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17/01/1992 | CJUE | N°C-338/90

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 17 janvier 1992., Hamlin Electronics GmbH contre Hauptzollamt Darmstadt., 17/01/1992, C-338/90


Avis juridique important

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61990C0338

Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 17 janvier 1992. - Hamlin Electronics GmbH contre Hauptzollamt Darmstadt. - Demande de décision préjudicielle: Hessisches Finanzgericht - Allemagne. - Tarif douanier commun - Suspension temporaire des droits autonomes - Interr

upteurs à lames. - Affaire C-338/90.
Recueil de jurisprudence 1992 p...

Avis juridique important

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61990C0338

Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 17 janvier 1992. - Hamlin Electronics GmbH contre Hauptzollamt Darmstadt. - Demande de décision préjudicielle: Hessisches Finanzgericht - Allemagne. - Tarif douanier commun - Suspension temporaire des droits autonomes - Interrupteurs à lames. - Affaire C-338/90.
Recueil de jurisprudence 1992 page I-02333

Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. Le règlement (CEE) n 3696/88 du Conseil, du 18 novembre 1988 (1), a suspendu temporairement les droits autonomes du tarif douanier commun relatifs à un certain nombre de produits, notamment les "interrupteur(s) à lame se présentant sous la forme d' une capsule de verre contenant au maximum trois contacts électriques fixée sur des tiges métalliques et une petite quantité de mercure" (2). Ces interrupteurs relèvent de la sous-position 8536 5000 9930.

2. Le Hessisches Finanzgericht vous interroge sur le point de savoir si une telle définition inclut également les interrupteurs à lame sans mercure.

3. De juin à décembre 1989, la société Hamlin Electronics a, en effet, importé des États-Unis des interrupteurs à lame sans mercure. Faisant application des règlements précités, le Hauptzollamt Darmstadt a, dans un premier temps, accordé une suspension des droits de douane pour ce type de produits. Dans un second temps, il a réclamé, par un avis de mise en recouvrement a posteriori, des droits d' un montant de 152 702 DM, au motif que les interrupteurs sans mercure ne relevaient pas de la
sous-position citée ci-avant, mais de la sous-position 8536 5000 9990 pour laquelle aucune suspension des droits de douane n' est prévue. Devant le Hessisches Finanzgericht, la société Hamlin a demandé l' annulation de cet avis.

4. Pour soutenir que la définition figurant au code NC ex 8536 5000 (ci-après "définition") inclut les interrupteurs sans mercure, la société requérante au principal invoque trois séries d' arguments, tirés du libellé même du texte, de la ratio legis et de l' article 130 R du traité CEE. Examinons-les tour à tour.

5. Peut-on déduire tout d' abord d' une analyse grammaticale de la définition que celle-ci inclut les interrupteurs sans mercure?

6. La société requérante au principal pose, en substance, le problème en ces termes: l' expression "contenant au maximum" est un facteur commun aux deux membres de phrase qui lui font suite; la phrase doit donc être lue ainsi: interrupteurs contenant au maximum d' une part trois contacts électriques, d' autre part une petite quantité de mercure. La petite quantité de mercure est la limite supérieure au-delà de laquelle la suspension des droits ne s' applique plus; la définition inclut en conséquence
l' interrupteur sans mercure.

7. Bien entendu, si l' expression "contenant au maximum" n' est relative qu' au premier membre de phrase qui lui fait suite ("trois contacts électriques fixés sur des tiges métalliques"), une petite quantité de mercure est exigée et la définition n' inclut pas les interrupteurs sans mercure.

8. Notons d' emblée que la rédaction du manuel allemand sur le tarif d' usage, qui indique: "interrupteurs ... contenant une petite quantité de mercure" - ce qui paraît exclure les interrupteurs sans mercure - n' a qu' une valeur indicative et ne nous est d' aucun secours (3).

