La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/12/1989 | CJUE | N°T-119/89

CJUE | CJUE, Ordonnance du Tribunal de première instance, René Teissonnière contre Commission des Communautés européennes., 14/12/1989, T-119/89


Avis juridique important

|

61989B0119

Ordonnance du Tribunal de première instance (cinquième chambre) du 14 décembre 1989. - René Teissonnière contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaires - Irrecevabilité. - Affaire T-119/89.
Recueil de jurisprudence 1990 page II-00007

Sommairer> Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots c...

Avis juridique important

|

61989B0119

Ordonnance du Tribunal de première instance (cinquième chambre) du 14 décembre 1989. - René Teissonnière contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaires - Irrecevabilité. - Affaire T-119/89.
Recueil de jurisprudence 1990 page II-00007

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

++++

1 . Fonctionnaires - Recours - Intérêt à agir - Décision statuant sur des droits à pension virtuels

( Statut des fonctionnaires, art . 91 )

2 . Fonctionnaires - Recours - Acte faisant grief - Critères - Motivation de l' acte

( Statut des fonctionnaires, art . 90 et 91 )

3 . Fonctionnaires - Recours - Acte faisant grief - Notion - Acte préparatoire - Exclusion

( Statut des fonctionnaires, art . 90 et 91 )

4 . Fonctionnaires - Recours - Réclamation administrative

préalable - Délais - Caractère d' ordre public

( Statut des fonctionnaires, art . 90 et 91 )

Sommaire

1 . S' il est exact qu' avant la mise à la retraite, événement futur incertain, les droits à pension sont des droits virtuels en cours de formation quotidienne, il est non moins évident qu' un acte administratif décidant qu' une période d' activité ne peut être prise en compte pour le calcul des annuités d' ancienneté, ou qu' une décision de refus de faire droit à une demande de bonification prévue par l' article 5 de l' annexe VIII du statut, affecte immédiatement et directement la situation
juridique de l' intéressé, même si cet acte ne doit recevoir exécution qu' ultérieurement . Le fonctionnaire possède donc, par principe, un intérêt légitime, né et actuel, à agir contre un tel acte .

2 . Dans le cadre d' une discussion continue entre une institution et un fonctionnaire, ce dernier est fondé à ne considérer un échange de points de vue comme prise de position définitive de l' administration qu' au moment où il reçoit la première lettre de celle-ci fournissant une motivation de ladite prise de position . A ce moment seulement, il est tenu d' introduire une réclamation dans les délais prévus par le statut .

3 . Un recours est irrecevable lorsqu' il est dirigé contre un acte préparatoire, notamment contre un acte rentrant dans la catégorie des renseignements administratifs, car renvoyant à un acte de caractère décisionnel ultérieur ou n' émanant pas d' une autorité investie du pouvoir de nomination .

Une lettre adressée à un fonctionnaire ne revêt aucun caractère décisionnel dès lors, notamment, que son auteur a pris soin d' attirer expressément l' attention de l' intéressé sur le fait que les calculs de droits à pension qui lui sont communiqués le sont à titre indicatif et doivent encore faire l' objet d' une confirmation ultérieure .

4 . Les délais de réclamation et de recours fixés par les articles 90 et 91 du statut sont d' ordre public et ne sont pas à la disposition des parties ou du juge, dès lors qu' ils ont été institués en vue d' assurer la clarté et la sécurité des situations juridiques .

Parties

Dans l' affaire T-119/89,

René Teissonnière, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, domicilié à Dakar ( Sénégal ), représenté par M . Edmond Lebrun, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de Me T . Biever, 83, boulevard Grande-Duchesse Charlotte,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par son conseiller juridique, M . Sean Van Raepenbusch, en qualité d' agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M . Georgios Kremlis, membre de son service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d' une part, le calcul des annuités de pension du requérant dans le régime de pension communautaire et, d' autre part, la reconnaissance du droit au bénéfice de l' article 5, de l' annexe VIII du statut,

LE TRIBUNAL ( cinquième chambre ),

composé de MM . H . Kirschner, président de chambre, C . P . Briët et J . Biancarelli, juges,

greffier : M . H . Jung

rend la présente

Ordonnance

Motifs de l'arrêt

1 Par requête déposée au greffe de la Cour de justice le 26 juin 1989, M . Teissonnière a introduit un recours tendant : en premier lieu, à ce que le Tribunal dise pour droit que, pour ses droits à pension dans le régime communautaire, la période pendant laquelle il était agent de l' Agence européenne de coopération ( ci-après "AEC ") soit intégralement prise en compte comme s' il avait été fonctionnaire de la Commission; en deuxième lieu, à ce que le Tribunal dise pour droit qu' il a droit au
bénéfice de la bonification d' ancienneté prévue à l' article 5 de l' annexe VIII du statut; en troisième lieu, à ce que le Tribunal annule la décision de la Commission, d' une part, déterminant les annuités de pension dans le régime communautaire auxquelles il pourrait prétendre en cas de transfert de ses droits à pension acquis auprès de la compagnie d' assurances Generali Belgium, au titre de sa période d' activité à l' AEC, et, d' autre part, lui refusant le bénéfice de la bonification prévue à
l' article 5, premier alinéa, de l' annexe VIII du statut; enfin, à ce que le Tribunal annule la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par la Commission sur sa réclamation enregistrée le 21 décembre 1988 .

2 Par mémoire parvenu au greffe de la Cour le 28 juillet 1989, la Commission a soulevé une exception d' irrecevabilité au titre de l' article 91, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, applicable mutatis mutandis à la procédure devant le Tribunal, et a demandé qu' il soit statué sur cette exception sans engager le débat au fond .

