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12/07/1990 | CJUE | N°T-154/89

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal de première instance, Raimund Vidranyi contre Commission des Communautés européennes., 12/07/1990, T-154/89


Avis juridique important

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61989A0154

Arrêt du Tribunal de première instance (troisième chambre) du 12 juillet 1990. - Raimund Vidranyi contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaires - Reconnaissance de l'origine professionnelle d'une maladie. - Affaire T-154/89.
Recueil de jurisprudence 1990 p

age II-00445

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions su...

Avis juridique important

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61989A0154

Arrêt du Tribunal de première instance (troisième chambre) du 12 juillet 1990. - Raimund Vidranyi contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaires - Reconnaissance de l'origine professionnelle d'une maladie. - Affaire T-154/89.
Recueil de jurisprudence 1990 page II-00445

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

++++

1 . Fonctionnaires - Sécurité sociale - Assurance accidents et maladies professionnelles - Expertise médicale - Procédure non contradictoire - Communication directe de documents médicaux - Obligations de l' administration - Absence

( Statut des fonctionnaires, art . 26 et 73; réglementation relative à la couverture des risques d' accident et de maladie professionnelle, art . 17 à 23 )

2 . Fonctionnaires - Sécurité sociale - Assurance accidents et maladies professionnelles - Expertise médicale - Procédure non contradictoire - Droits de la défense - Limites - Audition du fonctionnaire - Pouvoir d' appréciation de la commission médicale

( Statut des fonctionnaires, art . 73 )

3 . Fonctionnaires - Sécurité sociale - Assurance accidents et maladies professionnelles - Expertise médicale - Contrôle juridictionnel - Limites

( Statut des fonctionnaires, art . 73; réglementation relative à la couverture des risques d' accident et de maladie professionnelle, art . 28 )

Sommaire

1 . L' article 26 du statut ne peut être utilisé en vue d' établir, en dehors du cadre spécifique défini par la réglementation relative à la couverture des risques d' accident et de maladie professionnelle des fonctionnaires, une procédure contradictoire portant sur des documents de nature médicale, au nombre desquels figure la correspondance échangée entre le fonctionnaire et l' administration à propos d' une décision refusant de reconnaître à sa maladie une origine professionnelle .

Aucune disposition de la réglementation n' impose par ailleurs à l' institution l' obligation de communiquer directement à l' intéressé l' intégralité de cette correspondance .

L' institution ne peut davantage se voir reprocher de ne pas avoir communiqué directement à l' intéressé, en les versant à son dossier individuel ou selon d' autres modalités, des rapports médicaux établis dans le cadre de la procédure instituée par les articles 17 à 23 de la réglementation et dont la confidentialité spécifique lui est opposable ainsi qu' à l' autorité investie du pouvoir de nomination .

La procédure en cause vise au contraire à protéger le secret médical et à le concilier avec les droits du fonctionnaire, en lui permettant d' avoir accès aux documents médicaux le concernant par le biais de l' intervention du médecin de son choix .

Quant aux documents en rapport avec l' enquête menée par l' administration en application de l' article 17, paragraphe 2, de la réglementation, ils ne doivent figurer au dossier individuel du fonctionnaire que si les constatations qu' ils contiennent peuvent, en dehors du cadre de la procédure instituée par la réglementation, intéresser la situation administrative de l' intéressé, dès lors que les faits qu' ils relatent sont à la base de rapports concernant sa compétence, son rendement ou son
comportement .

Pour sa part, la réglementation ne prévoit pas la communication directe du rapport d' enquête de l' administration . Celui-ci revêt en effet un caractère médical en tant qu' il contient des constatations factuelles liées à un incident survenu pendant le travail et susceptibles de servir de fondement à une procédure visant à la reconnaissance de l' existence d' un accident de travail ou d' une maladie professionnelle . Toutefois, le "rapport médical complet", dont le fonctionnaire peut demander la
transmission au médecin de son choix et qui doit être transmis aux membres de la commission médicale prévue par l' article 23 de la réglementation, doit contenir le rapport d' enquête .

2 . La commission médicale est juge de la nécessité d' une audition de l' intéressé et, le cas échéant, de sa durée, et ce notamment au regard du caractère plus ou moins complet du dossier médical dont elle dispose déjà .

