La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/01/1990 | CJUE | N°C-362/88

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Lenz présentées le 10 janvier 1990., GB-INNO-BM contre Confédération du commerce luxembourgeois., 10/01/1990, C-362/88


Avis juridique important

|

61988C0362

Conclusions de l'avocat général Lenz présentées le 10 janvier 1990. - GB-INNO-BM contre Confédération du commerce luxembourgeois. - Demande de décision préjudicielle: Cour de cassation - Grand-duché de Luxembourg. - Libre circulation des marchandises - Interdiction nationale

de publier la durée et l'ancien prix d'une offre de vente. - Affaire C-362...

Avis juridique important

|

61988C0362

Conclusions de l'avocat général Lenz présentées le 10 janvier 1990. - GB-INNO-BM contre Confédération du commerce luxembourgeois. - Demande de décision préjudicielle: Cour de cassation - Grand-duché de Luxembourg. - Libre circulation des marchandises - Interdiction nationale de publier la durée et l'ancien prix d'une offre de vente. - Affaire C-362/88.
Recueil de jurisprudence 1990 page I-00667
édition spéciale suédoise page 00349
édition spéciale finnoise page 00367

Conclusions de l'avocat général

++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

A - En fait

1 . La procédure préjudicielle qui fait l' objet des présentes conclusions a pour origine un problème quelque peu atypique, qui pourrait relever du domaine d' application des articles 30 et suivants du traité CEE .

2 . En septembre 1986, la société anonyme belge GB-INNO-BM ( ci-après "INNO "), qui exploite des supermarchés en Belgique, notamment à Arlon près de la frontière belgo-luxembourgeoise, a distribué au grand-duché de Luxembourg des dépliants publicitaires visant à la promotion de vente de ses produits . Ces dépliants comportaient des indications sur la limitation dans le temps de réductions de prix ainsi que l' annonce de prix réduits avec référence aux anciens prix . Cette publicité était conforme à
la législation belge ( 1 ) relative à la concurrence déloyale, mais pas aux dispositions luxembourgeoises alors en vigueur, aux termes desquelles les offres de vente ou ventes en détail comportant temporairement une réduction des prix et pratiquées en dehors des ventes spéciales ou liquidations sont interdites lorsque les offres indiquent leur durée et font référence aux anciens prix .

3 . La Confédération du commerce luxembourgeois ( ci-après "CCL ") a intenté une action contre cette pratique publicitaire et a demandé aux tribunaux luxembourgeois compétents d' interdire ladite pratique à la société INNO par la voie d' une ordonnance de référé . La chambre du tribunal d' arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière commerciale, a rendu une ordonnance en ce sens, contre laquelle la société INNO, après rejet de son appel, s' est pourvue en cassation auprès de la Cour supérieure
de justice de Luxembourg, siégeant comme Cour de cassation .

4 . Cette juridiction a adressé à la Cour, conformément à l' article 177 du traité CEE, la question préjudicielle suivante :

"Les articles 30, 31, premier alinéa, et 36 du traité CEE sont-ils à interpréter en ce sens qu' ils s' opposent à ce que la législation d' un État membre prévoie que les offres de vente ou ventes en détail comportant temporairement une réduction des prix et pratiquées en dehors des ventes spéciales ou liquidations ne sont autorisées qu' à la condition que les offres n' indiquent pas leur durée et qu' aucune référence ne soit faite aux anciens prix?"

5 . Les autres éléments de fait et les arguments des parties à l' affaire seront présentés, autant que de besoin, dans le cadre de nos observations . Pour le reste, nous renvoyons au contenu du rapport d' audience .

B - En droit

6 . La CCL, la République fédérale d' Allemagne ainsi que le grand-duché de Luxembourg estiment que les dispositions litigieuses ne doivent pas être appréciées au regard des articles 30 et suivants du traité, car elles ne visent pas la circulation des marchandises entre États membres, mais concernent seulement la publicité . La vente des marchandises par la société INNO serait faite exclusivement sur le territoire belge, ce qui exclurait d' emblée l' hypothèse d' une entrave au commerce
intracommunautaire .