9. Il ne nous semble pas, toutefois, qu' une analyse grammaticale de la phrase dans les différentes versions linguistiques du texte communautaire, aussi poussée soit-elle, puisse, à elle seule, fournir une réponse à la question posée.

10. Les versions danoise, espagnole et portugaise de la définition - mais seulement celles-ci -, en prévoyant une virgule après "tiges métalliques", ont isolé l' expression "une petite quantité de mercure" et semblent exclure que l' expression "au maximum" puisse s' y rapporter. Tel n' est pas, en revanche, le cas des autres versions linguistiques.

11. Quoi qu' il en soit, le problème nous paraît devoir être posé différemment.

12. Rappelons, en effet, les principes en matière de suspension tarifaire. Tous les produits qui sont importés d' États tiers dans la Communauté, sauf dérogations prévues par la réglementation communautaire, doivent acquitter les droits inscrits dans le tarif douanier commun. Comme le précise la communication de la Commission du 13 septembre 1989 (4), "les suspensions tarifaires, adoptées sur la base de l' article 28 du traité CEE, constituent une exception à la situation normale, car elles
permettent pendant une période déterminée, de ne pas acquitter en totalité (suspension totale) ou en partie (suspension partielle), les droits qui normalement devraient être payés sur les marchandises importées".

13. Dans cette communication, la Commission a précisé le rôle des suspensions tarifaires: "La Commission estime que les droits de douane ont un rôle économique précis. Les suspensions, dont le but est d' annuler complètement ou partiellement les effets de ces droits pendant une période déterminée, ne peuvent donc être accordées que pour des raisons précises et valables", notamment afin de "donner aux entreprises communautaires la possibilité de s' approvisionner pendant un certain temps au meilleur
prix" (5).

14. Et la Commission de préciser quels sont les produits pouvant bénéficier de pareilles suspensions: "Traditionnellement, depuis que de telles mesures sont octroyées au niveau communautaire, les suspensions ont pour but essentiel de permettre aux firmes communautaires de mettre en oeuvre des matières premières, des demi-produits ou des composants qui ne sont pas disponibles à l' intérieur de la Communauté" (6).

15. Les règlements portant suspension des droits tarifaires prévoient donc des dérogations au principe du tarif douanier commun posé par les articles 19 et 20 du Traité CEE. Ne doivent-ils pas dès lors être interprétés de manière restrictive?

16. De même que "les dispositions du droit communautaire et, en particulier, celles des règlements du Conseil ou de la Commission, qui ouvrent droit à des prestations financées par les fonds communautaires, doivent être interprétés strictement" (7), de même, à notre sens, les dispositions d' un règlement communautaire qui suspend des droits de douane normalement perçus par les États membres de la Communauté et qui prive celle-ci d' une ressource doivent être interprétées strictement (8).

17. Dans une affaire Ethicon (9), le Conseil et la Commission vous avaient invités à interpréter strictement (10) les dispositions d' un règlement portant suspension de droits tarifaires. Il s' agissait de savoir si la suspension temporaire des droits autonomes du tarif douanier commun prévu par un règlement pour les seuls "fils entièrement en acide polyglycolique" qui ne sont pas produits à l' intérieur de la Communauté pouvait être étendue aux fils contenant 90 % d' acide polyglycolique et 10 % de
lactide, qui n' avaient bénéficié d' une telle suspension que dans des règlements ultérieurs.

18. Vous avez jugé que:

"La suspension des droits autonomes du tarif douanier commun en vertu de l' article 28 du traité CEE a pour but, ainsi qu' il ressort des considérants des règlements y relatifs du Conseil, de répondre, à titre temporaire, aux besoins des industries utilisatrices de la Communauté. En arrêtant de telles dispositions, le Conseil doit tenir compte, outre ces besoins, des exigences de la sécurité juridique et des difficultés auxquelles doivent faire face les administrations douanières nationales en
raison de l' ampleur et de la complexité des tâches qu' elles ont à accomplir.

