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28/11/1991 | CJUE | N°C-334/90

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 28 novembre 1991., État belge contre Marichal-Margrève SPRL., 28/11/1991, C-334/90


Avis juridique important

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61990C0334

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 28 novembre 1991. - État belge contre Marichal-Margrève SPRL. - Demande de décision préjudicielle: Tribunal de première instance de Verviers - Belgique. - Montants compensatoires monétaires - Paiement - Conditions - Alimen

ts composés pour animaux - Déclaration en douane de la composition du produ...

Avis juridique important

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61990C0334

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 28 novembre 1991. - État belge contre Marichal-Margrève SPRL. - Demande de décision préjudicielle: Tribunal de première instance de Verviers - Belgique. - Montants compensatoires monétaires - Paiement - Conditions - Aliments composés pour animaux - Déclaration en douane de la composition du produit. - Affaire C-334/90.
Recueil de jurisprudence 1992 page I-00101

Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . Les montants compensatoires monétaires ( ci-après "MCM ") sont des montants à verser ou à demander par les États membres pour l' importation et l' exportation de certains produits agricoles . Les MCM sont destinés à compenser les distorsions du marché qui risquent de se produire à la suite de fluctuations des taux de change . C' est ainsi que, si la monnaie de l' État membre d' importation s' apprécie, un montant doit être versé à l' importateur en contrepartie du fléchissement du prix des
produits dans cette monnaie, alors que, si cette monnaie se déprécie, un montant est payable à l' importateur en contrepartie de la hausse du coût des produits . En l' espèce, des aliments pour animaux ont été importés de France en Belgique au cours d' une période de dépréciation du franc belge .

2 . L' affaire concerne des MCM payés ou réclamés sur l' importation de tourteaux de maïs en Belgique entre le 5 mars 1982 et le 17 mai 1983 . L' importateur, Marichal-Margrève ( ci-après "Marichal "), est la société défenderesse dans la procédure principale . Il est constant que le produit importé relève d' une sous-position du tarif douanier commun (( c' est-à-dire 23.07 BI c ) 1 )) à laquelle une disposition spéciale s' applique . Cette disposition a été introduite pour la première fois par l'
article 1er du règlement ( CEE ) n 495/79 de la Commission, du 14 mars 1979 ( JO L 65, p . 14 ), et a été reprise dans la réglementation applicable au cours de la période pendant laquelle les opérations en cause ont été réalisées, c' est-à-dire dans le règlement ( CEE ) n 2901/81 de la Commission, du 7 octobre 1981 ( JO L 288, p . 1 ), le règlement ( CEE ) n 1071/82 de la Commission, du 5 mai 1982 ( JO L 124, p . 1 ) et le règlement ( CEE ) n 1235/82 de la Commission, du 19 mai 1982 ( JO L 142, p .
1 ). Il est à noter cependant que le règlement n 2901/81 n' était en fait pas applicable aux transactions en cause en l' espèce, puisque ce règlement ne fixait aucun MCM pour les importations en Belgique . Aucun MCM n' était donc exigible en aucun cas avant l' entrée en vigueur du règlement n 1071/82 en date du 6 mai 1982 .

3 . Dans chacun des trois règlements dans lesquels elle a été reprise, la disposition figure sous la forme d' une note 9 à la partie 1 de l' annexe I du règlement . Cette disposition prévoit ce qui suit :

"Pour les produits contenant des produits relevant de la position 07.06 ou de la sous-position 11.04 C du tarif douanier commun, aucun montant compensatoire monétaire n' est octroyé pour la partie 'céréale' . Toutefois, les montants indiqués s' appliquent si les montants compensatoires doivent être perçus .

Lors de l' accomplissement des formalités douanières

...

- d' importation effectuées dans un État membre à monnaie dépréciée ...

l' intéressé est tenu d' indiquer, dans la déclaration prévue à cet effet, la composition complète du produit avec précision de la teneur en poids par position tarifaire de chaque produit non laitier incorporé ".

Nous dénommerons la disposition reprise ci-avant la "disposition relative à la partie 'céréale' ".

