La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/06/1991 | CJUE | N°C-346/89

CJUE | CJUE, Conclusions jointes de l'avocat général Darmon présentées le 11 juin 1991., République fédérale d'Allemagne contre Commission des Communautés européennes., 11/06/1991, C-346/89


Avis juridique important

|

61989C0342

Conclusions jointes de l'Avocat général Darmon présentées le 11 juin 1991. - République fédérale d'Allemagne contre Commission des Communautés européennes. - Affaire C-342/89. - République italienne contre Commission des Communautés européennes. - Affaire C-346/89. - FEOGA

- Avances mensuelles - Pouvoir de contrôle de la Commission.
Recueil de j...

Avis juridique important

|

61989C0342

Conclusions jointes de l'Avocat général Darmon présentées le 11 juin 1991. - République fédérale d'Allemagne contre Commission des Communautés européennes. - Affaire C-342/89. - République italienne contre Commission des Communautés européennes. - Affaire C-346/89. - FEOGA - Avances mensuelles - Pouvoir de contrôle de la Commission.
Recueil de jurisprudence 1991 page I-05031

Conclusions de l'avocat général

++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . Les recours en annulation intentés par la République fédérale d' Allemagne et la République italienne vous conduisent à préciser l' étendue des pouvoirs de la Commission quant au contrôle des dépenses engagées au titre du Fonds européen d' orientation et de garantie agricole ( ci-après "FEOGA ").

2 . Ces deux recours visent à obtenir l' annulation partielle de la décision C(89)1525 de la Commission, du 30 août 1989, relative à une avance sur prise en compte des dépenses financées par la section garantie du FEOGA .

3 . L' historique des modalités juridiques du financement des dépenses du FEOGA éclaire les enjeux de la présente affaire . Primitivement, le règlement ( CEE ) n 729/70 du Conseil ( 1 ) prévoyait la mise à la disposition des États membres des crédits nécessaires pour les paiements à effectuer par les services et organismes payeurs nationaux au titre du FEOGA ( 2 ). A la suite des difficultés budgétaires de la Communauté ressenties pour l' exercice 1987, le règlement ( CEE ) n 3183/87 du Conseil ( 3
) instituait provisoirement le système dit du "financement intermédiaire" par les États membres . Selon ce système, les moyens financiers destinés à couvrir les dépenses du FEOGA, section "garantie", sont mobilisés par les États membres en fonction des besoins de leurs services payeurs; ( 4 ) la Commission, sur le vu des paiements effectués, verse des "avances" au plus tard "le troisième jour ouvrable du deuxième mois qui suit celui de la réalisation de la dépense par les organismes payeurs" ( 5 ).
Ce système provisoire a été peu après rendu définitif par le règlement ( CEE ) n 2048/88 du Conseil ( 6 ).

4 . A la suite de cet abandon du paiement a priori des dépenses du FEOGA par la Communauté, la Commission a dû adapter ses règlements d' application . Ainsi, le règlement ( CEE ) n 3184/83 ( 7 ) a été remplacé par le règlement ( CEE ) n 2776/88 ( 8 ). Aux termes de l' article 3, paragraphe 1, de ce dernier texte, "les États membres communiquent par télécopie à la Commission, au plus tard le deuxième jour ouvrable de chaque semaine, le montant total des dépenses payées depuis le début du mois jusqu'
à la fin de la semaine précédente ". Ils communiquent également, selon le paragraphe 3 du même article, "au plus tard pour le 10 de chaque mois, le montant total des dépenses payées au cours du mois précédent ". Sur la base de ces données, et en vertu de l' article 4, la Commission "décide et verse" les avances mensuelles . Elle peut en retarder le versement aux États membres dont les communications des données précitées interviennent avec retard ou comportent des discordances appelant des
vérifications supplémentaires .

