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12/07/1990 | CJUE | N°C-35/88

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour du 12 juillet 1990., Commission des Communautés européennes contre République hellénique., 12/07/1990, C-35/88


Avis juridique important

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61988J0035

Arrêt de la Cour du 12 juillet 1990. - Commission des Communautés européennes contre République hellénique. - Manquement - Agriculture - Marché des céréales fourragères. - Affaire C-35/88.
Recueil de jurisprudence 1990 page I-03125

Sommaire
Parties

Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

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Avis juridique important

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61988J0035

Arrêt de la Cour du 12 juillet 1990. - Commission des Communautés européennes contre République hellénique. - Manquement - Agriculture - Marché des céréales fourragères. - Affaire C-35/88.
Recueil de jurisprudence 1990 page I-03125

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

++++

1 . Aides accordées par les États - Appréciation d' un régime d' aide au regard de règles communautaires autres que celles énoncées par l' article 92 du traité - Violation des règles d' une organisation commune des marchés agricoles - Recours à la procédure de l' article 169 - Admissibilité

( Traité CEE, art . 92, 93, § 2, et 169 )

2 . Agriculture - Organisation commune des marchés - Formation des prix - Mesures nationales - Incompatibilité avec la réglementation communautaire

3 . Aides accordées par les États - Projets d' aides - Notification à la Commission - Obligation - Manquement - Recours à la procédure de l' article 169 - Admissibilité

( Traité CEE, art . 93, § 3, et 169 )

4 . États membres - Obligations - Coopération aux enquêtes en matière de manquement d' État

( Traité CEE, art . 5 et 169 )

Sommaire

1 . Le fait que le traité a institué, à l' article 93, paragraphe 2, une procédure adaptée aux problèmes particuliers que présentent les aides étatiques pour la concurrence dans le marché commun ne fait nullement obstacle à ce que la compatibilité d' un régime d' aide au regard de règles communautaires autres que celles contenues dans l' article 92, et notamment au regard des règles d' une organisation commune des marchés, soit appréciée suivant la procédure en constatation de manquement prévue à l'
article 169 du traité .

2 . Les organisations communes de marchés sont fondées sur le principe du marché ouvert, auquel tout producteur a librement accès dans des conditions de concurrence effectives et dont le fonctionnement est uniquement réglé par les instruments prévus par ces organisations . En particulier, dans des domaines couverts par une organisation commune des marchés, à plus forte raison lorsque cette organisation est fondée sur un régime commun de prix, les États membres ne peuvent plus intervenir par des
dispositions nationales, prises unilatéralement, dans le mécanisme de formation des prix, tel qu' il résulte de l' organisation commune .

3 . La Commission peut recourir à la procédure de l' article 169 du traité lorsqu' elle entend faire constater par la Cour la méconnaissance par un État membre des dispositions de l' article 93, paragraphe 3, du traité qui imposent aux États membres d' informer la Commission des projets tendant à instituer ou à modifier des aides au sens de l' article 92 .

4 . Le fait pour un État membre de ne pas collaborer avec la Commission, lorsque celle-ci enquête pour établir l' existence éventuelle dans son chef d' un manquement susceptible de faire l' objet d' un recours en vertu de l' article 169 du traité, constitue une violation des obligations que lui impose l' article 5, premier alinéa, du traité . Une telle absence de collaboration revêt une gravité particulière lorsqu' elle persiste devant la Cour, une fois introduit un recours en manquement .

