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25/09/1991 | CJUE | N°T-54/90

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal de première instance, Max Lacroix contre Commission des Communautés européennes., 25/09/1991, T-54/90


Avis juridique important

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61990A0054

Arrêt du Tribunal de première instance (quatrième chambre) du 25 septembre 1991. - Max Lacroix contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaires - Recevabilité - Délai de réclamation. - Affaire T-54/90.
Recueil de jurisprudence 1991 page II-00749

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Disposit...

Avis juridique important

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61990A0054

Arrêt du Tribunal de première instance (quatrième chambre) du 25 septembre 1991. - Max Lacroix contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaires - Recevabilité - Délai de réclamation. - Affaire T-54/90.
Recueil de jurisprudence 1991 page II-00749

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

++++

1 . Fonctionnaires - Recours - Réclamation administrative préalable - Délais - Caractère d' ordre public

( Statut des fonctionnaires, art . 90 et 91 )

2 . Fonctionnaires - Recours - Réclamation administrative préalable - Date d' introduction - Réception par l' administration

( Statut des fonctionnaires, art . 90, § 2 )

Sommaire

1 . Les délais de réclamation et de recours fixés par les articles 90 et 91 du statut sont destinés à assurer la sécurité des situations juridiques . Ils sont donc d' ordre public et ne sauraient être laissés à la disposition des parties ou du juge .

Le fait qu' une institution réponde sur le fond à une réclamation administrative tardive et donc irrecevable ne peut avoir pour effet de déroger au système des délais impératifs institués par les articles précités ni de priver l' administration de la faculté de soulever, au stade de la procédure juridictionnelle, une exception d' irrecevabilité pour tardiveté de la réclamation et encore moins de dispenser le Tribunal de l' obligation qui lui incombe de vérifier le respect des délais statutaires .

2 . Une réclamation est introduite au sens de l' article 90, paragraphe 2, du statut, lorsqu' elle parvient à l' institution destinataire . Le principe de sécurité juridique exige, en effet, que la date à laquelle la réclamation est réputée, à l' égard du fonctionnaire, introduite auprès de l' administration corresponde à celle à partir de laquelle commence à courir le délai de réponse à la réclamation . Cette date est celle à laquelle l' administration est en mesure de prendre connaissance de la
réclamation, le simple dépôt de celle-ci à la poste n' étant pas susceptible, en lui-même, de fournir une indication suffisamment certaine quant à la date à laquelle la lettre contenant la réclamation sera transmise à l' institution destinataire .

En revanche, le fonctionnaire ne saurait pâtir de facteurs indépendants de sa volonté, susceptibles de retarder la transmission de sa réclamation, tels des défauts ou des lenteurs de transmission d' un service à l' autre à l' intérieur de l' institution en cause . C' est par conséquent la date de réception au service courrier de l' institution destinataire qu' il convient de retenir pour apprécier si la réclamation a été introduite dans le délai de trois mois prévu à l' article 90, paragraphe 2, du
statut .

Parties

Dans l' affaire T-54/90,

Max Lacroix, ancien fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Montréal ( Canada ), représenté par Me Charles Kaufhold, avocat au barreau de Luxembourg, ayant élu domicile à Luxembourg en son étude, 7, Côte d' Eich,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M . Sean van Raepenbusch, membre du service juridique, en qualité d' agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M . Guido Berardis, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet, au présent stade de la procédure, la recevabilité d' un recours tendant, d' une part, à l' annulation de la décision de la Commission, du 12 janvier 1990, supprimant rétroactivement l' indemnité de "compensation différentielle" perçue par le requérant et, d' autre part, à l' annulation de la décision de la Commission du 13 mars 1990, concernant la récupération des sommes prétendument liquidées à tort au profit du requérant,

LE TRIBUNAL ( quatrième chambre ),

composé de MM . R . Schintgen, président, D . A . O . Edward et R . García-Valdecasas, juges,

greffier : M . H . Jung

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 11 juin 1991,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

Les faits à l' origine du recours

1 Le requérant, M . Max Lacroix, né le 9 février 1913, a été admis à la retraite à compter du 1er mars 1978 . Il a continué à résider à Bruxelles, lieu de sa dernière affectation, avant de quitter, au mois de février 1981, la Belgique pour fixer sa résidence au Canada .