Il s' ensuit que les désignations de produits pour lesquels la suspension de droits de douane a été accordée doivent être interprétées selon des critères objectifs, inhérents à leur formulation, et qu' il n' est pas possible de les appliquer, contrairement à leur libellé, à d' autres produits même si ces produits ne diffèrent pas, par leurs propriétés et leur utilisation, de ceux couverts par la suspension.

...

Conformément à la finalité des suspensions des droits de douane et aux exigences, ci-dessus rappelées, dont il incombe au Conseil de tenir compte dans le domaine tarifaire en vertu de l' article 28 du traité CEE, le Conseil doit choisir, aux fins de la délimitation d' une suspension, des critères objectifs et vérifiables, limitant strictement le champ d' application de la dérogation en question aux produits pour lesquels un besoin des industries utilisatrices de la Communauté s' est concrètement
manifesté et a effectivement pu être constaté par le Conseil. Il appartient, le cas échéant, à l' importateur qui veut bénéficier pour une certaine marchandise d' une telle dérogation de présenter sa demande aux autorités compétentes afin de mettre le Conseil en mesure d' y statuer" (11).

19. Or, précisément, le premier considérant des deux règlements n s 3696/88 et 1656/89 dispose que, "pour les produits visés au présent règlement, la production est actuellement insuffisante ou nulle dans la Communauté et ... les producteurs ne peuvent ainsi répondre aux besoins des industries utilisatrices de la Communauté". Notons que les deux règlements précités ne donnent pas d' autre motif à la suspension des droits tarifaires qu' ils prévoient.

20. Il apparaît donc que les suspensions tarifaires ne peuvent concerner que les produits non disponibles ou insuffisamment disponibles dans la Communauté (12).

21. Une observation de la Commission est, à cet égard, déterminante. Elle rappelle que, dans la demande étatique ayant abouti à la suspension dont s' agit, les interrupteurs à lame étaient décrits de la façon suivante: "L' un des contacts de la capsule est composé d' un matériau imprégné de mercure. La viscosité du mercure permet d' éviter les chocs électriques en retour, c' est-à-dire une courte interruption du contact, lorsque les électrodes entrent en contact dans un champ magnétique d' une
bobine extérieure ... Il n' est pas fabriqué dans la Communauté, à notre connaissance, d' interrupteurs de ce type avec du mercure destiné à imprégner ou humidifier les contacts ..." (13).

22. Notons en outre que, si depuis l' Acte unique européen le Conseil décide des suspensions tarifaires sur proposition de la Commission (14), saisie de demandes des États, il est, semble-t-il, de règle, selon les explications fournies à l' audience par le représentant de la Commission, de limiter le bénéfice de la suspension tarifaire à un produit ayant fait l' objet d' une demande par un État sans que le Conseil étende à d' autres produits non visés dans la demande le bénéfice de la suspension.

23. L' examen de la ratio legis démontre par conséquent que la définition n' inclut pas les interrupteurs sans mercure.

24. Enfin, la société requérante au principal soutient que la définition doit faire l' objet d' une interprétation conforme aux dispositions de l' article 130 R du traité CEE, qui fixe les objectifs de la Communauté en matière d' environnement et qui dispose dans son paragraphe 2 que "les exigences en matière de protection de l' environnement sont une composante des autres politiques de la Communauté".

25. Elle en déduit que les règlements communautaires n s 3696/88 et 1656/89 n' ont pu favoriser les interrupteurs avec mercure (produit toxique et polluant) par rapport aux interrupteurs sans mercure, en excluant ces derniers du bénéfice de la suspension tarifaire.

26. Cette argumentation appelle les brèves observations suivantes.

27. S' il est, en effet, légitime de faire appel aux articles du traité pour interpréter une disposition de droit dérivé, encore faut-il que celle-ci donne lieu à une difficulté d' interprétation et qu' elle laisse une marge d' appréciation à l' interprète.

