La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/01/1992 | CJUE | N°T-25/90

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal de première instance, Richard Schönherr contre Comité économique et social., 30/01/1992, T-25/90


Avis juridique important

|

61990A0025

Arrêt du Tribunal de première instance (cinquième chambre) du 30 janvier 1992. - Richard Schönherr contre Comité économique et social. - Fonctionnaires - Annulation d'une décision de promotion - Examen comparatif des mérites - Obligation de motivation. - Affaire T-25/90.

Recueil de jurisprudence 1992 page II-00063

Sommaire
Parties
Moti...

Avis juridique important

|

61990A0025

Arrêt du Tribunal de première instance (cinquième chambre) du 30 janvier 1992. - Richard Schönherr contre Comité économique et social. - Fonctionnaires - Annulation d'une décision de promotion - Examen comparatif des mérites - Obligation de motivation. - Affaire T-25/90.
Recueil de jurisprudence 1992 page II-00063

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

++++

1 . Fonctionnaires - Promotion - Pouvoir d' appréciation de l' administration - Contrôle juridictionnel - Réalité de l' examen comparatif des mérites

( Statut des fonctionnaires, art . 45 )

2 . Fonctionnaires - Promotion - Réclamation d' un candidat non promu - Décision de rejet - Motivation - Portée

( Statut des fonctionnaires, art . 45 et 90, § 2 )

3 . Fonctionnaires - Promotion - Examen comparatif des mérites - Intervention d' une instance consultative non imposée par le statut - Obligation de l' administration de prendre en considération l' avis exprimé

( Statut des fonctionnaires, art . 45 )

Sommaire

1 . Pour évaluer l' intérêt du service ainsi que les mérites à prendre en considération dans le cadre d' une décision de promotion prévue à l' article 45 du statut, l' autorité investie du pouvoir de nomination dispose d' un large pouvoir d' appréciation et, dans ce domaine, le contrôle du juge communautaire doit se limiter à la question de savoir si, eu égard aux voies et moyens qui ont pu conduire l' administration à son appréciation, celle-ci s' est tenue dans des limites non critiquables et n' a
pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée .

L' exercice du pouvoir d' appréciation de l' autorité investie du pouvoir de nomination suppose, toutefois, un examen attentif des dossiers de candidatures . En présence d' un faisceau d' indices suffisamment concordants venant étayer le grief d' absence d' un véritable examen comparatif des mérites des candidats, il incombe à l' institution défenderesse de rapporter la preuve, par des éléments objectifs susceptibles de faire l' objet d' un contrôle juridictionnel, qu' elle a respecté les garanties
accordées par l' article 45 du statut aux fonctionnaires ayant vocation à la promotion et procédé à un tel examen comparatif .

2 . Si l' autorité investie du pouvoir de nomination n' est pas tenue de motiver les décisions de promotion à l' égard des candidats non promus, elle est néanmoins obligée, conformément à l' article 90, paragraphe 2, du statut, de motiver une décision portant rejet d' une réclamation contestant une promotion . Cependant, les promotions se faisant, aux termes de l' article 45 du statut, "au choix", la motivation ne saurait concerner que l' existence des conditions légales auxquelles le statut
subordonne la régularité de la promotion . Cela ne signifie pas que l' institution concernée doive exposer en détail la façon dont elle a estimé que le candidat nommé remplissait les conditions de l' avis de vacance .

3 . Dès lors qu' une institution crée en son sein un comité consultatif non prescrit par le statut, afin de disposer, en vue de la nomination à certains postes, d' un avis sur les capacités et les aptitudes des candidats au regard des qualifications requises, cette mesure vise à assurer à cette institution, en tant qu' autorité investie du pouvoir de nomination, une meilleure base pour procéder à l' examen comparatif des mérites des candidats, exigé par l' article 45 du statut .

Il en résulte que l' avis exprimé par un comité paritaire de promotion doit faire partie des éléments que l' autorité investie du pouvoir de nomination est tenue de prendre en considération pour fonder sa propre appréciation des candidats, même si elle estime devoir s' en écarter .

