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29/05/1991 | CJUE | N°C-87/90,

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 29 mai 1991., A. Verholen et autres contre Sociale Verzekeringsbank Amsterdam., 29/05/1991, C-87/90,


Avis juridique important

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61990C0087

Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 29 mai 1991. - A. Verholen et autres contre Sociale Verzekeringsbank Amsterdam. - Demandes de décision préjudicielle: Raad van Beroep 's-Hertogenbosch - Pays-Bas. - Egalité entre hommes et femmes - Sécurité sociale - Direct

ive 79/7/CEE - Portée dans le temps. - Affaires jointes C-87/90, C-88/90 e...

Avis juridique important

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61990C0087

Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 29 mai 1991. - A. Verholen et autres contre Sociale Verzekeringsbank Amsterdam. - Demandes de décision préjudicielle: Raad van Beroep 's-Hertogenbosch - Pays-Bas. - Egalité entre hommes et femmes - Sécurité sociale - Directive 79/7/CEE - Portée dans le temps. - Affaires jointes C-87/90, C-88/90 et C-89/90.
Recueil de jurisprudence 1991 page I-03757

Conclusions de l'avocat général

++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . Les questions préjudicielles qui vous sont soumises dans les affaires jointes C-87/90, C-88/90 et C-89/9O par le Raad van Beroep te 's-Hertogenbosch, en vous amenant à vous pencher sur les difficultés de la mise en oeuvre judiciaire du principe de l' égalité de traitement entre les travailleurs masculins et féminins, vous conduisent par ailleurs à préciser davantage les modalités de la prise en compte du droit communautaire par le juge national .

2 . Les trois procédures pendantes devant le juge a quo ont trait aux effets, à partir du 23 décembre 1984, date de l' entrée en vigueur de la directive 79/7/CEE du Conseil, du 19 décembre 1978, relative à la mise en oeuvre progressive du principe de l' égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale ( 1 ), des dispositions de l' Algemene Ouderdomswet ( loi générale sur l' assurance vieillesse, ci-après AOW ), telles qu' elles existaient avant la réforme résultant de la
loi du 28 mars 1985 et de l' arrêté royal du 26 avril 1985 .

3 . Cette législation n' est pas inconnue de votre Cour ( 2 ). Dans votre arrêt du 23 septembre 1982, Koks ( 3 ), vous avez constaté que l' AOW

"accorde la pension vieillesse, en principe, aux assurés qui ont atteint l' âge de 65 ans . Sont considérés comme assurés notamment les résidents aux Pays-Bas, mais non les personnes résidant aux Pays-Bas liées par un contrat de travail et assurées de ce fait en vertu de dispositions législatives étrangères . De même, ne sont pas considérées comme assurées les femmes mariées habitant aux Pays-Bas, dont l' époux n' est pas assuré en vertu des dispositions de la législation néerlandaise . Les femmes
mariées, en général, ne bénéficient pas, en propre, d' une pension de vieillesse . En revanche, la pension d' un homme marié est supérieure à celle d' un célibataire . Il est également prévu une réduction de la pension en raison de 1 % par année civile complète pendant laquelle l' ayant droit masculin marié âgé de 15 à 65 ans n' a pas été assuré . La même réduction est applicable à l' épouse de l' ayant droit par année civile pendant laquelle elle n' a pas été assurée dans la même tranche d' âge" (
4 ).

4 . Dans nos conclusions à propos de l' affaire Achterberg-te Riele e.a . ( 5 ), nous avons constaté que les périodes pour lesquelles un homme marié n' avait pas été assuré, notamment en raison d' un séjour professionnel dans un autre État, étaient déduites du calcul des droits à pension de son épouse, mais qu' en revanche le séjour professionnel à l' étranger de la femme mariée n' avait pas d' effet sur la constitution des droits à pension de son époux, puisque celui-ci, travailleur ou résident,
était assuré à l' AOW de façon autonome . Certes, l' arrêté royal du 26 avril 1985, comme nous l' avions souligné ( 6 ), a supprimé, à compter du 1er avril 1985, la possibilité d' exclure la femme mariée du régime de l' AOW au motif que son époux n' était pas assuré, mais l' article 24, paragraphe 1, de la loi du 28 mars 1985 prévoit que les nouvelles dispositions ne s' appliquent pas en ce qui concerne le droit à pension de vieillesse pour les périodes situées avant le 1er avril 1985 .

5 . Vous n' avez pas eu, dans l' affaire Achterberg-te Riele e.a ., à statuer sur la compatibilité avec la directive 79/7 d' une législation comme l' AOW dans sa version antérieure au 1er avril 1985, dans la mesure où les demanderesses aux litiges pendants devant les juges a quo ne faisaient pas partie du champ d' application, ratione personae, du texte communautaire . En effet, vous avez jugé, suivant en cela nos conclusions, que la directive 79/7

"ne s' applique pas à des personnes qui n' ont jamais été disponibles sur le marché du travail ou qui ont cessé de l' être sans que la cause se trouve dans la survenance d' un des risques visés par la directive" ( 7 ).

6 . Cette proposition, qui résulte d' ailleurs du texte même de la directive ( 8 ), suscite cependant certaines difficultés en présence d' une législation, telle l' AOW, accordant des prestations à des assurés qui, le cas échéant, n' ont jamais fait partie de la population active .

7 . Ainsi, dans l' affaire C-88/9O, Mme Van Wetten-Van Uden, à l' exception de quelques semaines au cours de la deuxième guerre mondiale, n' a jamais exercé d' activité professionnelle . Du 1er mars au 1er août 1959 et du 1er août 1961 au 1er octobre 1965, son mari a travaillé en République fédérale d' Allemagne et, de ce fait, n' a pas été assuré, durant ces périodes, au titre de l' AOW . L' intéressée, devenue veuve et ayant atteint l' âge de 65 ans, a perçu à partir du 1er novembre 1988 une
pension de vieillesse affectée d' une réduction de 8 % compte tenu des quatre années durant lesquelles son mari n' était pas assuré .

