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12/07/1990 | CJUE | N°C-155/89

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, État belge contre Philipp Brothers SA., 12/07/1990, C-155/89


Avis juridique important

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61989J0155

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 12 juillet 1990. - État belge contre Philipp Brothers SA. - Demande de décision préjudicielle: Cour d'appel de Paris - France. - Agriculture - Avances sur restitutions à l'exportation - Libération erronée de la caution - Non-respect des dÃ

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Avis juridique important

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61989J0155

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 12 juillet 1990. - État belge contre Philipp Brothers SA. - Demande de décision préjudicielle: Cour d'appel de Paris - France. - Agriculture - Avances sur restitutions à l'exportation - Libération erronée de la caution - Non-respect des délais pour le dépôt de documents - Octroi de délais supplémentaires - Forclusion - Conséquences - Proportionnalité. - Affaire C-155/89.
Recueil de jurisprudence 1990 page I-03265

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

++++

1 . Agriculture - Organisation commune des marchés - Restitutions à l' exportation - Paiement à l' avance - Libération erronée de la caution - Effets - Maintien des obligations de l' exportateur - Prise en compte de l' erreur pour l' octroi de délais supplémentaires à l' exportateur pour la production des preuves documentaires de l' exportation

( Règlement de la Commission n 2730/79, art . 25 )

2 . Agriculture - Organisation commune des marchés - Restitutions à l' exportation - Production des preuves documentaires - Dépassement du délai réglementaire - Octroi de délais supplémentaires autorisé pour les seuls documents douaniers - Justifications exigées de l' exportateur

( Règlement de la Commission n 2730/79, art . 31, § 2 )

3 . Agriculture - Organisation commune des marchés - Restitutions à l' exportation - Paiement à l' avance - Preuves documentaires de l' exportation - Dépassement du délai de production - Perte de la caution - Principe de proportionnalité - Violation - Absence

( Règlement de la Commission n 2730/79, art . 31, § 1 et 2 )

Sommaire

1 . La libération erronée, par l' organisme national d' intervention, de la caution prévue à l' article 25 du règlement n 2730/79, portant modalités communes d' application du régime des restitutions à l' exportation pour les produits agricoles, n' a pas pour effet de libérer l' exportateur de ses obligations . L' organisme d' intervention, dans sa décision sur l' octroi de délais supplémentaires pour la production des documents réglementaires, est tenu de prendre en considération les conséquences
que son erreur a pu avoir sur le comportement de l' exportateur .

2 . L' article 31, paragraphe 2, du règlement n 2730/79 doit être interprété en ce sens qu' il n' autorise l' octroi de délais supplémentaires que pour le dépôt des documents douaniers, et non pas pour la production des documents de transport . Cette différence de traitement se justifie au regard de la plus ou moins grande facilité pour l' opérateur concerné de se procurer les deux types de documents .

La demande de délais peut être accueillie même après l' expiration des délais ordinaires impartis pour la production desdits documents douaniers, à condition que l' exportateur prouve qu' il a fait diligence pour se procurer ces documents dans les délais ordinaires et qu' il justifie tout retard dans l' introduction de sa demande . Cependant, l' octroi de délais supplémentaires n' est pas subordonné à la constatation de l' existence d' un cas de force majeure .

3 . Dans l' hypothèse où les documents nécessaires pour rapporter la preuve de l' exportation pour laquelle une avance sur la restitution a été versée ne seraient pas déposés dans le délai prévu à l' article 31 du règlement n 2730/79, la sanction consistant dans la perte de la caution, ou le paiement d' un montant correspondant lorsque la caution a été libérée, n' est pas disproportionnée par rapport aux finalités de la réglementation en cause et aux exigences inhérentes à une bonne gestion
administrative . En effet, d' une part, l' instauration d' un délai impératif pour le dépôt des documents réglementaires est une mesure nécessaire pour éviter que l' exportateur ne bénéficie d' un avantage indu, et, d' autre part, la fixation de ce délai à six mois n' est pas déraisonnable parce qu' il est dans l' intérêt même des opérateurs économiques d' obtenir la libération de la caution dans le plus bref délai possible, que les organismes d' intervention ne peuvent garder indéfiniment ouverts
des dossiers relatifs à des opérations pour lesquelles des avances sur restitutions ont été versées, que l' octroi de délais supplémentaires est admis pour le dépôt des documents douaniers, dont l' acquisition auprès des autorités des pays tiers peut comporter des difficultés, et qu' une exception est prévue pour les cas de force majeure .