4 . La disposition relative à la partie "céréale" avait donc pour effet de réduire les MCM payables à un importateur en ce qui concerne l' importation des aliments composés en cause . Si le produit contenait un des composants indiqués ( c' est-à-dire un des composants relevant de la position tarifaire 07.06 ou de la sous-position 11.04 C ), aucun MCM n' était exigible pour aucune partie "céréale" ( que cette partie ait ou non compris des céréales en sus des composants indiqués ). En outre, là où la
partie "céréale" était supérieure de 50 % en poids, il semble qu' aucun MCM n' était exigible pour aucun des composants . A cet égard, la Commission a expliqué à l' audience qu' un tel produit était qualifié de céréale aux fins de la fixation des MCM et que, de ce fait, il n' entraînait l' application de MCM que sur la partie "céréale ". On constate, par conséquent, que le MCM correct ne pouvait être calculé que si la composition du produit et en particulier les poids des produits non laitiers qui y
étaient incorporés était connus . Il ressort des deuxième et quatrième considérants du règlement n 495/79 que la mesure a été adoptée afin d' arrêter des "courants commerciaux artificiels", c' est-à-dire des courants d' échanges exclusivement destinés à entraîner l' application de MCM . Aux termes du cinquième considérant, "l' application des dispositions ... peut être rendue plus efficace si l' opérateur qui demande l' octroi du montant compensatoire monétaire déclare la composition des produits en
cause ."

5 . En l' espèce, Marichal a omis de déclarer la composition susvisée aux autorités belges au moment de l' accomplissement des formalités douanières lors de l' importation, bien qu' il semble que des données relatives aux mêmes produits aient été fournies, mais à d' autres fins, aux autorités françaises en 1978, et qu' une copie de la déclaration antérieure ait été communiquée aux autorités belges le 9 janvier 1984 . Dans la procédure principale, l' État belge représenté par le ministre des Affaires
économiques cherche à récupérer les MCM versés pour des importations effectuées entre le 5 mars 1982 et le 2 février 1983 et à continuer à bloquer les paiements pour les importations réalisées du 8 février 1983 au 17 mai 1983, dans chaque cas au motif que Marichal a omis de présenter la déclaration requise . En répondant à une déclaration écrite posée par la Cour, le gouvernement belge a expliqué que les montants payés l' avaient été sans aucune vérification préalable du droit au paiement, à la
suite d' une erreur administrative .

6 . Le tribunal de première instance de Verviers a donc déféré les questions suivantes à la Cour pour qu' il soit statué à titre préjudiciel :

"1 ) Résulte-t-il des règles du droit communautaire, notamment du règlement ( CEE ) n 495/79 de la Commission des Communautés européennes, du 14 mars 1979, qu' un opérateur économique perd irrémédiablement tout droit aux montants compensatoires monétaires lorsque, lors de l' accomplissement des formalités douanières d' importation effectuées dans un État membre à monnaie dépréciée, d' aliments composés relevant des sous-positions 23.07 BI a ) 1 ou 2, 23.07 BI b ) 1 ou 2 ou 23.07 BI c ) 1 ou 2 du
tarif douanier commun, il n' a pas adéquatement rempli la déclaration en douane prévue pour l' octroi des montants compensatoires monétaires, y omettant les mentions requises par ledit règlement ( CEE ) n 495/79, à savoir la composition complète du produit avec précision de la teneur en poids par position tarifaire de chaque produit non laitier incorporé?

Il est à noter que chacune des six sous-positions mentionnées dans la première question est une sous-position à laquelle la disposition relative à la partie "céréale" s' appliquait pendant les périodes à considérer, bien que nous ayons déjà signalé que les produits importés en l' espèce semblaient tous relever de la sous-position 23.07 BI c ) 1 .

7 . Le règlement n 495/79 ne contient aucune disposition prévoyant expressément les conséquences du défaut de présentation de la déclaration requise . D' autres dispositions régissant le droit aux MCM figurent cependant dans le règlement ( CEE ) n 1371/81 de la Commission, du 19 mai 1981, portant modalités d' application administrative des montants compensatoires monétaires ( JO L 138, p . 1 ). La section B du titre II de ce règlement ( articles 5 et 6 ) est intitulée "Importation", et l' article 6
prévoit ce qui suit :

"Au moment de l' accomplissement des formalités douanières d' importation, l' intéressé est tenu de fournir dans le document prévu à cet effet toutes les indications nécessaires au calcul du montant compensatoire monétaire, et en particulier :

...

d ) la composition des produits en question, pour autant que cela s' avère nécessaire pour le calcul du montant compensatoire monétaire ".

