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20/03/1990 | CJUE | N°C-304/88

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 20 mars 1990., Commission des Communautés européennes contre Royaume de Belgique., 20/03/1990, C-304/88


Avis juridique important

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61988C0304

Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 20 mars 1990. - Commission des Communautés européennes contre Royaume de Belgique. - Manquement - Autorisation d'importation d'animaux vivants et de viandes fraîches provenant d'autres États membres. - Affaire C-304/88.

Recueil de jurisprudence 1990 page I-02801

Conclusions de l'avocat généra...

Avis juridique important

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61988C0304

Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 20 mars 1990. - Commission des Communautés européennes contre Royaume de Belgique. - Manquement - Autorisation d'importation d'animaux vivants et de viandes fraîches provenant d'autres États membres. - Affaire C-304/88.
Recueil de jurisprudence 1990 page I-02801

Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . Le présent recours en manquement introduit à l' encontre du royaume de Belgique vise à vous faire constater l' incompatibilité avec le droit communautaire d' un régime d' autorisation préalable à l' importation d' animaux vivants . Initialement, la Commission avait également mis en cause ce système en ce qu' il s' appliquait aux importations de viande, mais, à la suite d' une modification du droit national adoptée au cours de la procédure, elle s' est désistée à l' audience de ce chef de
manquement .

2 . Il convient de distinguer selon que l' autorisation préalable d' importation s' applique aux bovins et aux porcins d' une part, aux autres animaux vivants, notamment les ovins, les caprins, les volailles et les solipèdes, d' autre part . En effet, dans le premier cas, la Commission allègue une incompatibilité du droit belge avec la directive 64/432/CEE ( 1 ), alors que, dans le second, elle invoque une infraction au seul article 30 du traité . Examinons successivement ces deux hypothèses .

3 . Selon la Commission, la directive 64/432 a réalisé une harmonisation complète des mesures auxquelles les États membres importateurs peuvent recourir en ce qui concerne les espèces qu' elle vise . Dès lors, ces États ne peuvent plus se prévaloir de l' article 36, mais doivent se limiter à un contrôle du certificat délivré par le vétérinaire officiel de l' État d' exportation et à d' éventuels contrôles par sondage, sans préjudice de la mise en oeuvre, le cas échéant, de la clause de sauvegarde de
l' article 9 de la directive . Le caractère complet de ce système exclut la possibilité de prévoir des autorisations d' importations, seraient-elles délivrées automatiquement .

4 . Le gouvernement belge affirme, tout d' abord, que l' autorisation en cause n' apporte ni mesure de contrôle sanitaire ni mesure restrictive pour les échanges intracommunautaires au contrôle sanitaire prévu par la directive 64/432 . Il soutient ensuite que le régime d' autorisation serait destiné à pallier l' absence, dans le cadre de la directive 64/432, d' un système d' information harmonisé . Tant que celui-ci n' est pas réalisé, le système appliqué par la Belgique resterait une nécessité
destinée à atteindre deux objectifs :

- informer l' importateur que l' importation n' est pas interdite pour des raisons sanitaires,

- fournir un document d' information administrative tant à l' intention de l' autorité de contrôle que de l' importateur .

5 . La Belgique paraissant contester l' effet restrictif du régime en cause, rappelons tout d' abord que votre jurisprudence voit dans les autorisations à l' importation une infraction à l' article 30 du traité . Vous avez, en effet, jugé que

"l' article 30 fait obstacle à l' application, dans les rapports intracommunautaires, d' une législation nationale qui maintiendrait l' exigence, fût-elle purement formelle, de licences d' importation ou tout autre procédé similaire" ( 2 ),

en indiquant nettement que

"la libre circulation est un droit dont l' exercice ne peut dépendre d' un pouvoir discrétionnaire ou d' une tolérance de l' administration nationale" ( 3 ).

Ainsi, la circonstance d' un octroi éventuellement automatique d' une autorisation d' importation ne saurait la faire échapper à l' interdiction de l' article 30 du traité .

6 . Or, si, comme l' affirme la Commission, l' harmonisation intervenue dans ce domaine est complète, le royaume de Belgique ne peut plus invoquer l' article 36 et doit se limiter aux procédures prévues par la directive 64/432 .

