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27/03/1990 | CJUE | N°C-9/89

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour du 27 mars 1990., Royaume d'Espagne contre Conseil des Communautés européennes., 27/03/1990, C-9/89


Avis juridique important

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61989J0009

Arrêt de la Cour du 27 mars 1990. - Royaume d'Espagne contre Conseil des Communautés européennes. - Pêche - Limitation de capture - Mesures de contrôle. - Affaire C-9/89.
Recueil de jurisprudence 1990 page I-01383

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt> Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

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Pêche - Conservation...

Avis juridique important

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61989J0009

Arrêt de la Cour du 27 mars 1990. - Royaume d'Espagne contre Conseil des Communautés européennes. - Pêche - Limitation de capture - Mesures de contrôle. - Affaire C-9/89.
Recueil de jurisprudence 1990 page I-01383

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

++++

Pêche - Conservation des ressources de la mer - Régime de quotas de pêche - Mesures de contrôle - Obligations de contrôle et de répression de l' État membre de débarquement ou de transbordement des captures à l' égard des bateaux battant pavillon d' un autre État membre - Imputation des captures illicites sur les quotas de l' État membre défaillant - Légalité

( Traité CEE, art . 34; règlement du Conseil n 2241/87, tel que modifié par le règlement n 3483/88, art . 9 bis et 11 bis, ter et quater )

Sommaire

L' obligation, pour l' État membre dans les ports duquel a été opéré, par des bateaux battant pavillon d' un autre État membre, le débarquement ou le transbordement de captures soumises à quota, de fournir, à sa demande, à l' État de pavillon des informations sur ces captures ainsi que celle de contrôler la présence à bord d' unelicence s' insèrent dans le système de responsabilité conjointe des États membres en matière de contrôle, sur lequel repose le régime communautaire de conservation des
ressources de la mer, de sorte que la légalité de leur introduction par le Conseil ne saurait être contestée .

Ne saurait, par ailleurs, être qualifié de mesure d' effet équivalant à une restriction quantitative à l' exportation le droit reconnu à l' État du pavillon d' un bateau ayant commis des infractions au régime de conservation de subordonner la possibilité pour un tel bateau de débarquer ou de transborder des captures soumises à quota dans un port étranger à la détention à bord d' un document délivré par l' État du pavillon et attestant d' une inspection datant de moins de deux mois .

Enfin, l' obligation, pour l' État membre qui constate une infraction au régime de conservation à l' occasion d' opérations de déchargement ou de transbordement effectuées dans ses ports, d' en poursuivre les responsables, sous réserve de la faculté de transférer, avec l' accord de l' État du pavillon, la poursuite à ce dernier, et la possibilité d' imputer sur les quotas de l' État membre qui ne respecterait pas cette obligation les captures débarquées ou transbordées illicitement ne sauraient pas
davantage être critiquées, dans la mesure où elles ne sont que la traduction de la responsabilité conjointe des États membres pour le contrôle du régime de limitation des captures .

Parties

Dans l' affaire C-9/89,

Royaume d' Espagne, représenté par M . Javier Conde de Saro, directeur général de la coordination juridique et institutionnelle communautaire, et par Mme Rosario Silva de Lapuerta, abogado del Estado, du service du contentieux communautaire, en qualité d' agents, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l' ambassade d' Espagne, 4-6, boulevard Emmanuel-Servais,

partie requérante,

contre

Conseil des Communautés européennes, représenté par MM . Antonio Sacchettini, directeur au service juridique, Jacques Delmoly, administrateur principal audit service, et Germán-Luis Ramos Ruano, membre du même service, en qualité d' agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M . Joerg Kaeser, directeur des affaires juridiques de la Banque européenne d' investissement, 100, boulevard Konrad-Adenauer,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission des Communautés européennes, représentée par ses conseillers juridiques, MM . Robert Caspar Fischer et Francisco José Santaolalla, en qualité d' agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M . Georgios Kremlis, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie intervenante,

et par

Royaume-Uni, représenté par M . J . E . Collins, Assistant Treasury Solicitor, en qualité d' agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de l' ambassade de Grande-Bretagne et d' Irlande du Nord, 14, boulevard Roosevelt,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande en annulation du règlement ( CEE ) n° 3483/88 du Conseil, du 7 novembre 1988, modifiant le règlement ( CEE ) n° 2241/87 établissant certaines mesures de contrôle à l' égard des activités de pêche ( JO L 306, p . 2 ),