Parties

Dans l' affaire C-35/88,

Commission des Communautés européennes, représentée par MM . Xenophon A . Yataganas, Theofanis Christoforou, membres du service juridique, et par M . Mihail Vilaras, maître des requêtes au Conseil d' État de la République hellénique, détaché au service juridique de la Commission, en qualité d' agents, ayant élu domicile à Luxembourg, auprès de M . Georgios Kremlis, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie requérante,

contre

République hellénique, représentée par M . Yannos Cranidiotis, secrétaire particulier du ministère des Affaires étrangères, assisté par MM . Constantinos Stavropoulos, collaborateur juridique particulier du service du contentieux des Communautés européennes du ministère des Affaires étrangères, Ilias Laios, conseiller juridique du ministère de l' Agriculture, et Meletis Tsotsanis, chef de la direction des affaires juridiques du ministère de l' Agriculture, en qualité d' agents, ayant élu domicile à
Luxembourg au siège de l' ambassade de Grèce, 117, Val Sainte-Croix,

partie défenderesse,

ayant pour objet de faire constater que, en intervenant sur le marché des céréales fourragères, et en particulier en donnant des instructions à l' Office central de gestion des produits nationaux ( KYDEP ) pour l' achat et la vente de céréales fourragères à des prix et à des conditions fixés par le gouvernement hellénique, en comblant le solde déficitaire de ces échanges au moyen de ressources de l' État et en favorisant le financement privilégié par la Banque agricole de Grèce des activités de la
KYDEP sur le marché des céréales fourragères, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du règlement ( CEE ) n° 2727/75 du Conseil, modifié, du 29 octobre 1975, portant organisation commune des marchés dans le secteur des céréales, et de ses règlements d' application ( JO L 281, p . 1 ), ainsi qu' en vertu des articles 5 et 93 du traité,

LA COUR,

composée de MM . O . Due, président, C . N . Kakouris et M . Zuleeg, présidents de chambre, J . C . Moitinho de Almeida, G . C . Rodríguez Iglesias, F . Grévisse et M . Díez de Velasco, juges,

avocat général : M . J . Mischo

greffier : M . J . A . Pompe, greffier adjoint

vu le rapport d' audience,

ayant entendu les représentants des parties en leur plaidoirie à l' audience du 3 avril 1990,

ayant entendu l' avocat général en ses conclusions à l' audience du 23 mai 1990,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 2 février 1988, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l' article 169 du traité CEE, un recours visant à faire constater que, en intervenant sur le marché des céréales fourragères, et en particulier en donnant des instructions à l' Office central de gestion des produits nationaux ( ci-après "KYDEP ") pour l' achat et la vente de céréales fourragères à des prix et à des conditions fixés par le gouvernement hellénique, en
comblant le solde déficitaire de ces échanges au moyen de ressources de l' État et en favorisant le financement privilégié, par la Banque agricole de Grèce, des activités de la KYDEP sur le marché des céréales fourragères, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du règlement ( CEE ) n° 2727/75 du Conseil, du 29 octobre 1975, portant organisation commune des marchés dans le secteur des céréales ( JO L 281, p . 1 ), modifié, et de ses règlements d' application
ainsi qu' en vertu des articles 5 et 93 du traité .

2 Selon la Commission, les conditions de circulation des céréales fourragères sur le marché hellénique étaient définies par l' État, notamment par l' intermédiaire d' un comité, institué par une décision conjointe n° A6-2028, du 17 mars 1981 ( Efimeris tis Kyverniseos tis Ellinikis Dimokratias du 31 mars 1981, p . 1826 ), des ministres de l' Agriculture et du Commerce et composé de représentants des ministères concernés et de la KYDEP . Toujours selon la Commission, cette dernière, organisation
coopérative centrale regroupant des unions de coopératives, a été l' organe d' exécution des décisions de ce comité . A ce titre, le solde déficitaire des opérations par elle effectuées sur le marché des céréales fourragères résultant de la vente à perte de ces céréales a été compensé par des ressources provenant du budget de l' État . La KYDEP a bénéficié au surplus, pour l' exécution de ces opérations, de conditions de financement privilégiées consenties par la Banque agricole de Grèce .

3 Estimant que ces interventions de l' État méconnaissaient les obligations résultant de l' existence de l' organisation commune des marchés dans le secteur des céréales instituée par le règlement n° 2727/75 du Conseil, du 29 octobre 1975, précité, et que, en outre, la République hellénique avait méconnu les dispositions des articles 5 et 93 du traité, la Commission a, alors, engagé contre cet État membre une procédure en manquement .