7 . La société INNO, la Commission ainsi que la République française, en revanche, considèrent les dispositions luxembourgeoises litigieuses comme des mesures d' effet équivalant à des restrictions quantitatives à l' importation au sens de l' article 30 du traité CEE, au motif qu' une législation qui limite ou interdit certaines formes de publicité peut être de nature à restreindre le volume des importations par le fait qu' elle affecte les possibilités de commercialisation pour les produits
importés .

1 . Sur l' application des articles 30 et suivants du traité CEE

8 . Il faut tout d' abord reconnaître que la réglementation nationale litigieuse ne régit pas directement l' importation de marchandises en provenance d' autres États de la Communauté, mais uniquement la publicité pour ces marchandises . Toutefois, cela n' exclut pas l' appréciation d' une telle réglementation au regard des dispositions des articles 30 et suivants du traité CEE, car l' interdiction des mesures d' effet équivalant à des restrictions quantitatives, énoncée à l' article 30 du traité
CEE et reconnue comme d' application extensive, s' étend, selon la jurisprudence constante de la Cour ( 2 ), à tout acte des États membres susceptible d' entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement le commerce intracommunautaire .

9 . Certes, une interdiction de publicité telle que celle qui est en cause n' exclut pas l' importation, dans l' État membre concerné, de produits originaires d' autres États membres ou se trouvant en libre pratique dans ces États; elle peut néanmoins rendre leur commercialisation plus difficile et, partant, entraver au moins indirectement les échanges entre États membres ( 3 ). En effet, une législation qui limite ou interdit certaines formes de publicité et certains moyens de promotion des ventes,
bien qu' elle ne conditionne pas directement les importations, peut être de nature à restreindre le volume de celles-ci par le fait qu' elle affecte les possibilités de commercialisation pour les produits importés ( 4 ).

10 . Par conséquent, le fait que des dispositions nationales en matière de publicité ne puissent pas avoir une incidence directe, mais seulement indirecte, sur le commerce intracommunautaire ne s' oppose pas à l' application des articles 30 et suivants du traité CEE .

11 . De même, le fait que les points de vente pour lesquels la société INNO a fait de la publicité à Luxembourg se trouvent en Belgique n' exclut pas l' application des articles 30 et suivants du traité . Les dispositions visées du traité CEE ne font pas de différence entre le commerce entre États membres pratiqué par des commerçants et les opérations dans lesquelles le client franchit lui-même la frontière en vue de procéder à des achats, pour importer ensuite, à titre privé, sur le territoire de
son État membre la marchandise achetée . La première allusion de la Cour à ces différents aspects des activités commerciales a été faite, semble-t-il, dans son arrêt du 31 janvier 1984 dans les affaires jointes 286/82 et 26/83 ( 5 ), où elle a indiqué, au sujet de la notion de libre prestation des services, que pour permettre l' exécution de la prestation il peut y avoir un déplacement soit du prestataire qui se rend dans l' État membre où le destinataire est établi, soit du destinataire qui se rend
dans l' État d' établissement du prestataire . Dans son arrêt du 7 mars 1989 dans l' affaire 250/87 ( 6 ), la Cour de justice a dû s' appuyer sur des considérations semblables en ce qui concerne la notion d' importation de marchandises lorsqu' elle a apprécié au regard des dispositions des articles 30 et 36 du traité CEE une importation effectuée par une personne privée, pour la déclarer, en définitive, incompatible avec lesdites dispositions .

12 . La situation est la même en l' espèce . Dans la présente affaire, les acheteurs d' un État membre se rendent dans un autre État membre pour y faire des achats à des conditions plus favorables . Ils ne peuvent toutefois le faire que s' ils ont connaissance des conditions de vente en vigueur dans le pays voisin .

13 . Or, comment la population d' un État membre peut-elle être informée des conditions de vente offertes dans un autre État membre s' il est possible d' interdire la publicité correspondante sur la base de la réglementation applicable dans le premier État membre? Une telle interprétation aboutirait précisément à priver la population frontalière des avantages du marché commun et à la maintenir dans une situation périphérique caractérisée par la présence de frontières "qui divisent ". L' élimination
de ces frontières est l' un des objectifs de l' action commune des pays rassemblés au sein de la Communauté ( 7 ). Le maintien d' une telle frontière en ce qui concerne la publicité est donc incompatible avec l' "établissement d' un marché commun", que l' article 2 du traité CEE place au premier rang des objectifs du traité .