Parties

Dans l' affaire C-155/89,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l' article 177 du traité CEE, par la cour d' appel de Paris et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

État belge

et

Philipp Brothers SA, société de droit français ayant son siège social à Paris,

une décision à titre préjudiciel sur l' interprétation et la validité des articles 25 et 31 du règlement ( CEE ) n° 2730/79 de la Commission, du 29 novembre 1979, portant modalités communes d' application du régime des restitutions à l' exportation pour les produits agricoles ( JO L 317, p . 1 ),

LA COUR ( sixième chambre ),

composée de MM . C . N . Kakouris, président de chambre, F . A . Schockweiler, G . F . Mancini, T . F . O' Higgins et M . Díez de Velasco, juges,

avocat général : M . J . Mischo

greffier : Mme D . Louterman, administrateur principal

considérant les observations présentées :

- pour l' État belge, par Mes Benoît Cambier et Luc Cambier, avocats au barreau de Bruxelles,

- pour Philipp Brothers SA, par Mes Jean-François Bellis et Jean-Yves Art, avocats au barreau de Bruxelles, et par Me François Sage, avocat au barreau de Paris,

- pour la Commission des Communautés européennes, par Mme Denise Sorasio, conseiller juridique, en qualité d' agent,

vu le rapport d' audience,

ayant entendu les observations orales de l' État belge, de Philipp Brothers SA et de la Commission à l' audience du 27 mars 1990,

ayant entendu l' avocat général en ses conclusions à l' audience du 3 mai 1990,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

1 Par arrêt avant dire droit du 3 février 1989, parvenu à la Cour le 2 mai suivant, la cour d' appel de Paris a posé, en vertu de l' article 177 du traité CEE, plusieurs questions préjudicielles relatives à l' interprétation et à la validité des articles 25 et 31 du règlement ( CEE ) n° 2730/79 de la Commission, du 29 novembre 1979, portant modalités communes d' application du régime des restitutions à l' exportation pour les produits agricoles ( JO L 317, p . 1 ).

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d' un litige opposant l' État belge à la société française Philipp Brothers SA ( ci-après "Philipp Brothers ") au sujet du paiement d' une somme d' un montant correspondant à celui des cautions qui avaient été constituées par Philipp Brothers pour garantir l' exportation de deux lots de blé tendre à destination respectivement de la Norvège et de la Finlande et qui ont été libérées par la suite .

3 En vertu de l' article 25, paragraphe 1, du règlement n° 2730/79, dans la version applicable à l' époque des faits litigieux, le montant de la restitution à l' exportation peut être avancé, en tout ou en partie, par les États membres à l' exportateur, à condition que celui-ci constitue une caution d' un montant égal à celui de l' avance, majoré de 15 %. Le paragraphe 2 du même article prévoit que la caution reste acquise au prorata des quantités de produits pour lesquelles les preuves
réglementaires n' ont pas été apportées dans les délais . Toutefois, si ces preuves ne peuvent être apportées par suite d' un cas de force majeure, la majoration de 15 % n' est pas recouvrée .

4 L' article 20, paragraphe 3, du même règlement prévoit que la preuve de l' importation dans le pays tiers pour lequel la restitution est prévue est fournie par la production du document douanier ou de sa copie ou photocopie certifiée conforme ou par la production du certificat de dédouanement . Le paragraphe 4 mentionne un certain nombre de documents de substitution qui peuvent être présentés lorsque les documents visés au paragraphe 4 n' ont pu être produits ou s' ils sont considérés comme
insuffisants . En outre, le paragraphe 5 oblige l' exportateur à présenter, dans tous les cas, une copie ou photocopie du document de transport .

5 Il convient encore de rappeler que l' article 31 du règlement n° 2730/79 impartit, en son paragraphe 1, un délai de six mois, sauf cas de force majeure, en vue du dépôt du dossier pour le paiement de la restitution . Ce délai a été porté à douze mois par l' article 1er, paragraphe 4, du règlement ( CEE ) n° 1663/81 de la Commission, du 23 juin 1981, portant cinquième modification du règlement n° 2730/79, deuxième modification du règlement ( CEE ) n° 798/80 et modifiant le règlement ( CEE ) n°
52/81, en ce qui concerne en particulier les délais fixés pour la présentation des documents nécessaires aux paiements à effectuer ( JO L 166, p . 9 ).

