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18/06/1991 | CJUE | N°C-161/90

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 18 juin 1991., Carmela Petruzzi et Addolorata Longo contre Associazione Italiana Produttori Olivicoli et Associazione Salentina Olivicoltori et Azienda di Stato per gli interventi sul mercato agricolo., 18/06/1991, C-161/90


Avis juridique important

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61990C0161

Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 18 juin 1991. - Carmela Petruzzi et Addolorata Longo contre Associazione Italiana Produttori Olivicoli et Associazione Salentina Olivicoltori et Azienda di Stato per gli interventi sul mercato agricolo. - Demandes de décision p

réjudicielle: Pretura di Lecce - Italie. - Interprétation de l'article...

Avis juridique important

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61990C0161

Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 18 juin 1991. - Carmela Petruzzi et Addolorata Longo contre Associazione Italiana Produttori Olivicoli et Associazione Salentina Olivicoltori et Azienda di Stato per gli interventi sul mercato agricolo. - Demandes de décision préjudicielle: Pretura di Lecce - Italie. - Interprétation de l'article 3, paragraphe 2, du règlement (CEE) no 3472/85 de la Commission, du 10 décembre 1985, relatif à l'examen des caractéristiques organoleptiques de l'huile
d'olive. - Affaires jointes C-161/90 et C-162/90.
Recueil de jurisprudence 1991 page I-04845

Conclusions de l'avocat général

++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . Les questions préjudicielles que vous adresse le pretore de Lecce ont trait, en substance, aux procédures d' examen de l' huile d' olive dans le cadre de l' organisation commune des marchés dans le secteur des matières grasses dont relève ce produit . Tout d' abord, quelques observations relatives au cadre réglementaire de cette organisation .

2 . Le système des prix repose, d' une part, sur un régime d' aides à la production et à la consommation, d' autre part, sur un mécanisme d' intervention selon lequel les organismes d' intervention sont tenus d' acheter l' huile présentée au cours des quatre derniers mois de chaque campagne de commercialisation, à savoir de juillet à octobre . Ces achats, financés par le FEOGA, section "garantie", sont effectués au prix d' intervention, lequel varie notamment en fonction des différentes
dénominations et de la qualité de l' huile .

3 . A cet égard, selon l' annexe du règlement de base ( 1 ), la classification de l' huile d' olive vierge s' effectue sous quatre dénominations différentes et deux caractéristiques . Les dénominations sont les suivantes :

- Huile d' olive extra;

- huile d' olive fine;

- huile d' olive courante;

- huile d' olive lampante .

Les caractéristiques à retenir portent sur l' acidité exprimée en acide oléique et le goût . Celui-ci doit être parfaitement irréprochable pour l' huile extra et l' huile fine, et bon pour l' huile courante .

4 . Aux termes de l' article 3, paragraphe 2, troisième et quatrième alinéas, du règlement ( CEE ) n 3472/85 ( 2 ) applicable lors des faits du litige pendant devant le juge a quo :

"En ce qui concerne l' huile d' olive vierge comestible, l' examen des caractéristiques organoleptiques est effectué selon une procédure communautaire .

Aussi longtemps que cette procédure n' est pas arrêtée, les États membres effectuent l' examen visé ci-avant selon des procédures nationales ."

5 . Précisons que la procédure communautaire d' examen des caractéristiques organoleptiques n' a pas encore été arrêtée . Par ailleurs, selon les articles 5, paragraphe 3, et 9, paragraphe 2, du même règlement, les organismes d' intervention peuvent charger d' autres organismes, dits stockeurs, des opérations d' intervention . A l' époque des faits, l' AIPO ( Associazione Italiana Produttori Olivicoli ) figurait parmi les organismes stockeurs en Italie .