Parties

Dans l' affaire T-25/90,

Richard Schoenherr, fonctionnaire du Comité économique et social, demeurant à Bruxelles, Belgique, représenté par Mes Marcel Slusny et Olivier Slusny, avocats au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l' étude de Me Ernest Arendt, 4, avenue Marie-Thérèse,

partie requérante,

contre

Comité économique et social des Communautés européennes, représenté initialement par M . Detlef Brueggemann, conseiller juridique, puis par M . Moisés Bermejo Garde, en qualité d' agent, assisté de Me Jean-François Bellis, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M . Roberto Hayder, fonctionnaire national détaché auprès du service juridique de la Commission, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet l' annulation de la décision n 259/89 A du président du Comité économique et social, du 1er août 1989, portant nomination de M . Giovanni Di Carlo à un poste de traducteur principal,

LE TRIBUNAL ( cinquième chambre ),

composé de MM . C . P . Briët, président, H . Kirschner et J . Biancarelli, juges,

greffier : Mme B . Pastor, administrateur

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 12 juillet 1991,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

Les faits à l' origine du recours

1 Le requérant, fonctionnaire du Comité économique et social ( ci-après "CES "), a été recruté le 15 mai 1979 en qualité d' agent auxiliaire . A partir du 1er mai 1980, il est devenu agent temporaire . Le requérant a été nommé fonctionnaire stagiaire le 1er février 1981 et titularisé le 1er novembre 1981 au grade LA 7 . Le 1er octobre 1984, le requérant a été promu au grade LA 6 .

2 Le 25 mai 1989, le CES a publié l' avis de vacance d' emploi n 10/89, concernant un emploi de traducteur principal ( LA 5/4 ) à la direction générale, Direction E "Traduction, Division de langue allemande ". A la suite de la publication de cet avis de vacance, trois candidatures ont été introduites, dont celle du requérant .

3 Le 12 juin 1989, le comité paritaire de promotion a rendu un avis concernant les promotions dans une carrière supérieure au titre des exercices 1988 et 1989, dans lequel il a proposé, à l' unanimité, de promouvoir M . Thomson et, à la majorité et dans l' ordre, MM . Schoenherr et Vingborg ( ex aequo ), ainsi que M . Anastassiadis et Mme Weiler ( ex aequo ).

4 Le 28 juin 1989, le secrétaire général du CES a adressé au directeur de la direction E, M . Vermeylen, une note ayant pour objet le pourvoi de la vacance d' emploi n 10/89, dans laquelle il indiquait le nom des fonctionnaires qui avaient introduit une demande de promotion; il priait M . Vermeylen de lui faire savoir lequel de ces fonctionnaires pourrait être nommé au poste vacant .

5 Par note du 7 juillet 1989, M . Vermeylen a fait savoir au secrétaire général du CES qu' il recommandait le nom de M . Di Carlo et que son avis était partagé par le supérieur direct concerné .

6 Le 1er août 1989, le secrétaire général du CES a complété le cadre réservé, au bas de la note précitée du 28 juin 1989, à la décision de l' autorité investie du pouvoir de nomination ( ci-après "AIPN ") quant au pourvoi du poste vacant, en y portant le nom de M . Di Carlo et en y apposant sa signature . Le même jour, par décision n 259/89 A du président du CES, M . Di Carlo a été promu au grade LA 5 avec effet au 1er juillet 1989 . Par lettre du même jour également, le président du CES a informé
le requérant que sa candidature n' avait pu être retenue .

7 Par lettre du 26 octobre 1989, adressée au secrétaire général du CES, le requérant a introduit une réclamation, au sens de l' article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes ( ci-après "statut "), dirigée contre la décision n 259/89 A du président du CES, précitée . Par note du 12 février 1990, reçue par le requérant le 15 février 1990, le secrétaire général du CES a rejeté la réclamation .

La procédure

8 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 mai 1990, le requérant a introduit le présent recours .

9 La procédure écrite s' est déroulée régulièrement .

10 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal ( cinquième chambre ) a décidé d' ouvrir la procédure orale . Il a, en outre, invité la partie défenderesse à produire certains documents, dont l' ensemble du dossier sur la base duquel l' AIPN avait pris sa décision . En réponse à cette demande, le CES a déposé la note adressée le 28 juin 1989 par le secrétaire général du CES au directeur de la direction E, analysée ci-avant . Le Tribunal a également invité le CES à répondre par écrit à diverses
questions concernant l' incidence qu' a pu avoir la note du 7 juillet 1989, du directeur de la direction E au secrétaire général du CES .

