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24/01/1991 | CJUE | N°T-63/89

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal de première instance, Edward Patrick Latham contre Commission des Communautés européennes., 24/01/1991, T-63/89


Avis juridique important

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61989A0063

Arrêt du Tribunal de première instance (cinquième chambre) du 24 janvier 1991. - Edward Patrick Latham contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaires - Rapport de notation - Réparation du préjudice. - Affaire T-63/89.
Recueil de jurisprudence 1991 page II

-00019

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dé...

Avis juridique important

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61989A0063

Arrêt du Tribunal de première instance (cinquième chambre) du 24 janvier 1991. - Edward Patrick Latham contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaires - Rapport de notation - Réparation du préjudice. - Affaire T-63/89.
Recueil de jurisprudence 1991 page II-00019

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

++++

1 . Fonctionnaires - Notation - Rapport de notation - Établissement - Tardiveté - Irrégularité non susceptible d' entraîner l' annulation

( Statut des fonctionnaires, art . 43 )

2 . Fonctionnaires - Notation - Rapport de notation - Contrôle juridictionnel - Limites

( Statut des fonctionnaires, art . 43 )

3 . Fonctionnaires - Notation - Directive interne d' une institution relative à la procédure de notation - Effets juridiques

( Statut des fonctionnaires, art . 43 et 110 )

4 . Fonctionnaires - Notation - Rapport de notation - Fonctionnaire ayant changé d' affectation durant la période de notation - Obligations des notateurs

( Statut des fonctionnaires, art . 43 )

5 . Fonctionnaires - Notation - Rapport de notation - Établissement - Tardiveté - Faute de service génératrice d' un préjudice moral

( Statut des fonctionnaires, art . 43 )

Sommaire

1 . Le retard mis pour mener à son terme la procédure de notation ne saurait en tout état de cause affecter, à lui seul, la validité du rapport de notation ni, par conséquent, en justifier l' annulation .

2 . Les jugements de valeur portés sur les fonctionnaires dans les rapports de notation sont exclus du contrôle juridictionnel, lequel ne s' exerce que sur les éventuelles irrégularités de forme, les erreurs de fait manifestes entachant les appréciations portées par l' administration ainsi que sur un éventuel détournement de pouvoir .

3 . Une décision d' une institution communautaire, communiquée à l' ensemble de son personnel et visant à garantir aux fonctionnaires concernés un traitement identique en ce qui concerne la notation, tel un guide de la notation, constitue, même si elle ne peut être regardée comme une disposition générale d' exécution au sens de l' article 110 du statut, une directive interne et doit, en tant que telle, être considérée comme une règle de conduite indicative que l' administration s' impose à elle-même
et dont elle ne peut s' écarter sans préciser les raisons qui l' y ont amenée, sous peine d' enfreindre le principe de l' égalité de traitement .

4 . Le rapport de notation a pour fonction première d' assurer à l' administration une information périodique aussi complète que possible sur les conditions d' accomplissement de leur service par ses fonctionnaires . Le rapport de notation ne peut pas véritablement remplir ce rôle si les supérieurs hiérarchiques des différents services, dans lesquels l' intéressé a exercé ses fonctions durant la période de notation, ne sont pas consultés au préalable par le notateur et mis en mesure de consigner d'
éventuelles observations . L' absence d' une telle consultation constitue une irrégularité substantielle de procédure de nature à entacher la validité du rapport de notation .

5 . Un retard de plus de trois ans apporté à l' établissement d' un rapport de notation est contraire au principe de bonne administration . Un tel retard, non justifié par l' existence de circonstances particulières, constitue une faute de service génératrice d' un préjudice moral, en raison de l' état d' incertitude et d' inquiétude dans lequel se trouve le fonctionnaire du fait du caractère irrégulier et incomplet de son dossier individuel .

Pour que le fonctionnaire se trouve privé de tout droit à réparation du préjudice moral allégué, il faudrait qu' il ait lui-même concouru notablement au retard dont il se plaint .