Eu égard à la nature des travaux de la commission médicale, qui ne visent pas à trancher un débat contradictoire, une telle audition n' est pas non plus imposée par des principes relatifs aux droits de la défense .

3 . L' examen du Tribunal ne s' étend pas aux appréciations médicales proprement dites de la commission médicale qui doivent être tenues pour définitives lorsqu' elles sont intervenues dans des conditions régulières .

L' imputation de la maladie psychique d' un fonctionnaire à la structure de sa personnalité et non à ses conditions de travail ou à l' attitude de ses supérieurs constitue une appréciation médicale dont le Tribunal ne peut connaître que sous l' angle de sa motivation .

Dès lors que la commission médicale ne se fonde pas sur une conception erronée de la notion de maladie professionnelle et établit un lien compréhensible entre les constatations médicales et les conclusions de son rapport, celui-ci n' est pas entaché de défaut de motivation, pas plus que la décision de l' institution qui, sur la base de ce rapport, refuse de reconnaître une origine professionnelle à la maladie du fonctionnaire .

Parties

Dans l' affaire T-154/89,

Raimund Vidrányi, ancien fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Luxembourg, représenté par Me Blanche Moutrier, avocat au barreau de Luxembourg, ayant élu domicile à Luxembourg en son étude, 16, avenue de la Porte-Neuve,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M . J . Griesmar, conseiller juridique, en qualité d' agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M . Georgios Kremlis, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet l' annulation de la décision de la Commission du 13 janvier 1989 refusant de reconnaître l' origine professionnelle de la maladie du requérant,

LE TRIBUNAL ( troisième chambre ),

composé de MM . A . Saggio, président de chambre, C . Yeraris et K . Lenaerts, juges,

greffier : M . H . Jung

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 27 juin 1990,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

Faits et procédure

1 Le requérant est un ancien fonctionnaire de grade LA 5 de la Commission des Communautés européennes, affecté en dernier lieu à la division allemande du service de la traduction à Luxembourg; il a été mis à la retraite pour cause d' invalidité à compter du 1er mars 1979 après une procédure engagée conformément à l' article 59, paragraphe 1, dernier alinéa, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes ( ci-après "statut "). Le régime de pension dont bénéficie le requérant n' est pas
contesté .

2 Par lettre du 30 mai 1980, le requérant a demandé que soit ouverte l' enquête prévue par l' article 17, paragraphe 2, premier alinéa, de la réglementation relative à la couverture des risques d' accident et de maladie professionnelle des fonctionnaires des Communautés européennes visée par l' article 73 du statut ( ci-après "réglementation "). Selon cette disposition, "l' administration procède à une enquête en vue de recueillir tous les éléments permettant d' établir la nature de l' affection,
son origine professionnelle ainsi que les circonstances dans lesquelles elle s' est produite ".

3 Par lettres des 30 novembre 1981, 6 et 27 juillet 1982, l' administration a sollicité des chefs de service ayant eu le requérant sous leur autorité depuis son entrée en fonctions leurs observations quant aux conditions de travail faites au requérant . Les 12 et 14 juillet, 24 septembre et 10 octobre 1982, ces supérieurs hiérarchiques ont communiqué à l' administration leurs appréciations à cet égard .

4 Par ailleurs, la Commission a fait procéder, sur la base de l' article 18 de la réglementation, à une expertise médicale sur le requérant . Le docteur Simons, médecin désigné par les Communautés européennes, a confié cette expertise au professeur De Waele, de la Vrije Universiteit Brussel, lequel a estimé, dans son rapport du 10 janvier 1983, que la maladie du requérant ne pouvait pas avoir une origine professionnelle . Par lettre du 25 février 1983, le docteur Simons a souscrit à cette conclusion
. L' examen médical auquel le professeur De Waele avait soumis le requérant avait duré trois heures et demie et s' était déroulé en langue allemande .

5 Par lettre du 29 mars 1983, adressée conformément à l' article 21 de la réglementation, l' administration a notifié au requérant un projet de décision refusant de l' admettre au bénéfice de l' article 73 du statut, eu égard à la conclusion du professeur De Waele, portée par le même courrier à la connaissance du requérant . Celui-ci était, par ailleurs, informé de la possibilité pour un médecin de son choix d' obtenir communication de l' expertise complète du professeur De Waele ( quinze pages ),
de même que de la possibilité qui lui était offerte de demander dans les 60 jours la consultation de la commission médicale prévue par l' article 23 de la réglementation .