6 L' article 31 du règlement n° 2730/79 dispose en outre, en son paragraphe 2, que, si le document douanier, le certificat de dédouanement ou les documents de substitution ( ci-après "documents douaniers ") n' ont pu être produits dans les délais, bien que l' exportateur ait fait diligence pour se les procurer en temps utile, des délais supplémentaires peuvent être accordés pour leur production . Cette faculté a été ultérieurement étendue à l' hypothèse du retard dans le dépôt des documents de
transport, par l' article 1er, point 14, du règlement ( CEE ) n° 568/85 de la Commission, du 4 mars 1985, portant dixième modification du règlement n° 2730/79 ( JO L 65, p . 5 ), dont l' entrée en vigueur est postérieure aux faits litigieux .

7 En janvier 1981, Philipp Brothers a obtenu de l' organisme belge d' intervention, l' Office central des contingents et des licences ( ci-après "OCCL "), deux certificats d' exportation de blé tendre à destination de la Finlande et de la Norvège . Le 18 mars suivant, l' OCCL lui a versé des avances correspondant à la totalité des restitutions préfixées pour les deux opérations, soit respectivement 4 351 899 et 8 298 816 BFR . Philipp Brothers a constitué, par l' intermédiaire d' une banque, les
cautions requises .

8 Le 24 avril 1981, l' OCCL a libéré la caution relative à l' exportation vers la Norvège; le 3 février 1982, celle relative à l' exportation à destination de la Finlande . L' OCCL a ensuite soutenu que la libération des cautions était due à une erreur administrative . Estimant que Philipp Brothers était tenue de prouver que les deux opérations avaient eu lieu, l' OCCL lui a demandé, le 10 août 1981, de produire les documents réglementaires . N' ayant pas reçu de réponse, l' OCCL a réclamé, le 27
août 1982, le remboursement du montant des restitutions avancées, majoré de 15 %.

9 Le 17 septembre 1982, Philipp Brothers a fait parvenir à l' OCCL le document douanier relatif à l' opération norvégienne, en copie certifiée conforme, ainsi que celui afférent à l' opération finlandaise, sous forme de copie simple . Le 24 décembre 1982, des copies des documents de transport ont été envoyées à l' OCCL, avec l' indication que les originaux avaient été expédiés le 19 août 1981 . Le 22 mars 1983, l' OCCL a réitéré sa demande de remboursement, alléguant que les documents étaient
parvenus hors délai et que, de surcroît, le document douanier finlandais n' avait pas été transmis en copie certifiée conforme . Par ailleurs, le 15 avril 1983, l' OCCL a rejeté une demande de Philipp Brothers tendant à l' octroi de délais supplémentaires pour la régularisation des dossiers . Étant donné que l' OCCL n' avait pu recouvrer les montants réclamés, l' État belge a saisi le tribunal de grande instance de Paris, puis, en appel, la cour d' appel de Paris .

10 Cette dernière a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

"1 ) La libération de la caution prévue à l' article 25 du règlement n° 2730/79, du 29 novembre 1979, par l' organisme national d' intervention de l' État membre qui a versé l' avance d' une restitution à l' exportation, a-t-elle pour effet d' exonérer l' exportateur, en tout ou partie, de ses obligations, spécialement quant aux formes et délais de production des preuves exigées pour bénéficier de la restitution?

2 ) Une erreur quelconque de l' administration est-elle de nature à permettre de remettre en cause la portée de la décision de libération de la caution susvisée?

3 ) La demande des délais supplémentaires prévus à l' article 31, paragraphe 2, du règlement précité doit-elle être formée avant l' expiration du délai ordinaire de forclusion?

4 ) L' article 31, paragraphe 2, du règlement précité subordonne-t-il à la constatation de la force majeure l' octroi de délais supplémentaires pour la production de documents douaniers de substitution?

5 ) L' article 31, paragraphe 2, du règlement précité s' applique-t-il par analogie à la production des documents de transport des produits exportés?

