Avis juridique important
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61990C0058
Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 2 juillet 1991. - Commission des Communautés européennes contre République italienne. - Articles 48, 52 et 59 du traité CEE - Reconnaissance de titres professionnels obtenus à l'étranger, réservée aux citoyens italiens - Exercice de professions auxiliaires de la santé. - Affaire C-58/90.
Recueil de jurisprudence 1991 page I-04193
Conclusions de l'avocat général
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Monsieur le Président,
Messieurs les Juges,
1 . Par le présent recours, la Commission vous demande de constater que la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 48, 52 et 59 du traité CEE, en réservant aux seuls ressortissants italiens la possibilité d' obtenir la reconnaissance en Italie des diplômes obtenus dans d' autres États de la Communauté, habilitant à exercer certaines professions auxiliaires de santé .
2 . La loi italienne n 752 du 8 novembre 1984 ( 1 ) prévoit, en effet, la reconnaissance des titres, obtenus à l' étranger, permettant l' exercice des professions auxiliaires de santé pour lesquelles la licence n' est pas requise . Cette reconnaissance est cependant réservée aux ressortissants italiens . Une note du 12 octobre 1987 du ministère de la Santé italien a ainsi refusé le bénéfice de ces dispositions à un ressortissant belge qui sollicitait la reconnaissance de son diplôme belge de
kinésithérapeute .
3 . Il ne fait aucun doute que la législation en cause est incompatible avec les règles du traité concernant la libre circulation des travailleurs, les libertés d' établissement et de prestation de services . Si rien n' empêche un État membre, en l' absence d' harmonisation, de déterminer les qualifications requises pour exercer tel emploi ( 2 ), l' existence d' une condition de nationalité pour la reconnaissance d' un diplôme ou d' une qualification professionnelle acquis dans un autre État membre
est contraire aux règles communautaires ( 3 ).
4 . Le gouvernement italien, pour sa défense, expose que le refus de reconnaissance de diplôme, opposé au ressortissant belge concerné, a été annulé par arrêt du tribunale amministrativo regionale del Lazio . Le ministère de la Santé n' a pas fait appel de cette décision et se trouverait dès lors tenu à faire application des principes retenus dans la sentence du tribunale à toutes les demandes de reconnaissance qui pourront être présentées .
5 . Est-il besoin de rappeler que ni la simple pratique administrative, laquelle est dépourvue d' une publicité adéquate et par nature modifiable au gré de l' administration, ni même l' obligation qu' ont les juges nationaux d' écarter les dispositions internes contraires au droit communautaire ne libèrent les États membres du devoir de faire disparaître de leur législation les dispositions contraires au droit communautaire, afin de ne pas donner lieu
"à une situation de fait ambiguë en maintenant, pour les sujets de droit concernés, un état d' incertitude quant aux possibilités qui leur sont réservées de faire appel au droit communautaire" ( 4 ).
6 . Nous concluons donc à ce que
- vous constatiez qu' en réservant aux seuls ressortissants italiens la possibilité d' obtenir la reconnaissance en Italie des titres obtenus dans d' autres États de la Communauté, habilitant à exercer certaines professions auxiliaires de santé, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 48, 52 et 59 du traité CEE;
- vous condamniez l' État défendeur aux dépens .
(*) Langue originale : le français .
( 1 ) GURI n 311 du 12.11.1984, p . 9427 .
( 2 ) Arrêt du 15 octobre 1987, Unectef, point 10 ( 222/86, Rec . p . 4097 ).
( 3 ) Pour les conditions de la reconnaissance des diplômes étrangers, en l' absence de toute exigence de nationalité, voir arrêt du 7 mai 1991, Vlassopoulou ( C-340/89, Rec . p . 0000 ).
( 4 ) Arrêt du 4 avril 1974, Commission/France, point 41 ( 167/73, Rec . p . 359 ); voir, plus récemment, arrêt du 14 juillet 1988, Commission/Grèce, point 9 ( 38/87, Rec . p . 4415 ).