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25/02/1992 | CJUE | N°T-64/91

CJUE | CJUE, Ordonnance du Tribunal de première instance, Antonio Marcato contre Commission des Communautés européennes., 25/02/1992, T-64/91


Avis juridique important

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61991B0064

Ordonnance du Tribunal de première instance (cinquième chambre) du 25 février 1992. - Antonio Marcato contre Commission des Communautés européennes. - Irrecevabilité. - Affaire T-64/91.
Recueil de jurisprudence 1992 page II-00243

Sommaire
Parties
Moti

fs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

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1 . ...

Avis juridique important

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61991B0064

Ordonnance du Tribunal de première instance (cinquième chambre) du 25 février 1992. - Antonio Marcato contre Commission des Communautés européennes. - Irrecevabilité. - Affaire T-64/91.
Recueil de jurisprudence 1992 page II-00243

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

++++

1 . Fonctionnaires - Recours - Recours en indemnité introduit en l' absence d' une procédure précontentieuse conforme au statut - Irrecevabilité

( Statut des fonctionnaires, art . 90 et 91 )

2 . Fonctionnaires - Recours - Réclamation administrative préalable - Distinction d' avec la demande au sens de l' article 90, paragraphe 1, du statut - Distinction relevant de l' appréciation du juge

( Statut des fonctionnaires, art . 90, § 1 et 2 )

Sommaire

1 . Dans le système des voies de recours instauré par les articles 90 et 91 du statut des fonctionnaires, un recours en indemnité, qui constitue une voie de droit autonome par rapport au recours en annulation, n' est recevable que s' il a été précédé d' une procédure précontentieuse conforme aux dispositions statutaires . Cette procédure diffère selon que le dommage dont la réparation est demandée résulte d' un acte faisant grief au sens de l' article 90, paragraphe 2, du statut ou d' un
comportement de l' administration dépourvu de caractère décisionnel .

Dans le premier cas, il appartient à l' intéressé de saisir, dans les délais impartis, l' autorité investie du pouvoir de nomination d' une réclamation dirigée contre l' acte en cause . Dans le second cas, en revanche, la procédure administrative doit débuter par l' introduction d' une demande au sens de l' article 90, paragraphe 1, du statut, visant à obtenir un dédommagement . Ce n' est que le rejet explicite ou implicite de cette demande qui constitue une décision faisant grief contre laquelle
une réclamation peut être dirigée et ce n' est qu' après le rejet explicite ou implicite de cette réclamation qu' un recours en indemnité peut être formé devant le Tribunal .

2 . Lorsqu' il s' agit de qualifier un document adressé par un fonctionnaire à l' autorité investie du pouvoir de nomination de demande au sens de l' article 90, paragraphe 1, du statut ou de réclamation au sens du paragraphe 2 du même article, le Tribunal n' est pas lié par la volonté des parties .

Lorsque, de l' examen des circonstances de l' espèce, il ressort que le document que le requérant a qualifié de réclamation contient une invitation adressée à l' autorité investie du pouvoir de nomination de prendre une décision et ne peut s' analyser comme la contestation d' une décision, explicite ou implicite, faisant grief à l' intéressé, il y a lieu de le considérer comme une demande .

Parties

Dans l' affaire T-64/91,

Antonio Marcato, ancien fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Abano-Terme ( Italie ), représenté par Me G . Vandersanden, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l' étude de Me A . Schmitt, 65, avenue Guillaume,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M . J . Griesmar, membre du service juridique, en qualité d' agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M . Roberto Hayder, représentant du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet la réparation du préjudice matériel et moral prétendument subi par le requérant dans le cadre de ses fonctions,

LE TRIBUNAL ( cinquième chambre ),

composé de MM . K . Lenaerts, président, D . Barrington et H . Kirschner, juges,

greffier : Mme B . Pastor, administrateur

rend la présente

Ordonnance

Motifs de l'arrêt

Faits, procédure et conclusions

1 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 septembre 1991, M . Antonio Marcato, ancien fonctionnaire de la Commission, a introduit un recours par lequel il demande au Tribunal de condamner la Commission à lui verser un montant de 1 470 000 BFR en réparation du préjudice qu' il estime avoir subi du fait qu' il a été obligé - selon ses propres termes - de demander sa mise à la retraite anticipée, et un montant de 1 000 000 BFR en dédommagement des humiliations et tracasseries dont - selon ses
propres allégations - il a été l' objet .

