La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/10/1990 | CJUE | N°C-182/89

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Mischo présentées le 18 octobre 1990., Commission des Communautés européennes contre République française., 18/10/1990, C-182/89


Avis juridique important

|

61989C0182

Conclusions de l'avocat général Mischo présentées le 18 octobre 1990. - Commission des Communautés européennes contre République française. - Importation de peaux de felins originaires de Bolivie - Application dans la Communauté de la convention de Washington. - Affaire C-182

/89.
Recueil de jurisprudence 1990 page I-04337

Conclusions de l'avoca...

Avis juridique important

|

61989C0182

Conclusions de l'avocat général Mischo présentées le 18 octobre 1990. - Commission des Communautés européennes contre République française. - Importation de peaux de felins originaires de Bolivie - Application dans la Communauté de la convention de Washington. - Affaire C-182/89.
Recueil de jurisprudence 1990 page I-04337

Conclusions de l'avocat général

++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . Le 6 février 1986, les autorités compétentes de la République française ont délivré des permis d' importation pour environ 6 000 peaux de chats sauvages des espèces Felis geoffroyi et Felis wiedii en provenance de Bolivie, et cela sur la base de permis d' exportation délivrés par les autorités boliviennes à la date du 5 août 1985 .

2 . La Commission des Communautés européennes estime que, ce faisant, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du règlement ( CEE ) n° 3626/82 du Conseil, du 3 décembre 1982, relatif à l' application dans la Communauté de la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d' extinction ( JO L 384, p . 1 ). Cette convention est encore appelée "convention de Washington" ou "CITES ".

3 . Le règlement n° 3626/82 a été pris afin de coordonner les mesures de politique commerciale qu' implique le fait que la majorité des États membres sont parties à la convention même si la Communauté en tant que telle ne l' est pas . Il prévoit, notamment, l' octroi par les États membres de divers certificats et permis, dans le but d' assurer un contrôle adéquat du commerce des espèces énumérées par la convention, dans des conditions plus ou moins rigoureuses selon l' espèce en cause .

4 . A l' époque des faits, les chats sauvages des espèces Felis geoffroyi et Felis wiedii figuraient à l' annexe C, partie 2, du règlement et ne pouvaient, en vertu de l' article 3, paragraphe 2, de celui-ci, être importés qu' après l' octroi d' un permis d' importation conformément aux conditions énoncées à l' article 10, paragraphe 1, sous b ), du même règlement dont le libellé est le suivant :

"Le permis d' importation visé à l' article 3, paragraphe 2, est délivré seulement lorsque :

- il est évident ou que le demandeur fait valoir, de manière digne de foi, que la capture ou la récolte du spécimen dans le milieu sauvage n' a pas d' influence nocive sur la conservation des espèces ni sur l' extension de l' aire de distribution des populations concernées d' une espèce,

- le demandeur apporte la preuve, moyennant des documents délivrés par les autorités compétentes du pays d' origine, que le spécimen a été acquis conformément à la législation relative à la protection de l' espèce concernée,

- dans le cas d' une importation d' un animal vivant, le demandeur apporte la preuve que le destinataire prévu dispose d' installations adéquates convenant à l' hébergement de l' espèce et à son mode de vie et que des soins appropriés sont garantis,

- d' autres intérêts de la conservation de l' espèce ne s' y opposent pas .

Le cas échéant, les permis sont assortis de dispositions complémentaires en vue de garantir le respect de ces conditions ."

5 . La Commission estime que la partie défenderesse a accordé les permis d' importation en cause sans que les conditions imposées par l' article 10, paragraphe 1, sous b ), aient été remplies et expose à l' appui de sa thèse le contexte factuel dans lequel cette décision est intervenue .