6 Par lettre du 27 mai 1983, le requérant a sollicité la réunion de cette commission médicale et désigné comme médecin de son choix pour en faire partie le professeur Rose, psychiatre à Hanovre .

7 L' autorité investie du pouvoir de nomination ( ci-après "AIPN ") a choisi, ensuite, le professeur De Waele pour faire partie de la commission médicale . Le troisième médecin, le professeur Pierloot, de l' université catholique de Louvain, a été désigné de commun accord par les professeurs Rose et De Waele .

8 La Commission a communiqué à chaque membre de la commission médicale le texte du mandat confié à cette commission, auquel étaient annexés le texte de l' article 3 de la réglementation, définissant la maladie professionnelle au sens de ce texte, ainsi que la "liste européenne des maladies professionnelles" au sens de la recommandation de la Commission du 23 juillet 1962 ( JO 1962, 80, p . 2188 ). La première partie du mandat de la commission médicale était libellée de la façon suivante :

"Après avoir examiné M . Raymond Vidrányi, entendu ses explications et éventuellement celles des médecins qui assistaient les parties, s' être fait communiquer tous documents relatifs aux examens, soins et interventions dont l' intéressé a été l' objet, indiqué leur évolution et les traitements appliqués, les médecins experts :

- décriront la maladie de M . Vidrányi;

- diront, en un rapport motivé, si l' exercice des fonctions de M . Vidrányi au service des Communautés a constitué la cause essentielle ou prépondérante de la maladie ou de l' aggravation d' une maladie préexistante dont M . Vidrányi était affecté;

- dans l' affirmative, ( omissis )."

9 En outre, chaque membre de la commission médicale a reçu, de la part de la Commission, un volumineux dossier confidentiel comportant :

- la demande du requérant du 30 mai 1980;

- une expertise médicale ( trois pages ) du 2 juin 1980 du professeur Schmidt, du service de neuropsychiatrie de la clinique universitaire de Trèves, médecin traitant du requérant;

- copie d' un mémorandum ( neuf pages et demie ) - dont une copie avait été remise par le requérant à l' administration en juin 1981 - adressé en juin 1977 par le requérant à son autre médecin traitant, le docteur Thilges, psychiatre-psychothérapeute à Luxembourg ( avec copie au professeur Schmidt );

- copie d' un mémorandum ( six pages ), en date du 2 décembre 1980, adressé par le requérant au médiateur de la Commission et résumant le précédent mémorandum de juin 1977;

- un avis médical du docteur Thilges du 12 novembre 1980;

- les résultats de l' enquête administrative menée auprès des supérieurs hiérarchiques du requérant concernant ses conditions de travail depuis son entrée en service;

- le rapport médical du 25 février 1983 du docteur Simons;

- les conclusions de l' expertise médicale ( quinze pages ) établie le 10 janvier 1983 par le professeur De Waele;

- le projet de décision refusant l' admission du requérant au bénéfice de l' article 73 du statut, tel que notifié au requérant le 29 mars 1983;

- la lettre du requérant du 27 mai 1983 demandant la consultation de la commission médicale;

- une expertise neuropsychiatrique ( soixante et une pages ) datée du 16 juillet 1985, émanant du professeur Rose .

10 Après avoir examiné le requérant le 14 juin 1988 pendant une heure et demie et étudié les documents ci-dessus énumérés, les médecins composant la commission médicale ont établi leur rapport, dont l' original signé par les trois médecins a été transmis à l' AIPN le 23 décembre 1988, conformément à l' article 23, paragraphe 1, in fine, de la réglementation . En vertu de cette même disposition, ce rapport a été également transmis au requérant, le 13 janvier 1989, date à laquelle l' AIPN a informé le
requérant de ce que, compte tenu des conclusions de la commission médicale, les dispositions statutaires relatives à la couverture des maladies professionnelles ne lui étaient pas applicables .