8 . De même, dans l' affaire C-89/9O, il apparaît que Mme Heiderijk, depuis son mariage le 19 janvier 1949, ne s' est plus trouvée sur le marché de l' emploi . Du 1er octobre 1965 au 1er avril 1969 et du 1er février 1981 au 1er avril 1982, son époux a exercé une activité professionnelle en République fédérale d' Allemagne, tout en continuant à résider aux Pays-Bas . Du fait qu' il n' a pas été assuré au titre de l' AOW pour ces périodes, la majoration de la pension qu' il a commencé à percevoir pour
le compte de son épouse à partir du 1er décembre 1987 a été réduite à raison de 2 % par année de non-assurance .

9 . En revanche, les faits de l' affaire C-87/9O se présentent de manière différente . Mme Verholen a été employée par la commune de Roosendaal et Nispen depuis le 1er juin 1974 et a bénéficié d' un départ à la retraite anticipée le 1er juillet 1984 alors qu' elle avait atteint l' âge de 61 ans . A partir du 1er avril 1988, elle a obtenu le bénéfice d' une pension de retraite au titre de l' AOW . Toutefois, sa pension de vieillesse a fait l' objet, elle aussi, d' une réduction de 16 % au titre des
huit années ( du 1er octobre 1976 jusqu' en 1985 ) durant lesquelles son époux a exercé une activité professionnelle en Belgique et n' a pas, en conséquence, été assuré au titre de l' AOW .

10 . L' unique question préjudicielle posée dans l' affaire C-87/9O a trait à la compatibilité avec le principe de l' égalité de traitement en matière de sécurité sociale d' une législation telle que l' AOW . Nous l' examinerons in fine . Les questions posées dans les affaires C-88/9O et C-89/9O vous invitent, en effet, à préciser au préalable les modalités de la prise en compte du droit communautaire par le juge national .

I - Sur l' affaire C-88/9O

11 . La première question, dans l' affaire C-88/9O, vise le pouvoir du juge national d' apprécier d' office l' incompatibilité d' une norme interne avec une directive dont le délai de transposition est expiré, alors que les parties au litige n' ont pas invoqué le bénéfice de celle-ci .

12 . L' on peut s' étonner qu' une question de cette importance n' ait pas encore, en tant que telle, été tranchée par votre Cour .

13 . Certes, dans votre arrêt du 16 janvier 1974, Rheinmuehlen ( 9 ), vous avez déclaré que l' article 177 du traité CEE

"confère aux juridictions nationales la faculté et, le cas échéant, leur impose l' obligation de renvoi préjudiciel, dès que le juge constate, soit d' office, soit à la demande des parties que le fond du litige comporte un point visé par son premier alinéa" ( 10 ).

Il ne s' agissait, toutefois, dans cette affaire que de la possibilité pour le juge national de vous saisir au titre du renvoi préjudiciel . Néanmoins, force est de constater que vous avez déjà expressément admis le droit pour un juge national de soulever d' office l' existence d' une norme communautaire afin de vous saisir sur le fondement de l' article 177 . Compte tenu de votre jurisprudence traditionnelle selon laquelle vous êtes compétents

"pour statuer, à titre préjudiciel, sur l' interprétation des actes pris par les institutions de la Communauté, indépendamment du fait qu' ils soient directement applicables ou non" ( 11 ),

nous pouvons estimer acquis qu' un juge national peut soulever d' office l' existence d' une norme communautaire, y compris dans le cas où celle-ci n' est pas d' effet direct, afin de vous poser une question préjudicielle .

14 . Mais le fait pour le juge de soulever d' office l' existence d' un texte communautaire ne se réduit pas, quant à ses conséquences, à la seule possibilité pour lui de mettre en oeuvre le mécanisme de coopération judiciaire de l' article 177 du traité . En effet, une telle invocation peut également conduire le juge national à écarter, de son propre chef, la loi interne contraire à la norme communautaire dès lors que cette dernière est d' effet direct . Un tel pouvoir résulte du caractère d'
immédiateté que vous avez reconnu, notamment dans votre arrêt Simmenthal ( 12 ), à l' application du droit communautaire . Dans cet arrêt, vous avez, en effet, successivement relevé que l' applicabilité directe

"concerne ... tout juge qui, saisi dans le cadre de sa compétence, a, en tant qu' organe d' un État membre, pour mission de protéger les droits conférés aux particuliers par le droit communautaire" ( 13 )

et que l' effet utile de l' article 177

"serait amoindri si le juge était empêché de donner, immédiatement, au droit communautaire une application conforme à la décision ou à la jurisprudence de la Cour" ( 14 ),

pour en conclure que

"le juge national chargé d' appliquer, dans le cadre de sa compétence, les dispositions du droit communautaire, a l' obligation d' assurer le plein effet de ces normes en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire de la législation nationale" ( 15 ).

15 . La présente question préjudicielle, toutefois, ne distingue pas selon que la norme communautaire est ou non d' effet direct . Même si vous avez déjà reconnu l' effet direct de l' article 4 de la directive 79/7 ( 16 ) qui paraît devoir recevoir ici application, il nous semble utile de souligner qu' à notre sens le pouvoir de soulever d' office l' existence d' une norme communautaire doit être accordé au juge national, même si cette norme n' est pas d' effet direct . Comme nous l' avons dit, vous
avez déjà reconnu implicitement un tel pouvoir aux fins de la saisine de votre Cour au titre du renvoi préjudiciel . Mais une telle possibilité peut également conduire à ce que le juge national interprète son droit interne, "dans toute la mesure du possible" ( 17 ), à la lumière du texte et de la finalité d' une directive, ainsi que votre jurisprudence dite "de l' interprétation conforme" ( 18 ) lui en fait l' obligation, et ce que le délai de transposition de la directive soit ou non expiré ( 19 ).

16 . Comme nous l' avions signalé dans nos conclusions à propos des affaires Dekker et Hertz ( 20 ), il convient de mettre en lumière une distinction sous-jacente à toute votre construction jurisprudentielle entre, d' une part, l' invocabilité d' une norme communautaire, le cas échéant dépourvue d' effet direct, aux fins de l' interprétation correcte du droit national ou de la saisine de votre Cour au titre du renvoi préjudiciel, d' autre part, l' application directe d' une disposition de droit
communautaire, en l' absence de toute réglementation nationale ou en présence de règles de droit interne incompatibles, laquelle application suppose nécessairement que cette disposition se soit vue reconnaître l' effet direct .