6 . L' administration française compétente a octroyé les documents en cause le 6 février 1986, mais ces derniers font référence à des permis d' exportation délivrés par les autorités boliviennes à la date du 5 août 1985 . Or, la Commission rappelle qu' à cette époque de considérables difficultés entravaient le fonctionnement du dispositif de la convention en Bolivie, ce qui avait entraîné l' adoption, le 30 avril 1985, dans le cadre de la cinquième conférence des parties contractantes à la
convention, tenue à Buenos Aires, d' une résolution aux termes de laquelle il était recommandé aux parties :

"au cas où le gouvernement bolivien n' aurait pas démontré au comité permanent, dans un délai de 90 jours, qu' il a adopté les mesures nécessaires pour une application adéquate de la convention, de s' abstenir d' accepter les envois de spécimens CITES accompagnés de documents boliviens ou de spécimens déclarés originaires de la Bolivie, jusqu' à ce que le gouvernement de ce pays ait démontré, à la conférence des parties ou au comité permanent, qu' il a adopté toutes les mesures à sa portée pour une
application adéquate de la convention ".

7 . A la suite de l' adoption de cette résolution et, apparemment, après consultation des États membres représentés à la conférence, les services de la Commission ont envoyé le jour même aux organes de gestion de la CITES dans les États membres un télex aux termes duquel il ne faudrait plus accorder de permis d' importation pour les spécimens boliviens concernés .

8 . Ce n' est que lors de sa réunion tenue à Lausanne, du 28 octobre au 1er novembre 1985, que le comité permanent de la CITES s' est déclaré prêt à considérer que les mesures prises entre-temps par le gouvernement bolivien étaient significatives . Il a, dès lors, demandé au secrétariat de recommander aux parties contractantes ayant imposé une interdiction d' importation de spécimens provenant de la Bolivie d' envisager de suspendre cette mesure . Ces conclusions furent notifiées aux parties par le
secrétariat le 17 décembre 1985 .

9 . Le comité de la CITES de la Communauté, organe mis en place par l' article 19 du règlement pour assurer le suivi de l' application de ce dernier, a, de son côté, discuté de la situation lors d' une réunion tenue du 12 au 14 novembre 1985 .

10 . A la suite de celle-ci, un projet de conclusions a été rédigé, selon lequel les États membres, après consultation de leur autorité scientifique, peuvent considérer que les exigences de l' article 10, paragraphe 1, sous b ), et celles posées pour les importations de spécimens de l' annexe II sont réunies pour les importations en provenance de la Bolivie dans le contexte du système de quotas et des autres mesures d' application convenues entre le gouvernement bolivien et le secrétariat de la
CITES . Le projet constate qu' en ce qui concerne les Felis geoffroyi et les Felis wiedii des quotas n' ont pas encore pu être établis, ce qui implique que la Bolivie ne délivrera pas de permis d' exportation pour les peaux de ces deux espèces jusqu' au moment où les données scientifiques et commerciales nécessaires seront disponibles . La Commission informera les États membres de toute décision intervenant à cet égard . Une fois fixés, les quotas s' appliqueront à toutes les exportations se situant
entre le 1er mai 1985 et le 30 avril 1986, et ils ne seront pas supérieurs à 50 % de la moyenne annuelle des exportations légalement effectuées par la Bolivie au cours des cinq années précédentes .

11 . Il est constant que certains États membres n' ont pas donné leur accord à ce projet de procès-verbal . A l' audience, le gouvernement français a contesté qu' il ait été question, lors de cette réunion, de quotas pour les deux espèces en question .

12 . La Commission soutient, de son côté, qu' un désaccord subsistait uniquement au sujet du pourcentage de 50 %, que le principe de la solution indiquée dans le projet de procès-verbal était donc acquis et que la reprise des importations n' était, par conséquent, pas encore possible .

13 . La Commission considère, dès lors, que l' autorité française compétente pour la délivrance des permis d' importation n' a pas raisonnablement pu estimer que la demande litigieuse remplissait les critères posés par l' article 10, paragraphe 1, sous b ), précité .

14 . Le gouvernement français oppose à cette thèse un premier argument tiré du fait que la demande litigieuse a été satisfaite en février 1986, c' est-à-dire après que les organes de la CITES furent revenus sur la résolution d' avril 1985 précitée .