11 Le 6 avril 1989, le requérant a introduit une réclamation à l' encontre de la "décision de refus du 13 janvier 1989", sollicitant que soit reprise la procédure ayant abouti au rapport de la commission médicale . A l' appui de sa réclamation, il faisait valoir diverses critiques quant à la façon dont avait été établi ce rapport et quant à son contenu, à savoir :

- le fait que, contrairement à l' article 26 du statut, il n' avait pas eu communication du dossier remis à la commission médicale;

- le fait que, lors de son examen du 14 juin 1988, il n' avait pu en une heure et demie d' audition procéder à une description complète de sa maladie, ni fournir des éléments de preuve, ni débattre du manque d' assistance qu' il avait constaté de la part du service médical de la Commission lors des premières manifestations de sa maladie;

- le fait que le rapport de la commission médicale se limitait à rappeler les points principaux de sa demande de reconnaissance de l' origine professionnelle de sa maladie et aurait été, dès lors, "déséquilibré, insuffisamment fondé et non objectif";

- le fait que le professeur Pierloot ne l' avait vu qu' une seule fois, à savoir le 14 juin 1988, de sorte qu' il n' avait pu disposer du minimum d' informations directes requis et nécessaire pour pouvoir se former une opinion indépendante .

12 La Commission n' ayant pas répondu à cette réclamation, celle-ci a été réputée rejetée implicitement le 6 août 1989 .

13 Le 5 septembre 1989, le requérant, se prévalant de l' article 26 du statut, des droits de l' homme ainsi que de la "transparence" préconisée dans le contrat social de progrès, a demandé à l' administration que lui soient envoyés tous les documents en rapport avec l' enquête interne menée par la Commission et mis à la disposition de la commission médicale . Il a sollicité, en outre, que lui soit donnée l' assurance que les documents qui lui seraient envoyés seraient réellement au complet et qu'
aucune information orale ni téléphonique autre que celles résultant desdits documents n' avait été donnée à la commission médicale .

14 Le 13 octobre 1989, la Commission a opposé à cette demande, qu' elle qualifie de réclamation, une décision explicite de rejet, notifiée au requérant par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 novembre 1989, parvenue au requérant le 7 novembre 1989 .

15 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 novembre 1989, le requérant a introduit le présent recours ayant pour objet "de voir annuler, respectivement réviser, la décision numéro IX.C . I/AA ( 89 ) 013 MP du 13 janvier 1989 ayant refusé de reconnaître sa maladie comme maladie professionnelle afin de le faire bénéficier des avantages stipulés à l' article 73 du statut des fonctionnaires ".

16 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal ( troisième chambre ) a décidé d' ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d' instruction préalables . Les représentants des parties ont été entendus en leur plaidoirie et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l' audience du 27 juin 1990 .

Conclusions des parties

17 Le requérant conclut à ce qu' il plaise au Tribunal :

"- déclarer le recours recevable et fondé;

- annuler, respectivement réviser, la décision du directeur général du service accidents et maladies professionnelles de la Commission des Communautés européennes du 13 janvier 1989, par laquelle la maladie du requérant n' a pas été reconnue comme maladie professionnelle;

- ordonner, le cas échéant, l' institution d' une nouvelle expertise médicale;

- statuer sur les dépens ce qu' en droit il appartiendra ".

La Commission conclut à ce qu' il plaise au Tribunal :

"- rejeter le recours comme non fondé,

- statuer comme de droit sur les dépens ".

Sur le fond

18 Le requérant formule en substance deux griefs à l' encontre de la décision attaquée . Ils concernent, d' une part, la régularité de la procédure suivie et, d' autre part, le contenu du rapport de la commission médicale .

En ce qui concerne la régularité de la procédure suivie : la non-communication de documents

19 Le requérant critique le fait que la Commission, en ne versant pas à son dossier individuel, contrairement à l' article 26 du statut, et en refusant de lui communiquer directement les documents envoyés au médecin désigné par l' institution et, ensuite, aux membres de la commission médicale, l' a privé de la possibilité de prendre position sur ces documents avant que la commission médicale n' adresse ses conclusions à l' AIPN . Le requérant ajoute que la Commission ne peut justifier son refus en
invoquant la nécessité de protéger le secret médical . Dans son mémoire en réplique, le requérant fait valoir, en particulier, que le rapport d' enquête prévu par l' article 17, paragraphe 2, de la réglementation doit, par sa nature, figurer dans le dossier individuel du fonctionnaire même si l' article 17, paragraphe 2, ne fait pas de la communication directe desdits documents au fonctionnaire une obligation . Il soutient que la preuve que ces documents faisaient partie intégrante de son dossier
individuel résulte du fait qu' après un refus de communication du dossier pendant plus de dix ans, malgré une demande en ce sens qu' il prétend avoir adressée à l' AIPN par lettre du 27 mai 1983, le requérant a enfin pu prendre connaissance des résultats de l' enquête administrative dans le cadre du présent litige .