2 Le requérant, né en 1928, était fonctionnaire de grade B 3 à la DG XIX de la Commission . A sa demande, il a été admis à la retraite anticipée avec effet au 1er mai 1990 .

3 N' ayant pas été inscrit sur la liste des fonctionnaires les plus méritants pour obtenir au titre de l' exercice 1988 une promotion vers le grade B 2, le requérant avait saisi la Cour de deux recours visant à l' annulation de cette liste ( affaires 317/88, devenue T-47/89 après renvoi au Tribunal, et 115/89, devenue T-82/89 ). Après avoir rejeté le recours dans l' affaire T-47/89 comme irrecevable ( arrêt du 20 juin 1990, Marcato/Commission, T-47/89 et T-82/89, Rec . p . II-231 ), le Tribunal a
annulé la décision refusant d' inscrire le requérant sur ladite liste par son arrêt du 5 décembre 1990, Marcato/Commission ( T-82/89, Rec . p . II-735 ). L' annulation a été prononcée au motif que la décision litigieuse avait été basée sur des déclarations orales que l' assistant du directeur général de la DG XIX avait faites au sein du comité de promotion . Contrairement à l' article 26 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes ( ci-après "statut "), ces déclarations n' avaient été
ni consignées par écrit ni versées au dossier individuel du requérant . Par conséquent, le requérant n' avait pas pu exercer son droit de présenter ses observations à leur sujet, ce qui constituait une violation de son droit de la défense . Le Tribunal a, en outre, constaté que le requérant n' avait pas perdu son intérêt à demander l' annulation de ladite décision du fait qu' il avait été admis à la retraite, notamment parce qu' il conservait la possibilité de demander la réparation du préjudice que
l' acte litigieux pouvait éventuellement lui avoir causé ( point 54 de l' arrêt ). Les deux arrêts ont acquis force de chose jugée .

4 Le compte rendu de la réunion du comité de promotion des 15 et 16 juin 1988, lors de laquelle l' assistant du directeur général avait fait les déclarations susmentionnées, a été reproduit dans l' arrêt du Tribunal du 5 décembre 1990, précité ( point 7 de l' arrêt ):

"le comité prend note des explications détaillées fournies par le représentant de la DG XIX au sujet du comportement de M . Mercato ( sic ). Il constate que cet avis se situe dans la ligne exposée au cours des exercices antérieurs par d' autres représentants de la DG XIX et il apparaît ainsi confirmé . Remarquant toutefois qu' une certaine différenciation existe dans les rapports dont M . Mercato fait l' objet, le comité estime que la position de l' intéressé devrait être clairement définie au
niveau de sa hiérarchie ".

5 En annexe à sa duplique dans l' affaire 317/88 ( devenue T-47/89 ), la partie défenderesse avait produit deux comptes rendus d' entretiens que le requérant avait eus avec ses supérieurs hiérarchiques en avril et en juin 1989 . Le Tribunal a écarté lesdits comptes rendus des débats par ordonnance du 6 décembre 1989 . Par la suite, le requérant a introduit un nouveau recours, visant, en substance, à l' annulation des deux comptes rendus, ainsi qu' à l' allocation d' un écu symbolique en réparation
du préjudice moral prétendument subi . Ce recours a été rejeté comme irrecevable par l' arrêt du Tribunal du 25 septembre 1991, Marcato/Commission ( T-5/90, Rec . p . II-0000 ) au motif qu' une procédure précontentieuse conforme aux articles 90 et 91 du statut n' avait pas eu lieu . L' arrêt a acquis force de chose jugée .

6 Le 6 février 1991, le requérant a introduit, auprès de la Commission, un document intitulé "réclamation" et dont l' objet était désigné comme "réclamation au titre de l' article 90 du statut ". Dans le formulaire prévu, à la Commission, aussi bien pour l' enregistrement des demandes que pour celui des réclamations et portant l' intitulé "demande / réclamation", aucune de ces deux mentions n' a été biffée . Dans le document en cause, le requérant demandait un dédommagement qu' il chiffrait de la
manière suivante :

- perte financière de 42 000 BFR par mois pendant 35 mois, soit 1 470 000 BFR, due au fait qu' il avait été obligé de demander sa mise à la retraite anticipée;

- dédommagement pour les humiliations et les tracasseries qui lui avaient été infligées au cours d' une longue période et qui s' étaient traduites par la détérioration de son état de santé : 1 000 00 0 BFR .