15 . A notre avis, l' extrait du procès-verbal de la réunion du comité permanent de la CITES qui s' est tenue à Lausanne du 28 octobre au 1er novembre 1985 est assez ambigu . On pourrait en déduire que la résolution précitée du 30 avril 1985 devait désormais être considérée comme abrogée, en tout cas pour ce qui est des exportations accompagnées de certificats boliviens établis postérieurement à cette réunion . Sauf en ce qui concerne les peaux de caïmans ( voir point 5 de la "Notification to the
parties" du 17 décembre 1985 ), la suspension de l' interdiction d' importer, recommandée par le secrétariat de la CITES, n' est, en effet, pas motivée par l' introduction de quotas mais par les "mesures significatives" déjà prises par le gouvernement de la Bolivie, à savoir une nouvelle législation interdisant l' exportation ou la réexportation d' animaux vivants, l' établissement d' un comité à haut niveau pour superviser l' application de la CITES, les mesures déjà prises pour obtenir des
conseils scientifiques et l' accord des autorités boliviennes de soumettre au secrétariat copie de tous les permis d' exportation ( voir les deuxième et troisième alinéas de l' extrait du procès-verbal ). La lettre de notification de cet extrait du procès-verbal cite aussi, parmi les nouveaux éléments intervenus, le fait que, désormais, les permis CITES boliviens devront être signés par le jefe nacional de vida silvestre, autorité de gestion, et le directeur général du Centro de desarrollo forestal,
autorité scientifique ( souligné dans l' original, à savoir le point 4 de la "Notification to the parties ").

16 . D' un autre côté, il résulte d' une pièce que la Commission a versée au dossier à l' audience ( passage en langue anglaise figurant dans le "Vermerk" du BMU du 4 septembre 1986 ) que le secrétariat de la CITES était d' avis que, puisque le comité permanent n' avait discuté que la situation des caïmans et qu' aucune limite n' avait été établie pour les exportations de peaux de chats sauvages, les importations de ces peaux auraient dû être refusées jusqu' à ce que les conclusions d' une étude sur
le terrain (" field study ") au sujet de ces espèces soient disponibles .

17 . Nous estimons, toutefois, que la portée réelle des résultats de la réunion de Lausanne est sans pertinence pour la solution du litige qui nous occupe . Il est, en effet, constant que les envois de peaux sauvages pour lesquels les autorités françaises ont accordé des permis d' importation étaient accompagnées de permis d' exportation boliviens datés du 5 août 1985, et donc établis au cours de la période où la conférence de la CITES avait demandé d' arrêter les importations ( la période de 90
jours dont il est question dans la résolution du 30 avril 1985 était, en effet, venue à expiration le 30 juillet 1985 sans que le gouvernement bolivien ait pris des mesures jugées satisfaisantes par les organes de la CITES ). De plus et surtout, ce qui est en cause dans la présente affaire, c' est le respect de l' article 10, paragraphe 1, sous b ), du règlement n° 3626/82 du Conseil, qui impose aux États membres des obligations plus rigoureuses que celles fixées par la convention de Washington .
Celle-ci, en son article XIV, permet en effet aux parties contractantes d' adopter des mesures internes plus strictes en ce qui concerne les conditions auxquelles le commerce, la capture, etc ., des espèces visées par la convention sont soumis, mesures qui peuvent aller jusqu' à leur interdiction complète .

18 . Sur cette base, la Communauté a notamment décidé de traiter certaines espèces énumérées à l' annexe II de la convention de Washington comme si elles figuraient à l' annexe I : ce sont les espèces énumérées à l' annexe C, partie 1, du règlement . En second lieu, alors que d' après la convention l' importation des espèces figurant à son annexe II est seulement soumise à la présentation d' un permis d' exportation ( article IV ), celle des espèces figurant à l' annexe C, partie 2, du règlement est
soumise, en plus, à l' obtention d' un permis d' importation . Or, les espèces Felis geoffroyi et les Felis wiedii, qui, à l' époque, figuraient à l' annexe II de la convention ( 1 ), ont été classées dans l' annexe C, partie 2, du règlement .