Parties

Dans l' affaire T-63/89,

Edward Patrick Latham, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Wezembeek-Oppem ( Belgique ), représenté par Me Georges Vandersanden, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l' étude de Me Alex Schmitt, 62, avenue Guillaume,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M . Sergio Fabro, conseiller juridique, en qualité d' agent, assisté de Me Claude Verbraeken, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M . Guido Berardis, membre de son service juridique, Centre Albert Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d' une part, une demande en annulation du rapport de notation du requérant pour la période 1981-1983 et, d' autre part, une demande de dommages-intérêts,

LE TRIBUNAL ( cinquième chambre ),

composé de MM . D . Barrington, président, C . P . Briët et J . Biancarelli, juges,

greffier : Mme B . Pastor, administrateur

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du

10 juillet 1990,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

Les faits à l' origine du recours

1 Le requérant, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes depuis 1971, a travaillé à compter d' août 1973 à la direction générale ( ci-après "DG ") III ( Marché intérieur ), dénommée plus tard "Marché intérieur et affaires industrielles ". Transféré à la DG XI ( Environnement, protection des consommateurs et sécurité nucléaire ) à partir du 1er février 1983, il a travaillé à la division "promotion des intérêts des consommateurs" de cette DG .

2 Le projet de rapport de notation du requérant, pour la période du 1er juillet 1981 au 30 juin 1983, a été établi par le directeur de la DG III/D, M . Ivo Schwartz, et notifié au requérant le 30 mars 1987 . Après avoir eu, le 13 avril 1987, un entretien avec le requérant, M . Schwartz a arrêté définitivement le rapport de notation le 6 mai 1987 . Le requérant a successivement saisi le notateur d' appel, qui a établi la notation d' appel le 7 juillet 1987, et le comité paritaire des notations,
lequel a rendu son avis le 15 février 1988 . Dans son avis, le comité paritaire a invité le notateur d' appel à revoir le rapport de notation . Le notateur d' appel a décidé de maintenir sans modification le rapport de notation, dont la version définitive, en date du 17 mars 1988, a été notifiée au requérant le 18 mars 1988 .

3 Le requérant a alors introduit une réclamation au titre de l' article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes ( ci-après "statut "), dirigée contre la décision du notateur d' appel de maintenir sans modification le rapport de notation . Par décision du 11 novembre 1988, communiquée au requérant par lettre du 21 novembre 1988 et notifiée le 24 novembre 1988, cette réclamation a été explicitement rejetée .

4 Le 16 septembre 1986, le requérant a posé sa candidature à un poste de grade A 3 vacant au sein de la DG III . Ayant été informé, le 30 octobre 1986, que sa candidature avait été rejetée par la Commission, il a introduit, le 20 novembre 1986, une réclamation contre cette décision . Cette procédure administrative n' a pas été suivie d' un recours contentieux .

La procédure

5 Par requête déposée au greffe de la Cour de justice le 14 février 1989, le requérant a introduit le présent recours .

6 La procédure écrite s' est déroulée régulièrement devant la Cour .

7 Par ordonnance du 15 novembre 1989, la Cour a renvoyé l' affaire devant le Tribunal, en application de l' article 14 de la décision du Conseil du 24 novembre 1988 instituant un Tribunal de première instance des Communautés européennes .

8 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal ( cinquième chambre ) a décidé d' ouvrir la procédure orale sans instruction préalable .

9 La procédure orale s' est déroulée le 10 juillet 1990 . Le président a prononcé la clôture de la procédure orale à l' issue de l' audience .

Les conclusions des parties

10 Le requérant conclut à ce qu' il plaise au Tribunal :

- déclarer le recours recevable et fondé;

- annuler la décision du 17 mars 1988 de M . F . Braun, directeur général ( DG III ) agissant en qualité de notateur d' appel, de maintenir sans modification son rapport de notation;

- lui octroyer la réparation du préjudice matériel et moral subi, en lui allouant respectivement une indemnité équivalente à deux années de traitement au grade A 3 et une somme de 200 000 BFR;

- condamner la défenderesse à l' ensemble des dépens .