5 . Par la décision attaquée, la Commission a refusé de verser, au titre des avances mensuelles pour le mois de juillet 1989, les montants correspondant aux déclarations adressées par les États membres et a procédé sur ce point à des réductions variables . Une note d' information postérieure ( 9 ) explique que le comité de gestion du lait et des produits laitiers a examiné les données transmises par les États membres concernant l' application du régime du prélèvement supplémentaire sur le lait pour
la période du 1er avril 1988 au 31 mars 1989 . Sur la base de ces données, les services de la Commission ont estimé le montant total du prélèvement supplémentaire pour cette période à environ 500 millions d' écus . Après avoir, à titre provisionnel, réduit ce montant, "pour garder une très importante marge de sécurité", à 220 millions d' écus, la Commission l' a réparti entre les États membres au prorata des montants que ceux-ci auraient dû verser pour s' acquitter du prélèvement ainsi estimé . La
République italienne a vu ainsi ses avances mensuelles réduites de 47 164 600 000 LIT et la République fédérale d' Allemagne de 34 236 729,47 DM . Il convient de signaler que, selon les indications fournies par les représentants des gouvernements allemand et italien lors de la procédure orale, les vérifications pour l' apurement des comptes pour l' exercice 1989 n' étaient pas encore terminées .

6 . La République italienne et la République fédérale d' Allemagne se fondent sur le moyen tiré de la violation du règlement n 729/70 . Est également invoqué par le gouvernement allemand un second moyen fondé sur le défaut de motivation de la décision attaquée . Examinons-les successivement .

7 . Selon le premier moyen, la Commission n' aurait pas le pouvoir de réduire les avances mensuelles et serait dès lors tenue de verser les sommes indiquées sur les déclarations effectuées par les États membres . Rien, ni dans le règlement n 729/70 ni dans la réglementation communautaire dans son ensemble, ne permettrait de lui reconnaître un tel pouvoir .

8 . La Commission estime que la possibilité pour elle de réduire les avances mensuelles résulte tant de la jurisprudence constante de votre Cour, selon laquelle seules peuvent être mises à la charge du FEOGA les dépenses effectuées conformément à la réglementation communautaire ( 10 ), que des articles 2 et 3 du règlement n 729/70 qui subordonnent le financement des restitutions à l' exportation et des interventions au respect de cette même réglementation . L' institution communautaire invoque
également à l' appui de sa thèse l' article 6 de la décision 88/377/CEE du Conseil, du 24 juin 1988, concernant la discipline budgétaire ( 11 ), ainsi que l' article 97 du règlement financier, du 21 décembre 1977, applicable au budget général des Communautés européennes ( 12 ) ( ci-après "règlement financier ").

9 . Il paraît possible d' écarter immédiatement de la discussion l' article 97 du règlement financier . Celui-ci dispose, en effet, que "les dépenses effectuées par les services et organismes en application de l' article 4 du règlement ( CEE ) n 729/70 font l' objet d' un engagement par chapitre, article et poste, ainsi que d' une imputation en paiement, après examen des états transmis par les États membres conformément aux dispositions prises en application de l' article 5, paragraphe 3, dudit
règlement ..." ( 13 ). Il est ainsi renvoyé aux dispositions d' application du règlement n 729/70 et, en conséquence, au règlement n 2776/88 .

10 . De la même manière, l' article 6 de la décision n 88/377 du Conseil paraît ici dépourvu de pertinence . Afin de respecter la "ligne directrice agricole" ( 14 ), cet article institue un système d' alerte en ce qui concerne l' évolution des dépenses du FEOGA . Selon cette disposition, "lorsque le rythme d' évolution des dépenses effectives risque de dépasser ou dépasse le profil prévu, la Commission fait usage des pouvoirs de gestion dont elle dispose, y compris ceux qu' elle détient en vertu des
mesures de stabilisation, pour redresser la situation . Si ces mesures sont insuffisantes, la Commission examine le fonctionnement des stabilisateurs agricoles dans le secteur en question et, au besoin, elle présente au Conseil des propositions visant à renforcer leur action" ( 15 ). Il suffit de constater que ce texte n' accorde pas de pouvoirs nouveaux à la Commission en matière de gestion et se limite à l' inviter à faire usage, à des fins budgétaires, des pouvoirs dont elle dispose déjà .