19 . En troisième lieu, les conditions prévues par l' article 10 du règlement pour l' établissement d' un permis d' importation sont plus rigoureuses que celles établies par les articles III et IV de la convention pour la délivrance des permis d' exportation . D' après ces dispositions, l' autorité scientifique de l' état d' exportation doit émettre l' avis que l' exportation "ne nuit pas à la survie de l' espèce ". D' après l' article 10 du règlement, par contre, il doit être "évident ... que la
capture du spécimen ... n' a pas d' influence nocive sur la conservation des espèces ni sur l' extension de l' aire de distribution ( 2 ) des populations concernées d' une espèce ".

20 . La véritable question qui se pose, en l' occurrence, est dès lors celle de savoir si, à propos d' un envoi de peaux accompagné d' un permis d' exportation établi au cours de la période antérieure à l' entrée en vigueur des nouvelles mesures boliviennes, il était possible pour une autorité compétente nationale de considérer que la condition que nous venons de citer était remplie et, en plus, que le demandeur avait apporté la preuve, moyennant des documents délivrés par les autorités compétentes
du pays d' origine, que le spécimen avait été acquis conformément à la législation relative à la protection de l' espèce concernée . A notre avis, tel n' est pas le cas .

21 . Les sixième et septième considérants de la résolution de la conférence des parties contractantes de la CITES du 30 avril 1985 font, en effet, état :

"( du ) succès limité de tous les efforts accomplis par le secrétariat de la convention auprès du gouvernement de la république de Bolivie afin qu' il assume les responsabilités qu' implique la ratification de cet accord international"

et

"( de ) l' inquiétude exprimée par les pays de la région, en particulier par quelques pays limitrophes de la Bolivie, qui voient leurs ressources naturelles directement atteintes par le commerce illicite, de plus en plus important et destructeur, de la faune et de la flore sauvages originaires de ces pays ".

22 . Ces éléments ont été jugés à tel point alarmants qu' ils ont amené la conférence des parties contractantes de la CITES à faire, le 30 avril 1985, la recommandation citée au point 6 ci-dessus . Dans la même résolution, la conférence :

"accepte l' engagement du gouvernement bolivien de réduire les exportations CITES, pour chacune des espèces, à 50 % de la moyenne des cinq dernières années ".

23 . Nous estimons que, au vu du texte de cette résolution, d' une part, et des débats qui ont eu lieu à Buenos Aires entre les États membres après l' adoption de celle-ci, des délibérations du comité permanent de la CITES à Lausanne ( du 28 octobre au 1er novembre 1985 ) et de celles du comité de la CEE à Bruxelles ( du 12 au 14 novembre 1985 ), d' autre part, il n' était plus possible pour l' autorité compétente en matière de délivrance des permis d' importation de considérer qu' il était évident
que la capture de chats sauvages intervenue en Bolivie au cours du printemps ou de l' été 1985 ( puisque le permis d' exportation était daté du 5 août ) n' avait pas eu d' influence nocive sur la conservation des espèces concernées, ni sur l' extension de l' aire de distribution des populations concernées de ces espèces . Compte tenu de tout ce qui avait été dit à la conférence des parties contractantes d' avril 1985 au sujet de l' insuffisance des contrôles opérés en Bolivie et de la découverte de
nombreux faux permis CITES boliviens ( annexe 13 à la requête ), il n' était pas non plus sûr que la condition figurant au deuxième tiret de l' article 10, paragraphe 1, sous b ), fût remplie .

24 . Nous ne sommes donc pas en mesure de nous rallier à la thèse du gouvernement français, selon laquelle l' octroi des permis en question était peut-être inopportun dans la mesure où les conditions dans lesquelles les importations de félidés en provenance de Bolivie pourraient reprendre faisaient encore l' objet de discussions entre le secrétariat de la CITES et ce pays, mais que le seul élément déterminant était l' avis positif de l' autorité scientifique nationale .

25 . Le règlement ne fait pas dépendre l' octroi du permis d' importation de l' avis de l' autorité scientifique nationale du pays d' importation, que l' article 10 ne mentionne même pas . Il dispose uniquement, dans son article 8, que c' est l' "autorité compétente" de chaque État membre qui délivre elle-même le permis dans les conditions fixées à l' article 10 . La convention de Washington elle-même ne prévoit un avis de l' autorité scientifique de l' État d' importation que pour les espèces de l'
annexe I (( voir l' article III, paragraphe 3, sous a ), par opposition à l' article IV, paragraphe 4 )). La thèse du gouvernement français pourrait aussi, à la limite, mettre en cause le caractère normatif de l' article 10, paragraphe 1, sous b ), qui risquerait de devenir une simple disposition de procédure renvoyant à l' avis de l' autorité scientifique nationale . Il est à noter que l' avis scientifique en cause ici ne faisait aucune allusion aux critères si rigoureux de l' article 10 du
règlement .