La Commission conclut à ce qu' il plaise au Tribunal :

- rejeter le recours en tous ses éléments comme non fondé;

- condamner le requérant à ses propres dépens, conformément aux articles 69, paragraphe 2, et 70 du règlement de procédure de la Cour .

Sur le premier chef du recours, tendant à l' annulation de la décision du 17 mars 1988 du notateur d' appel

11 A l' appui de ce chef du recours, le requérant a invoqué trois moyens tirés d' irrégularités qui auraient affecté la procédure d' établissement de son rapport de notation, à savoir, en premier lieu, la violation de l' article 6 des dispositions générales d' exécution de l' article 43 du statut, arrêtées par la Commission par décision du 27 juillet 1979 ( ci-après "dispositions générales "), en second lieu, une erreur de fait manifeste qui entacherait son rapport de notation et, en troisième lieu,
la violation de l' article 3 des dispositions générales .

Sur le premier moyen, tiré de la violation de l' article 6 des dispositions générales

12 Quant au premier moyen, tiré de la violation de l' article 6 des dispositions générales, le requérant allègue qu' en vertu de la règle établie par cet article le projet de rapport de notation pour la période 1981-1983 aurait dû lui être communiqué avant le 30 novembre 1983 . Or, son rapport de notation n' aurait été définitivement établi que le 30 mai 1987, soit trois ans et quatre mois après la date prescrite . Ce dépassement considérable du délai serait inacceptable et incompatible avec le
principe de bonne administration ( arrêt de la Cour du 6 février 1986, Castille/Commission, 173/82, 157/83, 186/84, Rec . p . 497 ). En conséquence, le rapport de notation devrait être annulé et la défenderesse devrait être condamnée à lui verser un montant de 200 000 BFR à titre de dommages-intérêts pour faute de service . En effet, en matière de promotion, il serait essentiel - et la jurisprudence de la Cour le confirmerait - que la procédure de notation se déroule correctement, et en particulier
que soient respectés les délais expressément prévus à cet égard ( arrêt du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, Rec . p . 23 ). En l' espèce, la responsabilité de la méconnaissance de la procédure de notation incomberait à l' administration seule . Il serait inadmissible de faire partager cette responsabilité au requérant .

13 Tout en ne niant pas que le délai mis pour établir le rapport initial puis le rapport définitif a été trop long, la Commission nie cependant que ce retard puisse, à lui seul, affecter la validité du rapport de notation et, par conséquent, justifier son annulation . Elle invoque à ce propos les arrêts de la Cour du 9 février 1988, Picciolo/Commission ( 1/87, Rec . p . 711 ), et du 15 mars 1989, Bevan/Commission ( 140/87, Rec . p . 701 ). La défenderesse conteste également que le requérant puisse
justifier d' un intérêt à obtenir l' annulation de son rapport de notation pour "dépassement des délais prescrits par le guide de notation ". Elle observe que le seul résultat d' une telle annulation serait que le rapport de notation devrait être rédigé à nouveau, avec un retard encore plus considérable .

14 Quant au premier moyen, le Tribunal estime qu' il y a lieu de constater que le rapport de notation litigieux, couvrant la période du 1er juillet 1981 au 30 juin 1983, n' a pas été établi au 30 novembre 1983, date ultime prescrite par l' article 6, premier alinéa, des dispositions générales, et qu' il n' a été arrêté définitivement que le 6 mai 1987, soit avec un retard considérable .

15 Toutefois, selon une jurisprudence constante, le retard mis pour mener à son terme la procédure de notation ne saurait en tout état de cause affecter, à lui seul, la validité du rapport de notation, ni, par conséquent, en justifier l' annulation ( voir les arrêts de la Cour du 9 février 1988, Picciolo, 1/87, et du 15 mars 1989, Bevan, 140/87, précités ).