11 . Il semble également que la possibilité pour la Commission de réduire les avances mensuelles ne figure pas expressis verbis dans le règlement n 729/70 ni dans le règlement d' exécution n 2776/88 . En effet, l' article 5, paragraphe 2, sous a ), du premier dispose simplement que "la Commission décide uniquement les avances mensuelles sur la prise en compte des dépenses effectuées", et l' article 4, paragraphe 1, du second rappelle que "la Commission, sur la base des données transmises
conformément à l' article 3 ( 16 ), décide et verse les avances mensuelles sur la prise en compte des dépenses ". L' on ne saurait à cet égard solliciter outre mesure l' expression "décide et verse"; le mot "décide" vise ici le pouvoir budgétaire de la Commission d' ordonner la dépense, le droit communautaire connaissant le principe de la séparation des ordonnateurs et des comptables ( 17 ). Comme nous l' avons déjà rappelé, le seul pouvoir reconnu formellement à la Commission par le règlement n
2776/88 est de retarder le paiement des avances mensuelles en l' absence d' informations fournies par un État membre et de procéder à des rectifications en cas de discordances entre les différentes déclarations envoyées par cet État tout au long du mois précédent .

12 . En conséquence, selon nous, le seul principe pertinent qui pourrait fonder le pouvoir de la Commission de réduire les avances est celui selon lequel le FEOGA ne saurait financer des actions contraires aux règles communautaires . Un tel principe, qui a souvent été rappelé par votre jurisprudence ( 18 ), figure à l' article 2, paragraphe 1, du règlement n 729/70, à propos des restitutions à l' exportation, à l' article 3, paragraphe 1, du même règlement, pour les interventions, à l' article 4,
paragraphe 2, quant à la mise à la disposition des États membres des crédits nécessaires . Le coeur de la difficulté qui nous occupe aujourd' hui est donc de savoir si l' on peut déduire de ce principe, tel qu' il est notamment rappelé dans les dispositions précitées, le pouvoir de la Commission de réduire des avances mensuelles .

13 . Les conséquences financières de cette question sont loin d' être négligeables . Il n' est pas besoin de rappeler qu' en matière de politique agricole commune les sommes en jeu sont souvent considérables . Par ailleurs, si l' article 5, paragraphe 2, sous b ), du règlement n 729/70 fixe le délai dans lequel l' apurement des comptes doit intervenir à la fin de l' année suivante, vous avez déjà jugé sur ce point que,

"à défaut de toute sanction attachée à l' inobservation de ce délai, celui-ci ne peut être considéré ... que comme un délai d' ordre, sous réserve de l' atteinte aux intérêts d' un État membre" ( 19 ).

Ce délai est, en pratique, souvent dépassé . Enfin, la procédure d' apurement des comptes qui n' est fondée juridiquement que sur le règlement n 729/70, qui l' institue sans en préciser les modalités, ne prévoit pas d' appliquer un taux d' intérêt aux sommes qui, le cas échéant, auraient dû être versées au titre des avances mensuelles à un État membre ou, au contraire, n' avaient pas à être imputées au compte du FEOGA . La difficulté qui vous est soumise par les présents recours est donc
essentiellement de déterminer qui, des États membres ou de la Communauté, doit supporter la charge de trésorerie à propos de sommes qui paraissent, prima facie, avoir été engagées de façon contraire aux règles communautaires .