14 . En outre, une telle interprétation limiterait la signification de l' objectif formulé au titre I de la deuxième partie du traité, la "libre circulation des marchandises", car, dans une économie de marché, l' information des usagers sur les conditions du marché est essentielle pour le fonctionnement de celui-ci . Aucun des arguments invoqués ne montre que les auteurs du traité souhaitaient une telle limitation . Au contraire, l' interdiction générale formulée à l' égard de "toute mesure d' effet
équivalent ( à des restrictions quantitatives à l' importation )" va dans le sens de notre conception .

15 . Il y a donc lieu de constater l' existence d' un lien avec les échanges entre États membres . C' est ce qui différencie la réglementation nationale litigieuse d' autres dispositions nationales qui relèvent uniquement du domaine de la politique économique et sociale interne et n' ont pas d' incidence sur le commerce extérieur de l' État concerné, telles que, par exemple, les dispositions sur l' interdiction du travail de nuit dans les boulangeries ( 8 ) ou sur l' interdiction des ventes le
dimanche ( 9 ).

16 . A ce stade du raisonnement, il est donc établi que les dispositions d' un État membre sur la publicité relative aux marchandises peuvent également être appréciées au regard des principes des articles 30 et suivants du traité CEE, lorsque l' opération d' achat doit avoir lieu dans un autre État membre et que l' importation de la marchandise achetée vers le territoire du premier État membre est effectuée par le particulier lui-même .

2 . Sur les interdictions de publicité

17 . Comme on l' a déjà indiqué, une législation qui limite ou interdit certaines formes de publicité et certains moyens de promotion des ventes peut être de nature à restreindre le volume des importations par le fait qu' elle affecte les possibilités de commercialisation pour les produits importés . On ne saurait exclure la possibilité que le fait, pour un opérateur concerné, d' être contraint soit d' adopter des systèmes différents de publicité ou de promotion des ventes en fonction des États
membres concernés, soit d' abandonner un système qu' il juge particulièrement efficace, puisse constituer un obstacle aux importations, même si une telle législation s' applique indistinctement aux produits nationaux et aux produits importés ( 10 ). Cela vaut notamment lorsqu' il s' agit, comme en l' espèce, d' une publicité destinée à deux pays de même langue et de même monnaie .

18 . Il résulte d' une jurisprudence constante de la Cour ( 11 ) que, en l' absence d' une réglementation commune de la commercialisation des produits dont il s' agit, les obstacles à la libre circulation intracommunautaire résultant de disparités des réglementations nationales doivent être acceptés dans la mesure où une telle réglementation, indistinctement applicable aux produits nationaux et aux produits importés, peut être justifiée par l' un des motifs d' intérêt public énumérés à l' article 36
du traité CEE ou par des exigences impératives tenant à la défense des consommateurs ou à la loyauté des transactions commerciales . Encore faut-il qu' une telle réglementation soit proportionnée à l' objet visé . Si un État membre dispose d' un choix entre différentes mesures aptes à atteindre le même but, il lui incombe de choisir le moyen qui apporte le moins d' obstacles à la liberté des échanges .

19 . A la lumière de ces considérations, il y a lieu de constater que les seules dispositions communes ou harmonisées existant en matière de publicité sont celles de la directive du Conseil du 10 septembre 1984 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de publicité trompeuse ( 12 ). Celle-ci ne vise toutefois, comme son titre lui-même l' indique, que la publicité trompeuse et autorise en outre les États membres, aux termes
de son article 7, à prévoir une protection plus étendue des consommateurs, des professionnels ainsi que du public en général .

