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16/01/1991 | CJUE | N°C-93/90

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 16 janvier 1991., Erminia Cassamali contre Office national des pensions., 16/01/1991, C-93/90


Avis juridique important

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61990C0093

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 16 janvier 1991. - Erminia Cassamali contre Office national des pensions. - Demande de décision préjudicielle: Tribunal du travail de Bruxelles - Belgique. - Sécurité sociale - Prestations de vieillesse - Revalorisation et n

ouveau calcul des prestations. - Affaire C-93/90.
Recueil de jurisprud...

Avis juridique important

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61990C0093

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 16 janvier 1991. - Erminia Cassamali contre Office national des pensions. - Demande de décision préjudicielle: Tribunal du travail de Bruxelles - Belgique. - Sécurité sociale - Prestations de vieillesse - Revalorisation et nouveau calcul des prestations. - Affaire C-93/90.
Recueil de jurisprudence 1991 page I-01401

Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . Dans la présente affaire, le tribunal du travail de Bruxelles demande à la Cour de justice de statuer à titre préjudiciel sur l' interprétation de l' article 51 du règlement ( CEE ) n 1408/71 du Conseil relatif à l' application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l' intérieur de la Communauté (( dont une version codifiée figure à l' annexe I au règlement ( CEE ) n 2001/83 du Conseil ( JO 1983, L 230, p . 6 ) )).

2 . Mme Cassamali est une ressortissante italienne ayant travaillé, de même que son défunt mari, tant en Italie qu' en Belgique . Depuis le 1er décembre 1970, elle perçoit une pension de survie italienne . Depuis le 1er octobre 1976, elle bénéficie, en outre, d' une pension de vieillesse italienne, de deux pensions de retraite belges ( l' une de travailleur salarié et l' autre de travailleur non salarié ) ainsi que d' une pension de survie belge .

3 . Le calcul de la pension de survie belge a eu lieu compte tenu d' une disposition anticumul belge selon laquelle une pension de survie ne peut pas être cumulée avec une ou plusieurs pensions de retraite ou tout autre avantage en tenant lieu, octroyés en vertu d' une législation belge ou étrangère, au-delà d' une certaine limite . Cette limite a été dépassée par les cinq pensions dont bénéficiait Mme Cassamali, et sa pension de survie a donc été réduite du montant excédentaire . Il y a lieu de
noter que le recours à la disposition anticumul belge était autorisé en vertu de l' article 12, paragraphe 2, du règlement n 1408/71 .

4 . Le 3 décembre 1980, l' institution de sécurité sociale italienne a adressé à l' institution belge compétente ( à laquelle a succédé l' Office national des pensions ) des renseignements sur les adaptations ultérieures de la pension de vieillesse italienne . Cette pension avait considérablement augmenté : alors qu' elle était de 57 000 LIT par mois au 1er octobre 1976, elle était passée à 240 600 LIT par mois le 1er juillet 1980 . Aussi surprenant que cela puisse paraître, cette augmentation était
due uniquement à l' indexation, comme cela a été confirmé par l' institution italienne en réponse à une question qui lui avait été posée par l' institution belge .

5 . L' institution belge a alors réduit la pension de survie belge de telle sorte que le plafond prévu par la disposition anticumul belge susmentionnée ne soit pas dépassé . Mme Cassamali a contesté cette décision en soutenant qu' elle était contraire à l' article 51 du règlement n 1408/71 . L' article 51, on le rappelle, est libellé comme suit :

"1 ) Si, en raison de l' augmentation du coût de la vie, de la variation du niveau des salaires ou d' autres causes d' adaptation, les prestations des États concernés sont modifiées d' un pourcentage ou montant déterminé, ce pourcentage ou montant doit être appliqué directement aux prestations établies conformément aux dispositions de l' article 46, sans qu' il y ait lieu de procéder à un nouveau calcul selon les dispositions dudit article .

2 ) Par contre, en cas de modification du mode d' établissement ou des règles de calcul des prestations, un nouveau calcul est effectué conformément aux dispositions de l' article 46 ."