2 Par lettre du 30 août 1988, le chef du service spécialisé "pensions" a informé le requérant que le Conseil, après avoir arrêté, le 5 octobre 1987, le règlement ( Euratom, CECA, CEE ) n 3019/87, établissant des dispositions particulières et dérogatoires applicables aux fonctionnaires des Communautés européennes affectés dans un pays tiers ( JO L 286, p . 3 ), avait fixé, pour les pays hors Communauté, de nouveaux coefficients correcteurs, lesquels n' étaient toutefois applicables qu' aux
rémunérations des fonctionnaires en activité . L' article 3 du règlement ( CECA, CEE, Euratom ) n 2175/88 du Conseil, du 18 juillet 1988, portant fixation des coefficients correcteurs applicables dans les pays tiers ( JO L 191, p . 1 ), prévoyait que le coefficient correcteur applicable aux pensions dont les titulaires ont établi leur résidence dans un pays hors Communauté serait égal à 100 . Le chef de service précisait que ces nouvelles modalités de calcul seraient applicables à partir du 10
octobre 1987, sans affecter le montant de la pension du requérant de façon rétroactive . Il précisait : "Afin de vous garantir au mieux le maintien de votre pouvoir d' achat et pour autant que vous mainteniez votre résidence au Canada, une indemnité compensatrice égale à 225,62 CAD vous sera versée mensuellement ".

3 A la suite de l' adoption par le Conseil, le 24 octobre 1988, des règlements ( CECA, CEE, Euratom ) n s 3294/88 et 3295/88 ( J0 L 293, p . 1 ), rectifiant les coefficients correcteurs affectant dans divers États membres autres que la Belgique les rémunérations de fonctionnaires affectés dans l' un de ces États ainsi que les pensions des anciens fonctionnaires résidant dans l' un de ces États, deux circulaires ont été adressées, les 5 décembre 1988 et 5 janvier 1989, par l' administration à l'
ensemble des retraités, dont le requérant, qui attiraient leur attention sur les conséquences de la mise en place des nouveaux coefficients correcteurs résultant des règlements susvisés, intervenus consécutivement aux vérifications quinquennales de 1980 et 1985 .

4 Sur le bulletin de pension du requérant afférent au mois de décembre 1988 est apparu un décompte correspondant à une indemnité dite de "compensation différentielle ". Cette indemnité a été versée au requérant avec effet à compter du mois de juillet 1988 et jusqu' au mois de novembre 1989 inclus . Son montant a fait, pendant cette période, l' objet de diverses corrections . Il résulte du dossier que le montant total des indemnités liquidées au profit du requérant s' est élevé à 5 787,37 CAD .

5 Par lettre du 12 janvier 1990, reçue le 22 janvier 1990 par M . Lacroix, le chef de l' unité "pensions et relations avec les anciens" a informé le requérant que "la compensation différentielle ( code 341 ), attribuée depuis juillet 1988, n' avait pas lieu d' être appliquée" et que "en conséquence, elle a été supprimée avec effet au 1er décembre 1989 ". Il ajoutait que, "concernant les mois précédents, c' est-à-dire depuis le 1er juillet 1988, la suppression se fera dès que possible" et précisait
par ailleurs qu' il communiquerait "en temps voulu le montant dû ainsi que les modalités de remboursement ".

6 Par lettre du 13 mars 1990, le chef de la même unité a informé le requérant que le montant à retenir sur sa pension était de 5 787,37 CAD et que la récupération de cette somme s' effectuerait à partir du mois d' avril 1990, en six mensualités .

7 Ces retenues ont effectivement été opérées sur la pension de M . Lacroix au cours des mois suivants .

8 Par lettre du 21 avril 1990, déposée à la poste le même jour, reçue par le service du courrier de la Commission le 27 avril 1990 et enregistrée au secrétariat général de la Commission le 30 avril 1990, le requérant a introduit une réclamation à l' encontre des décisions contenues dans les deux lettres des 12 janvier 1990 et 13 mars 1990, précitées . Selon lui, la première décision n' était pas motivée, elle ne tenait pas compte de ses droits acquis et elle avait été prise en méconnaissance de l'
article 85 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes ( ci-après "statut "). La seconde décision serait également entachée de nullité, en conséquence de la nullité affectant la première . Par ailleurs, le montant soumis à répétition dépasserait celui qui lui aurait été versé .

9 Après un échange de correspondance entre l' administration et le requérant, le directeur général de l' administration et du personnel de la Commission a fait savoir au requérant, par note du 9 novembre 1990, reçue le 3 décembre 1990 par M . Lacroix, ce qui suit :

"Après une longue instruction du dossier, j' ai l' honneur de vous faire savoir que votre réclamation est accueillie favorablement .