16 Ainsi, ce moyen ne peut qu' être écarté .

Sur le deuxième moyen, tiré d' une erreur manifeste qui entacherait le rapport de notation litigieux

17 A l' appui de son deuxième moyen, tiré d' une erreur de fait manifeste, le requérant allègue que certaines remarques contenues dans le rapport de notation, sous la rubrique "appréciation générale", présentent un caractère superflu et erroné . En effet, selon le requérant, la défenderesse a porté certaines appréciations volontairement préjudiciables au requérant, dans les versions préparatoires de son rapport de notation du 30 mars 1987, du 6 mai 1987 et du 7 juillet 1987 . Elle en aurait, d'
ailleurs, au moins partiellement reconnu le caractère non fondé . En outre, la défenderesse aurait ajouté, dans la version du 7 juillet 1987, de nouvelles remarques déplaisantes à l' égard du requérant et non fondées, d' une part, sur un trait de son caractère et, d' autre part, sur un conflit qui l' aurait opposé à un autre fonctionnaire . Il ne serait pas permis au notateur de formuler, dans la partie générale du rapport de notation, des remarques de ce genre . La défenderesse aurait commis des
erreurs de fait manifestes, ainsi que des abus de pouvoir, du fait du non-respect, par le notateur d' appel, des principes de la justice naturelle illustrés par les adages "audi alteram partem" et "on ne juge pas une affaire dans laquelle l' on figure en tant que partie ".

18 La défenderesse répond que, dans la mesure où ces reproches portent non sur la décision attaquée, mais sur les projets de rapport de notation, ils ne sauraient être retenus comme susceptibles de faire grief au requérant . Elle rappelle, en outre, la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle celle-ci s' abstient, en principe, de contrôler les jugements de valeur émis dans les rapports de notation ( arrêt du 5 mai 1983, Ditterich/Commission, point 15, 207/81, Rec . p . 1359 ). Elle ajoute
que, selon cette même jurisprudence, les notateurs jouissent du plus large pouvoir d' appréciation dans les jugements portés sur le travail des personnes qu' ils ont la charge de noter et que la fonction de la Cour n' est pas de se substituer au notateur, sauf en cas d' erreur ou d' excès manifeste ( arrêt Ditterich, précité; arrêts du 28 octobre 1982, Oberthuer/Commission, point 26, 105/81, Rec . p . 3781, et du 1er juin 1983, Seton/Commission, point 23, 36/81, 37/81 et 218/81, Rec . p . 1789 ). En
ce qui concerne le conflit ayant opposé le requérant à un autre fonctionnaire, la défenderesse souligne que le requérant a lui-même émis certaines remarques à propos de ce fonctionnaire dans le commentaire qu' il a adressé au notateur d' appel, choisissant ainsi de poursuivre cette querelle dans le contexte du rapport de notation . Enfin, la défenderesse fait valoir que la procédure d' établissement du rapport de notation ne serait pas une procédure aboutissant à un jugement et qu' elle ne serait
soumise ni au principe du contradictoire ni à celui de l' impartialité du juge .

19 Le Tribunal estime que, selon une jurisprudence établie, il ne lui appartient pas de contrôler le bien-fondé de l' appréciation portée, par l' administration, sur les aptitudes professionnelles d' un fonctionnaire, lorsque cette appréciation comporte des jugements complexes de valeur qui, par leur nature même, ne sont pas susceptibles d' une vérification objective ( arrêts de la Cour du 17 mars 1971, Marcato/Commission, 29/70, Rec . XVII, p . 243, et du 5 mai 1983, Ditterich, 207/81, précité ).
Toutefois, cette jurisprudence ne concerne que des jugements de valeur et le Tribunal est tenu d' exercer un contrôle sur les éventuelles irrégularités de forme, sur les erreurs de fait manifestes entachant les appréciations portées par l' administration ainsi que sur un éventuel détournement de pouvoir .

20 En l' espèce, il résulte des informations communiquées au cours de la procédure et des pièces versées au dossier, notamment celles produites par le requérant lui-même, que les remarques formulées dans le rapport de notation, pour la période 1981-1983, par le premier notateur puis par le notateur d' appel ne reposent pas sur des erreurs de fait, ne sont pas entachées d' une erreur manifeste d' appréciation et ne révèlent aucun détournement de pouvoir .