6 . Selon la Commission, avant l' entrée en vigueur des dispositions communautaires, la classification de l' huile d' olive et les méthodes d' analyse en Italie étaient régies par la loi n 1407 du 13 novembre 1960 ( 3 ) et un décret ministériel du 26 novembre 1963 ( 4 ). Cette loi aurait comporté une autre classification que celle adoptée par le règlement n 136/66 en ne prévoyant pas les mêmes dénominations que celui-ci et en définissant les caractéristiques chimiques et organoleptiques du produit
selon des critères différents de ceux qu' a retenus la réglementation communautaire . Tout spécialement, alors que cette dernière exige un goût "parfait" pour l' huile d' olive vierge ( fine ), l' article 1er de la loi n 1407/60 se limiterait à exiger que l' huile "n' ait pas d' odeur écoeurante, par exemple de rance, de pourri, de fumée, de moisi, de vermine et autres similaires ". Le décret établirait par ailleurs des règles pour la réalisation des analyses chimiques . S' agissant des examens
organoleptiques, la Commission a indiqué dans ses observations écrites qu' il n' existerait aucune disposition dans la réglementation italienne, mais elle a, à l' audience, indiqué qu' il existerait "quelque chose" en la matière, faisant allusion aux dispositions d' un décret de 1959 .

7 . L' organisme d' intervention italien, l' AIMA, réglemente les modalités d' intervention et, pour la campagne 1987/1988, a prévu les dénominations et caractéristiques des huiles d' olive en rappelant expressément à cet égard les dispositions du règlement n 136/66 ( 5 ).

8 . En Italie, selon les observations de la Commission, il incombe aux organismes stockeurs de vérifier sous leur propre responsabilité si les huiles présentées à l' intervention présentent les caractéristiques requises pour les différentes dénominations, en choisissant librement les laboratoires auxquels les analyses seront confiées ( exception faite pour la classification comme huile vierge extra, pour laquelle les analyses doivent obligatoirement être effectuées par l' Istituto sperimentale per
l' Elaiotecnica de Pescara ).

9 . Au cours de la campagne 1987/1988, l' AIMA a fait part à la Commission de sa perplexité devant les données relatives aux mises à l' intervention d' huile d' olive pour la campagne en cours, indiquant qu' elle envisageait de procéder à des visites de contrôle et de vérification auprès des centres d' intervention et sollicitant la participation à ces visites de fonctionnaires de la Commission .

10 . Celle-ci indiquait alors son intention de participer à l' enquête administrative déclenchée par l' AIMA .

11 . Les suspicions d' irrégularité résultaient notamment de ce que l' essentiel de l' huile d' olive présentée à l' intervention aurait été de qualité vierge ( fine ) et les prix du marché auraient été de 7 à 22 % supérieurs au prix de l' intervention lequel, de plus, ne serait payable qu' après quatre mois . Cette situation retenait d' autant plus l' attention que l' Italie devait importer de l' huile d' olive pour couvrir les besoins en la matière .

12 . A la suite d' examens effectués par deux organismes de droit public, l' Istituto sperimentale per l' Elaiotecnica de Pescara et le laboratoire du ministère de l' Agriculture espagnol, il était constaté que la quasi-totalité de l' huile d' olive qui avait été présentée à l' intervention ne relevait pas de la catégorie dans laquelle elle avait été initialement classée . Ces deux laboratoires appliquent pour l' examen organoleptique la méthode recommandée par le Conseil oléicole international .
Relevons que l' analyse a été effectuée sur des échantillons provenant notamment de l' huile achetée à l' intervention par l' AIPO et stockée dans les entrepôts privés utilisés par cet organisme . Une autre série de prélèvements était ensuite effectuée et soumise à deux analyses, l' une accomplie par le laboratoire privé du Dr Rampino, président de l' ordre des chimistes des provinces de Lecce et Brindisi, l' autre par le laboratoire du ministère espagnol .

13 . Si le premier de ces examens classait l' huile comme "huile d' olive vierge" ou comme "huile d' olive vierge courante", le second considérait qu' il s' agissait quasi-exclusivement d' huile d' olive "lampante ". Dans ses observations, la Commission estime que l' analyse du laboratoire du Dr Rampino a appliqué des critères erronés, comme s' agissant de ceux que comportait la législation italienne antérieure à l' intervention de la réglementation communautaire .

14 . Par ailleurs, l' enquête aurait révélé de graves irrégularités de gestion des opérations par les organismes stockeurs et par les propriétaires des entrepôts .