7 A l' appui de ces prétentions, le requérant faisait valoir, en substance, qu' une "campagne de diffamation" avait été menée contre lui par deux assistants successifs du directeur général de la DG XIX, MM . Leygues et Bruechert, et par son supérieur hiérarchique direct, M . Lemoine, qui s' étaient tous les trois opposés à sa promotion en émettant des critiques à son égard au sein du comité de promotion . Ayant été informé des critiques émanant de M . Lemoine pour la première fois par les
représentants du personnel au sein du comité de promotion, le requérant aurait parlé avec celui-ci de cette attitude en juillet 1985 . Il affirmait qu' il avait commencé à rencontrer des difficultés dans son travail après cet entretien, à la suite desquelles d' autres tâches lui avaient été confiées, de sorte qu' il estimait avoir été mis dans une "situation d' inactivité active, c' est-à-dire en réalité 'sur une voie de garage' ". Selon le requérant, la situation créée par MM . Leygues, Bruechert
et Lemoine l' avait exaspéré et avait abouti à un véritable épuisement tant psychique que physique, ce qui l' avait forcé à demander sa mise à la retraite anticipée trois ans avant la date prévue .

8 Le 15 février 1991, la Commission a adressé au requérant une note, de présentation stéréotypée, ayant pour objet "votre réclamation au titre de l' article 90, paragraphe 2, du statut ...", l' informant de la division et de la personne chargées d' examiner son dossier et lui offrant la possibilité d' un entretien . Cependant, par téléfax du 29 mai 1991, le requérant a été informé que sa "demande n 20/91 au sens de l' article 90, paragraphe 1, du statut" allait être soumise, le 5 juin 1991, au
groupe "interservices-réclamations" de la Commission . L' attention du requérant était attirée sur le "fait que les règles ... relatives au traitement des réclamations ne sont pas applicables en l' espèce ". Le requérant a été prié d' accuser réception de cette lettre par téléfax à la Commission .

9 Le requérant a répondu par téléfax du 30 mai 1991, en utilisant notamment les termes suivants :

"Merci pour votre invitation au suite ( sic ) de ma réclamation au sens de l' article 90, paragraphe 2, du statut introduite le 6.2.1991 ...".

10 La réunion du groupe interservices de la Commission a eu lieu le 5 juin 1991 . Par la suite, le requérant n' a pas reçu de réponse expresse de l' administration .

11 C' est dans ces conditions que le requérant a introduit le présent recours, enregistré au greffe du Tribunal le 4 septembre 1991 .

12 Par mémoire daté du 8 octobre 1991, la Commission a opposé à l' encontre du recours une fin de non-recevoir au titre de l' article 114 du règlement de procédure du Tribunal et a demandé qu' il soit statué sur ses conclusions sans engager le débat au fond . La partie requérante a présenté ses observations sur la fin de non-recevoir par mémoire déposé le 4 décembre 1991 au greffe du Tribunal .

13 Dans la procédure sur l' exception d' irrecevabilité, la Commission conclut à ce qu' il plaise au Tribunal :

- rejeter le présent recours comme irrecevable;

- statuer comme de droit sur les dépens .

Le requérant conclut à ce qu' il plaise au Tribunal :

- déclarer le présent recours recevable et, en conséquence, rejeter les exceptions d' irrecevabilité formulées, sous forme de fin de non-recevoir, par la Commission;

- en tout état de cause, joindre l' examen de la recevabilité au fond de l' affaire et poursuivre, en conséquence, la procédure à cette fin;

- condamner la défenderesse à l' ensemble des dépens .

14 En vertu de l' article 114, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, la suite de la procédure sur l' exception soulevée est orale, sauf décision contraire . Le Tribunal ( cinquième chambre ) estime qu' en l' espèce il est suffisamment informé par l' examen des pièces du dossier et qu' il n' y pas lieu d' ouvrir la procédure orale .