6)En cas de réponse négative à la cinquième question, l' article 31, paragraphe 2, du règlement précité, par la discrimination qu' il opère entre deux catégories de preuves, est-il valide, au regard du principe de la proportionnalité?

7)Les articles 25 et 31 du règlement précité sont-ils valides, au regard du principe de la proportionnalité, en ce qu' ils mettent à la charge de l' exportateur le remboursement de la restitution perçue d' avance, majorée de 15 %, lorsque les preuves de l' exportation, du transport et de la mise à la consommation n' ont pas été produites en temps utile, bien que l' opération ait été effectivement réalisée?"

11 Pour un plus ample exposé des faits de l' affaire au principal, des dispositions communautaires en cause ainsi que du déroulement de la procédure et des observations écrites présentées à la Cour, il est renvoyé au rapport d' audience . Ces éléments du dossier ne sont repris ci-dessous que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour .

Sur les effets de la libération de la caution ( première et deuxième questions )

12 Les deux premières questions posées par le juge national visent à savoir, en substance, si la libération erronée, par l' organisme national d' intervention, de la caution prévue à l' article 25 du règlement n° 2730/79 a pour effet de libérer l' exportateur de ses obligations, spécialement quant aux formes et aux délais de production des preuves exigées pour la restitution .

13 Il convient de rappeler, à cet égard, que, dans l' arrêt du 5 décembre 1985, Direktoratet for Markedsordningerne/Corman, point 44 ( 124/83, Rec . p . 3777 ), la Cour a jugé que la libération de la caution ne faisait pas obstacle à un recours contre l' adjudicataire d' une vente de beurre détenu par les organismes d' intervention pour manquement à ses obligations . La Cour a estimé, en effet, que la réglementation communautaire imposait une responsabilité à l' adjudicataire indépendamment de la
caution, dont la libération ne pouvait l' exonérer de ses obligations .

14 Le principe ainsi énoncé doit également trouver application dans le cas où un exportateur ayant bénéficié d' avances sur restitution n' apporterait pas la preuve que la marchandise a été effectivement importée dans le pays tiers de destination .

15 Il est à considérer, cependant, que, dans certaines circonstances, la libération erronée de la caution a pu faire croire à l' exportateur que le dossier était définitivement clos, l' organisme national d' intervention ayant estimé que la marchandise avait été mise à la consommation dans le pays de destination . Dans de telles circonstances, il incombe à l' organisme national d' intervention, appelé à décider de l' octroi de délais supplémentaires pour la production des documents requis, de
prendre en considération les répercussions que son erreur a pu avoir sur le comportement de l' exportateur .

16 Il y a lieu, dès lors, de répondre aux deux premières questions en ce sens que la libération erronée, par l' organisme national d' intervention, de la caution prévue à l' article 25 du règlement n° 2730/79 de la Commission, du 29 novembre 1979, portant modalités communes d' application du régime des restitutions à l' exportation pour les produits agricoles, n' a pas pour effet de libérer l' exportateur de ses obligations . L' organisme d' intervention, dans sa décision sur l' octroi de délais
supplémentaires pour la production des documents réglementaires, est tenu de prendre en considération les conséquences que son erreur a pu avoir sur le comportement de l' exportateur .

Sur le délai pour la présentation de la demande de délais supplémentaires ( troisième question )

17 Il convient d' observer que le texte de l' article 31, paragraphe 2, du règlement n° 2730/79 autorise l' octroi de délais supplémentaires "lorsque les documents exigés ... n' ont pas pu être produits dans les délais prescrits, bien que l' exportateur ait fait diligence pour se les procurer dans ces délais ". Cette formulation indique clairement que la demande de délais supplémentaires peut être formée même après l' expiration du délai imparti pour la production des documents .

18 Cette interprétation est corroborée par la considération que l' exportateur pourrait n' avoir connaissance de l' impossibilité de produire les documents requis qu' à une date rapprochée de l' expiration du délai imparti à cet effet . Dans ces conditions, il pourrait se trouver empêché de présenter sa demande avant l' expiration de ce délai ( voir, dans le même sens, l' arrêt du 30 janvier 1974, Kampffmeyer/Einfuhr - und Vorratsstelle fuer Getreide und Futtermittel, 158/73, Rec . p . 101 ).