15 . Par lettres des 20 février et 8 mai 1989 signées du directeur général de l' agriculture de la Commission, l' AIMA a été informée des résultats des analyses du laboratoire du ministère espagnol . Selon la deuxième de ces lettres, les dépenses relatives aux opérations d' intervention effectuées en Italie en 1988 ne peuvent être mises à la charge du FEOGA . Le 2 novembre 1989, l' AIMA indiquait à la Commission son accord quant à la non-prise en charge par le FEOGA des dépenses relatives à l' huile
d' olive pour la campagne 1987/1988 "dans la mesure où les résultats des analyses effectuées par les laboratoires communautaires devaient être considérés comme probants ".

16 . Par décision du 30 avril 1990 relative aux avances du FEOGA, section "garantie", pour le mois de mars 1990 ( 6 ), la Commission a procédé à l' exclusion des dépenses supportées par l' Italie en matière d' intervention pour l' huile d' olive durant la période du 1er octobre 1988 au 30 septembre 1989 . Les dépenses relatives à la période du 1er juillet au 30 septembre 1988 ont été déduites dans le cadre de la décision d' apurement des comptes du FEOGA pour l' exercice 1988 en date du 30 novembre
1990 ( 7 ).

17 . Selon la Commission, l' AIPO a été suspendue par l' AIMA de ses fonctions d' organisme stockeur pour la campagne 1988/1989 et une procédure de radiation définitive du registre officiel des organismes stockeurs aurait été engagée à son encontre . L' AIMA a demandé aux organismes stockeurs de rembourser les sommes versées pour les achats à l' intervention . Ces organismes auraient à leur tour exigé des producteurs ayant livré l' huile concernée le remboursement desdites sommes .

18 . Les requérantes au principal, Mmes Petruzzi et Longo, sont précisément des producteurs qui ont fait enlever de l' huile par une association de producteurs ( ASO ) pour la vendre à l' intervention . Cette association aurait livré de l' huile à l' AIPO dans les entrepôts de négociants utilisés par celle-ci . Mmes Petruzzi et Longo demandent au juge a quo de déclarer "non fondée et illégitime" toute demande de remboursement des sommes versées au titre de l' intervention .

19 . En substance, l' argumentation développée devant le pretore de Lecce consiste à soutenir qu' en l' absence d' une procédure communautaire d' examen des caractéristiques organoleptiques de l' huile d' olive vierge, seules les procédures prévues par le droit national régiraient les méthodes d' analyse de l' huile présentée à l' intervention . En conséquence, les analyses sur lesquelles la Commission se serait fondée seraient incompatibles avec l' article 3, paragraphe 2, du règlement n 3472/85,
en ce qu' elles mettraient en oeuvre des méthodes non prévues par la réglementation nationale .

20 . Le pretore de Lecce vous a alors saisis de trois questions préjudicielles à l' examen desquelles nous allons désormais procéder .

21 . Dans sa première question, le juge a quo vous demande s' il y a lieu d' interpréter l' article 3, paragraphe 2, du règlement n 3472/85, en ce sens que l' examen des caractéristiques organoleptiques de l' huile d' olive vierge comestible, différentes de celles de l' huile lampante, doit être exclusivement effectué selon des procédures nationales tant qu' une réglementation communautaire n' aura pas été adoptée .

22 . Constatons, tout d' abord, qu' il ressort des termes mêmes du règlement que tant qu' une procédure communautaire n' a pas été adoptée, et tel est le cas, l' examen s' effectue selon des procédures nationales .

23 . Mais, ensuite, il n' est pas moins évident que les procédures nationales, quelles que soient leurs modalités, doivent avoir exclusivement pour objet de vérifier l' application des critères de classification prévus par la réglementation communautaire . En d' autres termes, le renvoi aux procédures nationales ne peut avoir pour conséquence de méconnaître les caractéristiques requises par le droit communautaire et d' aboutir à une classification contraire à celui-ci .

24 . Relevons à cet égard que si le droit national utilise des critères différents de ceux de la réglementation communautaire, les procédures nationales d' examen doivent avoir exclusivement pour objet de s' assurer du respect des caractéristiques et dénominations prévues par le règlement n 136/66 et que les dispositions nationales qui leur seraient contraires doivent demeurer inappliquées .