LA COUR,

composée de M . O . Due, président, Sir Gordon Slynn et MM . F . A . Schockweiler, présidents de chambre, T . Koopmans, G . F . Mancini, R . Joliet, T . F . O' Higgins, G . C . Rodríguez Iglesias et M . Díez de Velasco, juges,

avocat général : M . M . Darmon

greffier : M . J.-G . Giraud

vu le rapport d' audience et à la suite de la procédure orale du 31 janvier 1990,

ayant entendu l' avocat général en ses conclusions à l' audience du 22 février 1990,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 17 janvier 1989, le royaume d' Espagne a, en vertu de l' article 173, premier alinéa, du traité CEE, demandé l' annulation du règlement ( CEE ) n° 3483/88 du Conseil, du 7 novembre 1988, modifiant le règlement ( CEE ) n° 2241/87 établissant certaines mesures de contrôle à l' égard des activités de pêche ( JO L 306, p . 2 ).

2 Les mesures de contrôle qui font l' objet de la présente affaire sont celles arrêtées conformément aux articles 10 et 11 du règlement ( CEE ) n° 170/83 du Conseil, du 25 janvier 1983, instituant un régime communautaire de conservation et de gestion des ressources de pêche ( JO L 24, p . 1 ). Aux termes de son article 1er, ce règlement vise à instaurer un régime communautaire de conservation et de gestion des ressources de la pêche en vue d' assurer "la protection des fonds de pêche, la
conservation des ressources biologiques de la mer et leur exploitation équilibrée sur des bases durables et dans des conditions économiques et sociales appropriées ". A ces fins, ce régime devait comprendre notamment des mesures de conservation, des règles d' utilisation et de répartition des ressources, des dispositions particulières pour la pêche côtière et des mesures de contrôle .

3 A la suite de modifications substantielles intervenues en matière d' inspection et de contrôle des activités de pêche, le règlement n° 2241/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, établissant certaines mesures de contrôle à l' égard des activités de pêche ( JO L 207, p . 1 ), a procédé, dans un souci de clarté, à la codification des règles applicables en la matière . D' après les considérants du règlement, ces règles doivent comporter des dispositions concernant l' inspection et le contrôle par les
autorités des États membres de tous les bateaux de pêche, y compris les bateaux des pays tiers, tant en mer que dans les ports, et de toutes les activités dont l' inspection devrait permettre de vérifier la mise en oeuvre du règlement et la répression des manquements à la réglementation applicable .

4 Le règlement n° 3483/88, dont la légalité est contestée par le royaume d' Espagne, apporte certaines modifications aux dispositions du règlement n° 2241/87, en y ajoutant cinq nouveaux articles . Selon ses considérants, le règlement s' inspire de la nécessité de renforcer l' application des règles de conservation des ressources de pêche par une amélioration de la coopération entre les États membres pour éviter la surexploitation et prévoit, à cet effet, de permettre aux États membres d' obtenir, à
leur demande, des informations plus rapides et plus précises au sujet des débarquements effectués par leurs bateaux dans un autre État membre .

5 Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et arguments des parties et des parties intervenantes, il est renvoyé au rapport d' audience . Ces éléments du dossier ne sont repris ci-dessous que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour .

6 Les quatre moyens invoqués par le gouvernement espagnol visent, respectivement, les articles 9 bis, 11 bis, 11 ter et 11 quater que le règlement n° 3483/88 a ajoutés aux dispositions du règlement n° 2241/87 . Il convient de les examiner successivement .

a ) Article 9 bis ( communication d' informations )

7 Selon l' article 9 bis, l' État membre d' enregistrement de bateaux de pêche, ou dont ces bateaux battent le pavillon, peut demander aux autres États membres les informations relatives aux débarquements ou transbordements opérés par ces bateaux dans leurs ports ou dans leurs eaux maritimes, lorsque ces informations portent sur un stock ou groupe de stocks particulier soumis à un quota alloué à cet État membre d' enregistrement . Les autres États membres doivent fournir ces informations dans les
quatre jours; celles-ci sont également transmises à la Commission .

8 Le gouvernement espagnol fait grief à cette nouvelle disposition de mettre les opérations de contrôle des activités de pêche à la charge de l' État membre où les débarquements sont effectués et de tranférer ainsi les responsabilités de l' État membre d' enregistrement à celui de débarquement . Les quotas auraient en effet été attribués en fonction du pavillon ou de l' enregistrement des bateaux de pêche, chaque État membre étant ainsi tenu de contrôler l' activité de ses propres bateaux .