19 Il y a lieu d' ajouter que l' article 31, précité, subordonne expressément l' octroi de délais supplémentaires à la condition que l' exportateur ait fait diligence pour se procurer les documents douaniers dans les délais réglementaires . Il incombe à l' exportateur de fournir la preuve que cette condition est remplie .

20 Par ailleurs, il résulte de l' économie de ladite disposition que l' exportateur est tenu de faire valoir ses prétentions de la manière la plus diligente ( voir également l' arrêt du 28 mai 1974, Einfuhr - und Vorratsstelle fuer Getreide und Futtermittel/Pfuetzenreuter, 3/74, Rec . p . 589 ) et qu' il lui appartient de justifier tout retard dans la présentation de la demande visant à l' octroi de délais supplémentaires .

21 Il y a donc lieu de répondre à la troisième question que la demande de délais supplémentaires prévue à l' article 31, paragraphe 2, du règlement n° 2730/79 peut être formée même après l' expiration des délais impartis pour la production des documents douaniers, à condition que l' exportateur prouve qu' il a fait diligence pour se procurer ces documents dans les délais et qu' il justifie tout retard dans l' introduction de sa demande .

Sur les conditions d' octroi de délais supplémentaires ( quatrième question )

22 Il résulte clairement du libellé de l' article 31, paragraphe 2, que l' octroi de délais supplémentaires pour la production des documents douaniers n' est pas subordonné à la constatation de la force majeure, mais uniquement à la condition que l' exportateur ait fait diligence pour se procurer lesdits documents .

23 Par ailleurs, la lecture conjointe des deux premiers paragraphes de l' article 31 exclut toute autre interprétation . Le paragraphe 1 prévoyant lui-même l' hypothèse de la force majeure en tant qu' exception à l' obligation de déposer le dossier dans les six mois suivant le jour d' accomplissement des formalités douanières, le paragraphe 2 serait dépourvu de portée pratique s' il se bornait à répéter, pour le cas particulier du document douanier, ce qui se trouve énoncé de manière générale au
paragraphe précédent .

24 Il y a donc lieu de répondre à la quatrième question que l' article 31, paragraphe 2, du règlement n° 2730/79 ne subordonne pas l' octroi de délais supplémentaires à la constatation de l' existence d' un cas de force majeure, mais uniquement à la condition que l' exportateur ait fait diligence pour se procurer les documents douaniers dans les délais ordinaires .

Sur l' octroi de délais supplémentaires pour la production des documents de transport ( cinquième et sixième questions )

25 Par ses cinquième et sixième questions, le juge national veut savoir, en substance, si l' article 31, paragraphe 2, du règlement n° 2730/79 permet à l' organisme d' intervention d' octroyer des délais supplémentaires non seulement pour le dépôt des documents douaniers, mais également pour la production des documents de transport . En cas de réponse négative, le juge de renvoi demande encore si ladite disposition est valide au regard du principe de proportionnalité .

26 Il convient de constater, en premier lieu, que le libellé de l' article 31, paragraphe 2, ne mentionne que les documents douaniers, de sorte qu' aucune possibilité d' octroi de délais supplémentaires pour le dépôt des documents de transport n' est expressément prévue, en dehors du cas de force majeure visé au paragraphe 1 dudit article .

27 Il y a lieu de relever ensuite, comme la Commission et l' État belge l' ont observé à juste titre, que la distinction ainsi effectuée entre documents douaniers et documents de transport peut s' expliquer par la considération que les exportateurs risquent de se heurter à des difficultés pour obtenir les documents douaniers de la part des autorités de l' État tiers d' importation, sur lesquelles ils ne disposent d' aucun moyen de pression . En revanche, il ne peut y avoir de difficulté comparable
s' agissant des documents de transport, dont les exportateurs détiennent une copie en tant que commanditaires du transport, lorsqu' il s' agit d' une vente caf, ou dont ils peuvent aisément exiger une copie certifiée conforme de la part des acheteurs, en vertu des rapports contractuels qui les lient à ces derniers, en cas de vente fob .