20 La Commission estime qu' il faut distinguer trois catégories dans la liste des documents qui font l' objet des critiques du requérant avant d' examiner si elle avait l' obligation de verser lesdits documents au dossier individuel du requérant ou de les lui communiquer directement .

21 La première catégorie comprend la correspondance échangée entre le requérant et l' administration .

22 La Commission soutient que l' absence de ces pièces du dossier individuel du requérant n' a pu être de nature à vicier la procédure suivie en l' espèce, tant en ce qui concerne les travaux de la commission médicale que la décision attaquée qui en dérive . S' appuyant sur la jurisprudence de la Cour, la Commission fait valoir que l' article 26 du statut a pour but "d' assurer le droit de défense du fonctionnaire, en évitant que les décisions prises par l' autorité investie du pouvoir de nomination
et affectant sa situation administrative et sa carrière ne soient fondées sur des faits concernant son comportement, non versés à son dossier personnel" ( arrêts du 28 juin 1972, Brasseur/Parlement, point 11, 88/71, Rec . p . 499, et du 7 octobre 1987, Strack/Commission, point 7, 140/86, Rec . p . 3939 ). Or, il serait évident, en l' espèce, que le requérant n' avait pas à exercer un "droit de défense" à l' égard de documents émanant de lui-même ou lui ayant été adressés .

23 Il y a lieu de relever que l' article 26 du statut ne permet pas au requérant de se prévaloir de l' absence, dans son dossier individuel, de documents qu' il a adressés à l' administration ou qui lui ont été adressés par celle-ci pour contester la validité d' une décision de l' AIPN, prise dans le cadre de la réglementation . Celle-ci prévoit, en effet, une procédure spéciale dont la régularité, en l' espèce, n' est pas mise en cause .

24 Il convient de souligner, en outre, qu' aucune disposition de la réglementation ne prévoit l' obligation pour la Commission de communiquer directement au requérant l' intégralité de leur correspondance .

25 La deuxième catégorie de documents comprend l' ensemble des rapports médicaux établis en vue et dans le cadre de la procédure instituée par les articles 17 à 23 de la réglementation .

26 La Commission expose que ces documents constituent des "constatations médicales effectuées par des médecins et experts" et qu' ils "revêtent indubitablement une nature exclusivement médicale ". Elle en déduit qu' à ce titre, selon une jurisprudence établie de la Cour, ces documents ne devaient pas être versés au dossier individuel du requérant, mais plutôt lui être rendus accessibles par le biais de l' intervention de son médecin de confiance auquel le requérant aurait pu demander à l' AIPN de
les transmettre en application de l' article 21 de la réglementation ( arrêt du 7 octobre 1987, Strack, points 9 à 13, 140/86, précité ).

27 Le recours à cette voie d' accès indirecte à ces documents aurait, en effet, pour but de concilier les exigences découlant du respect des droits du fonctionnaire - qui impliquent pour celui-ci la faculté d' examiner la motivation de la décision que l' AIPN envisage d' adopter et d' apprécier la conformité de cette décision avec les règles du statut - "avec les nécessités du secret médical qui font chaque médecin juge de la possibilité de communiquer aux personnes qu' il soigne ou examine la
nature des affections dont elles pourraient être atteintes" ( voir les arrêts du 27 octobre 1977, Moli/Commission, 121/76, Rec . p . 1971, du 13 avril 1978, Mollet/Commission, 75/77, Rec . p . 897, et du 7 octobre 1987, Strack, point 11, 140/86, précité ).

28 Selon la Commission, le jugement sur la possibilité de communiquer au requérant les documents appartenant à cette deuxième catégorie revenait donc, en l' espèce, au professeur Rose, médecin de confiance du requérant au sein de la commission médicale et qui, en tant que membre de celle-ci, disposait de tous les documents en cause . La Commission souligne, par ailleurs, que le requérant n' a pas fait usage du droit, reconnu par l' article 21 de la réglementation, de demander à l' AIPN la
communication au professeur Rose des résultats de l' expertise médicale effectuée par le professeur De Waele le 10 janvier 1983 .