6 . Il ressort des observations de l' Office national des pensions ( ci-après "Office national ") que le recours de Mme Cassamali a été introduit devant le tribunal du travail de Bruxelles le 19 mars 1981 . Par jugement du 19 mars 1990, le tribunal du travail de Bruxelles a déféré à la Cour les questions suivantes :

"L' article 51 du règlement n 1408/71 permet-il de recalculer une pension belge du fait de l' augmentation d' une pension italienne due uniquement à l' augmentation du coût de la vie?

Dans la négative, existe-t-il une autre disposition de droit communautaire autorisant ce recalcul?"

7 . Les faits de l' espèce présentent une similitude remarquable avec ceux de l' affaire C-85/89, Ravida/Office national des pensions, dans laquelle la Cour a statué le 21 mars 1990 ( Rec . p . I-1063 ). Dans cette affaire, la Cour a jugé que l' article 51 du règlement n 1408/71 doit être interprété en ce sens que, lorsque, en vertu de règles anticumul nationales la pension versée à un travailleur par un État membre a été liquidée à un montant tel que, cumulé avec celui d' une prestation de nature
différente versée par un autre État membre, il ne dépasse pas un certain plafond, la pension ne doit pas faire l' objet d' un nouveau calcul, destiné à éviter le dépassement de ce plafond, en cas de modifications ultérieures de l' autre prestation intervenues en raison de l' évolution générale de la situation économique et sociale .

8 . Dans l' affaire Ravida, comme en l' espèce, la personne concernée bénéficiait de pensions de retraite et de pensions de survie à la fois en Italie et en Belgique . Sa pension de survie belge était calculée compte tenu de la même règle anticumul . Dans son cas également, la pension de retraite italienne avait augmenté du fait de l' indexation et sa pension de survie belge avait été réduite d' un montant correspondant . Nous ne voyons aucune différence importante entre cette affaire et l' espèce .
En outre, l' arrêt Ravida n' était lui-même qu' une application de la jurisprudence antérieure de la Cour, à savoir, notamment, les arrêts dans l' affaire 7/81, Sinatra / FNROM ( Rec . 1982, p . 137 ), et dans l' affaire 104/83, Cinciuolo/Union nationale des fédérations mutualistes neutres ( Rec . 1984, p . 1285 ).

9 . L' Office national développe de façon très détaillée un argument qu' il avait esquissé lors de l' audience dans l' affaire Ravida . Si cet argument était maintenant accepté par la Cour, il aboutirait au renversement de sa jurisprudence Ravida . Cet argument est le suivant . La mesure interdite par l' article 51, paragraphe 1, du règlement n 1408/71 dans le cas d' une adaptation du niveau de la prestation du fait de l' indexation serait uniquement un nouveau calcul conformément à l' article 46 du
règlement . Or, l' Office national n' aurait pas procédé à un tel nouveau calcul; il aurait simplement continué à déduire de la pension de survie belge toute somme qu' il était nécessaire de déduire pour ramener le total des prestations de Mme Cassamali dans la limite prévue par la règle anticumul belge . Lors de l' augmentation de la pension italienne, le montant de la déduction aurait augmenté en proportion . Il ajoute que l' article 51, loin de lui interdire tout nouveau calcul, l' autorise
simplement à s' abstenir de procéder au nouveau calcul visé à l' article 46 .

10 . Il y a lieu, selon nous, de répondre à ce dernier point que l' article 51 ne saurait être interprété comme autorisant simplement les institutions de sécurité sociale des États membres soit à effectuer un nouveau calcul, soit à s' abstenir de le faire . Cela serait contraire tant à la sécurité juridique qu' à l' exigence d' une interprétation uniforme de la législation par les institutions de sécurité sociale de tous les États membres . En tout état de cause, pour les raisons indiquées
ci-dessus, nous estimons qu' il ressort clairement, tant du libellé de l' article 51, paragraphe 1, que de la structure de l' article dans son entier, que l' article 51, paragraphe 1, interdit un nouveau calcul dans les circonstances visées par cette disposition .