21 Il résulte de ce qui précède que le présent moyen doit être rejeté .

Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l' article 3 des dispositions générales

22 A cet égard, le requérant allègue que les différents projets de rapport de notation, ainsi que le rapport final, en méconnaissance de la procédure prévue à l' article 3 des dispositions générales, telle que précisée par les dispositions édictées au point B.5.2.2, sous a ), du guide de la notation établi par la Commission, n' auraient jamais été visés par un responsable de la DG XI, bien que le requérant ait travaillé au sein de cette DG pendant cinq mois au cours de la période couverte par le
rapport de notation . Il soutient que ses nouveaux supérieurs hiérarchiques auraient pu nuancer ou corriger les observations ayant trait au comportement du requérant et les appréciations formulées à cet égard par le notateur d' appel .

23 La défenderesse ne nie pas que les responsables de la DG XI n' ont pas été consultés lors de l' établissement du rapport de notation . Néanmoins, cette erreur ne constituerait pas une "irrégularité substantielle de nature à entacher la validité du rapport de notation" ( arrêt de la Cour du 9 février 1988, Picciolo, 1/87, précité ), pas plus, par voie de conséquence, qu' un motif suffisant pour justifier l' annulation de ce rapport . En effet, la consultation des responsables de la DG XI n' aurait
en aucune manière été de nature à modifier les observations figurant dans le rapport, sous la rubrique "appréciation générale", qui sont contestées par le requérant, dans la mesure où ces appréciations ne concernent que les activités du requérant à la seule DG III, et non à la DG XI, et ne portent pas non plus sur les raisons de son transfert à la DG XI . La défenderesse se demande si l' on peut raisonnablement estimer que son "guide" de la notation lui impose, sur ce point, une obligation
contraignante non susceptible de dérogations, quelles que soient les circonstances .

24 Selon le Tribunal, le requérant fait valoir en substance que l' absence de consultation de ses anciens supérieurs hiérarchiques à la DG IX par le notateur compétent, son supérieur hiérarchique à la DG III, alors qu' il avait été affecté à compter du 1er février 1983 à la DG IX, constitue une violation de l' article 3, paragraphe 2, des dispositions générales . Cet article dispose, en effet, que les supérieurs hiérarchiques des autres services auxquels le fonctionnaire est ou a été affecté au
cours de la période de référence sont consultés au préalable par le notateur . Cette affirmation n' est pas contestée en ce qui concerne l' absence de consultation .

25 Il convient de rappeler qu' une décision d' une institution communautaire communiquée à l' ensemble de son personnel et visant à garantir aux fonctionnaires concernés un traitement identique en ce qui concerne la notation constitue, même si elle ne peut être regardée comme une disposition générale d' exécution au sens de l' article 110 du statut, une directive interne et doit, en tant que telle, être considérée comme une règle de conduite indicative que l' administration s' impose à elle-même et
dont elle ne peut s' écarter sans préciser les raisons qui l' y ont amenée, sous peine d' enfreindre le principe de l' égalité de traitement ( arrêts de la Cour du 30 janvier 1974, Louwage/Commission, 148/73, Rec . p . 81, et du ler décembre 1983, Blomefield/Commission, 190/82, Rec . p . 3981 ). En outre, l' article 3 des dispositions générales a pour fonction essentielle de permettre l' élaboration de rapports de notation aussi objectifs et complets que possible .

26 Il s' ensuit que, dans les circonstances de l' espèce, où la défenderesse n' a invoqué aucune raison sérieuse qui lui aurait permis de déroger aux règles du guide de la notation, qu' elle s' est imposé à elle-même, l' administration, en s' écartant sans motif des dispositions de ce guide, a entaché sa décision d' un vice de procédure de nature à la priver de base légale .