11 La procédure orale s' est déroulée le 12 juillet 1991 et le président en a prononcé la clôture à l' issue de l' audience .

Les conclusions des parties

12 Le requérant conclut à ce qu' il plaise au Tribunal :

"1 ) dire nulle et de nul droit la nomination de M . Di Carlo au poste de traducteur principal, poste ayant fait l' objet de la décision n 259/89 A de M . le président du CES;

Subsidiairement :

2 ) enjoindre à la partie adverse de produire :

a ) la note du directeur de la direction E, du 14 mars 1989, concernant les candidatures introduites à la suite de l' avis de vacance n 4/89;

b ) l' avis du comité paritaire de promotion du 12 juin 1989;

c ) tous les documents et notamment le règlement du comité paritaire de promotion, qui, de manière générale, ont servi de base et de justification à l' avis dudit comité paritaire de promotion du 12 juin 1989;

d ) la note du directeur de la direction E au secrétaire général du 7 juillet 1989;

3 ) condamner la partie adverse aux frais et dépens de l' instance ".

13 Dans son mémoire en réplique, le requérant a demandé au Tribunal d' inviter la partie adverse à produire, en outre, le dossier du comité de promotion relatif à l' avis de vacance n 10/89 et, notamment, le procès-verbal établi par ledit comité .

14 Le CES conclut à ce qu' il plaise au Tribunal :

1 ) rejeter le recours comme non fondé;

2 ) statuer sur les dépens comme de droit .

15 Le requérant a développé sept moyens au soutien des conclusions de sa requête . Le premier moyen est tiré de ce que la décision du 12 février 1990, rejetant sa réclamation, n' émanerait pas de l' AIPN compétente . Dans le deuxième moyen, le requérant allègue que l' AIPN n' a pas tenu compte de l' avis du comité paritaire de promotion . Le troisième moyen est pris du fait que le directeur de la direction E a adressé au secrétaire général du CES, le 7 juillet 1989, une note dans laquelle il
recommandait la nomination de M . Di Carlo, sans que cette note ait été communiquée au comité paritaire de promotion, qui aurait pu ainsi faire connaître son opinion sur cette recommandation . Le quatrième moyen repose sur la circonstance que l' exactitude de l' affirmation contenue dans cette note du directeur de la direction E, selon laquelle son avis était partagé par le supérieur direct du requérant, n' a pas été démontrée et que, en outre, cette affirmation a été de nature à influencer d' une
manière décisive la décision de l' AIPN . Dans le cinquième moyen, le requérant affirme avoir relevé une contradiction entre, d' une part, la référence, faite dans la note du 7 juillet 1989, précitée, à l' avis conforme de son supérieur direct et, d' autre part, une déclaration que ce dernier lui aurait faite . Dans le sixième moyen, le requérant allègue que l' AIPN n' a pas procédé à l' examen comparatif des mérites des fonctionnaires qui s' étaient portés candidats . Enfin, dans le septième moyen,
il fait valoir que l' AIPN n' a pas vérifié si les candidats satisfaisaient aux qualifications requises par l' avis de vacance n 10/89 .

Sur le fond

Sur les deuxième, sixième et septième moyens et sur la motivation de la décision attaquée

16 Le requérant affirme, dans son deuxième moyen, que l' AIPN n' a pas tenu compte de l' avis du comité paritaire de promotion du 12 juin 1989, dans lequel il avait été proposé, à l' unanimité, de promouvoir M . Thomson et, à la majorité et dans l' ordre, MM . Schoenherr et Vingborg ( ex aequo ), ainsi que M . Anastassiadis et Mme Weiler ( ex aequo ). Dans son sixième moyen, le requérant fait valoir que le CES n' a pas respecté les dispositions de l' article 45 du statut . A cet égard, le requérant
fait valoir qu' il n' est pas établi que l' AIPN ait procédé à l' examen comparatif des mérites des fonctionnaires et il fait observer qu' il est plus âgé et compte une ancienneté de service et de grade supérieure à celle de M . Di Carlo . En outre, le requérant relève qu' il traduit à partir de quatre langues vers l' allemand, qu' il a une formation bancaire, qu' il est titulaire d' un diplôme d' État d' interprète et de traducteur qualifié et qu' il a effectué des études complètes de sciences
économiques à l' université de Cologne . Dans le septième moyen, le requérant allègue que l' AIPN n' a pas vérifié si les candidats présentaient les qualifications requises par l' avis de vacance n 10/89 .