17 . Il existe au demeurant, en dehors des hypothèses du recours à l' article 177 ou de l' obligation dite "de l' interprétation conforme", d' autres circonstances où le juge national peut être conduit à examiner d' office la compatibilité d' une norme interne avec une disposition de droit communautaire dépourvue d' effet direct . Ce peut être le cas essentiellement d' un recours en responsabilité de l' État pour violation de ses obligations communautaires intenté par un particulier devant une
juridiction nationale . Certes de telles actions sont, en l' état actuel du droit communautaire, soumises au droit interne de chaque État membre ( 21 ). Néanmoins, pour les droits nationaux qui connaissent une responsabilité de l' État, il peut être utile au juge de constater l' incompatibilité de son droit interne avec une norme communautaire, même dépourvue d' effet direct, afin d' établir la faute de l' administration nationale de nature à engager la responsabilité de l' État .

18 . Ces précisions ne sont pas superfétatoires . Pour le cas où le droit néerlandais n' aurait pas transposé correctement la directive 79/7, il n' est pas évident, compte tenu de votre jurisprudence Marshall ( 22 ), que Mme Van Wetten-Van Uden puisse opposer l' article 4 de ce texte à la Sociale Verzekeringsbank . Le juge national, s' il estime, à la lumière de votre arrêt Foster ( 23 ), que cette dernière n' est pas un organisme émanant de l' État, pourra certes soulever d' office l' existence de
la directive 79/7, non pas pour écarter l' application de sa loi interne, mais seulement pour tenter, "dans la mesure du possible" ( 24 ), de lui donner une interprétation conforme aux exigences du texte communautaire .

19 . Il reste à déterminer si le juge national a le devoir de soulever d' office l' existence d' une norme communautaire aux fins que nous venons de décrire . Une réponse affirmative paraît s' imposer . La primauté du droit communautaire ne saurait être laissée à l' appréciation des juges nationaux, au risque d' entamer sérieusement le caractère uniforme de l' application de ce droit . Et ce devoir s' impose au juge tant à l' égard des normes communautaires d' effet direct que de celles qui sont
dépourvues d' un tel effet .

20 . Pour les premières, il s' agit pour le juge d' accomplir sa "mission de protéger les droits conférés aux particuliers par le droit communautaire" ( 25 ). Les motifs de votre arrêt Salgoil montrent d' ailleurs combien primauté et effet direct sont dans "une relation gémellaire" ( 26 ), mais combien aussi ces deux principes supposent nécessairement que soit reconnu à l' application du droit communautaire un caractère absolu d' immédiateté . Vous y avez jugé que les dispositions de droit
communautaire

"obligent les autorités et, notamment, les juridictions compétentes des Etats membres à sauvegarder les intérêts des justiciables affectés par une méconnaissance éventuelle desdites dispositions en leur assurant une protection directe et immédiate de leurs intérêts" ( 27 ).

Les attendus de votre arrêt Simmenthal sont également très clairs à cet égard . Le juge national "a ... pour mission de protéger les droits conférés aux particuliers par le droit communautaire" ( 28 ); il a "l' obligation d' assurer le plein effet de ces normes" ( 29 ).

21 . Pour les secondes, il ne s' agit pas pour le juge de sauvegarder les droits des justiciables dans la mesure où la norme communautaire n' est pas d' effet direct . Toutefois, rappelons-le, lorsque le juge national est confronté à une directive dépourvue d' un tel effet, votre jurisprudence lui fait obligation d' interpréter son droit national, dans la mesure du possible, à la lumière du texte et de la finalité de la directive . Une telle règle se déduit tant de l' article 189 que de l' article 5
du traité . Comme vous l' avez constaté dans votre arrêt Marleasing,

"l' obligation des États membres, découlant d' une directive, d' atteindre le résultat prévu par celle-ci, ainsi que leur devoir, en vertu de l' article 5 du traité de prendre toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l' exécution de cette obligation, s' imposent à toutes les autorités des États membres y compris, dans le cadre de leurs compétences, les autorités juridictionnelles" ( 30 ).

Là encore, une telle obligation se déduit de la primauté du droit communautaire, laquelle suppose que les règles de ce droit soient appliquées de façon uniforme et immédiate sur toute l' étendue du territoire de la Communauté . Si l' on retrouve ici, faute d' effet direct, les schémas sans doute plus traditionnels du droit international, il n' en reste pas moins que le juge national, autorité de l' État, doit assurer, dans le cadre de sa compétence, le respect de la loi commune .

22 . C' est en ce sens que nous vous proposerons de répondre à la première question dans l' affaire C-88/9O .

23 . La deuxième question, dans la même affaire, vise l' hypothèse où la partie au litige au principal ne relève pas du champ d' application, ratione personae, d' une directive, bien que le régime de sécurité sociale en cause dans ce même litige soit visé par celle-ci . Le juge a quo s' interroge sur la possibilité qu' il aurait, dans une telle hypothèse, d' apprécier la compatibilité d' une règle de droit interne avec ladite directive .

24 . On aura reconnu ici la problématique de votre arrêt Achterberg-te Riele e.a . ( 31 ). Comme le juge a quo l' a constaté, Mme Van Wetten-Van Uden ne fait pas partie de la population active au sens de l' article 2 de la directive 79/7; néanmoins, les régimes légaux assurant une protection contre le risque de la vieillesse sont visés à l' article 3, paragraphe 1, sous a ), du même texte . Votre arrêt Achterberg-te Riele e.a ., nous l' avons dit, a jugé que

"il se déduit ... de la combinaison des articles 2 et 3 de la directive que celle-ci ne vise que les personnes qui travaillent au moment où elles sont en droit de prétendre à une pension de vieillesse ou dont l' activité avait été préalablement interrompue par l' un des autres risques énumérés à l' article 3, paragraphe 1, sous a )" ( 32 ).