Sur la recevabilité

15 La Commission souligne liminairement que la référence à la possibilité d' un recours en indemnité dans l' arrêt du Tribunal du 5 décembre 1990 visait le dommage que le requérant pourrait avoir subi en raison de sa non-inscription sur la liste des fonctionnaires les plus méritants en 1988 alors que le présent recours, en revanche, concerne un préjudice différent .

16 A l' appui de son exception, la Commission fait valoir que le présent recours est irrecevable parce qu' il n' a pas été précédé d' une procédure précontentieuse conforme aux articles 90 et 91 du statut . Elle considère le document intitulé "réclamation", introduit le 6 février 1991 par le requérant, comme une demande au titre de l' article 90, paragraphe 1, du statut dont le rejet implicite, intervenu le 6 juin 1991, constituait un "acte juridique faisant grief ". Le requérant n' ayant pas
introduit de réclamation au sens de l' article 90, paragraphe 2, du statut contre cette décision de rejet implicite, la Commission estime que l' article 91, paragraphe 2, s' oppose à la recevabilité du recours .

17 Selon la Commission, il est sans incidence à cet égard qu' il s' agisse, en l' espèce, d' un recours en indemnité . Elle rappelle que les recours en indemnité qui trouvent leur origine dans le lien d' emploi qui unit un fonctionnaire à l' institution dont il dépend ne tombent pas dans le champ d' application des articles 178 et 215 du traité CEE, mais dans celui de l' article 179 du traité et des articles 90 et 91 du statut . Elle en déduit qu' un contentieux indemnitaire doit, sous peine d'
irrecevabilité, avoir été précédé d' un acte faisant grief qui, lui-même, doit ensuite faire l' objet d' une réclamation ultérieurement rejetée . Elle invoque l' arrêt du 10 décembre 1969, Grasselli/Commission ( 32/68, Rec . p . 505, 511 ), selon lequel la Cour a jugé que la deuxième phrase de l' article 91, paragraphe 1, du statut n' attribue au juge communautaire une compétence de pleine juridiction que dans le cas de l' existence d' un litige portant sur la légalité d' un acte faisant grief au
sens de la première phrase de l' article 91, paragraphe 1, et affirme que, en l' absence de conclusions à fin d' annulation, un contentieux indemnitaire échappe à la compétence du Tribunal .

18 En outre, elle se réfère à l' arrêt du Tribunal du 25 septembre 1991, Marcato/Commission ( T-5/90, Rec . p . II-0000 ) dans lequel le Tribunal a précisé que, dans le cas d' un recours qui tend à la réparation d' un préjudice prétendument causé par des comportements dépourvus d' effets juridiques, la procédure administrative doit débuter par une demande au titre de l' article 90, paragraphe 1, invitant l' autorité investie du pouvoir de nomination ( ci-après "AIPN ") à réparer ce préjudice et que
c' est seulement contre le rejet de cette demande que l' intéressé peut introduire une réclamation au titre de l' article 90, paragraphe 2, du statut .

19 La Commission reconnaît que le requérant soutient avoir introduit une réclamation et non pas une demande, ainsi qu' il l' a confirmé dans son téléfax du 30 mai 1991, précité . Elle souligne toutefois que les "comportements" de MM . Bruechert, Leygues et Lemoine, contre lesquels cette réclamation était dirigée, ne constituent pas des actes faisant grief, étant donné qu' ils sont dépourvus de portée décisionnelle . Elle ajoute qu' en tout état de cause, si ces comportements étaient des actes
faisant grief, la réclamation du requérant à leur encontre serait tardive, étant donné qu' ils étaient antérieurs de plusieurs années à la date de la réclamation .

20 Selon la Commission, il est également sans pertinence que le requérant, ainsi qu' il l' a fait valoir dans sa requête, ait introduit sa réclamation dans un délai de trois mois à compter de l' arrêt du Tribunal du 5 décembre 1990 . Elle se demande à ce sujet comment le requérant a pu découvrir dans ledit arrêt ( qui lui a donné raison ) un acte lui ouvrant, à l' instar d' un acte faisant grief, un délai statutaire pour introduire une réclamation .