29 Il importe de souligner que c' est à juste titre que la Commission a estimé que la nature exclusivement médicale des rapports médicaux en cause s' oppose à ce que ces documents soient versés au dossier individuel du requérant ou lui soient communiqués directement . En effet, dans le cas contraire, le requérant se verrait reconnaître un droit d' accès direct auxdits documents, par la consultation de son dossier individuel ou autrement . Un tel droit d' accès direct serait contraire au secret
médical que la procédure mise en place par les articles 17 à 23 de la réglementation vise à protéger et à concilier avec les droits du fonctionnaire, en lui permettant d' avoir accès aux documents médicaux le concernant par le biais de l' intervention de son médecin de confiance .

30 Il en résulte que la Commission ne peut se voir reprocher de ne pas avoir communiqué directement au requérant, en les versant à son dossier individuel ou autrement, des documents médicaux dont la confidentialité spécifique lui est opposable, ainsi qu' à l' AIPN .

31 La troisième catégorie de documents a trait à l' enquête administrative menée en 1981 et 1982 auprès des supérieurs hiérarchiques du requérant en application de l' article 17, paragraphe 2, de la réglementation .

32 La Commission expose que le rapport d' enquête, destiné à établir notamment l' origine professionnelle de la maladie, est transmis au médecin désigné par l' institution, lequel, au vu de ce rapport, rédige les conclusions prévues à l' article 19 de la réglementation . Elle relève qu' à ce stade de la procédure aucun texte ne prévoit que ledit rapport doive être porté à la connaissance du fonctionnaire lui-même . Elle ajoute que le secret médical s' y oppose, dans la mesure où des constatations
factuelles liées à des événements survenus pendant le travail doivent également, lorsqu' elles sont effectuées dans le cadre d' une procédure visant à la reconnaissance de l' existence d' une maladie professionnelle, se voir reconnaître un caractère médical . La Commission conclut que ce n' est que dans la mesure où le requérant aurait demandé - ce qu' il n' a pas fait -, conformément à l' article 21 de la réglementation, que le "rapport médical complet" soit transmis par le médecin de l'
institution au médecin de son choix qu' il aurait été admissible de transmettre à ce dernier médecin le rapport d' enquête .

33 Il y a lieu de constater que c' est à juste titre que la Commission relève qu' aucune disposition de la réglementation ne prévoit la communication directe du rapport d' enquête au fonctionnaire et que, ainsi que l' a jugé la Cour, ces "documents relatifs aux constatations factuelles liées à un incident qui s' est produit pendant le travail, qui peuvent servir de fondement à une procédure visant à la reconnaissance de l' existence d' un accident de travail ou d' une maladie professionnelle au sens
de la réglementation, doivent également se voir reconnaître un caractère médical" ( arrêt du 7 octobre 1987, Strack, point 13, 140/86, précité ). Ce caractère médical s' oppose à ce que ces documents soient communiqués directement au requérant dans le cadre de la procédure instituée par la réglementation .

34 Il importe toutefois de souligner qu' il est non seulement "admissible", comme l' a relevé la Commission, mais indispensable que le "rapport médical complet", dont le fonctionnaire peut demander qu' il soit transmis au médecin de son choix et qui doit être transmis aux membres de la commission médicale prévue par l' article 23 de la réglementation, comprenne le rapport d' enquête . En effet, c' est "en prévoyant un accès indirect aux documents de nature médicale, par le biais de l' intervention
d' un médecin de confiance désigné par le fonctionnaire ..., ( que ) la réglementation concilie les droits du fonctionnaire avec les nécessités du secret médical" ( arrêt du 7 octobre 1987, Strack, point 12, 140/86, précité ).

35 Ainsi, le fonctionnaire peut, s' il a introduit une demande en ce sens, prendre position sur les constatations contenues dans le rapport d' enquête, par le biais de l' intervention d' un médecin de confiance, et apprécier l' opportunité de demander que la commission médicale donne son avis . A cet égard, il y a lieu de souligner que le requérant n' a pas adressé de demande en ce sens à l' AIPN, sa lettre du 27 mai 1983 ne contenant pas une telle demande .