25 . Or la directive 79/7 exige l' application pleine et entière du principe de l' égalité de traitement dans les limites de son champ d' application . Dès lors qu' une personne ne relève pas de ce dernier, les règles de droit national en cause ne sont pas de celles auxquelles la directive a entendu imposer le respect du principe de l' égalité de traitement . Rien n' interdit au législateur néerlandais de faire bénéficier des assurés ne faisant pas partie de la population active de prestations de
sécurité sociale; il faut cependant constater que, pour ces situations, le droit communautaire, en son état actuel, n' exige pas que soit appliqué le principe de l' égalité de traitement . Comme nous l' avons souligné dans nos conclusions à propos de l' affaire Achterberg-te Riele e.a ., il peut sembler paradoxal qu' une disposition de droit interne, qui protège de la manière la plus efficace l' ensemble des résidents d' un État membre contre le risque de la vieillesse, ne puisse pas trouver écho
dans la législation communautaire en ce qui concerne le principe de l' égalité de traitement entre hommes et femmes . Il faut cependant se résoudre à constater, en l' occurrence, l' avance du droit néerlandais sur le droit communautaire en son état actuel ( 33 ).

26 . Dès lors que la situation en cause dans le litige au principal n' entre pas dans les prévisions de la directive 79/7, le juge national ne saurait bien évidemment apprécier à cette occasion, au regard de ce dernier texte, la compatibilité de son droit interne .

27 . La troisième question est plus simple . Le juge a quo vous demande si l' article 2 de la directive précitée en détermine le champ d' application ratione personae ou s' il se rapporte, tout comme l' article 3, à la délimitation des régimes de sécurité sociale visés par la directive .

28 . Nous ne pouvons à cet égard que nous reporter à votre arrêt Achterberg-te Riele e.a .:

"Le champ d' application personnel de la directive",

avez-vous jugé,

"est déterminé à l' article 2, en vertu duquel celle-ci s' applique à la population active, aux personnes à la recherche d' un emploi, ainsi qu' aux travailleurs dont l' activité a été interrompue par un des risques énumérés à l' article 3, paragraphe 1, sous a )" ( 34 ).

29 . L' on discerne mal en quoi l' article 2 viserait également la détermination des régimes de sécurité sociale concernés par la directive, puisque cette détermination résulte expressément de l' article 3, paragraphe 1, sous a ).

II - Sur l' affaire C-89/9O

30 . L' unique question posée dans l' affaire C-89/9O cherche également à pallier les inconvénients que nous avons signalés au début de nos conclusions . Le juge a quo vous interroge sur la possibilité pour un justiciable d' invoquer les dispositions de la directive 79/7 lorsqu' il subit les effets d' une disposition nationale discriminatoire concernant son épouse, laquelle n' est pas partie au procès .

31 . Cette question trouve son origine dans les particularités des circonstances de l' espèce . Mme Heiderijk, en effet, n' avait pas, à l' époque, atteint l' âge de 65 ans, à la différence de son mari . Dès lors, celui-ci a perçu pour lui-même une pension de vieillesse qui s' est trouvée augmentée d' une majoration pour tenir compte de l' existence d' une personne à sa charge n' ayant pas encore atteint l' âge de 65 ans . Les femmes mariées, en effet, n' acquéraient de droit à une pension
personnelle qu' à partir de l' âge de 65 ans, laquelle pension était d' ailleurs versée au mari, sauf dans certaines hypothèses, notamment en cas de décès de celui-ci ( 35 ). Cette majoration a subi une réduction, compte tenu notamment des périodes durant lesquelles Mme Heiderijk n' a pas été assurée à l' AOW du fait que son époux ne l' était pas . Seul M . Heiderijk est présent dans le litige au principal . Le droit procédural néerlandais, selon le juge a quo, ne permet pas à Mme Heiderijk d'
intervenir dans cette procédure .

32 . La question est assez délicate . Jusqu' à présent, la discrimination était invoquée par la personne même qui en était la victime ( 36 ). Aussi, vous n' avez pas eu encore à vous prononcer sur le délicat problème de savoir qui peut invoquer le droit communautaire devant un juge national . En fait, cette difficulté a trouvé pour l' instant une solution purement nationale dans la mesure où le juge saisi du litige au principal examine, le cas échéant, la qualité et l' intérêt pour agir en justice
de la personne en cause au regard de ses règles procédurales internes . Si celle-ci peut valablement ester en justice, elle peut alors, pour la défense de ses droits, invoquer l' existence d' une norme communautaire dont elle entend tirer bénéfice . Est-ce à dire que seul le droit national serait à même de déterminer par qui le droit communautaire peut être invoqué? Nous ne le pensons pas . Deux "correctifs" ont déjà été apportés par votre jurisprudence .

33 . D' une part, la législation nationale ne saurait entraver le principe du droit au juge ( 37 ). Il en serait ainsi, notamment, si la personne victime d' une discrimination prohibée par le droit communautaire ne pouvait pas, pour des raisons tenant strictement à des règles procédurales internes, faire valoir ses droits par voie judiciaire .

34 . D' autre part, l' application de telles règles ne doit pas conduire à rendre pratiquement impossible l' exercice des droits conférés par l' ordre juridique communautaire ( 38 ).

35 . Toutefois, en l' espèce, vous n' êtes pas saisis de la question de savoir si l' impossibilité qui serait faite à Mme Heiderijk, victime le cas échéant d' une discrimination, de faire valoir en justice l' incompatibilité de la loi nationale en cause est ou non contraire à la jurisprudence rappelée ci-avant . En effet, comme nous l' avons rappelé dans nos conclusions à propos de l' affaire Bakker, la législation néerlandaise prévoyait alors le versement au seul mari d' une pension représentative
des droits constitués par et pour chacun des deux époux ( 39 ). Ce n' est que dans des cas particuliers que la femme mariée recevait directement sa pension de vieillesse . Ainsi, non seulement les périodes de non-assurance du travailleur masculin avaient des conséquences directes sur le montant des prestations dues pour son épouse, mais également seul celui-ci percevait la pension constituée pour son conjoint . Sans qu' il vous soit besoin de déterminer qui était juridiquement le titulaire de la
pension, vous constaterez que le mari perçoit celle-ci et est admis en justice, selon le droit procédural néerlandais, à faire valoir ses droits . Dès lors, il doit pouvoir, pour la défense de ces mêmes droits, invoquer les dispositions de la directive 79/7 dont il entend tirer le bénéfice .