4 Pour un plus ample exposé des faits de l' affaire, du déroulement de la procédure et des moyens et arguments des parties, il est renvoyé au rapport d' audience . Ces éléments du dossier ne sont repris ci-dessous que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour .

Sur l' objet du recours

5 La Commission demande à la Cour de constater trois manquements distincts : d' une part, un manquement aux dispositions du règlement n° 2727/75 résultant de l' existence d' une intervention étatique sur le marché des céréales fourragères, et, plus particulièrement, aux dispositions des articles 3, 5, 6, 7, 8, 12 et suivants et 24 de ce règlement, d' autre part, un manquement aux dispositions de l' article 93, paragraphe 3, du traité, qui serait constitué par l' absence de notification préalable à
la Commission des aides étatiques dont aurait bénéficié la KYDEP, enfin, un manquement aux dispositions de l' article 5 du traité . S' agissant de ce dernier chef de manquement, la Commission invoque, par référence au premier alinéa de l' article 5, l' absence de collaboration des autorités helléniques lors de l' enquête qu' elle a menée sur le marché des céréales fourragères en République hellénique, et, par référence au deuxième alinéa de cette même disposition, la circonstance que l' intervention
étatique alléguée constituerait un ensemble de mesures de nature à mettre en péril la réalisation des buts du traité .

6 Il convient de souligner que le présent recours en constatation de manquement porte, ainsi que l' a expressément indiqué le représentant de la Commission lors de la procédure orale, sur la période allant du 1er janvier 1981 au 26 mars 1984, date de la première mise en demeure adressée à la République hellénique .

7 Le grief tiré de la méconnaissance du règlement n° 2727/75 doit, en conséquence, être examiné au regard des dispositions de ce règlement applicables pendant cette période, dans leur rédaction issue, notamment, des modifications apportées par les règlements du Conseil ( CEE ) n° 1143/76, du 17 mai 1976 ( JO L 130, p . 1 ), ( CEE ) n° 1151/77, du 17 mai 1977 ( JO L 136, p . 1 ), ( CEE ) n° 1254/78, du 12 juin 1978 ( JO L 156, p . 1 ), ( CEE ) n° 1870/80, du 15 juillet 1980 ( JO L 184, p . 1 ), ( CEE
) n° 3808/81, du 21 décembre 1981 ( JO L 382, p . 37 ), et ( CEE ) n° 1451/82, du 18 mai 1982 ( JO L 164, p . 1 ).

En ce qui concerne la méconnaissance du règlement n° 2727/75

Sur la recevabilité

8 La République hellénique soutient que le recours de la Commission, en tant qu' il tend à faire constater par la Cour le manquement au règlement n° 2727/75, serait irrecevable .

9 Selon la défenderesse, en effet, l' intervention de l' État qui est ici en cause, à supposer qu' elle soit établie, s' organiserait autour de la prise en charge par le budget de l' État du déficit de la KYDEP résultant de la vente à perte de céréales fourragères par cet organisme . L' aide ainsi accordée constituerait une aide étatique au sens de l' article 92 du traité, et seule la procédure définie par le paragraphe 2 de l' article 93 du traité, à l' exclusion notamment de la procédure de l'
article 169 du traité, serait applicable .

10 Sur ce point, il convient de relever que, en vertu de l' article 42 du traité, les dispositions du chapitre relatif aux règles de concurrence, c' est-à-dire l' ensemble des articles 85 à 94, ne sont applicables à la production et au commerce des produits agricoles que dans la mesure déterminée par le Conseil, dans le cadre des dispositions prises pour l' organisation des marchés agricoles . Sur le fondement de cette disposition, l' article 22 du règlement n° 2727/75 prévoit que les articles 92 à
94 du traité sont applicables à la production et au commerce des céréales "sous réserve de dispositions contraires du présent règlement ".

