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13/12/1991 | CJUE | N°C-255/90

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Gulmann présentées le 13 décembre 1991., Jean-Louis Burban contre Parlement européen., 13/12/1991, C-255/90


Avis juridique important

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61990C0255

Conclusions de l'avocat général Gulmann présentées le 13 décembre 1991. - Jean-Louis Burban contre Parlement européen. - Pourvoi - Refus d'admission à concourir - Devoir de sollicitude et principe de bonne administration. - Affaire C-255/90 P.
Recueil de jurisprudence 199

2 page I-02253

Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Pr...

Avis juridique important

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61990C0255

Conclusions de l'avocat général Gulmann présentées le 13 décembre 1991. - Jean-Louis Burban contre Parlement européen. - Pourvoi - Refus d'admission à concourir - Devoir de sollicitude et principe de bonne administration. - Affaire C-255/90 P.
Recueil de jurisprudence 1992 page I-02253

Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. L' objet de la présente affaire est, en bref, le suivant:

Vers la fin de l' année 1988, le Parlement européen a organisé un concours général destiné à pourvoir un emploi de chef de division pour diriger son bureau d' information de Paris.

M. Jean-Louis Burban, fonctionnaire de grade A 4 au Parlement, a souhaité participer au concours et a adressé par suite son acte de candidature. Le jury ne l' a toutefois pas admis à concourir, au motif qu' il n' avait pas joint les pièces justificatives se rapportant aux études et à l' expérience professionnelle dont il se prévalait dans l' acte de candidature. Après ce rejet, il y a eu un échange de notes entre le jury et M. Burban, qui contestait le bien-fondé de la décision du jury. M. Burban a
en particulier indiqué n' avoir pas transmis les pièces justificatives en raison de ce qu' il avait contacté le chef du service "statut et gestion du personnel" à la division du personnel du Parlement, qui l' avait informé de ce que les annexes nécessaires aux fins de l' examen de sa candidature, qui se trouvaient dans son dossier personnel, seraient directement communiquées au jury par l' administration du Parlement. Le jury a cependant maintenu sa décision.

M. Burban a déposé un recours contre le Parlement aux fins de l' annulation de la décision du jury. Par arrêt du 20 juin 1990, le Tribunal de première instance a rejeté le recours (1). M. Burban s' est pourvu contre cet arrêt devant la Cour. Il estime incorrect que l' erreur par lui commise, consistant à ne pas avoir joint à son acte de candidature les pièces justificatives nécessaires, ait eu des conséquences aussi sérieuses. L' erreur revêtait, selon lui, un caractère purement formel, qu' il était
aisé de redresser. Il estime au reste qu' il y avait lieu, en raison de circonstances particulières, de notamment lui donner cette possibilité. En premier lieu, parce qu' en tout cas un des membres du jury était parfaitement conscient de ce qu' il remplissait les conditions de fond pour participer au concours et, en second lieu, parce que l' erreur reposait sur la circonstance qu' il s' en était remis aux informations qu' il avait reçues du fonctionnaire précité au Parlement, qui aurait dû être au
courant de la procédure qu' il convenait de suivre.

La décision du Tribunal témoigne, selon M. Burban, d' un formalisme excessif. Il a rassemblé ces considérations dans le moyen unique qu' il fait valoir à l' appui de son pourvoi, à savoir que l' arrêt attaqué comporte une violation et une interprétation erronée du devoir de sollicitude envers les fonctionnaires ainsi que du principe de bonne administration. Il estime qu' il résulte de ces principes qu' on aurait dû lui donner la possibilité de déposer après coup les pièces justificatives nécessaires
à l' examen de sa candidature.

Pour ce qui est du détail des circonstances de fait de la présente affaire et des considérations juridiques développées par les parties, nous renvoyons à l' arrêt du Tribunal ainsi qu' au rapport d' audience.

2. Nous dirons d' emblée que, à notre sens, le Tribunal est parvenu au résultat correct. Les considérants qui importent sont les points 21 à 40 de l' arrêt, auxquels nous pouvons nous rallier.

Il importe de mettre en exergue que la décision litigieuse, loin de traduire un formalisme juridique excessif, se fonde au contraire sur des principes de droit administratif essentiels, qui sont également applicables à l' organisation des concours. La gestion dans ce domaine doit tout à la fois assurer une égalité de traitement entre les candidats et un déroulement des opérations de concours aussi rapide et rationnel que possible, compte tenu de ce que les candidats sont en droit d' exiger une
appréciation objective.

3. Il est constant en l' espèce que:

- il était fait état en plusieurs endroits de l' avis de concours que les pièces justificatives nécessaires aux fins de l' appréciation des candidatures devaient être transmises endéans l' expiration du délai de candidature;

- il était aussi clairement indiqué dans l' avis de concours que cette obligation de preuve s' appliquait également aux fonctionnaires et autres agents du Parlement, et

- il était indiqué que la conséquence juridique d' un défaut de transmission des pièces justificatives dans le délai imparti consistait dans un refus d' admission à concourir dans le chef des intéressés.