36 . Il nous faut cependant apporter encore une précision, afin que votre réponse soit utile au juge national pour rendre sa décision . En effet, si M . Heiderijk peut invoquer l' existence de la directive 79/7, il n' en reste pas moins que ce texte - faut-il encore le rappeler? - ne saurait s' appliquer aux assurés qui ne font pas partie de la population active au sens de son article 2 . En conséquence, le juge national ne pourra prendre en compte l' existence de la directive qu' à la condition de
considérer que le titulaire de la pension en cause, au regard du droit néerlandais, est M . Heiderijk - qui, assurément, entre dans le champ d' application de la directive - et non son épouse, laquelle ne fait pas partie des personnes visées par l' article 2 précité . Si tel est le cas, il lui appartiendra alors de confronter l' AOW à l' article 4, paragraphe 1, de la directive qui prohibe toute discrimination, directe ou indirecte, fondée sur le sexe en ce qui concerne, notamment, "le calcul des
prestations, y compris les majorations dues au titre du conjoint et pour personne à charge ".

III - Sur l' affaire C-87/9O

37 . Il pourra certes y être aidé par l' analyse à laquelle vous invite l' unique question préjudicielle posée dans l' affaire C-87/9O . Mme Verholen, nous l' avons dit, a exercé un emploi depuis 1974 et s' est trouvée à partir du 1er juillet 1984 en retraite anticipée . Elle était encore sous ce régime lorsqu' elle a obtenu, le 1er avril 1988, le bénéfice d' une pension de vieillesse au titre de l' AOW . Si le juge a quo, dans son ordonnance de renvoi, a estimé qu' elle appartenait, selon lui, à la
population active au sens de l' article 2 de la directive 79/7, ce point a été formellement contesté par le gouvernement néerlandais tant dans ses observations écrites que lors de la procédure orale . Selon ce gouvernement, en acceptant de prendre une retraite anticipée, Mme Verholen a volontairement quitté son emploi et ne saurait donc plus être considérée comme faisant partie de la population active .

38 . Cette thèse, indiquons-le immédiatement, ne saurait, à notre sens, être retenue . Rappelons-le, votre arrêt Achterberg-te Riele e.a . a jugé que

"les personnes qui travaillent au moment où elles sont en droit de prétendre à une pension de vieillesse ou dont l' activité avait été préalablement interrompue par l' un des autres risques énumérés à l' article 3, paragraphe 1, sous a )" ( 40 )

entrent dans la champ d' application de la directive 79/7 . Or le risque de la vieillesse figure expressément à l' article 3, paragraphe 1, sous a ). En substance, le gouvernement néerlandais estime qu' un salarié qui choisit de bénéficier d' un régime de pré-retraite ne quitte pas son emploi du fait de la réalisation du risque de la vieillesse . Nous discernons mal, à cet égard, pour quelles raisons la cessation d' une activité professionnelle à l' âge de 61 ans n' aurait rien à voir avec le risque
de la vieillesse alors que tel serait le cas si cette cessation survenait quatre ans après . Dès lors qu' une personne quitte son emploi pour bénéficier d' une prestation qui est accordée en fonction de ce qu' elle a atteint un certain âge et, le cas échéant, de ce qu' elle a travaillé durant un certain nombre d' années, elle entre dans le champ d' application de la directive 79/7 tel que déterminé par son article 2 . Les considérations tenant au financement du régime de pré-retraite et à ses
modalités ont certes un intérêt manifeste pour déterminer si cette prestation ressort de l' article 119 du traité CEE ou doit être considérée comme une prestation de sécurité sociale mais, pour la détermination du champ d' application de la directive 79/7, elles n' ont pas à être prises en compte . Accepter la thèse du gouvernement néerlandais conduirait à priver de protection tous les salariés en pré-retraite . Nous considérons donc, ainsi que l' a estimé le juge a quo, que Mme Verholen fait partie
de la population active au sens de l' article 2 de la directive .

39 . Vous êtes donc amenés à vous interroger sur la compatibilité au regard des articles 4, paragraphe 1, et 5, de cette directive du maintien des effets d' une législation nationale qui excluait, dans certaines circonstances, les femmes mariées de l' assurance .

40 . Le juge a quo et la Sociale Verzekeringsbank ( 41 ) s' accordent sur le caractère discriminatoire de l' AOW dans sa version antérieure au 1er avril 1985 . Comme nous l' avons dit, jusqu' à cette date, la femme mariée dont l' époux n' avait pas été assuré, notamment en raison d' un séjour professionnel dans un autre État membre, voyait sa pension réduite en fonction des périodes de non-assurance de son conjoint . En revanche, les périodes de non-assurance de la femme mariée n' avaient pas d'
effet sur la constitution des droits à pension de son époux puisque celui-ci, travailleur ou résident, était assuré à l' AOW de façon autonome .

41 . Nous nous sommes déjà exprimé, dans nos conclusions à propos de l' affaire Achterberg-te Riele e.a ., sur le maintien de tels effets au regard du principe de l' égalité de traitement . Comme nous l' avions indiqué, votre jurisprudence donne déjà de précieuses indications à cet égard . Ainsi, dans un arrêt Dik e.a . ( 42 ), vous avez déclaré que

"la directive 79/7 ne prévoit aucune dérogation au principe de l' égalité de traitement, prévu par l' article 4, paragraphe 1, de la directive, pouvant autoriser la prolongation des effets discriminatoires de dispositions nationales antérieures . Il s' ensuit qu' un État membre ne peut pas maintenir, après le 23 décembre 1984, des inégalités de traitement dues au fait que les conditions exigées pour la naissance du droit à prestation sont antérieures à cette date . Le fait que ces inégalités
résultent de dispositions transitoires n' est pas une circonstance de nature à conduire à une appréciation différente" ( 43 ).