9 Il y a lieu de rappeler d' abord, comme le gouvernement britannique et la Commission, parties intervenantes, l' ont fait valoir à juste titre, que le régime qui était applicable avant l' entrée en vigueur du règlement n° 3483/88 imposait le soin de contrôler le respect des règles de limitation des captures à tous les États membres, et non pas au seul État membre d' enregistrement . Selon l' article 1er, paragraphe 1, du règlement n° 2241/87, chaque État membre exerce les contrôles nécessaires "sur
son territoire et dans les eaux maritimes relevant de sa souveraineté ou de sa juridiction"; ces contrôles doivent notamment porter sur les activités de mise à terre, de vente et de stockage de poisson et l' enregistrement des mises à terre et des ventes .

10 Le règlement n° 2241/87 établit dès lors une responsabilité conjointe des États membres pour le contrôle du régime de limitation des captures . C' est dans ce même esprit que l' article 1er, paragraphe 3, du règlement oblige les États membres à coordonner leurs activités de contrôle et à introduire "des mesures permettant à leurs autorités compétentes ainsi qu' à la Commission d' être informées de façon régulière et réciproque de l' expérience acquise ". Or, l' article 9 bis ne fait que préciser
ces obligations d' information .

11 Il convient de considérer, en second lieu, que le gouvernement espagnol n' a pas été en mesure d' indiquer les raisons juridiques qui feraient obstacle à un changement du régime de contrôle tel qu' initialement prévu par le règlement n° 2241/87 . Dans sa requête, il s' est contenté de faire état des nouveaux moyens de contrôle et des dépenses additionnelles qu' entraînerait la nouvelle disposition, sans cependant démontrer pourquoi de tels éléments seraient de nature à mettre en cause la validité
de celle-ci . A l' audience, le gouvernement espagnol a invoqué le principe de proportionnalité, mais il a omis d' expliquer à quel point les mesures introduites par l' article 9 bis seraient plus onéreuses que ce qui est nécessaire en vue d' arriver à un régime cohérent de contrôle .

12 Par conséquent, le moyen du gouvernement espagnol dirigé contre l' article 9 bis doit être rejeté .

b ) Article 11 bis ( contrôle des licences )

13 Un État membre qui subordonne, dans le cadre du quota qui lui a été alloué, les activités de pêche de ses bateaux à un régime de licence doit fournir, en vertu de l' article 11 bis, paragraphe 1, certaines informations à la Commission et aux autres États membres . Aux termes du paragraphe 2 du même article, il est interdit "de capturer, de détenir à bord, de transborder ou de débarquer du poisson dans le cadre du quota considéré sans licence autorisant le bateau à exploiter ce quota" ainsi que
dans les cas où la licence aurait été retirée ou suspendue . Le contrôle de la présence à bord d' une licence peut ainsi incomber aux autorités de l' État membre de débarquement ou de transbordement .

14 Le gouvernement espagnol soutient que cette nouvelle disposition modifie sensiblement le régime général des licences de pêche, en obligeant l' État membre de débarquement à assumer le rôle de gardien d' un régime de licences institué par un autre État membre . Le régime de licences serait ainsi en train de "se communautariser ".

15 A cet égard, il y a lieu de signaler que le règlement n° 170/83 a institué, dès janvier 1983, un "régime communautaire" de conservation et de gestion des ressources de la mer ( article 1er, premier alinéa ). Ce régime comprend, entre autres, des mesures de conservation qui peuvent comporter une limitation des captures (( article 2, paragraphe 2, sous d ) )). A cet effet, le total admissible des captures par stock ou groupe de stocks concerné est fixé en vue de déterminer, sur cette base, le
volume des prises disponibles pour la Communauté ( article 3 ). C' est ce volume qui est ensuite "réparti entre les États membres" ( article 4, paragraphe 1 ). Il appartient aux autorités des États membres de déterminer, en conformité avec les dispositions communautaires applicables, les modalités d' utilisation des quotas qui leur ont été attribués .

16 Il en résulte qu' un régime de licences institué par l' État membre d' enregistrement constitue l' une des méthodes dont les États membres disposent en vue de faire respecter les limites de capture imposées dans le cadre du régime communautaire de conservation . Dès lors, le Conseil pouvait renforcer le respect des régimes de licences, en imposant la collaboration d' États membres autres que celui d' enregistrement, sans violer aucune règle du traité ni aucun principe de droit .

17 Le deuxième moyen du gouvernement espagnol ne saurait donc être accueilli .

c ) Article 11 ter ( contrôle d' attestations )

18 L' article 11 ter vise le problème particulier des bateaux qui ont manqué aux règles de conservation ou aux mesures de contrôle adoptées par la Communauté ou l' État membre d' enregistrement . Pour ce motif, ils peuvent être soumis à des mesures de contrôle supplémentaires prévoyant que, pendant une durée maximale d' un an, ils doivent disposer à bord d' un document certifié par l' État membre d' enregistrement et attestant que celui-ci a inspecté le bateau en question au cours des deux derniers
mois . L' article 11 ter prévoit que de tels bateaux ne peuvent débarquer ou transborder leurs captures de poisson, soumis à quota, dans un port ou dans les eaux maritimes d' un autre État membre sans montrer qu' ils ont l' attestation à leur bord .