14 . Disons-le immédiatement . Dans la mesure où des violations manifestes de la réglementation communautaire en matière de politique agricole commune conduiraient, si l' on s' en tenait à une lecture restrictive des articles 5, paragraphe 2, du règlement n 729/70 et 4, paragraphe 1, du règlement n 2776/88, à ce que la Communauté doive financer pour une période excédant souvent plusieurs années des pratiques qui, en aucun cas, ne sauraient être prises en charge au titre du FEOGA, il apparaît
conforme à la philosophie de votre jurisprudence de reconnaître en cette circonstance le pouvoir de la Commission, dans certaines limites, de ne pas verser la totalité des avances mensuelles . Cette faculté, fondée tant sur votre jurisprudence traditionnelle, telle que nous l' avons rappelée, que sur les articles 2, paragraphe 1, 3, paragraphe 1, et 4, paragraphe 2, du règlement n 729/70, doit pouvoir être exercée dès que la Commission a la ferme conviction, sur le vu notamment des informations
recueillies sur la base des articles 8 et 9 ( 20 ) du même règlement, que les règles communautaires ont fait l' objet d' une violation . S' agissant d' une mesure de caractère provisoire, puisqu' elle ne préjuge en rien les décisions qui seront prises lors de l' apurement des comptes, la violation doit, à notre sens, être manifeste . Ainsi, les interprétations nouvelles que pourrait donner la Commission d' une réglementation ancienne ne sauraient, par exemple, justifier le recours à de telles
décisions qui porteraient alors atteinte à la confiance légitime des États membres ( 21 ).

15 . En d' autres termes, trouve ici une nouvelle application l' adage "fraus omnia corrumpit ". Si l' on conçoit bien que les États membres ne sont pas responsables des fraudes qui peuvent être accomplies sur leur territoire, on voit mal cependant pour quel motif la Communauté serait tenue, pendant plusieurs années, de supporter la charge de trésorerie résultant de telles violations . Une telle conséquence serait d' ailleurs contraire au principe d' égalité entre les opérateurs économiques . Dans
votre arrêt Pays-Bas/Commission ( 22 ), vous avez pris soin, après avoir rappelé le principe selon lequel les articles 1er, 2 et 3, du règlement n 729/70

"ne permettent à la Commission de prendre en charge pour le FEOGA que les montants versés en conformité avec les règles établies dans les différents secteurs des produits agricoles, laissant à charge des États membres tout autre montant versé, notamment les montants que les autorités nationales se sont à tort estimées autorisées à payer dans le cadre de l' organisation commune des marchés",

de préciser que

"cette interprétation stricte des conditions de prise en charge des dépenses par le FEOGA s' impose en outre en raison de la finalité du règlement n 729/70 . En effet, la gestion de la politique agricole commune dans des conditions d' égalité entre les opérateurs économiques des États membres s' oppose à ce que les autorités nationales d' un État membre, par le biais d' une interprétation large d' une disposition déterminée, favorisent les opérateurs de cet État au détriment de ceux des autres États
membres où une interprétation plus stricte est maintenue" ( 23 ).

16 . Vous paraissez par ailleurs avoir déjà admis que l' obligation pour la Commission d' écarter la prise en charge par le FEOGA de dépenses contraires aux règles communautaires existait avant même que soit engagée la procédure d' apurement des comptes . Dans votre arrêt Danemark/Commission ( 24 ), vous avez ainsi jugé que

"... il est possible que des irrégularités soient découvertes longtemps après les faits qui en sont à la base . Tant que les comptes ne sont pas dûment apurés, la Commission est obligée, en vertu de l' article 2 du règlement n 729/70, d' écarter la prise en charge par le FEOGA des restitutions qui n' ont pas été accordées selon les règles communautaires . Cette obligation ne disparaît pas du seul fait que l' apurement des comptes intervient après l' expiration du délai prévu par l' article 5 du même
règlement" ( 25 ).

17 . Deux précisions nous semblent devoir être également apportées . D' une part, il convient que, dans l' exercice de ce pouvoir, la Commission respecte les droits de la défense . Certes, comme l' institution défenderesse l' a fait remarquer, ces décisions sont prises après consultation du comité du FEOGA . Toutefois, cet avis ne saurait être comparé à la procédure plus satisfaisante à cet égard qui est suivie lors de l' apurement des comptes . Dans cette dernière procédure, l' État membre reçoit
communication des irrégularités constatées et peut faire valoir son point de vue, de façon individuelle, auprès des services de la Commission; il reçoit également le projet de décision qui le concerne . Il faut admettre néanmoins qu' un tel mécanisme n' apparaît pas transposable intégralement à l' élaboration des décisions de réduction des avances mensuelles . En effet, selon l' article 4, paragraphe 2, du règlement n 2776/88, "le versement des avances sur la prise en compte intervient au plus tard
le troisième jour ouvrable du deuxième mois qui suit celui de la réalisation des dépenses par les services ou organismes payeurs", alors que les informations requises sont transmises à la Commission au plus tard le 20 du mois suivant celui où les dépenses ont été payées ( 26 ). La Commission est donc tenue d' agir dans un délai relativement bref . L' exigence du caractère manifeste de la violation des règles communautaires rend par ailleurs moins pressante la nécessité d' une consultation
approfondie des services compétents de l' État membre concerné . Aussi, la seule demande d' avis du comité du FEOGA, à la condition que ce comité soit informé du projet de décision de la Commission et des éléments d' information sur lesquels l' institution entend se fonder pour réduire les avances, paraît suffire au respect des droits de la défense .