11 Toutefois, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, la procédure applicable pour constater une méconnaissance des règles d' une organisation commune des marchés est la procédure en constatation de manquement prévue par l' article 169 du traité . Si, selon cette jurisprudence, le traité a institué, à son article 93, paragraphe 2, une procédure adaptée de manière spécifique aux problèmes particuliers que présentent les aides étatiques pour la concurrence dans le marché commun, l'
existence de cette procédure ne fait nullement obstacle à ce que la compatibilité d' un régime d' aide au regard de règles communautaires autres que celles contenues dans l' article 92 soit appréciée suivant la procédure prévue à l' article 169 ( voir arrêts du 24 avril 1980, Commission/République italienne, 72/79, Rec . p . 1411, et du 30 janvier 1985, Commission/République française, 290/83, Rec . p . 439 ).

12 Dans ces conditions, la circonstance, invoquée par la République hellénique, que, à la supposer établie, l' intervention étatique incriminée comporterait un régime d' aide, n' interdit pas à la Commission de contester, suivant la procédure prévue à l' article 169 du traité, la compatibilité de cette intervention avec les règles de l' organisation commune des marchés des céréales .

13 Il y a, dès lors, lieu de rejeter l' exception d' irrecevabilité soulevée par la défenderesse .

Sur le fond

14 La KYDEP a, jusqu' à la date de l' adhésion de la République hellénique aux Communautés européennes, acheté, entreposé et distribué les céréales fourragères pour le compte de l' État .

15 Lors de l' adhésion, l' État a, par la décision précitée n° A6-2028 des ministres de l' Agriculture et du Commerce, du 17 mars 1981, vendu à la KYDEP les céréales fourragères lui appartenant, selon un inventaire établi le 31 décembre 1980 .

16 Le comité institué par cette même décision a eu pour mission de contrôler la gestion et l' écoulement par la KYDEP des céréales ainsi vendues .

17 La République hellénique affirme que l' intervention de l' État sur le marché des céréales fourragères, par l' intermédiaire de ce comité et de la KYDEP, a exclusivement porté sur les quantités de céréales ayant fait l' objet de la décision déjà citée du 17 mars 1981 .

18 La Commission soutient, au contraire, que l' intervention des autorités helléniques a porté, postérieurement à l' adhésion de la République hellénique, sur l' ensemble du marché des céréales fourragères .

19 Il convient de vérifier successivement l' existence de l' intervention des autorités helléniques dans les conditions alléguées par la Commission et, dans la mesure où cette intervention serait établie, sa compatibilité avec les dispositions du règlement n° 2727/75 .

20 A l' appui de ses allégations, la Commission a produit divers documents dont, notamment, un rapport en date du 4 novembre 1985 du service juridique de la KYDEP et le procès-verbal de la trente-sixième assemblée générale de cet organisme, tenue les 12 et 13 décembre 1986, contenant des affirmations de responsables de la KYDEP selon lesquelles celle-ci serait, en fait, chargée de l' exécution des décisions prises par les autorités nationales concernant le marché des céréales fourragères .

21 La production par le gouvernement hellénique, à la demande expresse de la Cour, de décisions de ministres helléniques ou de comités placés sous l' autorité de ces derniers a corroboré et précisé les éléments d' information contenus dans ces documents .

22 Il ressort, en premier lieu, de ces décisions que les autorités helléniques fixaient les prix de vente et les quantités de céréales fourragères vendues par la KYDEP aux éleveurs et aux entreprises produisant des aliments composés pour animaux . A cet égard, on peut notamment relever la décision n° 1761 du "comité financier" en date du 24 septembre 1981, qui, en son paragraphe 1, "fixe un prix unique, soit 10 DR par kilogramme, pour la vente de céréales fourragères ( maïs, orge, etc .) aux
éleveurs de bétail et de volaille et aux industriels des aliments pour animaux par l' intermédiaire de la KYDEP ...", ainsi que la décision du ministre de l' Agriculture, en date du 29 juillet 1982, déterminant de façon très précise, par espèces d' animaux, les quantités de céréales fourragères pouvant être vendues par la KYDEP aux éleveurs .