21 Dans ces conditions, l' institution défenderesse estime que quelle que soit la nature juridique du document du 6 février 1991 ( demande ou réclamation ), le présent recours est irrecevable .

22 Le requérant, quant à lui, a affirmé dans sa requête qu' il a correctement épuisé la procédure précontentieuse, étant donné qu' il a introduit sa réclamation "en deçà du délai de trois mois courant à partir de l' arrêt du 5 décembre 1990" et que cette réclamation a fait l' objet d' un rejet implicite le 6 juin 1991 . Il a ajouté que son intérêt à agir pour obtenir réparation du préjudice subi ne saurait être nié et que les propos diffamatoires tenus à son égard constituent des actes faisant grief
.

23 Dans ses observations en réponse à l' exception d' irrecevabilité soulevée par la Commission, le requérant confirme que le présent recours ne concerne pas les mesures prises par la Commission en exécution de l' arrêt du Tribunal du 5 décembre 1990, Marcato ( T-82/89, précité ), mais poursuit une réparation autonome et complémentaire à celle pouvant éventuellement lui être ouverte à la suite de l' exécution de l' arrêt précité .

24 Quant à la recevabilité du présent recours, il invoque d' abord la dernière phrase de l' article 91, paragraphe 1, du statut qui confère, dans les litiges de caractère pécuniaire, une compétence de pleine juridiction au juge communautaire . Il en déduit qu' il peut réclamer, à titre autonome, la réparation du préjudice qu' il estime avoir subi, pourvu qu' il ait épuisé, préalablement, la procédure de l' article 90 du statut .

25 Le requérant estime que l' article 90 doit être interprété, dans le contexte d' un recours en indemnité, dans sa fonction première, à savoir celle permettant à l' AIPN de prendre position, avant qu' un recours ne soit introduit devant le Tribunal, sur les prétentions de l' intéressé en matière d' indemnité . Il rappelle que la condition de fond primordiale d' un tel recours est l' existence d' une faute de service et qu' une telle faute peut revêtir soit la forme d' un acte à caractère
décisionnel, soit celle d' actes purement matériels . Selon le requérant, la réclamation peut valablement être dirigée contre le comportement fautif qui constitue la source du préjudice, qu' il s' agisse ou non d' un acte à caractère décisionnel .

26 Il est d' avis qu' en l' espèce ce comportement fautif est constitué par des propos diffamatoires qui, sans constituer des actes juridiques à portée décisionnelle, sont des manifestations d' intention nuisible et, en tant que tels, susceptibles de donner lieu à réparation .

27 Le requérant estime qu' il serait tout à fait inadapté, en l' espèce, d' exiger qu' il ait introduit au préalable une demande au sens de l' article 90, paragraphe 1, du statut pour obtenir une décision de l' AIPN à l' égard de ses prétentions indemnitaires . Selon lui, il n' y a rien en l' espèce à demander à l' AIPN au sens de l' article 90, paragraphe 1, du statut, une telle procédure n' étant requise que si l' intéressé sollicite une prise de position susceptible d' entraîner la production d'
un acte faisant grief .

28 Le requérant ajoute que le comportement fautif qui est la source du préjudice a été constaté par l' arrêt du Tribunal du 5 décembre 1990 . Il estime que, dans ces circonstances, c' est à juste titre qu' il a introduit, dans un délai de trois mois à compter de cet arrêt, une réclamation contre ce comportement fautif, qui lui a fait grief, afin de respecter le principe selon lequel l' administration doit au préalable avoir connaissance de la contestation avant qu' elle ne soit déférée à la
juridiction compétente .

29 Enfin, le requérant conteste la thèse de la Commission selon laquelle un recours en indemnité serait nécessairement subsidiaire à des conclusions aux fins d' annulation . Il estime que le langage de l' arrêt du 10 décembre 1969, Grasselli ( 32/68, précité ), invoqué par la Commission à cet égard, signifie simplement qu' il doit y avoir une contestation réelle entre le fonctionnaire et son institution et que le litige ne doit être porté à la connaissance de la Cour qu' après épuisement de la
procédure administrative préalable . Selon le requérant, aucun élément d' interprétation basé sur l' agencement des textes ne justifie la conclusion que le principe de l' autonomie du recours en indemnité, affirmé par la Cour dans le cadre des articles 178 et 215 du traité CEE, ne serait pas applicable en ce qui concerne le contentieux de la fonction publique communautaire . Il ajoute qu' il n' en irait autrement que dans le cas exceptionnel où un recours en indemnité tendrait au paiement d' une
somme dont le montant correspondrait exactement à l' avantage que tirerait le requérant de l' annulation d' une décision individuelle, ce qui n' est pas le cas en l' espèce .