Les conditions de fond pour l' application de l' article 85 du statut n' étaient pas réunies dans le cas d' espèce .

Par conséquent, la somme de 5 787,37 CAD vous sera versée . Elle correspond au montant qui a été retenu à tort sur votre pension .

De la sorte, il est fait entièrement droit à votre réclamation, qui n' a donc plus d' objet ."

La procédure

10 C' est dans ces conditions que, par requête déposée le 28 décembre 1990 au greffe du Tribunal de première instance, le requérant a introduit le présent recours, visant à l' annulation des décisions des 12 janvier 1990 et 13 mars 1990 et de la décision implicite de rejet opposée à sa réclamation datée du 21 avril 1990 .

11 Sans avoir déposé de mémoire en défense au fond, la Commission a soulevé une exception d' irrecevabilité, enregistrée le 12 février 1991 au greffe du Tribunal, à l' encontre du recours .

12 Le requérant a déposé des observations, enregistrées le 10 avril 1991 au greffe du Tribunal, qui tendent au rejet de l' exception d' irrecevabilité .

13 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d' ouvrir la procédure orale, limitée à la question de la recevabilité, sans procéder à des mesures d' instruction préalables .

14 La procédure orale s' est déroulée le 11 juin 1991 . Les représentants des parties ont été entendus en leur plaidoirie et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal .

15 Le requérant conclut à ce qu' il plaise au Tribunal :

- dire le recours recevable pour avoir été introduit selon les règles statutaires;

- annuler la décision implicite de rejet opposée par la Commission à sa réclamation du 21 avril 1990, pour autant qu' il n' a pas été entièrement fait droit à celle-ci par la note du 9 novembre 1990 émanant de la Commission;

- dire que c' est à tort qu' il n' a pas été fait droit à ladite réclamation, en ce que les décisions du 12 janvier 1990 et du 13 mars 1990 n' ont pas été formellement annulées pour violation de l' article 25, paragraphe 2, du statut;

- annuler les décisions susvisées pour défaut de motivation ou fausse motivation;

- annuler les décisions susvisées comme violant un droit acquis, en le privant de façon arbitraire d' une indemnité versée pendant de nombreux mois et devenue partie de sa pension;

- dire que l' indemnité dite de "compensation différentielle" lui reste définitivement due et acquise jusqu' à ce jour et pour l' avenir;

- dire que la Commission est tenue de lui verser les indemnités non perçues à ce jour et les indemnités à échoir, majorées d' intérêts au taux de 10 %, sinon des intérêts légaux, à partir de leurs échéances respectives;

- condamner la défenderesse à tous les frais et dépens de l' instance .

16 La défenderesse conclut à ce qu' il plaise au Tribunal :

- rejeter le recours comme irrecevable en tant qu' il vise la décision du 12 janvier 1990, ainsi que le rejet implicite de la réclamation introduite à l' encontre de cette décision;

- dire qu' il n' y a pas lieu à statuer sur le recours en tant qu' il vise la décision du 13 mars 1990;

- rejeter comme irrecevables les autres chefs de la demande;

- statuer comme de droit sur les dépens .

Sur la recevabilité

17 A l' appui de son exception d' irrecevabilité, la défenderesse invoque deux moyens tirés, d' une part, de la tardiveté de la réclamation en ce qui concerne la décision du 12 janvier 1990 et, d' autre part, du défaut d' objet du recours pour autant que ce dernier tend à l' annulation de la décision du 13 mars 1990 .

Sur le premier moyen tiré de la tardiveté de la réclamation

18 La défenderesse fait valoir que le recours, en tant qu' il poursuit l' annulation de la décision du 12 janvier 1990, n' a pas été précédé d' une réclamation précontentieuse introduite dans le délai de trois mois visé à l' article 90, paragraphe 2, du statut . Le recours devrait dès lors, aux termes de l' article 91, paragraphe 2, du même statut, être déclaré irrecevable .

19 A l' appui de ce moyen, la défenderesse expose que la décision en question, expédiée le 17 janvier 1990 par l' administration, a été reçue par le requérant, selon ses propres dires, le 22 janvier 1990 . Or, la réclamation introduite par le requérant à son encontre n' aurait été enregistrée au secrétariat général de la Commission que le 30 avril 1990, soit plus de trois mois après sa réception par le requérant . La défenderesse ajoute que la réclamation devrait également être considérée comme
tardive, dans l' hypothèse où l' on prendrait en compte non pas la date de son enregistrement au secrétariat général, mais la date à laquelle elle est parvenue au service du courrier de la Commission, à savoir le 27 avril 1990 .