18 . D' autre part, cette décision qui est, nous l' avons dit, une mesure provisoire ne saurait, comme telle, porter préjudice à un État membre dans l' hypothèse où, lors de l' apurement des comptes, il serait patent qu' aucune réduction des avances n' aurait dû être effectuée . En conséquence, en pareille circonstance, il appartient, à notre sens, à la Commission de replacer l' État membre dans la situation qui aurait été la sienne si elle n' avait pas fait un usage erroné de son pouvoir . Non
seulement le montant des réductions, lors de l' apurement des comptes, doit faire l' objet d' une "correction positive" en faveur de l' État membre concerné, mais également celui-ci doit se voir rembourser la charge financière qui a irrégulièrement pesé sur son budget du fait des réductions . En d' autres termes, la Commission est tenue de créditer ces sommes au compte de l' État membre avec la prise en compte d' intérêts selon des modalités qu' il lui appartient de déterminer . Signalons d'
ailleurs qu' à notre sens de telles situations, compte tenu de l' exigence d' une violation manifeste, devraient demeurer relativement rares .

19 . C' est à ces conditions que, selon nous, peut être reconnu, sur le fondement du principe selon lequel le FEOGA ne saurait financer des mesures contraires à la règle communautaire, le pouvoir pour la Commission de réduire les avances mensuelles .

20 . Examinons maintenant si ces exigences ont été respectées par la décision attaquée, étant précisé toutefois que les États requérants contestent essentiellement le principe même du pouvoir de la Commission de procéder à une réduction des avances et non le bien-fondé en l' espèce du recours à un tel pouvoir .

21 . Comme la note de la Commission du 12 octobre 1989 le rappelle, les informations reçues par le comité de gestion du lait et des produits laitiers ont montré un dépassement des quotas d' environ 1,6 million de tonnes . La Commission a ainsi estimé le montant total des prélèvements supplémentaires à percevoir pour la campagne 1988/1989 à environ 500 millions d' écus . Or les inscriptions faites par les États membres au compte du FEOGA au titre de ce prélèvement ont été sensiblement inférieures .
La Commission, rappelons-le, a ramené le montant estimé à 220 millions d' écus et l' a réparti entre les États membres . Les différences entre les montants déclarés et les montants ainsi estimés ont été imputées sur les avances du mois de juillet 1989 . C' est donc au vu des informations statistiques en sa possession concernant le volume de la production communautaire de lait et les différences importantes figurant dans les déclarations des États membres au titre du prélèvement supplémentaire que la
Commission a conclu à l' existence d' une violation manifeste des règles communautaires . Les États requérants, auxquels incombe la charge de la preuve, n' ont pas apporté d' éléments permettant de remettre en cause l' analyse menée par la Commission .

22 . Quant au respect des droits de la défense, il convient de constater tout d' abord que les États membres sont représentés au sein du comité de gestion du lait et des produits laitiers et ont donc pu prendre connaissance des informations reçues par ce comité, que le comité du FEOGA a été consulté par écrit et qu' à cette fin la Commission a adressé aux États membres par télécopie du 14 août 1989 trois tableaux faisant état des dépenses déclarées et des réductions envisagées ( 27 ).

23 . Le moyen fondé sur la violation du règlement n 729/70 est donc dénué de pertinence . Nous vous invitons déjà, en conséquence, à rejeter le recours formé par la République italienne .