27 Quant à l' argument de la défenderesse, selon lequel la violation de l' article 3, paragraphe 2, des dispositions générales ne constituerait pas une irrégularité substantielle, de nature à entacher la validité du rapport de notation, au motif que la consultation des supérieurs hiérarchiques du requérant à la DG XI n' aurait pu, en aucune façon, modifier les observations figurant dans le rapport de notation qui sont contestées par le requérant, il y a lieu de rappeler que, selon la procédure
prévue audit article 3, paragraphe 2, les supérieurs hiérarchiques des autres services auxquels le fonctionnaire est ou a été affecté au cours de la période de référence, après avoir été consultés par le notateur, apposent leur visa sur le rapport et peuvent y apporter des observations, en cas de désaccord avec le notateur . En effet, le rapport de notation a pour fonction première d' assurer à l' administration une information périodique aussi complète que possible sur les conditions d'
accomplissement de leur service par ses fonctionnaires ( arrêt de la Cour du 3 juillet 1980, Grassi/Conseil, 6/79 et 97/79, Rec . p . 2141 ). Le rapport de notation ne peut pas remplir cette fonction d' une manière véritablement complète si les supérieurs hiérarchiques des autres services où le fonctionnaire en cause a exécuté ses fonctions ne sont pas consultés au préalable et mis en mesure d' y apporter d' éventuelles observations . Cette remarque est valable même si le fonctionnaire n' a été
affecté dans un autre service que pendant une durée de cinq mois, alors que la période de notation est de vingt-quatre mois . Il s' ensuit que l' absence de consultation des responsables de la DG XI sur le rapport de notation du requérant constitue une irrégularité substantielle de procédure de nature à entacher la validité du rapport de notation .

28 La procédure de notation étant ainsi entachée d' illégalité, la décision en date du 17 mars 1988 arrêtant de façon définitive le rapport de notation du requérant, pour la période 1981-1983, doit en conséquence être annulée .

Sur le second chef du recours, tendant à l' allocation de dommages-intérêts

29 Le requérant a fait valoir que l' absence de rapport de notation au moment du rejet de sa candidature à un poste de grade A 3 à la DG III a constitué une faute de service de la part de la Commission et que cette faute est de nature à justifier la réparation du préjudice matériel et moral qu' elle lui a causé .

Sur les conclusions tendant à l' indemnisation d' un préjudice matériel prétendument subi

30 Le requérant a demandé, en réparation du préjudice matériel qu' il estime avoir subi, l' octroi d' une indemnité équivalente à deux années de traitement au grade A 3 .

31 La défenderesse conclut au rejet de cette demande, au motif que le requérant n' a pas, en temps utile, introduit un recours contentieux contre le rejet de sa candidature au poste vacant à la DG III . Par ailleurs, selon la défenderesse, le préjudice matériel invoqué par le requérant n' est ni suffisamment direct ni suffisamment certain pour justifier une réparation .

32 Le Tribunal estime qu' il ressort de la jurisprudence de la Cour que, pour obtenir réparation du préjudice matériel causé par un rapport de notation irrégulier, le fonctionnaire concerné doit établir avec une précision suffisante un lien de causalité entre la faute de service alléguée, c' est-à-dire, en l' espèce, l' irrégularité du rapport de notation, et le préjudice prétendument subi ( arrêts du 5 mai 1983, Ditterich, 207/81, du 6 février 1986, Castille, 173/82, 157/83 et 186/84, et du 9
février 1988, Picciolo, 1/87, précités ).

33 Dans les circonstances de l' espèce, il ressort des pièces du dossier que le requérant n' a pas établi que le défaut de son rapport de notation a eu une incidence décisive sur l' absence de sa promotion . Dans ces conditions, et sans qu' il soit besoin d' examiner si la Commission a commis une faute de service, la demande en réparation d' un préjudice matériel doit, en tout état de cause, être rejetée .

Sur les conclusions tendant à l' indemnisation du préjudice moral

34 Le requérant a demandé en réparation du préjudice moral l' octroi d' une somme de 200 000 BFR, au motif que le retard intervenu dans l' établissement de son rapport de notation lui a, en lui-même, porté préjudice .

35 La défenderesse a fait valoir, à cet égard, que le requérant n' a pas précisé exactement la nature du préjudice allégué et que, par conséquent, cette demande doit être rejetée comme non fondée . En tout état de cause, la défenderesse estime que le montant demandé est trop élevé .