23 L' État prenait, en second lieu, en charge le déficit supporté par la KYDEP en raison de la pratique constante de la vente à perte qui était imposée à cet organisme . Le paragraphe 3 de la décision précitée n° 1761 du "comité financier" est particulièrement explicite sur ce point, puisqu' il "autorise la prise en charge de la différence entre le prix de revient résultant de l' achat, la conservation, le transport par la KYDEP et le prix de vente de 10 DR par kilo, par le prêt de la Banque de
Grèce à la Banque agricole de Grèce, à la charge du budget de l' État, avec imputation sur le compte des biens de consommation pour 1982 ".

24 Il ressort également de la décision précitée et de la décision contenue dans la lettre en date du 2 avril 1982 du "comité financier" adressée à la Banque de Grèce que l' État accordait sa garantie à la KYDEP afin que celle-ci pût bénéficier, pour le financement de ses opérations sur le marché des céréales fourragères, de prêts de la Banque de Grèce, par l' intermédiaire de la Banque agricole de Grèce .

25 S' agissant, ensuite, du prix auquel la KYDEP achetait les céréales fourragères, le dossier fait apparaître un ensemble d' éléments concordants permettant de déduire que ce prix était également fixé par les autorités helléniques .

26 Il y a lieu de relever, notamment, les affirmations en ce sens contenues dans le rapport du service juridique de la KYDEP et dans le procès-verbal de la trente-sixième assemblée générale de cet organisme déjà mentionnés . Il doit être, en outre, relevé que, dans la mesure où l' État prenait à sa charge, en tout ou en partie, la différence entre le prix de revient et le prix de vente des céréales fourragères, il ne pouvait laisser la KYDEP libre de déterminer le niveau de prix auquel cet organisme
achetait les céréales aux producteurs . Tel est précisément le sens du compte rendu n° 189, en date du 14 février 1984, émanant du comité institué par la décision précitée n° A6-2028, dont l' objet portait à la fois sur "la détermination du prix d' achat du maïs, de l' orge et du blé" et sur "le montant finalement pris en charge par l' État pour l' année 1982 au titre de la gestion des céréales fourragères ".

27 Il doit être, en dernier lieu, souligné, comme cela ressort clairement du paragraphe 1, deuxième alinéa, de la décision n° 1761, précitée, du "comité financier", qui vise les céréales fourragères "achetées à partir du 1er janvier 1981" et dont les énonciations ne sont contredites par aucune des pièces du dossier, que l' intervention des autorités helléniques portait sur l' ensemble du marché des céréales fourragères et n' était, en tout état de cause, nullement limitée, contrairement à ce que
soutient la défenderesse, aux céréales produites ou acquises avant l' adhésion de la République hellénique aux Communautés européennes .

28 Eu égard au caractère probant des décisions précitées et des autres documents, de même nature, contenus dans le dossier, il doit être admis que, pendant la période visée par le présent recours, les autorités helléniques, tant par des mesures concernant notamment la fixation des prix que par des mesures de soutien financier, ont contrôlé les opérations réalisées par la KYDEP sur le marché des céréales fourragères .

29 S' agissant de la compatibilité de cette intervention étatique avec les dispositions du règlement n° 2727/75, il y a lieu de rappeler que les organisations communes de marchés sont fondées sur le principe du marché ouvert, auquel tout producteur a librement accès dans des conditions de concurrence effectives et dont le fonctionnement est uniquement réglé par les instruments prévus par ces organisations . En particulier, dans des domaines couverts par une organisation commune des marchés, à plus
forte raison lorsque cette organisation est, comme en l' espèce, fondée sur un régime commun de prix, les États membres ne peuvent plus intervenir par des dispositions nationales, prises unilatéralement, dans le mécanisme de formation des prix tel qu' il résulte de l' organisation commune ( arrêt du 29 novembre 1989, Commission/République hellénique, point 16, 281/87, Rec . p.0000 ).