17 En réponse au deuxième moyen soulevé par le requérant, le CES rétorque que le statut n' impose aucune obligation de mettre en place une procédure de consultation en matière de promotion . La décision d' instaurer une telle procédure serait facultative . Le CES estime que, dans le cas où l' AIPN se propose de ne pas suivre l' avis du comité paritaire de promotion, il n' existe, pour elle, aucune obligation de motivation spécifique des décisions de promotion et que de telles décisions, comme les
décisions relatives à l' affectation d' un fonctionnaire à un nouvel emploi, n' ont pas à être motivées . Le CES souligne que l' AIPN jouit, à cet égard, d' un pouvoir discrétionnaire . En ce qui concerne le sixième moyen, le CES estime que le requérant n' apporte aucun élément de preuve à son appui . Le CES soutient, en outre, que l' AIPN dispose d' un pouvoir discrétionnaire dans l' évaluation des aptitudes des candidats . En réponse au septième moyen invoqué par le requérant, le CES affirme qu'
il n' apporte aucun élément permettant de l' étayer .

18 Le Tribunal relève que ces trois moyens sont essentiellement tirés de la violation de l' article 45 du statut et, en conséquence, estime opportun de les examiner ensemble, en liaison avec la motivation de la décision attaquée, puisqu' il est tenu de rechercher d' office si le CES a satisfait à l' obligation qui lui incombait de motiver sa décision ( voir l' arrêt du Tribunal du 20 septembre 1990, Hanning/Parlement européen, T-37/89, point 38, Rec . p . II-463 ).

19 Le Tribunal rappelle qu' aux termes de l' article 45, paragraphe 1, du statut, la promotion se fait exclusivement au moyen d' un choix, parmi les fonctionnaires justifiant d' un minimum d' ancienneté dans leur grade, après examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion ainsi que des rapports dont ils ont fait l' objet .

20 Pour évaluer l' intérêt du service ainsi que les mérites à prendre en considération dans le cadre de la décision de promotion prévue à l' article 45 du statut, l' AIPN dispose d' un large pouvoir d' appréciation et, dans ce domaine, le contrôle du juge communautaire doit se limiter à la question de savoir si, eu égard aux voies et moyens qui ont pu conduire l' administration à son appréciation, celle-ci s' est tenue dans des limites non critiquables et n' a pas usé de son pouvoir de manière
manifestement erronée ( voir notamment arrêt de la Cour du 3 décembre 1981, Bakke-d' Aloya/Conseil, point 10, 280/80, Rec . p . 2887 ).

21 Bien que l' AIPN ne soit pas tenue, aux termes de l' article 45 du statut, de motiver les décisions de promotion, notamment à l' égard des candidats non promus ( voir notamment les arrêts de la Cour du 13 juillet 1972, Benardi/Parlement, 90/71, Rec . p . 603; du 30 octobre 1974, Grassi/Conseil, 188/73, Rec . p . 1099; du 12 février 1987, Bonino/Commission, 233/75, Rec . p . 739 et du 16 décembre 1987, Delauche/Commission, 111/86, Rec . p . 5345 ), elle est néanmoins obligée, conformément à l'
article 90, paragraphe 2, du statut, de motiver une décision portant rejet d' une réclamation contestant une promotion . Cependant, les promotions se faisant, aux termes de l' article 45 du statut, "au choix", la motivation ne saurait concerner que l' existence des conditions légales auxquelles le statut subordonne la régularité de promotion . Cela ne signifie donc pas que l' institution concernée doit exposer en détail la façon dont elle a estimé que le candidat nommé remplissait les conditions de
l' avis de vacance ( voir notamment les arrêts de la Cour du 30 octobre 1974, Grassi, 188/73, précité, points 13 et 14, et du 17 décembre 1981, De Hoe/Commission, point 13, 151/80, Rec . p . 3161 ).