20 . Puisqu' il n' existe donc pas de réglementation communautaire complète en matière de publicité, il y a lieu de vérifier si la réglementation nationale litigieuse peut être justifiée par les exigences impératives susmentionnées . Pour ce faire, les deux interdictions de publicité doivent être examinées séparément .

a ) Sur l' interdiction d' indiquer la durée d' une offre spéciale

21 . Pour justifier cette disposition, le gouvernement luxembourgeois a invoqué la nécessité d' instaurer une transparence des prix dans l' intérêt de tous les usagers et de distinguer les ventes à prix réduits des ventes en solde qui ont lieu légalement deux fois par an . Le législateur luxembourgeois aurait ainsi voulu assainir le marché en limitant les pratiques commerciales susceptibles de léser le consommateur et de perturber le jeu normal de la concurrence . La multiplication de telles
pratiques, conduisant à augmenter en temps normal la marge bénéficiaire corrélativement à la perte subie lors des ventes spéciales, ne serait pas dans l' intérêt des consommateurs .

22 . Lors de l' audience, le gouvernement luxembourgeois a adopté une présentation quelque peu différente en faisant valoir que l' objectif principal de la réglementation litigieuse était la protection des consommateurs, et non pas celle du commerce national .

23 . La CCL observe, en outre, que les ventes spéciales limitées dans le temps avec indication de leur durée perturbent les conditions normales de concurrence entre les entreprises, et ce au détriment du consommateur .

24 . Le gouvernement de la République fédérale d' Allemagne partage cette conception . Il ne faudrait pas qu' un concurrent puisse, par des ventes sortant du cadre du commerce normal, communiquer au public l' idée de certains avantages particuliers et s' assurer ainsi une avance sur ses concurrents . A cela s' ajouterait l' aspect de la protection des consommateurs contre l' exercice d' une influence excessive et dénuée d' objectivité sur leur liberté de décision économique . A cet égard, la
protection contre l' incitation à l' achat, que provoquerait psychologiquement la limitation de l' offre dans le temps, jouerait un rôle majeur .

25 . La société INNO, le gouvernement français ainsi que la Commission estiment que l' interdiction d' indiquer la durée de la vente spéciale n' est pas justifiée . La protection du consommateur ne serait pas assurée dès lors que celui-ci se trouve privé d' informations exactes .

26 . En vue de rechercher si l' interdiction d' indiquer la durée des ventes spéciales est justifiée, il y a lieu de se reporter, en premier lieu, aux explications du gouvernement luxembourgeois, qui devrait être le mieux placé pour apporter des informations sur la finalité de ses dispositions nationales . Pour justifier cette interdiction, ledit gouvernement a fait valoir, pour l' essentiel, que les ventes spéciales devaient avant tout, dans l' intérêt des consommateurs, être distinguées clairement
des ventes en solde qui ont lieu légalement deux fois dans l' année .

27 . Toutefois, le gouvernement luxembourgeois a omis d' indiquer pourquoi une telle décision devrait être considérée comme une "exigence impérative" tenant à la protection des consommateurs et de la loyauté dans la concurrence . Il lui serait d' ailleurs, sans doute, difficile de le faire, car les ventes en solde normales ont lieu au cours des deux périodes fixées pour chaque année, si bien qu' il est, de toute façon, nécessairement clair pour le consommateur que les ventes spéciales organisées en
dehors de ces périodes ne peuvent pas constituer des soldes . En outre, il n' a pas non plus montré en quoi le consommateur pourrait avoir intérêt à distinguer entre les ventes spéciales et les ventes en solde .

28 . De même, rien n' indique pour quelles raisons le principe de la transparence en matière de prix nécessiterait de priver le consommateur d' informations qui, comme c' est le cas pour la durée d' une vente spéciale, peuvent lui être utiles pour sa décision d' achat .

29 . Au total, la présence d' exigences impératives tenant à la garantie de la protection des consommateurs n' a donc pas été démontrée .

30 . Il en va de même en ce qui concerne la protection de la loyauté dans la concurrence . Si les opérations de vente spéciale sont autorisées - et elles le sont, en effet, au regard du droit luxembourgeois, seule l' indication de leur durée étant interdite -, on ne voit pas dans quelle mesure il est porté atteinte aux intérêts des concurrents si des informations sont fournies au consommateur sur la durée d' une telle opération . L' atteinte à la structure de la concurrence qui est redoutée par
certaines parties à l' affaire, à supposer qu' elle existe, serait la même en cas d' annonce de la durée de l' opération spéciale .

b ) Sur l' interdiction visant à la comparaison des prix

31 . Le gouvernement luxembourgeois justifie l' interdiction de la référence aux prix antérieurement appliqués par des considérations pratiques visant, d' une part, à la nécessité d' empêcher les commerçants d' organiser, sous le prétexte d' une vente spéciale, des soldes déguisés en dehors des périodes légales . Il s' agirait, d' autre part, d' éviter d' avoir à vérifier les anciens prix .