20 Le requérant conclut au rejet de ce moyen d' irrecevabilité en soutenant que le délai de trois mois a été respecté en l' espèce du fait que la lettre contenant sa réclamation a été déposée à la poste le 21 avril 1990, soit dans le délai statutaire . Selon lui, le statut n' exigerait pas que la réclamation soit reçue par l' institution dans le délai de trois mois . Au contraire, le formalisme très léger applicable à la procédure précontentieuse - la réclamation pouvant être formée par simple
lettre - conduirait à admettre qu' en cette matière la date du dépôt à la poste suffit à faire foi, faute de quoi le délai de trois mois se trouverait réduit en conséquence, ce qui entraînerait une inégalité entre les fonctionnaires suivant l' endroit où ils habitent . Le requérant ajoute que, les textes étant muets quant à la date à prendre en considération, à savoir soit la date d' expédition, soit la date de réception de la réclamation, il convient de trancher en faveur de celui dont les droits
sont limités, c' est-à-dire en faveur du fonctionnaire .

21 Au cours de l' audience, le requérant a encore exposé qu' il n' existe pas d' obstacle à ce qu' on tienne compte, d' une part, de la date du dépôt à la poste de la lettre contenant la réclamation, comme permettant au fonctionnaire concerné d' éviter la forclusion et, d' autre part, de la date de la réception par l' institution de la même lettre, comme constituant le point de départ du délai dont dispose l' institution pour répondre à la réclamation .

22 Il est à noter qu' en l' espèce le requérant n' a fait état d' aucune circonstance exceptionnelle, tel une grève ou un cas de force majeure, susceptible d' avoir retardé le dépôt à la poste ou l' acheminement de sa lettre et ayant empêché que celle-ci arrive en temps utile à destination .

23 La question que le Tribunal est amené à résoudre est celle de savoir quelle est la date à prendre en considération comme point de départ du délai prévu par le statut pour l' introduction d' une réclamation précontentieuse, dans l' hypothèse où cette dernière est envoyée par la voie postale, à savoir la date du dépôt de la lettre à la poste, la date de sa réception par le service du courrier de l' institution ou la date de son enregistrement officiel au service compétent . Il convient de rappeler,
à cet effet, qu' il résulte des pièces versées au dossier que la lettre contenant la réclamation a été déposée à la poste le 21 avril 1990, qu' elle a été reçue par le service du courrier de la Commission le 27 avril 1990 et que la réclamation a été enregistrée au secrétariat général le 30 avril 1990 .

24 A titre liminaire, il y a lieu de relever qu' il est de jurisprudence constante que les délais de réclamation et de recours fixés par les articles 90 et 91 du statut sont destinés à assurer la sécurité des situations juridiques . Ils sont donc d' ordre public et ne sauraient être laissés à la disposition des parties ou du juge . Le fait qu' une institution entre dans le fond d' une demande tardive et donc irrecevable ne peut avoir pour effet de déroger au système des délais impératifs institués
par les articles 90 et 91 du statut et de reconstituer un droit de recours définitivement périmé ( voir arrêt de la Cour du 12 juillet 1984, Moussis/Commission, 227/83, Rec . p . 3133 ). Il convient de remarquer que les auteurs du statut ont omis, à cet égard, de prévoir un régime particulier pour les fonctionnaires retraités, notamment ceux domiciliés en dehors du territoire de la Communauté, lesquels n' ont pas la possibilité de présenter leur réclamation par la voie hiérarchique à l' intérieur
même de l' institution .

25 Dans ces conditions, le fait qu' en l' espèce la défenderesse n' ait pas souligné le caractère tardif de la réclamation et la forclusion du requérant à introduire un recours devant le Tribunal au cours de la phase précontentieuse ne peut avoir pour effet de priver l' administration de la faculté de soulever, au stade de la procédure juridictionnelle, une exception d' irrecevabilité tirée de la tardiveté de la réclamation et encore moins de dispenser le Tribunal de l' obligation qui lui incombe de
vérifier le respect des délais statutaires ( voir également les arrêts du Tribunal du 6 décembre 1990, B./Commission, T-130/89, Rec . p . II-761; du 6 décembre 1990, Petrilli/Commission, T-6/90, Rec . p . II-765; du 11 juillet 1991, Von Hoessle/Cour des comptes, T-19/90, Rec . p . II-0000 et l' ordonnance du Tribunal du 7 juin 1991, Weyrich/Commission, T-14/91, Rec . p . II-0000 ).