Cet arrêt est d' ailleurs la réaffirmation d' une jurisprudence constante ( 44 ).

42 . Or le gouvernement néerlandais et la Sociale Verzekeringsbank estiment que ces arrêts qui concernaient, qui des prestations de chômage ( 45 ), qui des conditions de preuve requises pour bénéficier d' une prestation non contributive ( 46 ), ne sauraient être appliqués à un régime d' assurance sociale par capitalisation . A notre sens, il est inopérant de distinguer entre les régimes dits "à risque" et ceux "à contribution ". Dans l' arrêt précité Dik e.a ., votre Cour a visé les "conditions
exigées pour la naissance du droit à prestation" sans aucunement distinguer entre les régimes d' assurance sociale par répartition et ceux par capitalisation . Aucune distinction de cette nature ne figure d' ailleurs dans le texte de la directive .

43 . Certes, la directive 86/378/CEE du Conseil, du 24 juillet 1986, relative à la mise en oeuvre du principe de l' égalité de traitement entre hommes et femmes dans les régimes professionnels de sécurité sociale ( 47 ) dispose, dans son article 8, paragraphe 2, qu' elle ne fait pas obstacle à ce que "les droits et obligations afférents à une période d' affiliation à un régime professionnel antérieure à la révision de ce régime demeurent régis par les dispositions de ce régime en vigueur au cours de
cette période ". Il est compréhensible que pour les régimes professionnels de sécurité sociale, lesquels sont financièrement à la charge des employeurs, le législateur communautaire ait entendu appliquer progressivement le principe de l' égalité de traitement . Cette circonstance reste cependant sans effet en l' espèce, pareille disposition ne figurant justement pas dans la directive 79/7 . Si le législateur communautaire a entendu assurer l' application immédiate de l' égalité de traitement en ce
qui concerne les régimes légaux de sécurité sociale, sa volonté doit être respectée .

44 . Par ailleurs, dans un arrêt récent ( 48 ), vous avez jugé que le principe de l' égalité de traitement devait s' appliquer immédiatement ( 49 ) alors qu' était également en cause, comme dans la présente affaire, un régime contributif . Vous avez d' ailleurs pris le soin de préciser que :

"aucune limitation des effets de ladite interprétation ne peut être admise pour ce qui concerne l' ouverture du droit à une pension à partir de la date du présent arrêt" ( 50 ).

45 . Nous examinerons ultérieurement l' opportunité de limiter dans le temps les effets de l' arrêt que vous rendrez dans la présente espèce . Il nous faut cependant constater que, depuis votre arrêt Barber, les personnes antérieurement discriminées ont droit à une pension qui ne prend plus en considération les discriminations antérieures, même si les cotisations qu' elles ont auparavant versées n' ont pas pu tenir compte de cette nouvelle situation .

46 . Contrairement à ce qu' a indiqué la Sociale Verzekeringsbank dans ses observations, il ne s' agit pas là d' instaurer une application rétroactive de la directive ( 51 ). Il s' agit simplement d' assurer l' entrée en vigueur immédiate du principe de l' égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale, ce qui suppose la suppression immédiate des inégalités qui pourraient subsister encore . Ce serait priver la directive d' une grande partie de son efficacité s' il
fallait considérer qu' elle ne doit recevoir pleine et entière application qu' à l' égard des personnes qui n' auront commencé leurs périodes de cotisations qu' à compter du 23 décembre 1984 .

47 . Comme l' avait souligné l' avocat général M . Cruz Vilaça dans ses conclusions sous l' affaire Borrie Clarke,

"aucune dérogation autorisant un État membre à prolonger les effets discriminatoires de dispositions nationales antérieures n' est prévue, et il est tout aussi contraire à la directive de maintenir de tels effets que de maintenir les dispositions nationales en cause" ( 52 ).

48 . Dans leurs observations écrites, le gouvernement néerlandais et la Sociale Verzekeringsbank s' attachent à démontrer que les conséquences litigieuses ne résultent pas d' une disposition de droit transitoire précise, mais de l' application du principe selon lequel toute situation passée doit être appréciée à la lumière du droit applicable à cette époque .

49 . Il importe peu, à cet égard, que les effets incriminés résultent ou non d' une disposition prise à titre transitoire . L' efficacité du droit communautaire ne saurait varier selon les catégories juridiques du droit interne où il déploie ses exigences . Par ailleurs, l' on peut sérieusement contester qu' il s' agisse de mettre en oeuvre le droit applicable à une situation passée . Depuis le 23 décembre 1984, c' est-à-dire actuellement, les femmes ont le droit de percevoir une pension dont le
calcul ne prend plus en compte des dispositions discriminatoires . La situation passée est celle des pensions versées avant le 23 décembre 1984 et pour lesquelles les bénéficiaires ne peuvent pas réclamer le paiement des sommes non perçues à la suite d' une discrimination, le principe de l' égalité de traitement n' étant pas encore applicable à cette époque .

50 . Le gouvernement néerlandais, enfin, fait valoir que, lors du calcul des droits à pension de retraite constitués à l' étranger par les hommes mariés qui y ont travaillé, il est, en général, tenu compte de l' existence d' un conjoint ou d' une personne à charge aux fins d' une majoration de la pension . Cet argument ne saurait être retenu . D' une part, certaines législations prévoient que l' homme et la femme mariés constituent chacun des droits autonomes à une pension de vieillesse . D' autre
part, il résulte d' un de vos arrêts récents que le principe de l' égalité de traitement institué par la directive 79/7 doit être appliqué immédiatement et intégralement, depuis l' entrée en vigueur de ce texte, "même si cela doit entraîner dans certaines circonstances un double versement" ( 53 ) des prestations ou "enfreint l' interdiction de l' enrichissement sans cause consacrée par le droit national" ( 54 ).