25 . Cette observation nous est dictée par la référence faite notamment par les parties au principal aux dénominations et caractéristiques de la loi italienne . A ce propos, la Commission relève très justement que la constatation que l' huile est exempte de défauts dus à un goût rance, ou douce, ou légèrement fruitée sur fond de maturité, ou encore que le goût de l' huile est "bon" ou "assez bon" ne suffit pas pour classer le produit dans la catégorie huile d' olive vierge ( fine ) puisque la
réglementation communautaire exige pour un tel classement, rappelons-le, que le goût soit parfait .

26 . Soulignons enfin, mais nous reviendrons sur ce point dans le cadre de la seconde question, que l' article 3, paragraphe 2, du règlement n 3472/85 a trait à l' examen de l' huile lors de sa présentation à l' intervention .

27 . La deuxième question a trait en substance au point de savoir si les résultats des examens et des analyses effectués selon la procédure nationale au moment de la présentation de l' huile à l' intervention et pendant la période durant laquelle cette huile est stockée dans les dépôts du centre d' intervention peuvent être mis en cause par les résultats des examens effectués selon des procédures et des méthodes différentes des procédures nationales .

28 . A notre avis, cette question comporte deux aspects :

- premièrement, peut-on contrôler a posteriori le classement initial de l' huile qui a été effectué lorsque celle-ci a été présentée à l' intervention?

- ensuite, à supposer qu' un tel contrôle soit possible, peut-il reposer sur des procédures qui diffèreront des procédures nationales?

29 . Il nous semble que la réponse à la première interrogation ne souffre guère d' hésitation . Il suffit, en effet, de constater que si un contrôle sur les résultats initiaux ne pouvait être effectué, tous les abus seraient dès lors évidemment possibles . Le classement effectué lorsque l' huile a été présentée à l' intervention serait donc définitivement acquis . Faut-il souligner qu' une telle conclusion serait en toute hypothèse incompatible avec les obligations qui pèsent sur les États en
matière de contrôle des opérations du FEOGA? Rappelons simplement à cet égard que :

"selon l' article 8, paragraphe 1, du règlement ( CEE ) n 729/70 du Conseil, du 21 avril 1970 ... il incombe en premier lieu aux États membres de prendre les mesures nécessaires pour s' assurer de la réalité et de la régularité des opérations financées par le fonds" ( 8 ).

30 . Pour respecter cette obligation, la République italienne avait donc nécessairement le droit de vérifier le résultat des examens organoleptiques ayant conduit au classement de l' huile d' olive . Et en participant à ces vérifications, la Commission était évidemment en droit de faire usage du pouvoir que lui confère l' article 9 du règlement ( CEE ) n 729/70 ( 9 ) quant au contrôle de la régularité de l' exécution des mesures d' intervention .

31 . Il apparaît donc indiscutable que l' Italie et la Commission étaient en droit de procéder au contrôle des analyses effectuées lors de la présentation de l' huile à l' intervention .

32 . Le second aspect de la question touche au point de savoir si les procédures de contrôle peuvent être différentes des procédures et méthodes nationales .

33 . Au préalable, nous ne pouvons manquer de relever que la Commission, qui dans ses observations écrites avait évoqué l' absence de dispositions relatives aux examens organoleptiques dans la réglementation italienne, a au contraire indiqué à l' audience l' existence de telles dispositions .

34 . Mais, bien évidemment, l' existence ou la non-existence d' une procédure nationale et l' identité de celle-ci avec la procédure effectivement appliquée lors du contrôle constituent des circonstances qu' il n' appartient nullement à votre Cour d' établir .

35 . Aussi convient-il de répondre au pretore de Lecce selon les termes généraux par lui retenus qui semblent supposer implicitement une différence entre procédure nationale d' examen et procédure de contrôle .

36 . A cet égard, le règlement n 3472/85 prévoit assurément que l' examen des caractéristiques organoleptiques est effectué selon une procédure nationale tant que la procédure communautaire n' est pas arrêtée .