26 Il convient encore de renvoyer, à titre liminaire, pour la détermination de la date à retenir comme étant celle de l' introduction de la réclamation, à l' article 90, paragraphe 2, du statut qui dispose en son premier alinéa que "... la réclamation doit être introduite dans un délai de trois mois ...", et en son deuxième alinéa que "l' autorité notifie sa décision motivée à l' intéressé dans un délai de quatre mois à partir du jour d' introduction de la réclamation ...". Le principe de sécurité
juridique qui, selon une jurisprudence constante, fait partie de l' ordre juridique communautaire, exige que tout acte de l' administration qui produit des effets juridiques soit clair, précis et porté à la connaissance de l' intéressé, de telle manière que celui-ci puisse connaître, avec certitude, le moment à partir duquel ledit acte existe et commence à produire ses effets juridiques, notamment au regard de l' ouverture des voies de recours prévues par les textes, en l' occurrence par le statut (
arrêt de la Cour du 21 septembre 1983, Deutsche Milchkontor e.a ., 205/82 à 215/82, Rec . p . 2633; arrêt du Tribunal du 7 février 1991, Tagaras/Cour de justice, T-18/89 et T-24/89, Rec . p . II-55; ordonnance du Tribunal du 7 juin 1991, précitée, T-14/91 ). En conséquence, le Tribunal considère que le principe de sécurité juridique interdit que, pour déterminer la date d' introduction de la réclamation, on puisse tenir compte de deux dates différentes, la date à laquelle la réclamation est,
vis-à-vis du requérant, réputée introduite auprès de l' administration devant également être celle à laquelle commence à courir le délai de réponse de cette dernière .

27 Pour l' appréciation de la question litigieuse, à savoir la détermination de la date à retenir, il y a lieu, tout d' abord, de rappeler que la Cour, dans son arrêt du 26 novembre 1981, Michel/Parlement, points 8 et 13 ( 195/80, Rec . p . 2861 ), après avoir examiné la question concernant le point de départ du délai de réclamation, a expressément pris en considération comme point final dudit délai, la date à laquelle la lettre contenant la réclamation avait été transmise au service du courrier de
l' institution . De même le Tribunal, dans son arrêt du 7 février 1991, précité, T-18/89 et T-24/89, a indiqué qu' en l' espèce "à partir de la réception de la réclamation, les services de la Cour disposaient d' un délai de quatre mois pour y répondre ".

28 Il résulte de cette jurisprudence que l' article 90 du statut, selon lequel la réclamation doit être "introduite" dans un délai de trois mois doit être interprété en ce sens que la réclamation "n' est pas introduite lorsqu' elle est postée, mais lorsqu' elle arrive à destination" ( voir les conclusions de l' avocat général Sir Gordon Slynn sous l' arrêt de la Cour du 26 novembre 1981, précité, 195/80, Rec . p . 2882 ) ou, selon l' expression de la Cour elle-même "est parvenue" à l' institution
destinataire ( voir arrêt précité, point 13 ).

29 A cet égard, il convient de relever, d' une part et de manière générale, que la sécurité des situations juridiques exige, dans l' intérêt des parties au litige et des éventuels tiers intéressés, que pour tout délai, les points de départ et d' arrivée soient clairement déterminés et qu' ils soient respectés d' une façon rigoureuse . D' autre part, et plus particulièrement en ce qui concerne le contentieux de la fonction publique communautaire, la date d' introduction de la réclamation constitue le
point de départ du délai pendant lequel l' administration doit notifier sa décision au réclamant, notification qui, à son tour, fait courir le délai de recours contentieux . Dans ces conditions, le Tribunal considère que seule la date à laquelle l' administration est en mesure de prendre connaissance de la réclamation peut être prise en considération, le simple dépôt à la poste n' étant pas susceptible en lui-même de fournir une indication suffisamment certaine quant à la date à laquelle la lettre
contenant la réclamation sera transmise à l' institution destinataire .

30 En revanche, il est évident que le fonctionnaire ne saurait pâtir de facteurs indépendants de sa volonté, susceptibles de retarder la transmission de sa lettre de réclamation . En particulier, il ne saurait être rendu responsable des défauts ou lenteurs de transmission de service en service à l' intérieur de l' institution destinataire .