36 Quant à l' argument du requérant selon lequel ces documents auraient dû être versés à son dossier individuel en vertu de l' article 26 du statut, il convient de faire remarquer que, ainsi que la Cour l' a reconnu dans son arrêt du 7 octobre 1987, leur caractère médical "n' empêche ( pas ) que ces documents puissent, le cas échéant, intéresser également la situation administrative du fonctionnaire, dès lors que les faits qu' elles relatent sont à la base de rapports concernant la compétence, le
rendement ou le comportement du fonctionnaire . Dans cette hypothèse, ces documents devraient figurer au dossier personnel" ( Strack, point 13, 140/86, précité ).

37 Il s' ensuit qu' en raison de la finalité de l' article 26 du statut c' est seulement si les constatations contenues dans ces documents peuvent, en dehors du cadre de la procédure instituée par la réglementation, intéresser la situation administrative du requérant, dès lors que les faits qu' ils relatent sont à la base de rapports concernant sa compétence, son rendement ou son comportement, que ces documents doivent figurer à son dossier individuel .

38 Force est cependant de constater, dans le cas présent, qu' il n' est pas prouvé que les constatations factuelles relatives aux conditions de travail faites au requérant aient influencé sa situation administrative, celle-ci ayant pris fin avant l' établissement desdits documents . Il s' ensuit que c' est à bon droit que la Commission n' a pas inséré ces documents dans le dossier individuel prévu à l' article 26 du statut .

39 Quant à l' argument du requérant, contenu dans son mémoire en réplique, selon lequel le fait que le rapport d' enquête lui a été communiqué dans le cadre du présent litige constitue la preuve qu' il s' agissait bien d' une partie intégrante du dossier individuel, il y a lieu de relever que, dans le cadre de la procédure instituée par la réglementation, le rapport d' enquête n' avait pas, pour les raisons qui précèdent, à être communiqué au requérant autrement que par le biais de l' intervention
de son médecin de confiance et que, dès lors, le requérant ne peut en tirer argument pour soutenir que ce document faisait partie intégrante de son dossier individuel .

40 Il résulte de ce qui précède que l' article 26 du statut ne peut être utilisé en vue d' établir, en dehors du cadre établi par la réglementation, une procédure contradictoire portant sur des documents de nature médicale .

En ce qui concerne la régularité de la procédure suivie : l' audition par la commission médicale

41 Le requérant met en cause la manière dont la commission médicale a mené ses travaux en ce qu' elle ne l' aurait pas suffisamment entendu pour pouvoir statuer en connaissance de cause et pour lui permettre de faire valoir sa propre "conviction ".

42 Il y a lieu de souligner à cet égard que c' est à juste titre que la Commission relève que la commission médicale est juge de la nécessité d' une audition de l' intéressé et, le cas échéant, de sa durée, et ce notamment au regard du caractère plus ou moins complet du dossier médical dont elle dispose déjà, comme l' a indiqué la Cour dans ses arrêts du 21 mai 1981 et du 19 janvier 1988 ( Morbelli/Commission, point 27, 156/80, Rec . p . 1357; Biedermann/Cour des comptes, point 16, 2/87, Rec . p .
143 ). Par ailleurs, "eu égard à la nature des travaux de la commission médicale, qui ne visent pas à trancher un débat contradictoire, il y a lieu de relever qu' une telle audition n' est pas non plus imposée par des principes relatifs aux droits de la défense" ( arrêt du 19 janvier 1988, Biedermann, point 16, 2/87, précité ).

43 Au surplus, il suffit de faire remarquer qu' en l' espèce une audition d' une heure et demie par la commission médicale pouvait raisonnablement être considérée comme suffisante par la commission médicale, puisque, d' une part, le dossier médical, contenant toutes les pièces présentant les divers points de vue, était complet et que, d' autre part, le requérant avait déjà été examiné pendant trois heures et demie par le médecin désigné par la Commission pour faire partie de la commission médicale
et, à deux reprises, pendant trois heures par le médecin qu' il avait lui-même désigné .