32 . Au cours de l' audience, le gouvernement luxembourgeois a également renvoyé au risque de tromperie des acheteurs . Le consommateur n' aurait, en définitive, jamais la possibilité de vérifier si l' ancien prix indiqué est bien exact . L' interdiction de la comparaison des prix serait donc dans l' intérêt de la protection des consommateurs .

33 . La conception du gouvernement luxembourgeois a reçu le soutien du gouvernement fédéral ainsi que de la CCL, tandis qu' elle est contestée par le gouvernement français, la société INNO et la Commission .

34 . A supposer que le consommateur doive être privé de certaines informations aux fins de sa propre protection, il faudrait pour cela une justification convaincante . En effet, il y a lieu, tout d' abord, de considérer que toute information exacte ne peut qu' être utile au consommateur . L' argument selon lequel l' interdiction de la comparaison des prix vise à rendre superflu un contrôle de l' exactitude de prix indiqués ne suffit pas pour justifier cette interdiction . Il faut noter que les
objectifs de simplification administrative ne sont pas reconnus comme faisant partie des "exigences impératives" susceptibles de limiter le principe de la libre circulation des marchandises .

35 . La protection du consommateur contre la publicité trompeuse, en revanche, ne saurait être rejetée d' emblée comme motif de justification . Il est certain que la publicité trompeuse risque d' amener le consommateur à prendre, lorsqu' il acquiert des biens ou utilise des services, des décisions qui lui sont préjudiciables, comme cela ressort des considérants de la directive du Conseil sur la publicité trompeuse .

36 . Néanmoins, une interdiction absolue de la comparaison des prix paraît disproportionnée, même du point de vue de la protection des consommateurs . En effet, si l' on met dans la balance les intérêts qu' a le consommateur, d' une part, à disposer d' une information complète et, d' autre part, à ne pas être trompé, il paraît suffisant d' interdire la comparaison des prix si elle repose sur des données inexactes et, partant, trompeuses . Cela signifie qu' une comparaison des prix peut être
interdite dès lors qu' en réalité le prix indiqué comme l' ancien prix n' est pas exact .

37 . Enfin, puisque tous les États membres de la Communauté sont tenus, depuis le 1er octobre 1986, en application de l' article 8 de la directive du Conseil sur la publicité trompeuse, plusieurs fois citée, de prendre des mesures contre la publicité trompeuse, une interdiction systématique de la comparaison des prix dans l' intérêt de la protection des consommateurs paraît disproportionnée, car il suffit d' interdire les comparaisons de prix inexactes .

38 . Dans ce contexte, il convient de signaler que, selon la législation belge, dans le cadre de laquelle la société INNO a conçu sa publicité, une comparaison des prix n' est autorisée que s' il est fait référence au prix habituellement pratiqué . Le prix considéré comme habituel est, en règle générale, celui qui a été demandé pendant la période d' un mois avant la réduction ( 13 ).

39 . Le contrôle efficace de l' application d' une telle législation est garanti non seulement par les autorités et les consommateurs, mais aussi par la concurrence . Ce fait a été signalé à juste titre par la demanderesse au principal .

40 . Le gouvernement fédéral soutient que la protection contre la concurrence déloyale relève de la protection de la propriété industrielle et commerciale prévue à l' article 36 du traité CEE . Sur ce point, il nous suffira d' observer qu' il ne s' agit pas ici, selon nous, d' un cas de concurrence déloyale et que les dispositions de l' article 36 ne sauraient être invoquées à l' encontre d' une concurrence normale .