11 . La position de l' Office national est plus solide lorsqu' il soutient que la mesure interdite par l' article 51, paragraphe 1, est un nouveau calcul conformément aux dispositions de l' article 46 et qu' aucun nouveau calcul de ce type n' a été demandé ni effectué en l' espèce . Néanmoins, cet argument appelle, lui aussi, la même objection, à savoir qu' il ne tient pas compte du libellé de l' article 51, paragraphe 1, ni de la structure de l' article dans son entier . L' article 51, paragraphe
1, prévoit clairement que, lorsqu' une prestation est modifiée d' un pourcentage ou montant déterminé, ce pourcentage ou montant doit être appliqué directement au montant des prestations en question, tel que déterminé par le calcul initial effectué conformément à l' article 46 .

12 . Le système de l' article 51 du règlement n 1408/71 consiste à distinguer entre deux situations : a ) les adaptations résultant de l' indexation et b ) les adaptations dues à une modification de la méthode de calcul . Dans ce dernier cas, il est procédé à un nouveau calcul complet . Dans le premier cas, un pourcentage ou montant déterminé est ajouté aux prestations qui étaient dues jusque-là et, en dehors de cette adaptation, aucun nouveau calcul n' a lieu . L' article 51 n' envisage pas une
troisième possibilité permettant qu' une augmentation résultant de l' indexation dans un État membre soit prise en considération dans un autre État membre pour l' application d' une règle anticumul nationale . L' article 51, paragraphe 1, pose le principe de l' évolution autonome des prestations de sécurité sociale . Une fois que des prestations ont été calculées conformément à l' article 46, elles évoluent de manière autonome dans chacun des États membres concernés; une adaptation pratiquée dans un
État membre n' affecte pas la prestation versée dans l' autre . L' article 51, paragraphe 2, prévoit une exception à ce principe en cas de modifications dans la méthode de calcul de la prestation . Cette exception est nécessaire, car l' effet de telles modifications pourrait être de placer la personne visée dans une situation telle qu' une formule différente lui serait plus favorable . A cet égard, il y a lieu de rappeler que l' article 46 a été interprété de manière constante par la Cour en ce sens
que les particuliers ont droit à l' application intégrale soit de la législation nationale, soit de la législation communautaire, y compris leurs règles anticumul respectives, suivant ce qui se révèle le plus favorable ( voir, par exemple, l' affaire 22/77, FNROM/Mura, Rec . 1977, p . 1699 ). Or, les circonstances visées à l' article 51, paragraphe 1, à savoir une adaptation des prestations à la suite d' une augmentation du coût de la vie ou du niveau des salaires, sont peu susceptibles d' affecter
le résultat de la comparaison entre les deux possibilités .

13 . La situation examinée ici est anormale dans la mesure où les prestations visées ont connu une augmentation exceptionnellement forte du seul fait de l' indexation . Il ressort de l' arrêt du 21 mars 1990, Cabras ( C-199/88, Rec . p . I-1023 ), que cette augmentation exceptionnelle était due à une erreur dans l' interprétation des dispositions italiennes sur l' indexation . Normalement, l' interprétation adoptée par la Cour dans l' affaire Ravida n' est pas susceptible d' avoir des conséquences
financières aussi étendues qu' en l' espèce . Lorsque des prestations de sécurité sociale et tout plafond fixé en application de règles anticumul sont majorés pour tenir compte des augmentations des salaires, les différences de taux d' augmentation entre les États membres résultent largement des différences de taux d' inflation . Même si ces dernières différences ne diminuent pas à mesure de l' accroissement de la convergence économique entre les États membres, elles sont, en principe, largement
compensées par les fluctuations monétaires . Ainsi, si l' inflation est plus élevée en Italie qu' en Belgique, les pensions italiennes peuvent augmenter davantage que les pensions belges, mais l' avantage qui en résulte sera probablement compensé par la dépréciation de la lire . Par conséquent, dans des circonstances normales, l' interprétation adoptée dans l' affaire Ravida n' est pas susceptible d' aboutir à des résultats anormaux .