La section E du titre II ( articles 16 et 17 ) est intitulée "Versement ". L' article 16, paragraphe 1, prévoit ce qui suit :

"Le montant compensatoire monétaire à octroyer à l' importation n' est payé que sur production de la déclaration d' importation et, le cas échéant, de tout document annexe mentionnant les indications visées à l' article 6 et attestant que les produits ont été importés ..."

L' article 17 prévoit ce qui suit :

"1 . Le montant compensatoire monétaire à octroyer n' est payé que sur demande écrite de l' intéressé ...

2 . Sauf cas de force majeure, les documents relatifs à l' octroi des montants compensatoires monétaires doivent être déposés, sous peine de forclusion, dans les douze mois suivant le jour où les autorités douanières ont accepté la déclaration d' importation ou la déclaration d' exportation .

..."

8 . Il ressort des dispositions reprises ci-avant qu' un importateur ne peut prétendre à des MCM que s' il présente, dans les douze mois de l' acceptation de la déclaration d' importation, une copie des documents annexés à cette déclaration, qui mentionnent les indications visées à l' article 6 . C' est ainsi que là où des indications sur la composition des produits sont nécessaires aux fins de la détermination des MCM, l' importateur doit présenter une copie du document annexé à la déclaration d'
importation et où figurent ces indications . Il s' ensuit que, lorsque la disposition relative à la partie "céréale" s' applique, une copie de la déclaration prescrite par cette disposition doit être présentée . Compte tenu d' une interprétation stricte et littérale du règlement n 1371/81, un importateur qui a omis de présenter cette déclaration au moment du dépôt de la déclaration douanière ne peut donc réunir les conditions requises pour le paiement de MCM, puisqu' il ne peut présenter le document
prescrit .

9 . Par conséquent, l' établissement de la déclaration requise au moment de l' importation est une formalité à l' exécution de laquelle le versement de MCM est subordonné . Il est clair cependant que l' accomplissement de cette formalité ne peut être tenu pour une condition absolue du versement des MCM, au moins qu' il ne soit nécessaire aux fins d' une surveillance effective des transactions en cause : voir l' affaire 46/82, Allemagne/Commission, point 10 ( Rec . 1983, p . 3549 ). Il est, par
conséquent, nécessaire d' examiner le point de savoir si la vérification de la participation de la partie "céréale" des produits serait tout aussi efficace si l' opérateur était autorisé à communiquer les mêmes données après l' importation .

10 . Dans la demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi exprime l' avis que les autorités douanières étaient informées de l' intention de l' importateur de réclamer des MCM et auraient dû se rendre compte de ce que la composition des produits importés présentait de l' importance pour sa demande . Selon cette juridiction, l' absence d' une déclaration établie à l' époque de l' importation ne faisait obstacle à l' exécution d' aucune vérification nécessaire, puisque les autorités
avaient la possibilité de prélever et de conserver un échantillon du produit, qui pouvait être ensuite utilisé aux fins de la vérification de l' exactitude de toute déclaration ultérieure . La juridiction de renvoi émet également l' avis qu' il appartenait aux autorités douanières d' attirer l' attention de l' importateur sur toutes formalités applicables .

11 . D' autre part, la Commission soutient que tout opérateur normalement diligent aurait dû être au courant des exigences en cause . Elle souligne également que, compte tenu du grand nombre d' opérations à traiter par les autorités douanières, la déclaration de la composition par l' opérateur tient lieu de la mise en garde nécessaire . C' est ainsi qu' il n' y a pas lieu de s' attendre à ce que les autorités engagent une procédure d' échantillonnage là où leur attention n' est pas attirée sur la
nécessité éventuelle de cette procédure . En outre, la Commission émet l' avis qu' en l' absence d' un échantillon prélevé au moment de l' importation, la vérification de la composition du produit serait à la fois plus difficile et moins sûre .