30 Il y a lieu d' écarter, liminairement, la thèse de la Commission, fondée sur l' arrêt du 10 décembre 1969, Grasselli ( 32/68, précité ), selon laquelle, dans le domaine des litiges entre les Communautés et leurs agents, un recours en indemnité ne serait recevable que s' il était accompagné d' une demande en annulation . En effet, ainsi que la Cour l' a jugé ultérieurement, notamment dans son arrêt du 22 octobre 1975, Meyer-Burckhardt/Commission ( 9/75, Rec . p . 1171, 1182 ), le recours en
annulation et le recours en indemnité sont des voies de droit autonomes, non seulement lorsqu' il s' agit de recours introduits sur la base des articles 173 et 178 du traité CEE, mais également lorsqu' il s' agit de litiges entre les Communautés et leurs agents, tels qu' ils sont visés à l' article 179 dudit traité . Dès lors, un requérant peut choisir soit l' une, soit l' autre voie de recours, soit les deux conjointement, pourvu qu' il respecte la procédure prévue par les articles 90 et 91 du
statut .

31 La recevabilité du présent recours en indemnité dépend donc de la question de savoir si une procédure précontentieuse conforme aux articles 90 et 91 du statut a eu lieu .

32 A ce sujet, il y a lieu de relever que la procédure précontentieuse exigée par le statut est différente, dans l' hypothèse où le dommage dont la réparation est demandée aurait été causé par un acte faisant grief au sens de l' article 90, paragraphe 2, du statut, de celle qui est nécessaire dans l' hypothèse où le préjudice aurait été causé par un comportement dépourvu de caractère décisionnel .

33 Dans la première hypothèse, la recevabilité du recours en indemnité est subordonnée à la condition que l' intéressé ait saisi l' AIPN, dans les délais impartis, d' une réclamation contre l' acte qui lui a causé le préjudice et qu' il ait introduit le recours dans un délai de trois mois à compter du rejet de cette réclamation ( voir l' arrêt du 22 octobre 1975, Meyer-Burckhardt, 9/75, précité, p . 1182 et suivantes ). Dans la deuxième, en revanche, la procédure administrative qui doit
obligatoirement précéder le recours en indemnité, conformément aux articles 90 et 91 du statut, comporte deux étapes . D' abord, l' intéressé doit saisir l' AIPN d' une demande visant à obtenir un dédommagement . Ce n' est que le rejet explicite ou implicite de cette demande qui constitue une décision faisant grief contre laquelle une réclamation peut être dirigée, et c' est seulement après une décision rejetant explicitement ou implicitement cette réclamation qu' un recours en indemnité peut être
formé devant le Tribunal ( voir l' arrêt du Tribunal du 25 septembre 1991, Marcato, T-5/90, précité, points 50 et suivants, et l' arrêt de la Cour du 27 juin 1989, Giordani, 200/87, Rec . p . 1877, 1901 ).

34 A l' encontre de cette exigence d' une procédure précontentieuse à deux étapes, le requérant fait valoir qu' il suffirait, pour atteindre la finalité de l' article 91, paragraphe 2, du statut, à savoir informer l' AIPN des griefs de l' intéressé afin de permettre ou de favoriser un règlement à l' amiable du différend, de saisir l' AIPN, avant d' introduire un recours en indemnité, d' une réclamation contre des comportements qui, sans produire d' effets juridiques, constituent des fautes de
service ayant causé un préjudice . Cette théorie se heurte cependant au libellé des dispositions en objet et est incompatible avec le système des voies de recours instauré par les articles 90 et 91 du statut . Ce système ne permet la saisine du juge communautaire que lorsqu' il y a eu un acte produisant des effets juridiques qui peut consister, le cas échéant, en une décision implicite de rejet d' une demande, et que la réclamation de l' intéressé contre cet acte a été rejetée . En revanche, en l'
absence d' un tel acte, il ne suffit pas que l' indemnisation soit demandée, pour la première fois, lorsque l' intéressé introduit une réclamation ( voir l' arrêt de la Cour du 27 juin 1989, Giordani, 200/87, précité ).