7 . Rappelons, tout d' abord, l' analyse de votre arrêt Simmenthal ( 4 ) quant à la directive 64/432 . Après avoir rappelé que le rapprochement des législations nationales

"consiste essentiellement à imposer aux États membres expéditeurs l' obligation de veiller au respect d' une série de mesures sanitaires destinées à garantir, entre autres, que les animaux exportés ne constituent pas une source de propagation de maladies contagieuses" ( 5 ),

vous avez observé que,

"en vue de fournir aux autorités compétentes des États membres destinataires l' assurance que le bétail ou les viandes importées répondent aux conditions sanitaires prévues, les directives imposent que les marchandises importées soient accompagnées respectivement d' un certificat sanitaire ou d' un certificat de salubrité attestant l' observation et l' accomplissement des contrôles sanitaires" ( 6 ).

8 . Vous avez ensuite précisé

"que l' article 6 de la directive 64/432 ( animaux ) permet au pays destinataire d' interdire l' introduction d' animaux dans son territoire s' il a été constaté, à l' occasion d' un examen pratiqué aux postes frontaliers par un vétérinaire officiel, que ces animaux sont atteints, suspects d' être atteints ou contaminés d' une maladie soumise à déclaration obligatoire, ou que les dispositions des articles 3 et 4 de la directive n' ont pas été observées;

...;

qu' en outre cette même disposition, en vue de faciliter ces contrôles, permet à chaque État membre de désigner les postes frontaliers qui doivent être utilisés pour l' introduction des animaux et d' exiger que cette entrée lui soit signalée à l' avance" ( 7 ).

9 . Et vous avez conclu

"que ( le système de contrôles sanitaires harmonisé ) a ... pour objet de déplacer le contrôle vers l' État membre expéditeur et de substituer ainsi aux mesures systématiques de protection à la frontière un système uniforme de façon à rendre superflus des contrôles frontaliers multiples tout en ménageant à l' État destinataire la possibilité de veiller à ce que soient réalisées effectivement les garanties résultant du système de contrôles ainsi uniformisé;

qu' il s' ensuit que des contrôles sanitaires systématiques aux frontières des produits visés par les directives précitées ne sont plus nécessaires ni, par conséquent, justifiés au sens de l' article 36, à partir de dates limites fixées dans les directives pour la mise en vigueur des dispositions nationales nécessaires pour se conformer à leurs dispositions" ( 8 ).

10 . Ces rappels illustrent sans ambiguïté que la directive 64/432 a opéré une harmonisation complète des échanges intracommunautaires de bovins et de porcins . Dès lors, un système d' autorisation à l' importation, établi unilatéralement par les États membres, apparaît contraire à l' économie même de ce texte .

11 . Mais l' État défendeur justifie la mesure d' autorisation en cause en invoquant notamment l' absence d' un "système d' information harmonisé" dans la directive .

12 . A cet égard, nous ne pouvons manquer de relever que l' article 6, paragraphe 2, de la directive permet aux États membres d' imposer aux importateurs une déclaration préalable à l' importation, dans un délai maximal de quarante-huit heures . Cette procédure est de nature à permettre, le cas échéant, aux États destinataires d' assurer après importation le "suivi" sanitaire des animaux sur l' importance duquel le gouvernement belge a mis l' accent .

13 . Par ailleurs, les arguments présentés par le gouvernement belge ne nous paraissent nullement corroborer son analyse selon laquelle l' harmonisation ne serait pas complète .

14 . Est invoqué, à cet égard, le libellé de l' exposé des motifs des propositions de règlements ( 9 ) relatifs aux contrôles vétérinaires par lesquels la Commission propose notamment de renoncer aux contrôles vétérinaires aux frontières intérieures . Dans cette perspective, la Commission indique que cette approche globale "implique le recours à un système d' information mutuelle, le développement de ce dernier", termes desquels l' État défendeur déduit qu' en l' état du droit positif le système d'
information ne serait pas harmonisé .

15 . Cette argumentation ne saurait convaincre . En effet, la lecture du document dont s' agit révèle qu' est envisagée une modification de l' intégralité des dispositions régissant les contrôles vétérinaires dans les échanges intracommunautaires .

16 . Il est vrai que ce projet comporte des dispositions "ad hoc" en matière d' information de l' État destinataire par l' État expéditeur . Mais il est essentiel de relever qu' un tel régime apparaît comme la contrepartie de la suppression tant des contrôles vétérinaires à la frontière, encore possible de manière sporadique sous l' empire de la directive 64/432, que de l' article 6, paragraphe 2, de ce dernier texte permettant d' imposer une déclaration préalable à l' importation ( 10 ).

17 . Il ne s' agit donc pas d' harmoniser un système d' information qui serait insuffisant, selon le droit communautaire actuel, mais de prévoir des mesures adaptées à un nouveau contexte dans lequel les contrôles frontaliers, qui sont actuellement possibles pour les échanges de bovins et de porcins dans la mesure précisée ci-dessus, seraient supprimés .