12 . Il nous semble que les arguments de la Commission sont très convaincants . Si un importateur présente une déclaration sur la composition, l' attention des autorités douanières est attirée sur le fait que l' exactitude de cette déclaration peut présenter de l' importance pour une demande de MCM et ces autorités peuvent, par conséquent, engager toute procédure d' échantillonnage en vigueur . En l' absence d' une déclaration en ce sens, il incombe aux autorités de constater que les données en
cause présentent de l' importance . Compte tenu du grand nombre de produits de tout type que les autorités douanières ont à traiter, ce serait là selon nous exiger une vigilance excessive de la part de fonctionnaires peut-être surmenés . En revanche, l' importateur ne doit s' occuper que d' une gamme très limitée de produits et il est raisonnablement permis d' en attendre qu' il ait connaissance des exigences spéciales régissant chacun de ces produits .

13 . Il nous semble qu' est tout aussi convaincant l' argument de la Commission suivant lequel une vérification ultérieure de la composition du produit serait à la fois plus difficile et moins efficace qu' un système de déclaration et d' échantillonnage au moment de l' importation . Il est exact que les composants d' un produit peuvent, en principe, être déterminés d' après des informations communiquées par le fabricant, et tout aussi exact qu' en théorie tout au moins, un échantillon du produit
peut être prélevé après l' importation, aussi longtemps que le lot n' a pas encore été consommé . Dans chacun de ces deux cas, cependant, l' opération de vérification serait probablement plus onéreuse et moins sûre que l' application du système prévu par la réglementation . Par conséquent, il nous semble que l' accomplissement des formalités prescrites est en fait indispensable à la surveillance efficace des transactions en cause .

14 . Enfin, ainsi que la Commission le souligne, il est clair qu' un opérateur ne peut invoquer le principe de la protection de la confiance légitime afin de retenir des montants qui ont été versés par erreur par les autorités nationales en violation d' une disposition précise de la législation communautaire : voir l' affaire 316/86, Hauptzollamt Hamburg-Jonas/Kruecken, points 23 et 24 ( Rec . 1988, p . 2213 ).

15 . Par conséquent, selon nous, la première question déférée doit recevoir une réponse affirmative, et il est donc inutile d' examiner la seconde question . Si, cependant, contrairement à notre opinion, il était possible de rectifier l' omission après l' importation des produits, il est clair que la rectification ne pourrait être faite que par l' importateur communiquant les informations prescrites aux autorités compétentes dans les douze mois de l' acceptation de la déclaration d' importation :
voir l' article 17, paragraphe 2, du règlement n 1371/81, cité ci-avant au paragraphe 7 . En l' espèce, par conséquent, l' information n' ayant pas été fournie avant le 9 janvier 1984, le droit aux MCM serait perdu en ce qui concerne toute importation réalisée avant le 9 janvier 1983 .

Conclusion

16 . Nous sommes donc d' avis que les questions déférées par le tribunal de première instance de Verviers doivent recevoir la réponse suivante :

"Les dispositions de la note 9 de la partie 1 de l' annexe I des règlements ( CEE ) n 2901/81 de la Commission, du 7 octobre 1981, ( CEE ) n 1071/82 de la Commission, du 5 mai 1982, et ( CEE ) n 1235/82 de la Commission, du 19 mai 1982, respectivement, telles qu' elles ont été initialement introduites par le règlement ( CEE ) n 495/79 de la Commission, du 14 mars 1979, lues dans le contexte du règlement ( CEE ) n 1371/81 de la Commission, du 19 mai 1981, doivent être interprétées en ce sens qu' un
importateur perd irréparablement tout droit à des montants compensatoires monétaires si, en accomplissant les formalités douanières d' importation de produits composés destinés à l' alimentation animale et relevant des sous-positions du tarif douanier commun auxquelles ces dispositions s' appliquent, il omet d' établir la déclaration prescrite par ces dispositions ."

(*) Langue originale : l' anglais .


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-334/90
Date de la décision : 28/11/1991
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Tribunal de première instance de Verviers - Belgique.

Montants compensatoires monétaires - Paiement - Conditions - Aliments composés pour animaux - Déclaration en douane de la composition du produit.

Céréales

Agriculture et Pêche

Mesures monétaires en agriculture


Parties
Demandeurs : État belge
Défendeurs : Marichal-Margrève SPRL.

Composition du Tribunal
Avocat général : Jacobs
Rapporteur ?: Grévisse

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1991:455

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