22 Cette obligation de motiver, tout au moins au stade de la décision de rejet de la réclamation, une décision de promotion contestée a pour but de permettre au juge communautaire d' exercer son contrôle sur la légalité de la décision de promotion et de fournir à l' intéressé une indication suffisante pour savoir si elle est bien fondée ou si elle est entachée d' un vice permettant d' en contester la légalité . L' obligation de motivation constitue donc un principe essentiel du droit communautaire,
auquel il ne saurait être dérogé qu' en raison de considérations impérieuses ( voir en dernier lieu l' arrêt du Tribunal du 20 mars 1991, Perez - Minguez Casariego/Commission, point 73, T-1/90, Rec . p . II-0000, et l' arrêt de la Cour du 21 novembre 1991, Technische Universitaet Muenchen, point 26, C-269/90, Rec . p . I-0000 ).

23 En l' espèce, le Tribunal constate que, dans la lettre du 1er août 1989, par laquelle le président du CES a informé le requérant que sa candidature n' avait pu être retenue, ne figure aucune motivation, alors que la note du 12 février 1990, par laquelle le secrétaire général du CES a rejeté la réclamation du requérant, ne contient que la confirmation générale que toutes les candidatures, dont celle du requérant, introduites à la suite de la publication de l' avis de vacance n 10/89 ont fait l'
objet d' un examen comparatif approfondi, conformément à l' article 45 du statut et que l' AIPN a alors décidé qu' elle ne pouvait suivre l' avis non contraignant du comité paritaire de promotion et a donné préférence à un collègue du requérant, le jugeant le plus méritant pour être promu au poste vacant . Cette note ne comporte donc pas non plus une quelconque motivation à l' égard du requérant .

24 Interrogé, au cours de l' audience, sur la manière dont s' était déroulé l' examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion ainsi que des rapports dont ils ont fait l' objet, le représentant du CES a fait valoir, d' une part, que l' AIPN avait fondé sa décision sur l' ensemble des éléments dont disposait l' administration, y compris les rapports de notation des candidats et, d' autre part, que l' AIPN avait demandé à M . Vermeylen de procéder à une analyse
comparative des différents rapports de notation des candidats . Cependant, M . Vermeylen n' a fourni au secrétaire général que ses conclusions sans faire une analyse détaillée, approfondie et comparative des rapports de notation et, par conséquent, ceux-ci ont été les seuls documents écrits figurant dans le dossier sur lequel l' AIPN s' est fondée . Soulignant que le CES est une institution de taille modeste avec une "AIPN unipersonnelle", selon les termes mêmes utilisés par le CES, en mesure de
prendre ses décisions sans formalisme inutile, le représentant du CES a, en outre, précisé qu' avant de prendre sa décision l' AIPN s' était entourée d' avis, avait eu plusieurs entretiens et avait consulté le directeur compétent .

25 Il convient de rappeler que, si l' AIPN jouit, en matière de promotion, d' un large pouvoir d' appréciation, l' exercice de ce pouvoir suppose un examen attentif des dossiers qui doivent être l' objet d' un examen comparatif . Toutefois, en présence d' un faisceau d' indices suffisamment concordants venant étayer l' argumentation du requérant relative à l' absence d' un véritable examen comparatif des candidatures, c' est à l' institution défenderesse qu' il incombe de rapporter la preuve, par
des éléments objectifs susceptibles de faire l' objet d' un contrôle juridictionnel, qu' elle a respecté les garanties accordées par l' article 45 du statut aux fonctionnaires ayant vocation à la promotion et procédé à un tel examen comparatif .

26 Le Tribunal est d' avis que, d' une part, les précisions factuelles apportées par la partie défenderesse et, d' autre part, la seule affirmation, énoncée de façon purement abstraite et non étayée par une quelconque pièce figurant dans le dossier produit devant le Tribunal, selon laquelle le dossier concernant l' avis de vacance n 10/89 a permis à l' AIPN de comparer les mérites des candidats et que cette dernière a effectivement procédé à cet examen, ne sauraient être considérées comme
suffisantes pour démontrer que l' AIPN a réellement procédé, en l' espèce, à un examen comparatif des mérites des candidats .