30 L' intervention des autorités helléniques dans les conditions précédemment décrites, dans un domaine où la réglementation communautaire est exhaustive, a méconnu les règles de l' organisation commune des marchés . La fixation administrative des prix d' achat et de vente des céréales fourragères par la KYDEP et le soutien financier accordé à cet organisme ont méconnu le régime concurrentiel de formation des prix, ainsi que le caractère exclusif de l' intervention communautaire telle qu' elle est
notamment prévue par les articles 3, 5, 6, 7 et 8 du règlement n° 2727/75 . Il y a lieu de relever, à cet égard, que ni la spécificité alléguée des exploitations agricoles helléniques ni des circonstances conjoncturelles, comme la sécheresse, ou exceptionnelles, comme les difficultés liées aux conséquences de la catastrophe de Tchernobyl, ne sauraient, contrairement à ce que soutient le gouvernement hellénique, autoriser des mesures d' intervention sur les prix qui n' auraient pas été décidées sur
le plan communautaire conformément aux règles de l' organisation commune des marchés .

31 S' agissant de la méconnaissance des articles 12 et suivants du règlement n° 2727/75 relatifs aux relations avec les pays tiers, la Commission se borne, ainsi qu' il résulte des explications de son représentant données lors de l' audience de plaidoirie, à invoquer la violation des règles procédurales contenues dans ces dispositions . Comme l' a admis la Commission lors de cette même audience, ce moyen n' est pas étayé par des éléments suffisamment précis pour pouvoir être regardé comme fondé .

32 La Commission a invoqué, également, dans ses réponses aux questions de la Cour, la méconnaissance des dispositions de l' article 24 du règlement n° 2727/75, qui instituent l' obligation pour les États membres de communiquer à la Commission des données relatives à l' application des règles de l' organisation commune des marchés . A l' appui de ce moyen, la Commission a fait valoir le refus des autorités helléniques de lui communiquer des informations lors de l' enquête qu' elle avait menée sur le
fonctionnement de la KYDEP . Les faits ainsi reprochés à la République hellénique se rattachent, comme l' a d' ailleurs soutenu la Commission lors de la phase précontentieuse et dans ses mémoires présentés devant la Cour, à l' existence d' un éventuel manquement au devoir de collaboration institué par l' article 5, premier alinéa, du traité . Ils seront, en conséquence, examinés dans le cadre de ce chef de manquement distinct .

33 Pour l' ensemble de ces motifs, il y a lieu de constater que, en intervenant sur les conditions d' achat et de vente des céréales fourragères par la KYDEP, en compensant par des mesures budgétaires le déficit de la KYDEP résultant de son intervention sur le marché des céréales fourragères et en permettant à cet organisme d' obtenir, grâce à la garantie de l' État, des prêts auprès de la Banque de Grèce, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions
du règlement n° 2727/75 du Conseil, du 29 octobre 1975, portant organisation commune des marchés dans le secteur des céréales, modifié .

En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions de l' article 93, paragraphe 3, du traité

34 Il convient, à titre liminaire, de rappeler que la Commission peut recourir à la procédure de l' article 169 du traité lorsqu' elle entend faire constater par la Cour la méconnaissance par un État membre des dispositions de l' article 93, paragraphe 3, du traité, qui imposent aux États membres d' informer la Commission des projets tendant à instituer ou à modifier des aides au sens de l' article 92 du traité ( arrêt du 27 mars 1984, Commission/République italienne, 169/82, Rec . p . 1603 ).

35 La République hellénique n' a pas contesté, en droit, le caractère d' aide étatique, au sens de l' article 92 du traité, des subventions accordées à la KYDEP afin de lui permettre de couvrir les déficits de gestion résultant de la vente à perte des céréales fourragères . La défenderesse s' est, au contraire, fondée sur cette qualification pour justifier l' exception d' irrecevabilité opposée au premier chef de manquement invoqué par la Commission .