28 De son côté, Philipp Brothers a fait valoir que, si le document de transport est la seule pièce manquante dans le dossier, il faut nécessairement admettre que la marchandise a été transportée dans le pays tiers en vue de sa mise à la consommation, dont la preuve est justement fournie par le document douanier . Dans ce cas, il serait contraire au principe de proportionnalité que la caution reste acquise parce que le document de transport n' a pas été présenté en temps utile . En revanche, si l'
exportateur a obtenu un délai supplémentaire pour le dépôt des documents douaniers, il serait absurde d' exclure cette prorogation pour le document de transport, étant donné que la date d' apurement définitif de la situation administrative est en toute hypothèse reportée .

29 Selon Philipp Brothers, la Commission aurait elle-même reconnu que les documents de transport ne pouvaient être exclus de la faculté d' octroyer des délais supplémentaires lorsqu' elle a modifié en ce sens, par son règlement n° 568/85, la disposition de l' article 31 du règlement n° 2730/79 .

30 A l' égard de ce dernier argument, il convient de constater que, comme la Commission l' a expliqué en répondant à une question écrite posée par la Cour, la modification apportée par le règlement n° 568/85 avait pour objectif de simplifier la gestion administrative des dossiers de la part des organismes nationaux d' intervention . Partant, elle n' implique nullement que la distinction entre les deux catégories de documents résultant de l' article 31, paragraphe 2, dans sa version originale, soit
contraire au principe de proportionnalité .

31 Il y a lieu, ensuite, d' observer que cette différence de traitement se fonde sur des raisons objectives, mentionnées ci-dessus ( point 27 ) et tenant à la plus ou moins grande facilité de se procurer les documents en question .

32 Il y a donc lieu de répondre aux cinquième et sixième questions que l' article 31, paragraphe 2, doit être interprété en ce sens qu' il n' autorise pas l' octroi de délais supplémentaires pour la production des documents de transport . L' examen de la sixième question posée par la juridiction de renvoi n' a révélé aucun élément de nature à affecter la validité de cette disposition .

Sur la validité des articles 25 et 31 du règlement n° 2730/79 au regard du principe de proportionnalité ( septième question )

33 Il ressort des motifs de l' arrêt de renvoi que, selon la juridiction nationale, il pourrait paraître contraire au principe de proportionnalité de sanctionner le défaut de production, dans un délai impératif, des preuves réglementaires d' une opération effectivement réalisée, par la perte du montant de la restitution préfinancée, majoré de 15 %. En effet, l' obligation essentielle que la caution doit garantir serait la réalisation effective de l' exportation, et non le dépôt de ces documents .

34 Il convient de rappeler, à cet égard, la jurisprudence constante de la Cour ( voir, en dernier lieu, arrêt du 27 juin 1990, Lingenfelser/République fédérale d' Allemagne, C-118/89, Rec . p . 0000 ), selon laquelle, afin d' établir si une disposition du droit communautaire est conforme au principe de proportionnalité, il y a lieu d' examiner si les moyens qu' elle met en oeuvre pour réaliser l' objectif qu' elle vise s' accordent avec l' importance de celui-ci et s' ils sont nécessaires pour l'
atteindre .

35 En l' espèce, l' objectif poursuivi par le régime de préfinancement des restitutions et par la caution qui s' y rattache résulte du dix-neuvième considérant dudit règlement, selon lequel, "afin de faciliter aux exportateurs le financement de leurs exportations, il convient d' autoriser les États membres à leur avancer, dès l' accomplissement des formalités douanières d' exportation, tout ou partie du montant de la restitution, sous réserve de la constitution d' une caution garantissant le
remboursement de cette avance dans le cas où il apparaîtrait ultérieurement que la restitution ne devait pas être payée ".

36 Par ailleurs, l' objectif de la fixation d' un délai impératif pour le dépôt des documents douaniers et de transport est énoncé dans le vingt-troisième considérant du règlement n° 2730/79, aux termes duquel, "pour des raisons de bonne gestion administrative, il convient d' exiger que la demande et tous les autres documents nécessaires au paiement de la restitution soient déposés dans un délai raisonnable ".

37 Il convient de relever, en outre, que la circonstance que le montant de la caution prévue par l' article 25, paragraphe 1, du règlement n° 2730/79 soit supérieure de 15 % au montant de l' avance reçue par l' exportateur s' explique par le souci d' éviter que l' exportateur bénéficie d' un avantage financier injustifié au cours de la période comprise entre le versement de l' avance et l' acquisition éventuelle de la caution dans l' hypothèse où l' exportation n' aurait pas lieu .