31 En l' espèce, il ressort du dossier et il n' est pas contesté que la lettre contenant la réclamation, enregistrée au secrétariat général le 30 avril 1990, a été reçue au service du courrier de la Commission le 27 avril 1990 . C' est, partant, à cette dernière date qu' il faut se placer pour apprécier si la réclamation a été introduite dans le délai statutaire de trois mois .

32 Or, le requérant, selon ses propres affirmations non contredites par la Commission, a reçu la décision attaquée du 12 janvier 1990 le 22 janvier 1990, de sorte que sa réclamation devait être introduite au plus tard le 22 avril 1990 ( voir arrêt de la Cour du 15 janvier 1987, Misset/Conseil, point 8, 152/85, Rec . p . 223 ). Il s' ensuit que la réclamation introduite le 27 avril 1990 doit être considérée comme étant tardive .

33 En conséquence, le recours, pour autant qu' il poursuit l' annulation de la décision du 12 janvier 1990, est irrecevable .

Sur le second moyen tiré du défaut d' objet du recours

34 La défenderesse prétend que le recours, en tant qu' il poursuit l' annulation de la décision du 13 mars 1990 liquidant le montant soumis à répétition et fixant les modalités de cette répétition, était devenu sans objet dès avant son introduction, compte tenu de la décision du 9 novembre 1990, aux termes de laquelle l' administration a informé le requérant que le montant soumis à tort à répétition lui serait restitué .

35 En conséquence, la défenderesse demande au Tribunal de déclarer qu' il n' y a pas lieu de statuer sur ce chef de recours .

36 Le requérant, dans ses observations déposées le 10 avril 1991, n' a pas répondu à ce moyen .

37 Le Tribunal constate que la décision du 13 mars 1990 se limite à préciser le montant total - à savoir 5 787,37 CAD - et les modalités de récupération des sommes prétendument versées à tort à M . Lacroix . Or, par lettre du 9 novembre 1990, la Commission a informé le requérant qu' elle avait fait droit à la réclamation que ce dernier lui avait adressée et que les sommes qui avaient été retenues sur sa pension lui seraient restituées .

38 Le requérant ayant obtenu satisfaction sur ce point dès avant l' introduction du recours le 28 décembre 1990, il s' ensuit qu' il ne justifie pas d' un intérêt légitime à demander l' annulation de la décision attaquée et que ce chef du recours doit également être déclaré irrecevable .

39 Il découle de l' ensemble des considérations qui précèdent que le recours doit être rejeté comme irrecevable .

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

40 Aux termes du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s' il est conclu en ce sens . Toutefois, aux termes du même règlement, les frais exposés par les institutions dans les recours des agents des Communautés restent à la charge de celles-ci . En outre, le Tribunal peut, pour des motifs exceptionnels, compenser les dépens en totalité ou en partie .

41 A cet égard, il convient de prendre en considération en l' espèce, en premier lieu, que le comportement de la Commission, laquelle a adressé au requérant des décisions qui laissaient planer un doute sur l' existence de ses droits et qui n' a pas fourni de réponse aux différentes lettres que le requérant lui a adressées avant l' introduction de sa réclamation, a contribué à la naissance du litige . En second lieu, il convient de noter que la Commission, quoique consciente du fait que la
réclamation avait été introduite hors délai et que, de ce fait, un éventuel recours contentieux serait irrecevable, n' a pas en temps utile attiré l' attention du requérant sur ce point . En effet, d' une part, la défenderesse n' a manifesté aucune réaction à cet égard lors de la réception de la lettre que lui a adressée le requérant le 2 juin 1990, dans laquelle celui-ci notait expressément que sa réclamation était parvenue au service du courrier de l' institution le 27 avril 1990 . Il appert, d'
autre part, des réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l' audience que les services de la Commission n' ont pas davantage mentionné la tardiveté de la réclamation à l' occasion des différents entretiens téléphoniques qu' ils ont eus avec le requérant au cours de la procédure administrative . Dans ces conditions, le Tribunal considère que la défenderesse doit être condamnée à supporter la moitié des dépens du requérant .

Dispositif

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL ( quatrième chambre )

déclare et arrête :

1 ) Le recours est rejeté comme irrecevable .

2 ) La défenderesse supportera ses propres dépens et la moitié des dépens du requérant, qui supportera l' autre moitié de ses propres dépens .


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : T-54/90
Date de la décision : 25/09/1991
Type de recours : Recours de fonctionnaires - irrecevable

Analyses

Fonctionnaires - Recevabilité - Délai de réclamation.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Max Lacroix
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:1991:51

Source

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