35 Il y a lieu d' ajouter que l' interprétation du statut développée par le requérant est, dans le cas d' une série de faits dommageables, incompatible avec le système des délais prévu par l' article 90 du statut . Selon l' article 90, paragraphe 2, du statut, le délai pour une réclamation commence à courir, selon le cas d' espèce, à des dates bien définies . La publication de l' acte, la notification de la décision, le jour où l' intéressé en a eu connaissance ou l' expiration d' un délai sont tous
des éléments précis permettant de bien déterminer le début du délai . Dans l' hypothèse d' une série de faits dommageables, une telle date précise fait évidemment défaut . Dans l' intérêt de la sécurité juridique, la nécessité d' une demande au sens de l' article 90, paragraphe 1, du statut apparaît donc évidente .

36 Le requérant a soutenu qu' en l' espèce, où il s' agit également d' une série de faits qu' il considère comme autant de fautes de service, le délai a commencé à courir à la date du prononcé de l' arrêt du Tribunal du 5 décembre 1990, Marcato ( T-82/89, précité ). Cependant, il y a lieu d' observer que le statut ne contient pas de dispositions permettant d' utiliser la date du prononcé d' un arrêt comme point de départ du délai pour former une réclamation . Le prononcé dudit arrêt n' a donc pas
dispensé le requérant de suivre la procédure précontentieuse prévue par le statut .

37 Le requérant ne saurait pas non plus soutenir qu' il a pris connaissance des faits qu' il invoque le jour du prononcé dudit arrêt . A cet égard, il y a lieu de relever que, dans le point 7 de l' arrêt du 5 décembre 1990, invoqué par le requérant, le Tribunal s' est borné à citer un extrait du compte rendu des réunions du comité de promotion des 15 et 16 juin 1988 . Ce compte rendu figurait déjà en annexe au mémoire en défense, daté du 28 mars 1989, déposé par la Commission dans l' affaire 317/88
( devenue T-47/89 ). Le requérant avait donc été informé des faits en question bien avant que le Tribunal n' ait rendu son arrêt le 5 décembre 1990 .

38 Par conséquent, la thèse du requérant selon laquelle, dans le cadre d' un recours en indemnité, une réclamation pourrait être introduite contre tout comportement constitutif d' une faute de service, indépendamment du caractère décisionnel ou purement matériel de celui-ci, ne saurait être retenue .

39 Il y a donc lieu de déterminer si le comportement prétendument à l' origine du préjudice dont le requérant demande la réparation constitue ou non un acte faisant grief .

40 Selon le requérant, le préjudice dont il se plaint découle des déclarations prétendument diffamatoires faites à son égard dans le cadre des comités de promotion au cours des différents exercices et des "humiliations et tracasseries" dont il a été l' objet . Or, ainsi que l' admet le requérant lui-même, de tels comportements constituent des faits purement matériels, dépourvus de caractère décisionnel . Ils n' étaient pas susceptibles d' affecter la situation juridique du requérant .

41 Cette constatation n' est nullement affectée par le fait que le présent recours en indemnité a été introduit à la suite de l' arrêt du Tribunal du 5 décembre 1990 dans l' affaire T-82/89 . Le requérant invoque cet arrêt pour démontrer le bien-fondé de ses allégations quant à l' existence de certaines fautes de service ayant précédé la décision attaquée dans l' affaire T-82/89 qui, selon lui, n' ont pas seulement rendu illégale ladite décision, mais qui lui ont, en outre, causé un préjudice allant
au-delà des conséquences de celle-ci . La circonstance que ces faits matériels ont été retenus par le Tribunal pour constater que la décision dans la préparation de laquelle ils étaient intervenus était viciée ne confère cependant pas à de tels comportements un caractère décisionnel . Le préjudice allégué par le requérant ne découle donc pas d' actes faisant grief au sens de l' article 90, paragraphe 2, du statut . Par conséquent, le statut exige, en l' espèce, une procédure précontentieuse en deux
étapes .