51 . Il reste à examiner l' opportunité pour votre Cour de limiter dans le temps les effets de votre arrêt sur ce point précis . En effet, en matière d' égalité de traitement entre hommes et femmes, vous y avez eu recours à deux reprises ( 55 ). Il nous semble cependant que les impératifs de sécurité juridique qui vous ont guidés dans ces deux arrêts ne se présentent pas aujourd' hui avec la même intensité . Dans l' arrêt Defrenne II, vous avez reconnu pour la première fois l' effet direct de l'
article 119 du traité alors que, singulièrement, il n' avait pas encore été fait recours à cette disposition jusqu' à l' affaire en cause . Dans votre arrêt Barber, vous avez jugé qu' il était discriminatoire

"qu' un homme licencié pour cause économique ne puisse prétendre qu' à une pension avec paiement différé à l' âge normal de la retraite, alors qu' une femme se trouvant dans les mêmes conditions a droit à une pension de retraite immédiate, du fait de l' application d' une condition d' âge variable selon le sexe" ( 56 ),

alors que, dans un précédent arrêt Burton ( 57 ), vous aviez considéré comme justifiée la différence entre les conditions d' âge requises des hommes et des femmes pour l' admission à un départ volontaire . Dans ces deux affaires Defrenne II et Barber, les partenaires sociaux et les législateurs nationaux ne pouvaient donc pas anticiper sur votre jurisprudence .

52 . La situation de l' espèce est radicalement différente . Depuis votre arrêt du 23 septembre 1982, Koks, antérieurement donc à l' entrée en vigueur de la directive 79/7, le gouvernement néerlandais connaît la situation de l' AOW au regard des exigences de ce texte communautaire . En effet, dans cette affaire, la Commission avait estimé que "la réglementation néerlandaise, selon laquelle les femmes mariées ne sont assurées sauf exception, en vertu notamment de l' AOW, que si leur époux est assuré
en vertu de cette même loi, est contraire à la directive en question et doit être modifiée dans un délai qui expire le 22 décembre 1984, la notification de la directive ayant eu lieu le 22 décembre 1978" ( 58 ). Votre arrêt Koks a d' ailleurs souligné la portée de ce texte en précisant :

"Abstraction faite de la directive 79/7 ... qui accorde aux États membres un délai de six ans pour mettre en vigueur les dispositions nécessaires, il n' existe aucune règle de droit communautaire qui s' oppose à ce que les États membres fassent dépendre le droit d' un des époux à bénéficier d' un régime de sécurité sociale de l' affiliation de l' autre au même régime" ( 59 ).

53 . On ne saurait certes nier l' importance des difficultés décrites par le gouvernement néerlandais résultant des conséquences financières dont il a fait état lors de la procédure orale . Force est cependant de constater que le refus de ce gouvernement d' accorder aux femmes concernées l' effet immédiat du principe de l' égalité de traitement ne saurait être considéré comme le résultat de l' ignorance des imperfections présentées par l' AOW au regard de ce principe . Nous vous invitons donc à ne
pas faire usage de la faculté de limiter ratione temporis les effets de votre arrêt .

54 . Nous concluons donc à ce que vous disiez pour droit :

1 ) dans l' affaire C-88/9O

a ) le juge national chargé d' appliquer, dans le cadre de sa compétence, les dispositions du droit communautaire a l' obligation d' assurer le plein effet de ces normes en écartant d' office l' application de toute disposition de droit national incompatible avec une norme communautaire d' effet direct; il est également tenu d' interpréter d' office, dans toute la mesure du possible, les dispositions de droit national à la lumière du texte et de la finalité de la norme de droit communautaire, même
si cette dernière n' est pas d' effet direct;

b ) le juge national ne peut apprécier la conformité de son droit interne au regard d' une norme communautaire au bénéfice d' un justiciable qui n' entre pas dans le champ d' application personnel de cette norme;

c ) l' article 2 de la directive 79/7/CEE du Conseil, du 19 décembre 1978, relative à la mise en oeuvre progressive du principe de l' égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale, doit être interprété en ce sens qu' il détermine seulement les personnes qui peuvent se prévaloir des dispositions de la directive;

2 ) dans l' affaire C-89/9O

a ) les personnes admises en justice, selon les règles procédurales internes, à faire valoir leurs droits à des prestations qui sont au nombre de celles visées à l' article 3, paragraphes 1 et 2, de la directive précitée peuvent invoquer le bénéfice des dispositions de cette directive et, notamment, son article 4, paragraphe 1;

b ) les dispositions de la directive dont s' agit ne sont toutefois applicables qu' aux titulaires des prestations mentionnées à l' article 3, paragraphes 1 et 2, qui figurent au nombre des personnes visées à l' article 2;

c ) à cette fin, il appartient au juge national de déterminer, au regard du droit national, quelles personnes sont les titulaires d' un régime de pension de vieillesse tel que celui institué par l' Algemene Ouderdomswet;

3 ) dans l' affaire C-87/9O

la directive précitée doit être interprétée en ce sens qu' elle ne permet pas aux États membres de maintenir, pour quelque période que ce soit, des inégalités de traitement affectant les conditions de constitution des droits à pension de vieillesse lorsque les prestations correspondantes ont été ou seront versées à compter du 23 décembre 1984 .

(*) Langue originale : le français .

( 1 ) JO 1979, L 6, p . 24 .

( 2 ) Voir, par exemple, arrêts du 2O avril 1988, Bakker ( 151/87, Rec . p . 2OO9 ); du 2 mai 199O, Winter-Lutzins ( 293/88, Rec . p . I-1623 ).

( 3 ) 275/81, Rec . p . 3O13 .

( 4 ) Point 5 .

( 5 ) Arrêt du 27 juin 1989 ( 48/88, 1O6/88 et 1O7/88, Rec . p . 1963 ); conclusions ( Rec . p . 1977, point 2 ).

( 6 ) Rec . 1989, p . 1977, point 3 .

( 7 ) Point 11 .

( 8 ) Voir la combinaison des articles 2 et 3 du texte communautaire .

( 9 ) 166/73, Rec . p . 33 .

( 10 ) Point 3, souligné par nous .

( 11 ) Arrêt du 2O mai 1976, Mazzalai, point 7 ( 111/75, Rec . p . 657 ).

( 12 ) Arrêt du 9 mars 1978 ( 1O6/77, Rec . p . 629 ).

( 13 ) Point 16 .