19 D' après le gouvernement espagnol, cette mesure de contrôle supplémentaire oblige le bateau concerné à ne pas vendre ses captures dans un État membre de la Communauté sans être, au préalable, retourné dans l' État membre d' enregistrement pour s' y soumettre à une inspection et obtenir l' attestation qui lui permettra de débarquer ses captures dans le port de son choix . Une telle mesure rendrait difficile l' exportation du poisson à partir de l' État membre d' enregistrement et constituerait
ainsi une mesure d' effet équivalant à une restriction quantitative à l' exportation, prohibée par l' article 34 du traité CEE .

20 Il y a lieu de constater d' abord, comme l' a d' ailleurs souligné le Conseil, que l' article 11 ter n' impose pas des restrictions à l' exportation de poissons, mais qu' il porte sur la détention à bord d' un document attestant que le bateau a été inspecté au cours des deux derniers mois . Cette obligation ne s' applique qu' à des bateaux ayant déjà commis des infractions au régime de conservation .

21 Il convient de rappeler ensuite que, selon la jurisprudence de la Cour, l' article 34 vise les seules mesures qui ont pour objet ou pour effet de restreindre spécifiquement les courants d' exportation et d' établir ainsi une différence de traitement entre le commerce intérieur d' un État membre et son commerce d' exportation, de manière à assurer un avantage particulier à la production nationale ou au marché intérieur, au détriment de la production ou du commerce d' autres États membres ( arrêt
du 8 novembre 1979, Groenveld, 15/79, Rec . p . 3409 ).

22 Le gouvernement espagnol n' a pas réussi à démontrer pourquoi l' obligation imposée par la réglementation communautaire de tenir une attestation à bord d' un bateau de pêche serait susceptible de restreindre spécifiquement les courants d' exportation entre les États membres et pourrait donc être considérée comme une entrave à l' exportation au sens de l' article 34 du traité .

23 Le moyen dirigé contre l' article 11 ter doit, dès lors, être rejeté .

d ) Article 11 quater ( poursuite d' infractions )

24 L' article 11 quater concerne les obligations des autorités de l' État membre de débarquement ou de transbordement en matière de sanctions . Lorsque ces autorités constatent certaines infractions au régime de limitation des captures, elles sont tenues d' intenter contre le capitaine du bateau concerné, ou contre toute autre personne responsable, une action pénale ou administrative susceptible d' aboutir à priver les responsables du profit économique de l' infraction ou à tout autre résultat
proportionnel à la gravité de l' infraction et les décourageant efficacement de commettre des infractions ultérieures de même nature . L' État membre de débarquement peut toutefois transférer la poursuite de l' infraction en cause à l' État membre d' enregistrement si celui-ci est d' accord . Les quantités débarquées ou transbordées illégalement peuvent être imputées sur le quota alloué à l' État membre de débarquement ou de transbordement lorsque celui-ci n' engage pas d' action pénale ou
administrative contre les personnes responsables ou ne transfère pas ces poursuites à l' État membre d' enregistrement .

25 Le gouvernement espagnol formule différents griefs à l' encontre de cette disposition dont certains sont tirés du transfert de responsabilités de l' État membre d' enregistrement à celui de débarquement; ces griefs doivent être rejetés pour les motifs déjà évoqués lors de l' examen des moyens dirigés contre les articles 9 bis et 11 bis .

26 Le gouvernement espagnol invoque également deux nouveaux griefs . Selon le premier, les autorités de l' État de débarquement n' auraient pas compétence pour sanctionner des comportements de bateaux étrangers qui n' ont pas eu lieu sur leur territoire, le pouvoir de sanction d' un État ayant, conformément aux règles du droit international public, un caractère territorial . Le deuxième nouveau grief concerne l' imputation des prises illégalement débarquées ou transbordées sur le quota de l' État
membre de débarquement ou de transbordement . Cette mesure constituerait une sanction disproportionnée par rapport à l' objectif poursuivi, qui est d' assurer une application correcte du régime de quotas, et dépourvue de garanties sur le plan de la procédure .