Il est tout à fait habituel d' exiger la production de telles pièces justificatives et d' y attacher la conséquence juridique susindiquée en cas de non-respect.

Dans les concours organisés par les institutions, il peut y avoir plusieurs centaines, voire plusieurs milliers de candidats. Il y a donc lieu de définir des règles claires et faciles à gérer. Il va de soi, et il est en même temps conforme à une juste répartition des tâches, que la production des pièces justificatives requises incombe aux candidats (2). Le jury ne saurait avoir pour tâche d' apprécier la raison du non-respect de l' obligation de produire des pièces justificatives. Il est évident que
le jury ne peut avoir d' obligation positive de vérifier - par exemple en parcourant les dossiers des candidats internes - que les candidats satisfont de facto aux conditions posées en l' espèce. Le jury ne saurait non plus avoir pour tâche d' apprécier si un candidat qui n' a pas transmis les pièces requises serait en mesure de remédier à ce défaut et, dans l' affirmative, s' il existe des raisons de caractère plus ou moins absolutoire qui justifieraient de donner à l' intéressé une telle
possibilité. Le jury se verrait confronté de la sorte à une tâche qui pourrait être extrêmement lourde et qui impliquerait en tout état de cause de difficiles questions de délimitation.

L' avis de concours est donc, à juste titre, clair sur ce point. Il incombe aux candidats de produire les pièces justificatives nécessaires aux fins de l' examen de leur candidature et le jury n' a pas la faculté d' admettre des candidats n' ayant pas satisfait à cette exigence.

Une telle règle claire constitue, bien entendu, également une bonne base de départ aux fins d' assurer le respect du principe d' égalité de traitement entre candidats, y compris l' égalité de traitement entre candidats internes et externes.

Dans ces conditions, le devoir de sollicitude de l' administration et le principe de bonne administration ne sauraient être invoqués par des candidats aux fins d' obtenir le droit de remédier à une erreur commise en liaison avec la production de pièces justificatives.

4. Cela vaut également à l' égard de M. Burban. Les circonstances particulières qu' il fait valoir, censées militer en faveur d' une autorisation, dans son chef, de remédier à l' erreur commise, ne sont pas de nature telle qu' on puisse déroger à la condition clairement énoncée dans l' avis de concours.

Il n' y a pas lieu de s' appesantir sur la circonstance que l' un des membres du jury avait connaissance de ce que M. Burban satisfaisait aux conditions requises en matière d' examens et d' expérience professionnelle. Ce hasard ne peut pas fonder une exception par rapport aux exigences claires et appropriées énoncées dans l' avis de concours, au regard des pièces justificatives. Au contraire, une telle exception créerait une discrimination dans le chef des autres candidats dont les candidatures
devraient être écartées parce que, par hasard, le jury ne comportait pas un membre qui les connaissait.

M. Burban a fait valoir qu' il y avait lieu de lui permettre de rectifier l' erreur, parce que celle-ci procédait de renseignements qu' il avait reçus d' un fonctionnaire du Parlement. Le Tribunal de première instance a pris position sur cet argument sans décider de façon définitive si de telles informations erronées avaient été données à M. Burban, le Tribunal ayant considéré que les renseignements dont l' intéressé se prévalait, "à les supposer établis et pour regrettables qu' ils soient", n'
étaient pas de nature à lui donner gain de cause. Nous partageons l' avis du Tribunal sur ce point.

M. Burban ne saurait se prévaloir de déclarations dont la teneur est contraire à des règles clairement fixées en ce qui concerne le déroulement des opérations du concours et émanant d' un fonctionnaire non compétent en la matière. Il est manifeste que le fonctionnaire en cause n' avait aucune compétence pour modifier l' obligation de joindre des pièces justificatives, telle qu' elle avait sans ambiguïté été définie dans l' avis de concours par l' autorité investie du pouvoir de nomination. Les
déclarations de ce fonctionnaire ne peuvent ni habiliter ni - a fortiori - obliger le jury ou l' AIPN à agir en contrariété avec l' avis de concours. Cette opinion est corroborée, au reste, par la jurisprudence selon laquelle on ne saurait se prévaloir des déclarations contraires au statut; nous renvoyons à cet égard à l' arrêt de la Cour dans l' affaire Vlachou (3) ainsi qu' aux conclusions de l' avocat général Warner dans l' affaire Dautzenberg (4).