38 Au vu de ces circonstances, il y a lieu de conclure que l' instauration d' un délai impératif pour le dépôt des documents nécessaires pour rapporter la preuve de l' exportation est une mesure nécessaire pour éviter que l' exportateur ne bénéficie d' un avantage indu .

39 La fixation de ce délai à six mois n' est pas déraisonnable, si l' on considère qu' il est dans l' intérêt même des opérateurs économiques d' obtenir la libération de la caution dans le plus bref délai possible, que les organismes d' intervention ne peuvent garder indéfiniment ouverts des dossiers relatifs à des opérations pour lesquelles l' État membre a payé des avances sur restitutions, que l' octroi de délais supplémentaires est admis pour le dépôt des documents douaniers, dont l' acquisition
auprès des autorités des pays tiers peut comporter des difficultés, et qu' une exception est prévue pour les cas de force majeure .

40 Il s' ensuit que, dans l' hypothèse où les documents réglementaires ne seraient pas déposés dans un délai de six mois, la sanction consistant dans la perte de la caution ou le paiement d' un montant correspondant lorsque la caution a été libérée n' est pas disproportionnée par rapport aux finalités de la réglementation en cause et aux exigences inhérentes à la gestion administrative des dossiers relatifs aux restitutions préfinancées .

41 Il y a lieu, dès lors, de répondre à la juridiction nationale que l' examen de la septième question n' a révélé aucun élément de nature à affecter la validité des articles 25 et 31 du règlement n° 2730/79 .

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

42 Les frais exposés par la Commission des Communautés européennes, qui a soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l' objet d' un remboursement . La procédure revêtant, à l' égard des parties au principal, le caractère d' un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens .

Dispositif

Par ces motifs,

LA COUR ( sixième chambre ),

statuant sur les questions à elle soumises par la cour d' appel de Paris, par arrêt avant dire droit du 3 février 1989, dit pour droit :

1 ) La libération erronée, par l' organisme national d' intervention, de la caution prévue à l' article 25 du règlement ( CEE ) n° 2730/79 de la Commission, du 29 novembre 1979, portant modalités communes d' application du régime des restitutions à l' exportation pour les produits agricoles, n' a pas pour effet de libérer l' exportateur de ses obligations . L' organisme d' intervention, dans sa décision sur l' octroi de délais supplémentaires pour la production des documents réglementaires, est tenu
de prendre en considération les conséquences que son erreur a pu avoir sur le comportement de l' exportateur .

2 ) La demande de délais supplémentaires prévue à l' article 31, paragraphe 2, du règlement n° 2730/79 peut être formée même après l' expiration des délais impartis pour la production des documents douaniers, à condition que l' exportateur prouve qu' il a fait diligence pour se procurer ces documents dans les délais et qu' il justifie tout retard dans l' introduction de sa demande .

3 ) L' article 31, paragraphe 2, du règlement n° 2730/79 ne subordonne pas l' octroi de délais supplémentaires à la constatation de l' existence d' un cas de force majeure, mais uniquement à la condition que l' exportateur ait fait diligence pour se procurer les documents douaniers dans les délais ordinaires .

4 ) L' article 31, paragraphe 2, doit être interprété en ce sens qu' il n' autorise pas l' octroi de délais supplémentaires pour la production des documents de transport . L' examen de la sixième question posée par la juridiction de renvoi n' a révélé aucun élément de nature à affecter la validité de cette disposition .

5 ) L' examen de la septième question n' a révélé aucun élément de nature à affecter la validité des articles 25 et 31 du règlement n° 2730/79 .


Synthèse
Formation : Sixième chambre
Numéro d'arrêt : C-155/89
Date de la décision : 12/07/1990
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Cour d'appel de Paris - France.

Agriculture - Avances sur restitutions à l'exportation - Libération erronée de la caution - Non-respect des délais pour le dépôt de documents - Octroi de délais supplémentaires - Forclusion - Conséquences - Proportionnalité.

Céréales

Agriculture et Pêche


Parties
Demandeurs : État belge
Défendeurs : Philipp Brothers SA.

Composition du Tribunal
Avocat général : Mischo
Rapporteur ?: Mancini

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1990:312

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