21 Il paraît opportun, à cet égard, de rappeler l' économie générale de la procédure précontentieuse prévue par les articles 90 et 91 du statut . Ces derniers subordonnent la recevabilité d' un recours introduit par un fonctionnaire contre l' institution à laquelle il appartient à la condition du déroulement régulier de la procédure administrative préalable . Dans le cas où le fonctionnaire cherche à obtenir que l' AIPN prenne, à son égard, une décision, la procédure administrative doit être
introduite par la demande de l' intéressé invitant ladite autorité à prendre la décision sollicitée, conformément à l' article 90, paragraphe 1 . C' est seulement contre la décision de rejet de cette demande, laquelle, à défaut de réponse de l' administration, est censée intervenir à l' expiration d' un délai de quatre mois, que l' intéressé peut saisir l' AIPN, dans un nouveau délai de trois mois, d' une réclamation, conformément au paragraphe 2 de cet article . Par contre, lorsqu' il existe déjà
une décision prise par l' AIPN et qu' elle constitue un acte faisant grief au fonctionnaire, il est clair qu' une demande, au sens de l' article 90, paragraphe 1, du statut, n' aurait aucun sens et que le fonctionnaire doit alors utiliser la procédure de la réclamation, prévue à l' article 90, paragraphe 2, du statut, lorsqu' il entend demander l' annulation, la réformation ou le retrait de la décision qui lui fait grief .

22 Il convient également de rappeler que, selon une jurisprudence constante, aux termes de l' article 90, paragraphe 1, du statut, tout fonctionnaire peut demander à l' AIPN de prendre, à son égard, une décision . Toutefois, cette faculté ne permet pas au fonctionnaire d' écarter les délais prévus par les articles 90 et 91 du statut, pour l' introduction de la réclamation et du recours, en mettant en cause, par le biais d' une telle demande, une décision antérieure qui n' avait pas été contestée
dans les délais .

23 Il convient donc d' en déduire que, dès lors que l' autorité compétente a pris, à l' égard d' un fonctionnaire, une décision faisant grief à ce dernier, celui-ci n' est plus recevable à engager la phase précontentieuse au stade de la demande, mais doit présenter directement à l' AIPN une réclamation dirigée contre cet acte lui faisant grief, comme le prescrit l' article 90, paragraphe 2, du statut .

24 En l' espèce, il ne fait pas de doute que la décision initiale du 14 août 1990 constitue un acte faisant grief, ce dernier étant défini comme un acte affectant directement et immédiatement la situation juridique de l' intéressé . En effet, c' est dans la note du 14 août 1990 que l' administration a pris, sans ambiguïté, la décision litigieuse de limiter à 258 500 LFR le montant du remboursement dû à M . Torre . C' est donc cet acte qui a affecté directement et immédiatement sa situation juridique
. D' ailleurs, dès le début, l' administration, dans son échange de courrier avec le requérant, n' a laissé planer aucun doute au sujet du fait que c' est la note du 14 août 1990 qui constitue la décision définitive de l' AIPN .

25 Il y a lieu de considérer que la décision du 29 octobre 1990 n' a fait que confirmer la décision du 14 août 1990 et ne saurait être considérée comme une "nouvelle décision" alors qu' elle ne contient aucun élément nouveau par rapport à la situation de droit ou de fait ayant existé au moment où la décision du 14 août 1990 a été adoptée, l' administration précisant même que le montant de 258 500 LFR est "confirmé" comme étant la limite du remboursement . Le fait que la décision du 14 août 1990
pèche, le cas échéant, par un éventuel défaut - ou une insuffisance - de motivation n' est pas pertinent non plus . Cette circonstance ouvre tout au plus un droit de recours au requérant au titre de l' article 25 du statut, mais n' a pas pour conséquence que la décision soit à considérer comme inexistante .

26 Il résulte des considérations qui précèdent, que le requérant, à la suite de la décision du 14 août 1990, dont il a pris connaissance le 3 septembre 1990, aurait dû introduire directement une réclamation, telle que prévue à l' article 90, paragraphe 2, du statut et dans les délais y prévus, au lieu, comme il l' a fait, d' une demande, telle que prévue à l' article 90, paragraphe 1, du statut .

27 Or, en date du 24 septembre 1990, le requérant a adressé à l' administration une note qu' il a qualifiée de demande au titre de l' article 90, paragraphe 1, du statut, par laquelle il conteste le contenu de la note du 14 août 1990 .

28 Néanmoins, il incombe au Tribunal de procéder à la qualification juridique exacte de cette note, la qualification d' une lettre comme demande ou comme réclamation relevant, d' après la jurisprudence ( voir l' ordonnance du Tribunal du 7 juin 1991, Weyrich/Commission, T-14/91, Rec . p . II-0000 et l' arrêt du Tribunal du 20 mars 1991, Perez Minguez Casariego/Commission, T-1/90, Rec . p . II-143 ), de la seule appréciation du juge et non de la volonté des parties . Le fait que le requérant a
qualifié sa note du 24 septembre 1990 de demande ne porte dès lors pas à conséquence .

29 Il y a lieu de rappeler encore que, aux termes d' une jurisprudence constante, la lettre par laquelle un fonctionnaire, sans demander expressément le retrait de la décision en cause, vise clairement à obtenir satisfaction de ses griefs à l' amiable ( arrêts de la Cour du 28 mai 1970, Lacroix/Commission, 30/68, Rec . p . 301, et du 22 novembre 1972, Thomik/Commission, 19/72, Rec . p . 1155 ) ou encore la lettre qui manifeste clairement la volonté du requérant de contester la décision qui lui fait
grief ( voir l' arrêt de la Cour du 14 juillet 1988, Aldinger et Virgili/Parlement, 23/87 et 24/87, Rec . p . 4395 et l' ordonnance du Tribunal du 7 juin 1991, Weyrich/Commission, précitée ) constituent une réclamation .