14 . La question des fluctuations monétaires intervient également de manière indirecte pour une autre raison . Bien que l' espèce vise des augmentations de la prestation italienne à la suite d' adaptations au coût de la vie, les problèmes sont exactement les mêmes que ceux qui se poseraient si la valeur de la prestation italienne, exprimée en monnaie belge, augmentait à la suite de l' évolution monétaire . Une augmentation de 10 % de la valeur de la lire par rapport au franc belge produit le même
effet qu' une augmentation de 10 % de la pension italienne, au moins en ce qui concerne la valeur de la pension italienne en Belgique . Il serait donc logique que l' institution belge applique la même règle dans tous les cas où la valeur de la pension italienne change, sans tenir compte du point de savoir si le changement est dû à une adaptation résultant de l' indexation ou à l' évolution monétaire . A cet égard, il est intéressant de se reporter à la décision n 99 de la commission administrative
des Communautés européennes pour la sécurité sociale des travailleurs migrants du 13 mars 1975 ( JO C 150, p . 2 ). Cette décision concerne l' interprétation de l' article 107 du règlement ( CEE ) n 574/72, qui prévoit une période de référence trimestrielle pour la détermination du taux de conversion dans une monnaie nationale de montants libellés dans une autre monnaie nationale, notamment aux fins de la mise en oeuvre de l' article 12, paragraphe 2, du règlement n 1408/71 . La décision interprète
l' article 107 en ce sens qu' il détermine le taux de conversion applicable lors de la fixation des prestations ou lors d' un recalcul des prestations conformément à l' article 51, paragraphe 2, du règlement n 1408/71 . Il y est précisé que, par contre, l' article 107 "n' implique pas l' obligation de recalculer trimestriellement les prestations courantes ( notamment les pensions ) par application du taux de conversion visé à l' article 107 ". Ainsi, il ressort clairement de la décision que, si la
valeur des pensions italiennes de Mme Cassamali devait augmenter à la suite d' une appréciation monétaire, l' institution belge ne devrait pas tenir compte d' une telle augmentation, excepté dans les circonstances visées à l' article 51, paragraphe 2, du règlement n 1408/71 ( c' est-à-dire en cas de modifications de la méthode de détermination ou des règles de calcul des prestations ).

15 . Pour l' ensemble des motifs ci-dessus, nous estimons qu' il y aurait lieu pour la Cour de confirmer son arrêt rendu dans l' affaire Ravida, et nous proposons de répondre comme suit aux questions posées par le tribunal du travail de Bruxelles :

"1 ) L' article 51 du règlement ( CEE ) n 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l' application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l' intérieur de la Communauté doit être interprété en ce sens que, lorsque, en vertu de règles anticumul nationales la pension versée à un travailleur par un État membre a été liquidée à un montant tel que, cumulé avec celui d' une prestation de nature
différente versée par un autre État membre, il ne dépasse pas un certain plafond, la pension ne doit pas faire l' objet d' un nouveau calcul, destiné à éviter le dépassement de ce plafond, en cas de modifications ultérieures de l' autre prestation intervenues en raison de l' évolution générale de la situation économique et sociale .

2 ) Aucune autre disposition de droit communautaire n' autorise un tel nouveau calcul dans les circonstances susmentionnées ."

(*) Langue originale : l' anglais .


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-93/90
Date de la décision : 16/01/1991
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Tribunal du travail de Bruxelles - Belgique.

Sécurité sociale - Prestations de vieillesse - Revalorisation et nouveau calcul des prestations.

Sécurité sociale des travailleurs migrants


Parties
Demandeurs : Erminia Cassamali
Défendeurs : Office national des pensions.

Composition du Tribunal
Avocat général : Jacobs
Rapporteur ?: Grévisse

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1991:20

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