42 Le requérant devait donc, en premier lieu, introduire une demande tendant à obtenir la réparation du préjudice dont il se plaint .

43 Le 6 février 1991, il a introduit un document intitulé "réclamation" et il a confirmé dans son téléfax du 30 mai 1991 qu' il avait entendu saisir l' AIPN d' une réclamation au titre de l' article 90, paragraphe 2, du statut . Si le requérant n' a pas eu l' intention d' introduire une demande au titre de l' article 90, paragraphe 1, du statut, il y a lieu toutefois de relever que le Tribunal n' est pas lié par la volonté des parties lorsqu' il s' agit de qualifier le document introduit par le
requérant de "demande" ou de "réclamation" ( voir l' ordonnance du Tribunal du 1er octobre 1991, Coussios/Commission, point 25, T-38/91, Rec . p . II-0000 ).

44 Sous cet aspect, il y a lieu de relever que le document intitulé "réclamation au titre de l' article 90 du statut" introduit par le requérant comporte des éléments qui, en substance, se rapportent plutôt à une demande au titre de l' article 90, paragraphe 1, du statut, qu' à une réclamation au titre du deuxième paragraphe dudit article . Ainsi, le but que poursuit le requérant est celui d' obtenir le versement d' une somme de 2 470 000 BFR . Par le document en objet, il a invité l' AIPN à prendre
la décision de lui octroyer cette somme . Or, l' invitation adressée à l' AIPN de prendre une décision est le contenu typique d' une demande au titre de l' article 90, paragraphe 1, du statut . Le contenu typique d' une réclamation, en revanche, est de demander à l' AIPN d' annuler une décision, explicite ou implicite, qu' elle a déjà prise à l' égard d' un fonctionnaire . Or, dans le document en question, le requérant n' a pas demandé que l' AIPN revienne sur une mesure quelconque qu' elle avait
prise à son égard . Les circonstances sont donc différentes, en l' espèce, aussi bien d' une situation dans laquelle un dédommagement est demandé conjointement avec l' annulation d' un acte faisant grief ( voir, par exemple, l' arrêt de la Cour du 27 juin 1989, Giordani, 200/87, précité ), que d' une situation dans laquelle un fonctionnaire demande que l' AIPN annule une prétendue décision qui, en réalité, ne lui fait pas grief ( voir, par exemple, l' arrêt du Tribunal du 25 septembre 1991, Marcato,
T-5/90, précité ). Dans les deux dernières hypothèses, l' acte introduit par le fonctionnaire peut être qualifié de réclamation, bien que celle-ci puisse éventuellement être irrecevable . En l' espèce, en revanche, le document introduit par le requérant n' a pas le contenu d' une réclamation .

45 Il ressort de l' ensemble de ce qui précède que la lettre du 6 février 1991, malgré sa qualification de "réclamation" par le requérant, constituait, en réalité, une demande au sens de l' article 90, paragraphe 1, du statut . Il convient d' ajouter que le requérant en a été informé par le téléfax que les services de la Commission lui ont adressé le 29 mai 1991, même si ces services ont utilisé, dans leur lettre du 15 février 1991, la notion de réclamation .

46 Ladite demande a fait l' objet d' une décision de rejet implicite, conformément à l' article 90, paragraphe 1, le 6 juin 1991 . Cette décision de rejet n' a pas été suivie par une réclamation au titre de l' article 90, paragraphe 2, du statut . Par suite, une procédure précontentieuse conforme aux articles 90 et 91 du statut n' a pas eu lieu . Le présent recours en indemnité doit donc être rejeté comme irrecevable .

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

47 Aux termes de l' article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens . Toutefois, selon l' article 88 du même règlement, les frais exposés par les institutions dans les recours des agents des Communautés restent à la charge de celles-ci .

Dispositif

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL ( cinquième chambre )

ordonne :

1 ) Le recours est rejeté comme irrecevable .

2 ) Chacune des parties supportera ses propres dépens .

Fait à Luxembourg, le 25 février 1992 .


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : T-64/91
Date de la décision : 25/02/1992
Type de recours : Recours de fonctionnaires - irrecevable

Analyses

Irrecevabilité.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Antonio Marcato
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:1992:22

Source

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