37 . Mais cette disposition ne régit expressément que les examens effectués lors de la présentation de l' huile à l' intervention . En revanche, ce texte ne comporte aucune indication permettant de conclure qu' il devrait également régir les contrôles effectués par l' État membre ou la Commission aux fins de vérifier la régularité des opérations d' intervention .

38 . En revanche, il est indiscutable que ces derniers contrôles supposent l' examen organoleptique, dans des conditions rigoureuses de fiabilité, de l' huile précédemment présentée à l' intervention . Or, pour atteindre un tel objectif, on ne saurait tenir pour irrégulier que la méthode suivie dans le cadre d' un tel contrôle ne reproduise pas simplement les modalités qui ont été initialement adoptées .

39 . Il convient d' observer dans ce dernier cas que si les critères de l' examen organoleptique retenus par la réglementation nationale étaient différents de ceux que prévoit la réglementation communautaire, il s' ensuivrait que "l' unicité des méthodes d' examen et d' analyse" - pour reprendre les termes des requérantes au principal - conduirait à imposer la répétition d' analyses de toute façon incorrectes alors que le contrôle tend précisément à s' assurer de la régularité des opérations d'
intervention .

40 . Pour prendre un exemple concret, si selon la méthode d' analyse nationale une huile considérée comme bonne doit être classée dans la catégorie huile d' olive vierge "fine", critère contraire à la classification communautaire puisque, nous l' avons déjà dit, seule l' huile d' olive au goût parfait peut relever de cette catégorie, la simple répétition d' analyses conduites selon un tel critère, incorrect, ne permettrait évidemment pas de contrôler la régularité des opérations d' intervention .

41 . Pour la mise en oeuvre des contrôles exercés par l' État membre concerné et la Commission, ces derniers sont donc parfaitement en droit de recourir à des examens organoleptiques exercés dans des conditions de fiabilité incontestables et reconnues, celles-ci présenteraient-elles des différences avec les procédures nationales d' examen qui auraient été mises en oeuvre lors de la présentation de l' huile à l' intervention .

42 . Le fondement juridique des contrôles auxquels la République italienne et la Commission ont procédé ne paraît donc pas douteux .

43 . Il reste à examiner la troisième et dernière question préjudicielle par laquelle le pretore de Lecce vous demande d' examiner "la validité de la décision de la Commission des Communautés européennes et de tout autre acte pris par cette institution qui conclut que les frais exposés pour l' acquisition et la gestion des lots d' huile mentionnés dans les lettres de l' AIMA du 29 mars 1989 portant le numéro 4387 et du 3 août 1989 portant le numéro 1120 ... ne sont pas éligibles pour l'
intervention, en ordonnant s' il y a lieu, que la décision de la Commission soit produite ainsi que tout autre acte pris par cette institution ".

44 . Le juge a quo, selon les motifs de la demande préjudicielle, a estimé, en effet, que "pour déclarer éventuellement infondées et illégitimes les demandes de restitution ... il n' est pas suffisant de connaître l' interprétation exacte de la disposition susmentionnée du règlement n 3472/85, mais il y a lieu en outre de déclarer illégale l' injonction émise par l' AIMA visant à obtenir le remboursement de la somme en question, remboursement qui présuppose une décision de la Commission des
Communautés européennes de considérer que les frais exposés pour l' acquisition et la gestion de l' huile dont la qualité est contestée ne peuvent pas être pris en considération pour le remboursement ".

45 . Le pretore de Lecce estime donc que "pour statuer sur la légalité de l' acte arrêté par l' AIMA ... il faut aussi vérifier la validité de l' acte communautaire en amont de l' acte national ". Et il vous a en conséquence interrogés dans les termes indiqués ci-dessus .

46 . Or l' examen des pièces produites par la Commission en annexe de ses observations et l' analyse de la situation juridique en résultant nous conduisent à une conclusion catégorique : il n' existait pas de décision de la Commission, c' est-à-dire d' acte produisant des effets juridiques définitifs, au jour de la question préjudicielle et, a fortiori, lorsque les lettres de l' AIMA visant à obtenir le remboursement des sommes en cause ont été émises .