18 . On le voit, l' argumentation de l' État défendeur passe sous silence l' équilibre d' ensemble du projet de règlement dont s' agit . Elle ne démontre en rien que la directive 64/432 comporterait des lacunes en matière d' information de l' État destinataire .

19 . Enfin, la justification de l' autorisation d' importation par le contrôle qu' imposerait la directive 81/389/CEE ( 11 ) est dénuée de toute pertinence . Ce texte a pour seul objet de prévoir un contrôle frontalier des conditions de transport des animaux vivants et ne postule en aucune manière que l' importation puisse être subordonnée à une autorisation préalable .

20 . Nous sommes, en conséquence, conduit à vous inviter à constater que le système mis en place par l' État défendeur, en tant qu' il concerne les bovins et les porcins, est incompatible avec la directive 64/432 .

21 . Examinons, désormais, la compatibilité, au regard de l' article 36, de l' autorisation d' importation en ce qui concerne les autres animaux sur pied . Nos observations seront brèves à cet égard .

22 . En effet,

"la délivrance d' autorisations administratives comporte nécessairement l' exercice d' un certain pouvoir discrétionnaire et est la source d' insécurité juridique pour les opérateurs économiques" ( 12 ).

Elle porte donc une grave atteinte au principe de la libre circulation des marchandises et le respect du principe de proportionnalité nous paraît totalement méconnu par une telle mesure visant, selon le gouvernement belge, à informer les importateurs, notamment, de ce que l' importation n' est pas interdite et à recueillir des renseignements d' ordre administratif .

23 . La disproportion est manifeste entre un régime d' autorisation et ces objectifs . On pourrait d' ailleurs, à propos du premier, mettre en doute sa pertinence : ne s' agit-il pas, en définitive, d' informer l' importateur d' un droit qu' il tire de l' article 30 du traité? Par ailleurs, comme votre jurisprudence l' a déjà précisé ( 13 ), des mesures moins restrictives des échanges, telles une déclaration effectuée par les importateurs ou la production des certificats délivrés dans l' État membre
d' exportation, peuvent assurément suffire à l' État d' importation pour recueillir les renseignements utiles . Le manquement est donc également établi de ce chef .

24 . Par conséquent, nous concluons à ce que vous constatiez qu' en soumettant les importations d' animaux vivants provenant d' autres États membres à l' exigence d' une autorisation préalable, éventuellement délivrée automatiquement, le royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l' article 30 du traité CEE et de la directive 64/432/CEE .

25 . Et nous vous invitons à condamner l' État défendeur aux entiers dépens, y compris ceux afférents au chef de manquement pour lequel la Commission s' est désistée dans la mesure où c' est en cours de procédure que les modifications nécessaires ont été adoptées .

(*) Langue originale : le français .

( 1 ) Du Conseil, du 26 juin 1964, relative à des problèmes de police sanitaire en matière d' échanges intracommunautaires d' animaux des espèces bovine et porcine ( JO 121 du 29.7.1964, p . 1977/64 ).

( 2 ) Arrêt du 8 février 1983, Commission/Royaume-Uni, point 9, ( 124/81, Rec . p . 203 ), souligné par nous .

( 3 ) Ibidem, point 10 .

( 4 ) Arrêt du 15 décembre 1976, 35/76, Rec . p . 1871 .

( 5 ) Point 27 .

( 6 ) Point 29 .

( 7 ) Points 30 et 32, souligné par nous .

( 8 ) Points 35 et 36 .

( 9 ) COM(88 ) 383 final .

( 10 ) Voir, à cet égard, l' article 14, paragraphe 2, de la proposition de règlement .

( 11 ) Du Conseil, du 12 mai 1981, fixant certaines mesures nécessaires à la mise en oeuvre de la directive 77/489/CEE relative à la protection des animaux en transport international ( JO L 150 du 6.6.1981, p . 1 ).

( 12 ) 124/81, précité, point 18 .

( 13 ) 124/81, précité .


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-304/88
Date de la décision : 20/03/1990
Type de recours : Recours en constatation de manquement - fondé

Analyses

Manquement - Autorisation d'importation d'animaux vivants et de viandes fraîches provenant d'autres États membres.

Législation vétérinaire

Libre circulation des marchandises

Mesures d'effet équivalent

Rapprochement des législations

Restrictions quantitatives

Agriculture et Pêche


Parties
Demandeurs : Commission des Communautés européennes
Défendeurs : Royaume de Belgique.

Composition du Tribunal
Avocat général : Darmon
Rapporteur ?: Kakouris

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1990:122

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