27 En ce qui concerne la liste établie par le comité paritaire de promotion le 12 juin 1989, conformément à l' article 4 de la décision n 2903/81 A du CES, du 1er décembre 1981, fixant la composition et les compétences du comité de promotion, le Tribunal rappelle, d' une part, que l' article 5 de cette décision exige que l' AIPN procède aux promotions après avoir pris connaissance d' une telle liste et, d' autre part, que dès lors qu' une institution crée en son sein un comité consultatif non
prescrit par le statut, afin de disposer, en vue de la nomination à certains postes, d' un avis sur les capacités et les aptitudes des candidats au regard des qualifications requises, cette mesure vise à assurer à cette institution, en tant qu' AIPN, une meilleure base pour procéder à l' examen comparatif des mérites des candidats, exigé par l' article 45 du statut ( voir arrêt de la Cour du 9 juillet 1987, Hochbaum et Rawes/Commission, point 16, 44/85, 77/85, 294/85 et 295/85, Rec . p . 3259 ).

28 Il en résulte qu' une liste établie par le comité de promotion doit faire partie des éléments sur lesquels l' institution fonde sa propre appréciation des candidats et que, en l' espèce, l' AIPN était obligée de tenir compte de la liste établie par le comité de promotion, même si elle estimait devoir s' en écarter . D' ailleurs la consultation de cette liste revêtait une importance particulière, dans la mesure où, dans son avis, le comité avait proposé, à l' unanimité de promouvoir M . Thomson,
et, à la majorité et dans l' ordre, MM . Schoenherr et Vingborg ( ex aequo ) ainsi que M . Anastassiadis et Mme Weiler ( ex aequo ).

29 Le Tribunal constate que, ni la décision n 259/89 A du président du CES promouvant M . Di Carlo ni la lettre du même président informant le requérant que sa candidature n' avait pu être retenue ni même la note du 12 février 1990 du secrétaire général du CES rejetant la réclamation du requérant ne font mention d' une prise en compte de l' avis rendu par le comité paritaire de promotion . En outre, le dossier produit devant le Tribunal, sur sa demande, ne permet pas d' établir que l' AIPN a
satisfait à son obligation de tenir compte de cet avis . Par conséquent, le Tribunal ne peut que considérer qu' une telle prise en compte n' est pas établie et que la décision attaquée est dépourvue de toute motivation, alors qu' une telle motivation eût été particulièrement nécessaire en l' espèce où l' AIPN a cru devoir s' écarter totalement des propositions figurant dans l' avis du comité paritaire .

30 Au surplus, le Tribunal constate que, comme le représentant du CES l' a admis lors de l' audience, le CES n' a pas produit, ainsi qu' il y avait été expressément invité par le Tribunal, l' ensemble du dossier sur la base duquel l' AIPN a pris la décision attaquée . En ne déférant pas à cette demande, le CES a méconnu une obligation qui lui incombe vis-à-vis du juge communautaire, ne mettant pas à même le Tribunal d' exercer pleinement son contrôle de la légalité de la décision attaquée .

31 Il résulte de tout ce qui précède, dans un tel contexte où le requérant a présenté des allégations précises et étayées, où l' institution a méconnu son obligation de produire le dossier au vu duquel elle s' est prononcée, où le juge ne peut apprécier si c' est bien l' AIPN, à savoir le président, qui a réellement exercé ses compétences, où si, comme il ressort des pièces du dossier, c' est une autorité incompétente, le secrétaire général du CES, qui a procédé en première analyse à la nomination
litigieuse et où aucune décision motivée n' a été adressée au requérant en réponse à sa réclamation, que la décision attaquée doit être annulée, sans qu' il soit nécessaire d' examiner les autres moyens invoqués par le requérant à l' appui de son recours ni d' ordonner les mesures d' instruction qu' il a sollicitées .

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

32 Aux termes de l' article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s' il est conclu en ce sens . Le CES ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens .

Dispositif

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL ( cinquième chambre )

déclare et arrête :

1 ) La décision n 259/89 A du président du Comité économique et social, du 1er août 1989, portant nomination de M . Giovanni Di Carlo au poste de traducteur principal à la suite de l' avis de vacance n 10/89, est annulée .

2 ) Le Comité économique et social est condamné aux dépens .


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : T-25/90
Date de la décision : 30/01/1992
Type de recours : Recours de fonctionnaires - fondé

Analyses

Fonctionnaires - Annulation d'une décision de promotion - Examen comparatif des mérites - Obligation de motivation.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Richard Schönherr
Défendeurs : Comité économique et social.

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:1992:8

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award