47 . Sans doute, avaient été adressées à l' Italie les deux lettres précitées du directeur général de l' agriculture en date respectivement des 20 février et 8 mai 1989, indiquant que les services de la Commission ne pouvaient pas considérer comme éligibles les frais d' intervention et demandant à l' AIMA de rectifier les comptes des pertes nettes en excluant toutes les dépenses à partir du jour d' entrée de l' huile à l' intervention . La question pourrait se poser tout d' abord de savoir s' il
existait une délégation au profit du signataire de ces lettres qui font expressément mention de la position des services de la Commission, délégation permettant de considérer que celle-ci est l' auteur de l' acte . Mais tel serait-il le cas qu' elles ne constitueraient de toute façon que des actes préparatoires aux décisions que la Commission devait ultérieurement adopter .

48 . En effet, la Commission a tiré les conséquences des irrégularités des opérations d' intervention italiennes, d' une part, par la décision précitée du 30 avril 1990, d' autre part, par la décision du 30 novembre 1990 relative à la liquidation des comptes FEOGA pour l' exercice 1988 . Relevons d' ailleurs que cette dernière décision est l' objet d' un recours en annulation introduit par la République italienne actuellement pendant devant votre Cour ( 10 ).

49 . En conséquence, l' AIMA, en adressant d' ores et déjà des demandes de remboursement, n' exécutait pas une décision juridiquement contraignante de la Commission . Il s' agissait pour l' organe d' intervention italien, auquel incombe la responsabilité de veiller à l' application correcte de la réglementation communautaire, de tirer les conséquences des irrégularités constatées .

50 . Aussi, ne fait-il pas de doute à notre avis que, si les opérations de contrôle ayant révélé lesdites irrégularités devaient être considérées comme contraires à la réglementation communautaire, pareille interprétation aurait suffi à entraîner l' illégalité des demandes de l' AIMA .

51 . Il en résulte donc clairement que les lettres de 1989 ci-dessus évoquées, à supposer qu' il s' agisse d' actes de la Commission, ne seraient tout au plus que des actes préparatoires à des actes décisoires, adoptés postérieurement . Et nous estimons que seuls des actes produisant des effets juridiques définitifs sont susceptibles d' être soumis à examen de validité dans le cadre d' une interrogation préjudicielle . En effet,

"le domaine du contrôle de validité ne saurait varier selon qu' il s' agit du recours direct en annulation ou du renvoi préjudiciel en appréciation de validité" ( 11 ).

et

"seuls les actes attaquables en annulation devraient pouvoir faire l' objet d' un renvoi en appréciation de validité" ( 12 ).

52 . C' est là, pensons-nous, la conséquence nécessaire de la cohérence systématique du contrôle de légalité dans le cadre du contentieux communautaire . On objecterait vainement à notre sens que refuser d' examiner la validité d' actes préparatoires conduirait à méconnaître les prérogatives du juge national vous saisissant à titre préjudiciel . En effet, il ne s' agit nullement d' apprécier la pertinence de la question qu' il vous soumet, mais de déterminer si l' acte en cause est de ceux dont l'
article 177 prévoit que la validité peut être examinée par vous . Et, de ce point de vue, "la notion d' acte visée à l' article 177 doit être identique à celle prévue à l' article 173" ( 13 ).

53 . Nous vous invitons en conséquence à constater qu' il n' existait pas, à la date de la saisine de votre Cour, de décision de la Commission susceptible d' un contrôle de légalité quant à l' éligibilité à l' intervention des frais exposés pour l' acquisition et la gestion des lots d' huile d' olive en cause dans le cadre du litige au principal . En conséquence, il n' y a pas lieu de répondre à la troisième question du juge a quo .

54 . Cependant, pour le cas où vous estimeriez que vous êtes tenus d' examiner les lettres de la Commission en la matière, nous formulerons les observations suivantes, très succinctes, tant le motif d' illégalité avancé par les parties requérantes nous paraît en tout état de cause infondé .

55 . L' illégalité résulterait de ce que les analyses effectuées lors du contrôle seraient contraires à la réglementation communautaire . Il suffit à cet égard de relever que, comme il a été établi, le contrôle auquel a été soumis le classement initialement effectué à la demande de l' organisme stockeur n' étant pas contraire au droit communautaire, il ne peut en tout état de cause résulter de ce fait une irrégularité des "décisions" de non-éligibilité en cause .