36 Le Tribunal estime qu' en ce qui concerne le retard qui s' est attaché à la rédaction du projet de rapport de notation il convient de rappeler, en premier lieu, l' article 43, deuxième alinéa, du statut, selon lequel "la compétence, le rendement et la conduite dans le service de chaque fonctionnaire ... font l' objet d' un rapport périodique établi au moins tous les deux ans, dans les conditions fixées par chaque institution, conformément aux dispositions de l' article 110"; en second lieu, l'
article 6, premier alinéa, des dispositions générales, suivant lequel "le notateur établit le rapport de notation et le communique au noté avant le 30 novembre suivant la fin de la période de référence", et, en troisième lieu, l' arrêt de la Cour du 6 février 1986, Castille ( 173/82, 157/83 et 186/84, précité ), dans lequel il a été jugé que "le retard survenu dans l' établissement des rapports de notation est de nature, en lui-même, à porter préjudice au fonctionnaire du seul fait que le
déroulement de sa carrière peut être affecté par le défaut d' un tel rapport à un moment où des décisions le concernant doivent être prises ".

37 En effet, comme l' a jugé le Tribunal, dans son arrêt du 8 novembre 1990, Barbi/Commission ( T-73/89, Rec . p . 0000 ), "un fonctionnaire qui ne possède qu' un dossier individuel irrégulier et incomplet subit de ce fait un préjudice moral tenant à l' état d' incertitude et d' inquiétude dans lequel il se trouve quant à son avenir professionnel" ( voir, à cet égard, les arrêts de la Cour du 14 juillet 1977, Geist/Commission, 61/76, Rec . p . 1419, et du 15 mars 1989, Bevan, 140/87, précité ). Par
contre, le fonctionnaire se trouve privé de tout droit à réparation du préjudice moral allégué, s' il a lui-même concouru notablement au retard dont il se plaint ou si l' administration ne dépasse pas un délai raisonnable pour communiquer le projet de rapport le concernant, retard qui doit alors être justifié par l' existence de circonstances particulières ( arrêt de la Cour du 5 mai 1983, Ditterich, 207/81, précité ).

38 En l' espèce, pour la période de référence 1981-1983, ce n' est que le 30 mars 1987 que le requérant a reçu un projet de rapport de notation, alors que celui-ci aurait dû lui être soumis au plus tard le 30 novembre 1983 . Ainsi, le retard apporté par la Commission dans l' établissement du rapport provisoire de notation prévu à l' article 6, premier alinéa, des dispositions générales est, en l' espèce, de trois ans et quatre mois . De plus, la Commission n' a invoqué aucune circonstance
particulière permettant de justifier un tel retard et l' intéressé n' y a nullement concouru .

39 Il y a lieu, en conséquence, de constater que la Commission a commis une faute de service ouvrant un droit à réparation du préjudice moral subi par le requérant . Dans les circonstances de l' espèce, le Tribunal estime qu' il en sera fait une juste appréciation en l' évaluant à la somme de 100 000 BFR .

40 Dès lors, il y a lieu :

- d' annuler la décision en date du 17 mars 1988, arrêtant de façon définitive le rapport de notation du requérant pour la période 1981-1983;

- de condamner la défenderesse à verser au requérant un montant de 100 000 BFR à titre de dommages et intérêts pour faute de service;

- de rejeter le recours pour le surplus .

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

41 Aux termes de l' article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, applicable mutatis mutandis à la procédure devant le Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s' il est conclu en ce sens . La Commission ayant succombé dans l' essentiel de ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens .

Dispositif

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL ( cinquième chambre )

déclare et arrête :

1 ) La décision en date du 27 mars 1988, arrêtant de façon définitive le rapport de notation du requérant pour la période 1981-1983, est annulée .

2 ) La Commission est condamnée à verser au requérant un montant de 100 000 BFR en réparation du préjudice moral subi .

3 ) Le recours est rejeté pour le surplus .

4 ) La Commission est condamnée à supporter l' ensemble des dépens .


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : T-63/89
Date de la décision : 24/01/1991
Type de recours : Recours de fonctionnaires - fondé, Recours de fonctionnaires - non fondé, Recours en responsabilité - fondé

Analyses

Fonctionnaires - Rapport de notation - Réparation du préjudice.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Edward Patrick Latham
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:1991:4

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