( 14 ) Point 2O .

( 15 ) Point 24, souligné par nous .

( 16 ) Arrêt du 4 décembre 1986, FNV, point 21 ( 71/85, Rec . p . 3855 ).

( 17 ) Arrêt du 13 novembre 199O, Marleasing ( C-1O6/89, Rec . p . I-4135 ).

( 18 ) Arrêts du 1O avril 1984, Von Colson et Kamann ( 14/83, Rec . p . 1891 ) et Harz ( 79/83, Rec . p . 1921 ); arrêt du 4 février 1988, Murphy ( 157/86, Rec . p . 673 ).

( 19 ) Arrêt du 8 octobre 1987, Kolpinghuis Nijmegen, point 15 ( 8O/86, Rec . p . 3969 ).

( 20 ) Arrêts du 8 novembre 199O ( 177/88, Rec . p . I-3941, et 179/88, Rec . p . I-3979 ); conclusions, points 7 à 15 .

( 21 ) Arrêt du 22 janvier 1976, Russo ( 6O/75, Rec . p . 45 ); voir, à cet égard, l' affaire en cours C-6/9O, Francovitch .

( 22 ) Arrêt du 26 février 1986 ( 152/84, Rec . p . 723 ).

( 23 ) Arrêt du 12 juillet 199O ( C-188/89, Rec . p . I-3313 ).

( 24 ) C-1O6/89, précité, point 8 .

( 25 ) 1O6/77, précité, point 16; voir aussi arrêt du 19 décembre 1968, Salgoil ( 13/68, Rec . p . 661, 675 ).

( 26 ) Kovar, R .: "L' invocabilité du droit communautaire devant les juridictions nationales" dans L' avocat et l' Europe des 12 et des 21, Actes du XIIe congrès de l' association française des centres de formation professionnelle du barreau, 1988, p . 187 .

( 27 ) 13/68, précité, p . 675 .

( 28 ) 1O6/77, précité, point 16, souligné par nous .

( 29 ) Point 24, souligné par nous .

( 30 ) C-1O6/89, précité, point 8 .

( 31 ) 48/88, 1O6/88 et 1O7/88, précité .

( 32 ) Point 1O .

( 33 ) Rec . 1989, p . 1979, point 15 .

( 34 ) 48/88, 1O6/88 et 1O7/88, précité, point 9 .

( 35 ) Voir le rapport d' audience dans l' affaire Bakker ( Rec . 1988, p . 2O1O ), ainsi que la partie en fait de l' arrêt Koks ( Rec . 1982, p . 3O15 et 3O16 ); il semble, selon les indications données par le gouvernement néerlandais lors de la procédure orale, que la pension était versée directement à la femme lorsque son époux n' était pas lui-même titulaire d' une pension au titre de l' AOW, lorsque le mariage avait eu lieu après la liquidation de la pension, enfin lorsque la femme devait être
considérée comme le chef de famille, ce qui paraissait couvrir le cas du décès de son mari .

( 36 ) Voir, toutefois, l' arrêt du 17 octobre 1989, Handels - og Kontorfunktionaerernes forbund i Danmark ( 1O9/88, Rec . p . 3199 ) dans lequel la procédure au principal opposait deux fédérations syndicales .

( 37 ) Arrêts du 15 mai 1986, Johnston ( 222/84, Rec . p . 1651 ) et du 15 octobre 1987, Heylens ( 222/86, Rec . p . 4O97 ).

( 38 ) Arrêt du 9 novembre 1983, San Giorgio, point 12 ( 199/82, Rec . p . 3595 ).

( 39 ) 151/87, précité, point 3, Rec . 1988, p . 2O15 .

( 40 ) 48/88, 1O6/88 et 1O7/88, précité, point 1O; voir ci-avant point 24 .

( 41 ) Point 12 de ses observations écrites .

( 42 ) Arrêt du 8 mars 1988 ( 80/87, Rec . p . 16O1 ).

( 43 ) Point 9 .

( 44 ) Arrêt du 4 décembre 1986, FNV, points 21 et 22 ( 71/85, Rec . p . 3855 ); arrêt du 24 mars 1987, Mc Dermott et Cotter, points 18 et 19 ( 286/85, Rec . p . 1453 ); arrêt du 24 juin 1987, Borrie Clarke, point 1O ( 384/85, Rec . p . 2865 ).

( 45 ) 286/85, 71/85 et 8O/87 précités .

( 46 ) 384/85, précité .

( 47 ) JO L 225, p . 4O .

( 48 ) Arrêt du 17 mai 199O, Barber ( C-262/88, Rec . p . I-1889 ).

( 49 ) En fait à partir du prononcé de votre arrêt puisque vous avez limité les effets ratione temporis dudit arrêt, sauf pour les personnes ayant engagé une action en justice ou soulevé une réclamation équivalente .

( 50 ) C-262/88, précité, point 44 .

( 51 ) Point 26 .

( 52 ) 384/85, précitée, Rec . p . 2872, point 3O .

( 53 ) Arrêt du 13 mars 1991, Cotter et Mc Dermott, point 22 ( C-377/89, Rec . p . I-1155 ).

( 54 ) Ibid ., point 27 .

( 55 ) Arrêts du 8 avril 1976, Defrenne II ( 43/75, Rec . p . 455 ) et C-262/88, précité .

( 56 ) C-262/88, précité, point 35 .

( 57 ) Arrêt du 16 février 1982 ( 19/81, Rec . p . 555 ).

( 58 ) 275/81, précité, partie en fait de l' arrêt, Rec . p . 3O19 .

( 59 ) 275/81, précité, point 11, souligné par nous .


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-87/90,
Date de la décision : 29/05/1991
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demandes de décision préjudicielle: Raad van Beroep 's-Hertogenbosch - Pays-Bas.

Egalité entre hommes et femmes - Sécurité sociale - Directive 79/7/CEE - Portée dans le temps.

Politique sociale


Parties
Demandeurs : A. Verholen et autres
Défendeurs : Sociale Verzekeringsbank Amsterdam.

Composition du Tribunal
Avocat général : Darmon
Rapporteur ?: Schockweiler

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1991:223

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