36 Il n' est pas davantage contesté que ces aides n' ont pas été préalablement notifiées dans les conditions prévues par l' article 93, paragraphe 3 .

37 Il y a lieu, en conséquence, de constater que, en ne notifiant pas à la Commission les projets d' aides à la KYDEP, pour l' achat et la vente de céréales fourragères, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions de l' article 93, paragraphe 3, du traité .

En ce qui concerne la méconnaissance de l' article 5 du traité

38 La Commission estime, en premier lieu, que la République hellénique aurait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions de l' article 5, premier alinéa, du traité en refusant de lui communiquer des informations sur le fonctionnement de la KYDEP ainsi que des décisions administratives relatives à l' organisation du marché des céréales fourragères en Grèce .

39 Il convient de souligner que, lors de l' enquête menée dans le cadre de la procédure qui a abouti à l' introduction du présent recours, le gouvernement hellénique n' a pas communiqué à la Commission les décisions ministérielles et les décisions des comités placés sous l' autorité des ministres, non publiées, relatives aux conditions d' intervention de la KYDEP sur le marché des céréales fourragères .

40 Cette omission, en ce qu' elle a empêché la Commission de prendre connaissance de l' ensemble des relations complexes existant entre l' État hellénique et la KYDEP, doit être regardée comme un refus de collaborer avec cette institution .

41 Ce manque de collaboration est d' autant plus grave qu' il a persisté devant la Cour . Celle-ci lui ayant demandé de produire ces mêmes décisions, le gouvernement hellénique n' a pas, dans les délais qui lui avaient été initialement prescrits, produit ces documents ni répondu aux questions précises qui lui étaient posées . Ce n' est qu' après une première procédure orale, au cours de laquelle la Cour a accordé, à titre exceptionnel, un nouveau délai au gouvernement hellénique, que ce dernier a
répondu aux demandes de la Cour .

42 Il y a lieu, dès lors, de constater que, en ne communiquant pas à la Commission les décisions des autorités helléniques, relatives aux conditions d' intervention de la KYDEP sur le marché des céréales fourragères, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions de l' article 5, premier alinéa, du traité .

43 S' agissant enfin de la méconnaissance des dispositions de l' article 5, deuxième alinéa, du traité, il n' y a pas lieu de constater un manquement aux obligations générales contenues dans ces dispositions qui soit distinct des manquements, précédemment constatés, aux obligations communautaires plus précises auxquelles était tenue la République hellénique .

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

44 Aux termes de l' article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens . La République hellénique ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens .

Dispositif

Par ces motifs,

LA COUR

déclare et arrête :

1 ) En intervenant sur les conditions d' achat et de vente des céréales fourragères par la KYDEP, en compensant par des mesures budgétaires le déficit de la KYDEP résultant de son intervention sur le marché des céréales fourragères et en permettant à cet organisme d' obtenir, grâce à la garantie de l' État, des prêts auprès de la Banque de Grèce, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions du règlement ( CEE ) n° 2727/75 du Conseil, du 29 octobre
1975, portant organisation commune des marchés dans le secteur des céréales, modifié .

2 ) En ne notifiant pas à la Commission les projets d' aides à la KYDEP, pour l' achat et la vente de céréales fourragères, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions de l' article 93, paragraphe 3, du traité .

3 ) En ne communiquant pas à la Commission les décisions des autorités helléniques, relatives aux conditions d' intervention de la KYDEP sur le marché des céréales fourragères, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions de l' article 5, premier alinéa, du traité .

4 ) La République hellénique est condamnée aux dépens .


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-35/88
Date de la décision : 12/07/1990
Type de recours : Recours en constatation de manquement - fondé

Analyses

Manquement - Agriculture - Marché des céréales fourragères.

Agriculture et Pêche

Céréales

Aides accordées par les États

Concurrence


Parties
Demandeurs : Commission des Communautés européennes
Défendeurs : République hellénique.

Composition du Tribunal
Avocat général : Mischo
Rapporteur ?: Grévisse

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1990:302

Source

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