24 . La République fédérale d' Allemagne présente, à l' appui de sa demande, un second moyen fondé sur le défaut de motivation de la décision attaquée . Elle rappelle la jurisprudence de la Cour aux termes de laquelle l' obligation de motivation des décisions communautaires

"est prévue non seulement en faveur des justiciables, mais a aussi pour but de mettre la Cour en mesure d' exercer pleinement le contrôle juridictionnel que lui confie le traité" ( 28 ).

Elle estime que l' échange de correspondance entre les parties n' a pas été suffisant pour lui donner les précisions nécessaires sur les motifs de la diminution effectuée par la Commission ( 29 ) et que la note d' information de la Commission explicitant les raisons de la décision ne peut être prise en compte étant donné qu' elle est intervenue après cette dernière ( 30 ).

25 . Il convient de souligner que, si vous rappelez régulièrement la jurisprudence citée par la requérante, vous admettez aussi que la motivation exigée par l' article 190 du traité ne spécifie pas "tous les éléments de fait ou de droit pertinents" et qu' elle

"doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l' ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée" ( 31 ).

26 . S' agissant de la procédure d' apurement des comptes, vous avez déjà observé que les gouvernements étaient étroitement associés au processus d' élaboration de la décision d' apurement et qu' ils étaient donc en mesure de connaître les raisons pour lesquelles la Commission estimait ne pas devoir mettre à la charge du FEOGA les montants litigieux ( 32 ). Cette association est ici moins prononcée; elle se réalise simplement par la présence de représentants des États membres au sein du comité de
gestion du produit concerné et du comité du FEOGA . Néanmoins, elle paraît avoir été suffisante pour que ces États soient informés tant des données de fait justifiant le recours à une réduction des avances que des motifs juridiques fondant le principe même d' une telle réduction . L' "annexe à la fiche de renseignements 'Habilitation' - FEOGA - Garantie avances" montre que, lors de la consultation par écrit du comité du FEOGA, l' Italie et l' Allemagne ont contesté le fondement juridique du projet
de décision . Or votre jurisprudence ne s' attache au fait que l' État membre a été associé au processus d' élaboration de la décision que dans la mesure où cela lui a permis de connaître les éléments de fait et de droit justifiant la décision, afin de pouvoir faire fruit, le cas échéant, de son droit de recours . Force est de constater qu' en l' espèce, les États requérants connaissaient parfaitement les motifs de la décision attaquée .

27 . Il est inutile, en revanche, de prendre en considération, au titre de la motivation, la note d' information de la Commission du 12 octobre 1989 . Cette note se limite essentiellement à formaliser la "doctrine" de la Commission sur le point contesté par les États requérants lors de la consultation du comité du FEOGA, à savoir la possibilité pour l' institution communautaire de réduire les avances mensuelles . Il est d' ailleurs douteux que vous puissiez en tenir compte, dans la mesure où vous
avez déjà jugé que

"la motivation doit, en principe, être communiquée à l' intéressé en même temps que la décision lui faisant grief" ( 33 ).

28 . Le second moyen présenté par la République fédérale d' Allemagne à l' appui de son recours doit donc également être rejeté .

29 . Nous concluons, en conséquence,

1 ) au rejet des recours en annulation intentés par la République fédérale d' Allemagne et la République italienne à l' encontre de la décision de la Commission n C(89)1525, du 30 août 1989, relative à une avance sur prise en compte des dépenses financées par la section "garantie" du FEOGA,

2 ) à la condamnation des États requérants aux dépens .

(*) Langue originale : le français .

( 1 ) Du 21 avril 1970 relatif au financement de la politique agricole commune ( JO L 94, p . 13 ).

( 2 ) Article 4, paragraphe 2 .

( 3 ) Du 19 octobre 1987 instituant des règles particulières relatives au financement de la politique agricole commune ( JO L 304, p . 1 ).

( 4 ) Article 4, paragraphe 2, nouvel alinéa, du règlement n 729/70, ajouté par l' article 1er du règlement n 3183/87 .