26 . Dans le cas d' espèce, l' autorité compétente pour la délivrance des permis avait donc le devoir de passer outre à l' avis favorable de l' autorité scientifique et de refuser les permis d' importation sur la base des considérations exposées ci-dessus, qui n' étaient d' ailleurs probablement pas parvenues à la connaissance de l' autorité scientifique nationale .

27 . Nous vous proposons, en conséquence, d' accueillir la requête de la Commission, et c' est uniquement dans le souci d' être complet que nous allons encore prendre position par rapport aux autres arguments invoqués par les parties au présent litige .

28 . La partie défenderesse affirme que la Commission ne lui reproche pas, en réalité, une violation du règlement n° 3626/82, mais bien plutôt de n' avoir pas donné exécution à la recommandation de la conférence CITES, alors que le caractère obligatoire de cet acte n' est nullement établi . La Commission chercherait à lui conférer un tel caractère par l' intermédiaire de son télex du 30 avril 1985, précité .

29 . Nous n' estimons pas pouvoir accepter cette thèse . En effet, la partie requérante expose très clairement que le télex en question ne constituait qu' un avertissement pour signaler aux États membres que, de l' avis de la Commission, les conditions posées par l' article 10, paragraphe 1, sous b ), n' étaient plus remplies à ce moment . Ce télex ne peut pas être considéré comme le fondement juridique des griefs de la Commission .

30 . Le gouvernement français soutient, encore, que le véritable reproche que lui fait la Commission serait, en fait, de ne pas avoir suivi une procédure de concertation proposée par la Commission aux membres du comité CITES de la Communauté pour assurer une application uniforme des conditions de l' article 10 par les États membres, mais non adoptée par ce comité .

31 . La Commission précise, toutefois, dans sa réplique ( point 6 ) qu' elle ne fait aucunement grief à la partie défenderesse de ne pas avoir fait usage de la procédure de concertation . La Commission conteste pareillement avoir reproché à la France de ne pas avoir pris en compte la position des autorités belges, qui, en avril 1985, avaient conclu à l' existence d' une menace pour les chats sauvages en cause . Dans ces conditions, nous n' avons pas besoin d' approfondir ces aspects de la
controverse .

32 . La partie défenderesse affirme aussi qu' il appartenait à la Commission, si elle estimait que les conditions de l' article 10 n' étaient pas remplies, d' édicter les interdictions nécessaires en se fondant sur l' article 21, paragraphe 1, sous b ), du règlement précité . Cette disposition prévoit que :

"Selon la procédure définie aux paragraphes 2 et 3, le comité ... définit les conditions uniformes pour la délivrance des documents visés aux articles 10 et 11 ."

La Commission estime, également, que ce texte permet effectivement d' édicter de telles interdictions . Cependant, tout comme la partie défenderesse, elle n' invoque pas d' autre argument que l' existence d' un de ses propres règlements ( 3 ) prévoyant une telle interdiction .

33 . Il nous semble, en tout cas, clair que, même à supposer que l' article 21 permette de telles interdictions espèce par espèce, il ne subordonne certainement pas le refus de la délivrance du permis d' importation à l' adoption préalable d' un règlement de la Commission interdisant les importations en question . Tout au plus pourrait-on considérer qu' il fait dépendre toute application de l' article 10 de l' entrée en vigueur de normes générales et uniformes précisant les conditions que doit
remplir tout certificat visé à l' article 10 . Or, un tel règlement a été adopté ( 4 ). L' article 21 n' a donc pas pu faire obstacle à l' application de l' article 10 à la présente affaire .