5. M. Burban a, en outre, fait valoir qu' il résulterait de la jurisprudence de la Cour que le jury était, en raison du devoir de sollicitude et du principe de bonne administration, tenu d' appliquer la disposition de l' article 2, paragraphe 2, de l' annexe III du statut, selon lequel des documents et renseignements complémentaires peuvent être requis des candidats. A cet égard, M. Burban a invoqué les arrêts de la Cour du 23 octobre 1986, Schwiering/Cour des comptes (5) et du 4 février 1987,
Maurissen/Cour des comptes (6). A notre avis, cet argument ne résiste pas à l' analyse. Tout d' abord, la présomption contraire pèse sur cette thèse, étant donné qu' une telle obligation ne résulte pas du libellé de la disposition précitée. En second lieu, la Cour a déclaré, dans son arrêt du 25 avril 1978, Allgayer/Parlement (7), qu' un jury n' a pas une telle obligation. Les deux arrêts invoqués par M. Burban n' ont pas modifié l' état du droit en la matière. Ces deux arrêts concernaient des
situations

- relatives à des concours internes;

- comportant un nombre réduit de candidats;

- dans lesquelles les fonctionnaires concernés avaient transmis des pièces justificatives dans le délai de présentation des candidatures, et

- dans lesquelles le jury avait décidé de faire usage de la faculté de requérir des informations complémentaires, visée à l' article 2, paragraphe 2.

Correctement considérés, les deux arrêts ont donc trait à la question des modalités d' utilisation de l' habilitation ancrée à l' article 2, paragraphe 2, une fois que le jury s' est résolu à faire usage de cette habilitation.

6. En conséquence, M. Burban ne saurait obtenir gain de cause en son pourvoi. En ce qui concerne les dépens, ceux-ci devraient, selon nous, être supportés par le demandeur au pourvoi. Toutefois, il résulte des dispositions combinées des articles 69, paragraphe 2, et 122 du règlement de procédure que la partie perdante ne supporte les dépens que s' il est conclu en ce sens. Dans ses conclusions, le Parlement a invité la Cour à statuer sur les dépens conformément aux dispositions du règlement de
procédure. Cela peut difficilement s' interpréter comme une demande tendant à la condamnation aux dépens. Chaque partie devrait, par suite, supporter ses propres dépens.

7. Eu égard aux considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de rejeter le pourvoi et de laisser chaque partie supporter ses propres dépens.

(*) Langue originale: le danois.

(1) Burban/Parlement (T-133/89, Rec. p. II-245).

(2) La Cour a déclaré à plusieurs reprises qu' il appartient aux candidats - et non au jury - de produire les pièces justificatives permettant au jury d' apprécier si les candidats remplissent les conditions de fond pour pouvoir participer au concours, par exemple dans l' arrêt du 12 juillet 1989, Belardinelli/Cour de justice (225/87, Rec. p. 2353, 2384).

(3) Arrêt du 6 février 1986, Vlachou/Cour des comptes (162/84, Rec. p. 481, 491).

(4) Arrêt du 28 octobre 1980, Dautzenberg/Cour de justice (2/80, Rec. p. 3107, 3121).

(5) Arrêt du 23 octobre 1986, Schwiering/Cour des comptes (321/85, Rec. p. 3199).

(6) Arrêt du 4 février 1987, Maurissen/Cour des comptes (417/85, Rec. p. 551).

(7) Allgayer/Parlement (74/77, Rec. p. 977). Dans cette affaire, le jury d' un concours général sur titres et épreuves avait refusé d' admettre aux épreuves écrites une candidate, fonctionnaire à la Commission, au motif que, sur la base des titres transmis par la candidate, il n' avait pas été en mesure de lui attribuer le nombre de points requis dans l' avis de concours pour pouvoir participer aux épreuves écrites. La fonctionnaire a exigé de pouvoir produire des pièces supplémentaires. Au point 9
de l' arrêt, la Cour a considéré ce qui suit:

"La requérante a compris la nécessité de déposer un dossier complet en joignant des documents superfétatoires, tels que la copie de son diplôme de baccalauréat et celle de son diplôme d' études moyennes inférieures, dont la possession était évidente au vu de son diplôme universitaire;

Dans le cas d' un concours sur titres, il est, de par la nature même du concours, obligatoire que les titres soient joints à l' acte de candidature, sans que le jury soit dans l' obligation de les réclamer aux candidats;

Si la requérante n' a pas joint à son acte de candidature les certificats envoyés ultérieurement, elle ne peut s' en prendre qu' à elle-même et en subir les conséquences;

Il y a d' ailleurs lieu de faire remarquer que, d' après les critères objectifs de base arrêtés par le jury pour apprécier les titres des candidats, ces certificats n' auraient pas été pris en considération;"


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-255/90
Date de la décision : 13/12/1991
Type d'affaire : Pourvoi - non fondé
Type de recours : Recours de fonctionnaires

Analyses

Pourvoi - Refus d'admission à concourir - Devoir de sollicitude et principe de bonne administration.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Jean-Louis Burban
Défendeurs : Parlement européen.

Composition du Tribunal
Avocat général : Gulmann
Rapporteur ?: Kakouris

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1991:484

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