( 5 ) Article 5, paragraphe 2, sous a ), nouvel alinéa, du règlement n 729/70, ajouté par l' article 1er du règlement n 3183/87 .

( 6 ) Du 24 juin 1988 modifiant le règlement ( CEE ) n 729/70 relatif au financement de la politique agricole commune ( JO L 185, p . 1 ).

( 7 ) De la Commission du 31 octobre 1983 relatif au système d' avances pour les dépenses financées au titre de la section "garantie" du Fonds européen d' orientation et de garantie agricole ( FEOGA ) ( JO L 320, p . 1 ).

( 8 ) De la Commission du 7 septembre 1988 relatif aux données à transmettre par les États membres en vue de la prise en compte des dépenses financées au titre de la section "garantie" du Fonds européen d' orientation et de garantie agricole ( FEOGA; JO L 249, p . 9 ).

( 9 ) VI/340/89, du 12 octobre 1989, émanant de la direction générale de l' agriculture - FEOGA .

( 10 ) Voir, par exemple, les arrêts du 15 décembre 1987, Pays-Bas/Commission, point 7 ( 326/85, Rec . p . 5091 ), Allemagne/Commission, point 7 ( 332/85, Rec . p . 5143 ) et l' arrêt du 24 mars 1988, Royaume-Uni/Commission, point 11 ( 347/85, Rec . p . 1749 ).

( 11 ) JO L 185, p . 29 .

( 12 ) JO L 356, p . 1

( 13 ) Souligné par nous .

( 14 ) C' est-à-dire la progression maximale des dépenses du FEOGA .

( 15 ) Souligné par nous .

( 16 ) Il s' agit, rappelons-le, des déclarations hebdomadaires et mensuelles des Etats membres sur les dépenses payées .

( 17 ) Article 17 du règlement financier .

( 18 ) Voir ci-avant note 10 .

( 19 ) Arrêt du 27 janvier 1988, Danemark/Commission, point 19 ( 349/85, Rec . p . 169 ).

( 20 ) Dont vous avez précisé que la Commission pouvait faire usage "à tout moment" ( arrêt du 21 février 1989, Grèce/Commission, 214/86, Rec . p . 367, somm . 2 ).

( 21 ) Pour une application du même principe au moment de l' apurement des comptes, voir arrêt 349/85, précité, point 16 .

( 22 ) Arrêt 326/85, précité .

( 23 ) Point 7, souligné par nous; voir aussi arrêt 332/85, précité, point 7 .

( 24 ) Arrêt 349/85, précité .

( 25 ) point 19, souligné par nous

( 26 ) Article 3, paragraphe 5, du règlement n 2776/88 .

( 27 ) Recours de la République fédérale d' Allemagne, p . 5 et annexe V, sous a ), b ) et c ); annexe III du recours de la République italienne .

( 28 ) Arrêt du 20 mars 1959, Nold ( 18/57, Rec . p . 89, 114 ).

( 29 ) Recours, point 6.5.2 .

( 30 ) Recours, point 6.5.3 .

( 31 ) Arrêt du 25 octobre 1984, Rijksuniversiteit te Groningen, point 38 ( 185/83, Rec . p . 3623 ).

( 32 ) Arrêt du 14 janvier 1981, Allemagne/Commission, points 20 et 21 ( 819/79, Rec . p . 21 ), et 347/85, précité, point 60 .

( 33 ) Arrêt du 26 novembre 1981, Michel/Parlement, point 22 ( 195/80, Rec . p . 2861 ).


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-346/89
Date de la décision : 11/06/1991
Type de recours : Recours en annulation - non fondé

Analyses

FEOGA - Avances mensuelles - Pouvoir de contrôle de la Commission.

Affaire C-342/89.

République italienne contre Commission des Communautés européennes.

FEOGA - Avances mensuelles - Pouvoir de contrôle de la Commission.

Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA)

Agriculture et Pêche


Parties
Demandeurs : République fédérale d'Allemagne
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Darmon
Rapporteur ?: Schockweiler

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1991:246

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award