34 . Le gouvernement défendeur fait encore valoir qu' un refus d' octroyer les permis d' importation demandés n' aurait pas été justifié étant donné que la recommandation de la conférence des parties contractantes et toutes les mesures exigées de la part de la Bolivie n' auraient pas directement été liées à la survie des espèces, mais plutôt à la nécessité de sanctionner les autorités boliviennes pour leur application insuffisante de la convention .

35 . Nous ne partageons pas ce point de vue . Il importe, en effet, de souligner que la convention met en place des mesures administratives dans le seul but d' assurer la sauvegarde des espèces inscrites à ses diverses annexes et que cette sauvegarde est donc indissolublement liée à l' application desdites mesures . Ainsi l' article II de la convention prévoit-il précisément que l' annexe II de celle-ci, dont relèvent toutes les espèces énumérées à l' annexe C, partie 2, du règlement n° 3626/82,
comprend :

"toutes les espèces qui, bien que n' étant pas nécessairement menacées actuellement d' extinction, pourraient le devenir si le commerce des spécimens de ces espèces n' était pas soumis à une réglementation stricte ayant pour but d' éviter une exploitation incompatible avec leur survie ".

36 . La partie défenderesse souligne aussi que, en droit administratif français, il ne serait pas possible de retirer rétroactivement un acte individuel régulier et générateur de droits . Cette considération ne saurait, cependant, avoir la moindre influence sur l' existence du manquement contesté, tout au plus sur les moyens d' y remédier . Or, il ressort de l' article 171 du traité qu' un État membre dont la Cour a reconnu le manquement prend toutes les mesures que suppose l' exécution de l' arrêt
de la Cour, et il est de jurisprudence constante que la partie défenderesse ne saurait se décharger d' une obligation résultant du droit communautaire en invoquant des "dispositions, pratiques ou situations de son ordre juridique interne" ( 5 ). En outre et surtout, il faut souligner que l' acte individuel en cause a violé un règlement communautaire directement applicable en vertu de l' article 189 du traité et qu' il ne saurait donc être considéré comme régulier .

37 . Notons pour finir que, dans une lettre produite par la Commission ( annexe 9 à la requête ), adressée au ministère fédéral allemand de l' Environnement, les autorités françaises ont reconnu que les permis en question :

"ont été délivrés par la Bolivie en août 1985, pendant la période de suspension par la CITES de toute importation en provenance de Bolivie . C' est la raison pour laquelle la demande de la société ARSI aurait dû être refusée ".

38 . La Commission ayant elle-même retiré, au cours de l' audience, le grief d' une violation des articles 5 et 189 du traité, je vous propose de constater, pour toutes les raisons exposées ci-dessus, qu' en accordant les permis d' importation litigieux la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l' article 10, paragraphe 1, sous b ), du règlement n° 3626/82 du Conseil et de condamner le gouvernement défendeur aux dépens .

(*) Langue originale : le français .

( 1 ) Elles ont été transférées depuis lors à l' annexe I de la convention .

( 2 ) Aucun de ces mots n' est souligné dans l' original .

( 3 ) Voir le règlement ( CEE ) n° 2496/89 de la Commission, du 2 août 1989, relatif à l' interdiction d' importer dans la Communauté l' ivoire brut ou travaillé provenant de l' éléphant d' Afrique ( JO L 240, p . 5 ).

( 4 ) Voir règlement ( CEE ) n° 3418/83 de la Commission, du 28 novembre 1983, portant dispositions relatives à la délivrance et à l' utilisation uniformes des documents requis pour l' application dans la Communauté de la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d' extinction ( JO L 344, p . 1 ).

( 5 ) Voir arrêt du 14 juin 1990, Commission/République italienne ( C-48/89, Rec . p . 0000 ).


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-182/89
Date de la décision : 18/10/1990
Type de recours : Recours en constatation de manquement - fondé

Analyses

Importation de peaux de felins originaires de Bolivie - Application dans la Communauté de la convention de Washington.

Environnement

Rapprochement des législations


Parties
Demandeurs : Commission des Communautés européennes
Défendeurs : République française.

Composition du Tribunal
Avocat général : Mischo
Rapporteur ?: Kapteyn

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1990:361

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award