44 Il s' ensuit que ce grief ne peut être retenu .

En ce qui concerne le contenu du rapport de la commission médicale

45 Le requérant reproche à la commission médicale, d' une part, d' avoir imputé sa maladie à la structure de sa personnalité et, d' autre part, de n' avoir pas autrement critiqué, dans son rapport, le rôle et les devoirs du service médical dont le manque d' assistance au requérant serait constitutif d' une violation de l' article 24 du statut et aurait contribué à l' aggravation de sa maladie . L' imputation de la maladie du requérant à la structure de sa personnalité par la commission médicale
aurait, selon le requérant, pour but de pallier la carence du service médical et de dissimuler celle-ci .

46 La Commission répond, d' une part, que, selon une jurisprudence bien établie de la Cour ( arrêts du 29 novembre 1984, Suss/Commission, point 11, 265/83, Rec . p . 4029, et du 19 janvier 1988, Biedermann, point 8, 2/87, précité ), l' examen du Tribunal ne peut s' étendre aux appréciations médicales proprement dites contenues dans le rapport de la commission médicale et, d' autre part, qu' il ne peut être question de carence de son service médical, lequel n' avait été saisi d' aucune demande d'
assistance par le requérant et savait que celui-ci était déjà soigné par un spécialiste .

47 Avant d' examiner les griefs formulés par le requérant, il convient de préciser au préalable l' étendue du contrôle du Tribunal sur une décision refusant de reconnaître l' origine professionnelle de la maladie d' un fonctionnaire après consultation de la commission médicale prévue par l' article 23 de la réglementation .

48 Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour ( voir, en dernier lieu, l' arrêt du 19 janvier 1988, Biedermann, point 8, 2/87, précité ), l' examen du Tribunal ne s' étend pas aux appréciations médicales proprement dites qui doivent être tenues pour définitives lorsqu' elles sont intervenues dans des conditions régulières . Tel ne serait pas le cas si la commission médicale se basait sur une conception erronée de la notion de "maladie professionnelle" ou si son rapport
n' établissait pas un lien compréhensible entre les constatations médicales qu' il contient et les conclusions auxquelles elle arrive ( arrêt du 10 décembre 1987, Jaensch/Commission, point 15, 277/84, Rec . p . 4923 ).

49 A cet égard, il faut observer que l' imputation de la maladie psychique du requérant à la structure de sa personnalité constitue une appréciation médicale dont le Tribunal ne peut connaître que sous l' angle de sa motivation . Or, en attribuant la cause de la maladie du requérant à la structure de sa personnalité, et non à ses conditions de travail ou à l' attitude de ses supérieurs, la commission médicale a exclu la possibilité que la maladie de l' intéressé ou son aggravation ait pu trouver
"son origine dans l' exercice ou à l' occasion de l' exercice de ses fonctions au service des Communautés", selon les termes de l' article 3, paragraphe 2, de la réglementation .

50 Il en résulte que le rapport de la commission médicale, n' étant pas basé sur une conception erronée de la notion de maladie professionnelle et établissant un lien compréhensible entre les constatations médicales qu' il comporte et les conclusions auxquelles il arrive, n' est pas entaché de défaut de motivation, de même que la décision de la Commission qui a été prise sur la base de ce rapport .

51 Au surplus, il convient d' ajouter que le rapport de la commission médicale a été adopté à l' unanimité de ses trois membres, y compris par le médecin désigné par le requérant .

52 Le grief ne saurait dès lors être retenu .

53 Il découle de l' ensemble des considérations qui précèdent que le recours doit être rejeté .

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

54 Aux termes de l' article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, applicable mutatis mutandis au Tribunal en vertu de l' article 11, troisième alinéa, de la décision du Conseil du 24 octobre 1988 instituant un Tribunal de première instance des Communautés européennes, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s' il est conclu en ce sens . Toutefois, selon l' article 70 dudit règlement, les frais exposés par les institutions dans les recours des agents des Communautés
restent à la charge de celles-ci .

Dispositif

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL ( troisième chambre )

déclare et arrête :

1 ) Le recours est rejeté .

2 ) Chacune des parties supportera ses propres dépens .


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : T-154/89
Date de la décision : 12/07/1990
Type de recours : Recours de fonctionnaires - non fondé

Analyses

Fonctionnaires - Reconnaissance de l'origine professionnelle d'une maladie.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Raimund Vidranyi
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:1990:47

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