27 En ce qui concerne la compétence de l' État membre de débarquement pour intenter des poursuites contre le capitaine d' un bateau battant pavillon d' un autre État membre, il y a lieu d' observer d' abord que l' article 11 quater, tout en visant à renforcer le système de contrôle, n' oblige pas les États membres à étendre leurs pouvoirs au-delà des limites résultant des principes généralement admis en matière de répartition des compétences pénales entre les États . Le libellé même de l' article se
réfère explicitement aux "dispositions pertinentes de la législation nationale ".

28 Il faut noter ensuite que le dépassement des quotas que le système de contrôle cherche à éviter se réalise non pas par la capture de certains poissons, mais par le débarquement ou le transbordement de prises excédentaires . Il ressort en effet de l' article 1er du règlement n° 2241/87 que les contrôles et inspections imposés par la réglementation communautaire visent "les activités de mise à terre, de vente et de stockage du poisson et l' enregistrement des mises à terre et des ventes ". Les
articles 6 et 7 du même règlement déterminent quelles sont les obligations du capitaine d' un bateau de pêche battant pavillon d' un État membre ou enregistré dans un État membre; ces obligations comportent notamment les déclarations et les informations relatives aux captures que le capitaine doit fournir lors de la mise à terre ou lors du transbordement de quantités quelconques de poissons de stocks ou groupes de stocks soumis à limitation de captures .

29 Il en résulte que les infractions au régime de quota qui doivent être sanctionnées par l' État membre de débarquement ou de transbordement en vertu de l' article 11 quater sont celles qui ont lieu lors de la mise à terre ou du transbordement de captures dans un port de cet État membre ou dans les eaux maritimes relevant de sa souveraineté ou de sa juridiction . Le grief du gouvernement espagnol doit dès lors être rejeté .

30 En ce qui concerne l' imputation des prises illégalement débarquées ou transbordées sur le quota de l' État membre de débarquement ou de transbordement, la Commission a fait valoir que cette imputation ne constitue pas une sanction d' un manquement aux obligations de l' État membre concerné, mais une application de la règle de déduction des quantités capturées en dépassement de quota, déduction nécessaire à la gestion du régime de quotas dans le cadre du total admissible de captures . Sans l'
article 11 quater, cette déduction ne frapperait que l' État membre d' enregistrement, alors même que le dépassement en cause échapperait complètement à son contrôle . L' imputation sur le quota de l' État membre de débarquement constituerait une réaction adéquate aux dépassements qui seraient occasionnés par un contrôle défaillant de la part de cet État membre .

31 Cette argumentation de la Commission doit être accueillie . Le Conseil a pu décider, sans violer le principe de la proportionnalité, que la responsabilité conjointe des États membres pour le contrôle du régime de limitation des captures implique non seulement que certaines tâches d' inspection et de contrôle incombent à l' État membre de débarquement, mais également que la réduction des quotas opérée à la suite de leur dépassement ne soit pas nécessairement effectuée au détriment des quotas
alloués à l' État membre d' enregistrement des bateaux de pêche en cause, lorsque le dépassement s' explique notamment par le fait que l' État membre de débarquement a omis de prendre les mesures de contrôle nécessaires . En effet, il peut être approprié de décider que les quantités débarquées ou transbordées illégalement peuvent être déduites des quotas attribués à l' État membre où ces activités ont eu lieu, lorsque les autorités de cet État membre n' ont ni intenté d' action pénale ou
administrative ni transféré une telle action à l' État membre d' enregistrement .

32 Par ailleurs, il convient de préciser que toute décision de la Commission portant réduction de quotas d' un État membre déterminé peut être contestée par celui-ci par la voie du recours en annulation conformément à l' article 173, premier alinéa, du traité CEE .

33 Il découle de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son ensemble .

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

34 Aux termes de l' article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s' il est conclu en ce sens . Le royaume d' Espagne ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens, y compris les dépens exposés par la Commission . Le gouvernement britannique n' ayant pas conclu en ce qui concerne les dépens relatifs à son intervention, il y a lieu de les laisser à sa charge .

Dispositif

Par ces motifs,

LA COUR

déclare et arrête :

1 ) Le recours est rejeté .

2 ) Le royaume d' Espagne est condamné aux dépens, y compris les dépens exposés par la Commission .

3 ) Le Royaume-Uni supportera ses propres dépens .


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-9/89
Date de la décision : 27/03/1990
Type de recours : Recours en annulation - non fondé

Analyses

Pêche - Limitation de capture - Mesures de contrôle.

Agriculture et Pêche

Politique de la pêche


Parties
Demandeurs : Royaume d'Espagne
Défendeurs : Conseil des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Darmon
Rapporteur ?: Koopmans

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1990:141

Source

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