41 . Il s' ensuit que la législation luxembourgeoise litigieuse ne peut pas être appliquée à la publicité distribuée au Luxembourg par la demanderesse établie en Belgique, mais qu' elle reste applicable, comme par le passé, au commerce luxembourgeois . C' est au législateur luxembourgeois, et non pas à la Cour, d' en tirer les conséquences . Ce point a été souligné à juste titre par le gouvernement français .

c ) Sur la clause de "standstill" de l' article 31 du traité CEE

42 . Sur le point de savoir en quoi la clause de "standstill" de l' article 31, premier alinéa, du traité CEE pourrait intervenir dans cette affaire, aucun élément ne ressort des déclarations des parties ni de la demande préjudicielle elle-même . En particulier, rien n' indique que le règlement grand-ducal du 23 décembre 1974 a introduit des restrictions quantitatives n' existant pas auparavant . Pour cette raison, nous ne pouvons pas nous prononcer sur la question de l' application de l' article 31
du traité CEE .

C - Conclusion

43 . Nous proposons donc à la Cour de statuer comme suit sur la question qui lui a été posée :

"Les articles 30 et 36 du traité CEE doivent être interprétés en ce sens qu' ils s' opposent à ce que la législation d' un État membre prévoie que les offres de vente ou ventes en détail d' autres États membres comportant temporairement une réduction des prix et pratiquées en dehors des ventes spéciales ou liquidations ne sont autorisées qu' à la condition que les offres n' indiquent pas leur durée et qu' aucune référence ne soit faite aux anciens prix ."

(*) Langue originale : l' allemand .

( 1 ) Du moins, à la connaissance de la Cour, cette opération publicitaire n' a pas été critiquée par les autorités belges .

( 2 ) Depuis l' arrêt du 11 juillet 1974, Dassonville, 8/74, Rec . p . 837, 852 .

( 3 ) Voir, notamment, les arrêts du 16 décembre 1980, Procédure pénale contre Fietje, 27/80, Rec . p . 3839, 3853, et du 14 juillet 1988, Procédure de redressement judiciaire à l' encontre de Smanor SA, 298/87, Rec . p . 4489 .

( 4 ) Voir l' arrêt du 15 décembre 1982, Procédure pénale contre Oosthoeks Uitgevermaatschappij BV, 286/81, Rec . p . 4575, 4587 .

( 5 ) Arrêt du 31 janvier 1984, Graziana Luisi et Giuseppe Carbone/Ministero del Tesauro, 286/82 et 26/83, Rec . p . 377, 401 .

( 6 ) Arrêt du 7 mars 1989, Heinz Schumacher/Hauptzollamt Frankfurt am Main/Ost, 250/87, Rec . p . 0000 .

( 7 ) Deuxième point du préambule .

( 8 ) Arrêt du 14 juillet 1981, Procédure relative à des amendes contre Sergius Oebel, 155/80, Rec . p . 1993 .

( 9 ) Arrêt du 23 novembre 1989, Torfaen Borough Council/B & Q PLC, 145/88, Rec . p . 0000 .

( 10 ) Voir l' arrêt du 15 décembre 1982, 286/81, p . 4587 ( cité à la note 4 ).

( 11 ) Voir, notamment, les arrêts du 20 février 1979, REWE/Bundesmonopolanstalt fuer Branntwein, 120/78, Rec . p . 649, 662, du 10 novembre 1982, Walter Rau Lebensmittel AG/Desmedt PVBA, 261/81, Rec . p . 3961, 3972, et du 12 mars 1987, Commission/Allemagne, 78/84, Rec . p . 1227, 1270 .

( 12 ) JO L 250, p . 17 .

( 13 ) Article 4, paragraphe 1, de la loi du 14 juillet 1971 sur les pratiques du commerce .


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-362/88
Date de la décision : 10/01/1990
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Cour de cassation - Grand-duché de Luxembourg.

Libre circulation des marchandises - Interdiction nationale de publier la durée et l'ancien prix d'une offre de vente.

Restrictions quantitatives

Protection des consommateurs

Mesures d'effet équivalent

Libre circulation des marchandises


Parties
Demandeurs : GB-INNO-BM
Défendeurs : Confédération du commerce luxembourgeois.

Composition du Tribunal
Avocat général : Lenz
Rapporteur ?: Koopmans

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1990:5

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award