56 . Une remarque finale . Nous partageons la position de la Commission, pour laquelle l' irrégularité des opérations d' intervention n' exclut pas seulement les dépenses concernées du financement communautaire, mais fait également obligation à l' État membre d' en tirer les conséquences à l' égard des producteurs qui en ont bénéficié, conséquence qu' impose le principe d' égalité de traitement . Il ne nous paraît pas utile d' approfondir ici cette question dans la mesure où le juge a quo ne vous a
pas expressément interrogés à cet égard .

57 . En conséquence, nous vous proposons de dire pour droit :

- en l' état actuel du droit communautaire, l' article 3, paragraphe 2, du règlement ( CEE ) n 3472/85 de la Commission, du 10 décembre 1985, doit être interprété en ce sens que l' examen organoleptique de l' huile d' olive vierge au moment de l' achat à l' intervention est conduit selon des procédures nationales qui doivent viser exclusivement à établir les caractéristiques prévues par les dispositions communautaires pour la détermination du prix d' achat selon les dénominations prévues par ces
mêmes dispositions;

- les États membres et la Commission sont en droit de contrôler les caractéristiques organoleptiques de l' huile d' olive achetée à l' intervention; ce contrôle peut être effectué selon des modalités d' examen conduites dans des conditions rigoureuses de fiabilité qui peuvent, le cas échéant, mettre en oeuvre des méthodes différentes de celles prévues par la procédure nationale .

(*) Langue originale : le français .

( 1 ) Règlement n 136/66/CEE du Conseil, du 22 septembre 1966, portant établissement d' une organisation commune des marchés dans le secteur des matières grasses ( JO 1966, 172, p . 3025 ), modifié en dernier lieu par le règlement ( CEE ) n 1858/88 de la Commission du 30 juin 1988 ( JO L 166, p . 10 ).

( 2 ) De la Commission du 10 décembre 1985 relatif aux modalités d' achat et de stockage de l' huile d' olive par les organismes d' intervention ( JO L 333, p . 5 ).

( 3 ) GURI n 295 du 2.12.1960, p . 4411 .

( 4 ) GURI n 320 du 10.12.1963, p . 5850 .

( 5 ) Deliberazione 18 giugno 1988, GURI n 146, 23.6.1988, serie generale p . 18 .

( 6 ) Produite en annexe du mémoire de la Commission .

( 7 ) C(90)2337 ( JO L 350, p . 82 ).

( 8 ) Arrêt du 21 février 1989, Grèce/Commission ( 214/86, Rec . p . 369 ).

( 9 ) Du Conseil, du 21 avril 1970, relatif au financement de la politique agricole commune ( JO L 94, p . 13 ).

( 10 ) Affaire 55/91 .

( 11 ) Joliet : Le droit institutionnel des Communautés européennes, Le contentieux, 1981, Faculté de Liège, p . 196; voir également Vandersanden, Barav : Contentieux communautaire, Bruylant, Bruxelles, 1977, p . 304; Isaac : Droit communautaire général, Mason, Paris, 3e édition, p . 271; contra Waelbroeck, Louis, Vignes, Dewost : "Le droit de la Communauté économique européenne", vol . 10, La Cour de justice, tome 1, p . 190 .

( 12 ) Vandersanden, Barav, ibid .

( 13 ) Vandersanden, Barav, ibid .


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-161/90
Date de la décision : 18/06/1991
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demandes de décision préjudicielle: Pretura di Lecce - Italie.

Interprétation de l'article 3, paragraphe 2, du règlement (CEE) no 3472/85 de la Commission, du 10 décembre 1985, relatif à l'examen des caractéristiques organoleptiques de l'huile d'olive.

Matières grasses

Agriculture et Pêche


Parties
Demandeurs : Carmela Petruzzi et Addolorata Longo
Défendeurs : Associazione Italiana Produttori Olivicoli et Associazione Salentina Olivicoltori et Azienda di Stato per gli interventi sul mercato agricolo.

Composition du Tribunal
Avocat général : Darmon
Rapporteur ?: Díez de Velasco

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1991:258

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