30 En l' espèce, il ressort des termes mêmes de la lettre du 24 septembre 1990 que le requérant entend obtenir satisfaction par rapport à ses griefs et qu' il conteste la décision du 14 août 1990 qui lui fait grief . Par conséquent, ladite lettre du 24 septembre 1990 constitue une réclamation, au sens de l' article 90, paragraphe 2, du statut et non pas une simple demande, au sens de l' article 90, paragraphe 1, du statut, comme le soutient l' intéressé .

31 Il suit de ces considérations que la réclamation introduite le 24 septembre 1990 contre la décision du 14 août 1990, portée à la connaissance du réclamant le 3 septembre 1990, n' a pas été introduite tardivement .

32 Mais, il s' ensuit également que les autres lettres adressées par le requérant à la Commission, et notamment celle du 29 janvier 1991, qualifiée par lui de "réclamation", ne peuvent constituer ni des demandes ni des réclamations, mais doivent être regardées comme étant simplement réitératives de la réclamation du 24 septembre 1990 . Elles ne peuvent donc avoir pour effet de prolonger la procédure précontentieuse ( voir l' ordonnance du Tribunal du 7 juin 1991, Weyrich/Commission, précitée ).

33 Or, tel qu' il a été exposé, les délais statutaires étant d' ordre public, le Tribunal se trouve amené à examiner d' office également la recevabilité du recours non seulement par rapport au délai d' introduction de la réclamation, mais également par rapport au délai d' introduction de la requête qui a été déposée, en l' espèce, le 23 septembre 1991 . Il convient, à cet effet, d' analyser d' abord à quelle date est intervenue la réponse de la Commission consécutivement à la réclamation du 24
septembre 1990 .

34 Le Tribunal estime que c' est la note du 29 octobre 1990 de l' administration, signée par M . Llanso, adressée au requérant en réponse à la note du 24 septembre 1990, qui vaut décision au titre de l' article 90, paragraphe 2, deuxième alinéa, du statut . En effet, il faut considérer que M . Llanso, administrateur principal au sein de la direction générale du personnel et de l' administration, avait qualité pour prendre une telle décision, alors que c' est M . Llanso lui-même qui avait signé la
décision initiale du 14 août 1990 et que la note du 13 décembre 1990 de l' administration qualifie cette note du 14 août 1990 comme ayant la nature d' une "décision officielle de l' AIPN ". Il s' ensuit que le délai de trois mois pour l' introduction du recours est expiré le 29 janvier 1991 .

35 A supposer même que le Tribunal ne considère pas la note du 29 octobre 1990 comme valant décision de l' AIPN, une décision implicite de rejet de la réclamation est intervenue, conformément à l' article 90, paragraphe 2, in fine, du statut, à l' expiration d' un délai de quatre mois, à savoir le 24 janvier 1991 . Il s' ensuit que, dans ce cas de figure, le délai de trois mois pour l' introduction du recours est expiré le 24 avril 1991 .

36 Par conséquent, dans les deux hypothèses, le recours, déposé le 23 septembre 1991, a été introduit tardivement .

37 Il convient d' ajouter, par ailleurs, que la lettre adressée le 11 juin 1991 par la Commission à M . Torre en réponse à sa note du 29 janvier 1991, qualifiée par lui de réclamation, est sans incidence . En effet, il est de jurisprudence constante que le rejet explicite d' une réclamation, après que le délai de recours contre le rejet implicite a expiré, et ne contenant aucun élément nouveau par rapport à la situation de droit ou de fait existant au moment du rejet implicite, constitue un acte
purement confirmatif, non susceptible de faire grief ( voir les arrêts de la Cour du 25 juin 1970, Elz/Commission, 58/69, Rec . p . 507, du 7 juillet 1971, Muellers/CES, 79/70, Rec . p . 689, et du 10 décembre 1980, Grasselli, 23/80, Rec . p . 3709 ). Or, en l' espèce, à la date du 11 juin 1991 le délai de recours de trois mois contre le rejet implicite intervenu le 24 janvier 1991 était écoulé et la lettre du 11 juin 1991 ne contenait aucun élément nouveau par rapport à la situation existant au
moment du rejet implicite . Dès lors, cette lettre n' a pas produit le moindre effet juridique dont le requérant puisse se prévaloir . En particulier, elle n' a pu déclencher la réouverture des délais de recours contentieux .

38 Il s' ensuit de l' ensemble des considérations qui précèdent que le recours doit être rejeté comme irrecevable .

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

39 Aux termes de l' article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s' il est conclu en ce sens . Toutefois, selon l' article 88 du même règlement, les frais exposés par les institutions dans les recours des agents des Communautés restent à la charge de celles-ci .

Dispositif

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL ( quatrième chambre )

ordonne :

1 ) Le recours est rejeté comme irrecevable .

2 ) Chacune des parties supportera ses propres dépens .

Fait à Luxembourg, le 25 février 1992 .


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : T-67/91
Date de la décision : 25/02/1992
Type de recours : Recours de fonctionnaires - irrecevable

Analyses

Irrecevabilité.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Francesco Torre
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:1992:23

Source

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