28. Tel, nous l' avons vu, n' est pas le cas. L' interprétation stricte de la mesure concernée des règlements n s 3696/88 et 1656/89, au regard de la ratio legis de ces textes, ne permet pas d' en étendre le bénéfice aux interrupteurs sans mercure.

29. Si, telle qu' interprétée, cette mesure devait se révéler contraire à l' objectif décrit à l' article 130 R, paragraphe 2, du traité, et à supposer que cette dernière disposition ne soit pas purement programmatique, alors pourrait se poser le problème de sa validité, mais non celui de son application à des produits qui n' entrent pas dans son champ d' application.

30. Il en résulte qu' aucun argument tiré de la lettre du texte, de la ratio legis ou de l' article 130 R du traité ne permet de soutenir que la définition inclut les interrupteurs sans mercure.

31. Nous vous proposons donc de dire pour droit:

"La définition de l' interrupteur à lame, telle qu' elle résulte du code NC ex 8536 5000 figurant en annexe des règlements (CEE) n s 3696/88 du Conseil, du 18 novembre 1988, et 1659/89 du Conseil, du 29 mai 1989, portant l' un et l' autre suspension temporaire des droits autonomes du tarif douanier commun sur un certain nombre de produits industriels (micro-électronique et secteurs connexes), doit être interprétée en ce sens que lesdits interrupteurs à lame doivent contenir une petite quantité de
mercure pour pouvoir bénéficier de la suspension en cause."

(*) Langue originale: le français.

(1) Portant suspension temporaire des droits autonomes du tarif douanier commun sur un certain nombre de produits industriels (JO L 329, p. 1), prorogé par le règlement (CEE) n 1656/89 du Conseil, du 29 mai 1989, portant suspension temporaire des droits autonomes du tarif douanier commun sur un certain nombre de produits industriels (JO L 167, p. 1).

(2) Voir annexe, tableau II, code NC ex 8536 5000, du règlement n 3696/88 et annexe, code NC ex 8536 5000, du règlement n 1656/89.

(3) Voir, à cet égard, l' arrêt du 12 juillet 1989, Binder, point 19 (161/88, Rec. p. 2438).

(4) Communication en matière de suspensions tarifaires autonomes 89/C 235/02 (JO C 235, p. 2), parue alors que le règlement n 1656/89 précité était en cours de validité.

(5) Ibid., p. 3, points 2.4.1 et 2.4.2, souligné par nous.

(6) Ibid., p. 3, point 2.5.1, souligné par nous.

(7) Arrêt du 6 mai 1982, BayWa, point 10 (146/81, 192/81 et 193/81, Rec. p. 1503).

(8) Voir articles 201 du traité et 2 de la décision du Conseil du 7 mai 1985 relative au système des ressources propres des Communautés (JO L 128).

(9) Arrêt du 18 mars 1986 (58/85, Rec. p. 1131).

(10) Voir point 10 de l' arrêt précité.

(11) Points 12, 13 et 19 de l' arrêt précité, souligné par nous.

(12) On relèvera que l' absence ou l' insuffisance d' interrupteurs sans mercure sur le marché communautaire ne résulte d' aucun élément du dossier.

(13) P. 7 du texte français des observations de la Commission, souligné par nous.

(14) Article 28 traité CEE.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-338/90
Date de la décision : 17/01/1992
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Hessisches Finanzgericht - Allemagne.

Tarif douanier commun - Suspension temporaire des droits autonomes - Interrupteurs à lames.

Union douanière

Libre circulation des marchandises

Tarif douanier commun


Parties
Demandeurs : Hamlin Electronics GmbH
Défendeurs : Hauptzollamt Darmstadt.

Composition du Tribunal
Avocat général : Darmon
Rapporteur ?: Díez de Velasco

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1992:23

Source

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