3 Le requérant, né le 2 juin 1925, a été agent de l' AEC du 16 juillet 1966 au 31 décembre 1987 . Le 1er janvier 1988, c' est-à-dire à l' âge de 62 ans et demi, il a été nommé fonctionnaire de la Commission en application du règlement ( Euratom, CECA, CEE ) n 3018/87 du Conseil, du 5 octobre 1987, instituant des mesures particulières et transitoires pour le recrutement des agents outre-mer de l' Association européenne de coopération en tant que fonctionnaires des Communautés européennes ( JO L 286,
p . 1 ).

4 Du 1er janvier 1971 au 31 décembre 1987, les cotisations du requérant ont été versées auprès de la compagnie d' assurances Generali Belgium . Le 26 mars 1988, le requérant a demandé à la Commission d' examiner la possibilité de transférer les droits ainsi acquis vers le régime communautaire, en vertu de l' article 11, paragraphe 2, de l' annexe VIII du statut .

5 Après un premier échange de correspondances, le chef du secteur "transferts" du service spécialisé "pensions" de la Commission ( ci-après "chef du secteur 'transferts' ") a adressé au requérant une lettre, en date du 6 juin 1988, par laquelle il lui faisait part d' un certain nombre de renseignements d' ordre administratif et l' informait, à titre indicatif et sous réserve de confirmation ultérieure, que le transfert des capitaux accumulés auprès de Generali Belgium lui donnerait droit, en
principe, à un crédit d' annuités communautaires de 9 ans, 3 mois et 17 jours, sous réserve d' un accord à intervenir entre la Commission et cette compagnie d' assurances aux fins de permettre un tel transfert .

6 Après un deuxième échange de correspondances entre le requérant et ce fonctionnaire de la Commission, ce dernier a adressé à M . Teissonnière une lettre en date du 27 juillet 1988 dont le contenu est le suivant : en premier lieu, il informe le requérant qu' un accord sur le transfert des droits à pension a été conclu entre la Commission et Generali Belgium; en deuxième lieu, il confirme que le transfert des capitaux acquis auprès de cette compagnie d' assurances correspondrait à des annuités de
pension communautaire à hauteur de 9 ans, 3 mois et 17 jours; en troisième lieu, il fait savoir au requérant que, pour la période du 1er juillet 1966 au 31 décembre 1970, l' AEC a versé directement à ce dernier une allocation pour contribution à pension de retraite, laquelle, par suite, n' est susceptible d' ouvrir droit à aucune annuité supplémentaire de retraite dans le régime communautaire; en quatrième lieu, pour réfuter une argumentation développée par le requérant dans son téléfax du 21 juin
1988, tirée d' une prétendue méconnaissance du principe général d' égalité de traitement, il y répondait en faisant valoir les différences de situations entre le requérant et le fonctionnaire dont la situation avait été invoquée par ce dernier, notamment en ce qui concerne l' âge et le grade de ce fonctionnaire, d' une part, et la circonstance que le requérant, étant entré aux Communautés européennes après l' âge de 60 ans, ne pourrait pas bénéficier, comme ce fonctionnaire, de la bonification
prévue à l' article 5 de l' annexe VIII du statut, d' autre part .

7 Cette lettre du 27 juillet 1988 était assortie à trois reprises de considérations tendant à démontrer son caractère indicatif : "je pourrai vous faire parvenir une proposition officielle de transfert dans les meilleurs délais", "j' ai demandé à Generali une copie de votre certificat d' assurance ... afin de vérifier le montant transférable fin décembre 1988"; "je me permets cependant d' attirer votre attention sur le fait que les calculs de pension qui vous ont été communiqués ont été transmis à
titre indicatif et doivent encore faire l' objet d' une confirmation ultérieure ".

8 Le 19 août 1988, la Commission a adressé au requérant les décomptes d' assurance retraite établis par Generali Belgium au 31 décembre 1987 . En réponse à ce courrier, le requérant a adressé au chef du secteur "transferts" une lettre en date du 24 août 1988, dans laquelle il s' exprime ainsi : "je ne suis pas intéressé par un transfert à la Commission et je demande la liquidation de mes droits à pension" à la compagnie Generali Belgium .

9 Le 8 septembre 1988, le chef du secteur "transferts" a adressé au requérant une lettre dans laquelle il prend acte du refus de transfert au régime communautaire de ses droits à pension et l' informe du classement de son dossier .

10 Le 10 novembre 1988, le requérant a adressé au directeur général de la DG VIII ( Développement ) de la Commission, dont il relève, une lettre dans laquelle il attire l' attention du directeur général sur "l' injustice vers laquelle conduit l' application à mon cas des règles du statut en matière de titularisation pour le calcul de la retraite", en faisant valoir que, dans ces conditions, il recevrait à 65 ans de la Commission une retraite mensuelle d' un montant jugé par lui très faible .

11 Le 9 décembre 1988, le directeur général de la direction générale du développement a répondu au requérant, en premier lieu, que la Commission est tenue de se conformer aux règles statutaires en matière de transfert de droits à pension vers le régime communautaire, en deuxième lieu, que, dans ce domaine, des différences entre groupes de fonctionnaires sont explicables par la prise en compte de plusieurs paramètres et, en troisième lieu, que le montant de la pension indiqué par le requérant ne
correspondrait qu' à 2 ans et 6 mois de services en tant que fonctionnaire de la Commission, dès lors que, pour la période antérieure, l' intéressé dispose du capital accumulé sous le régime de pension que l' AEC offre à ses agents .

12 C' est dans ce contexte que le requérant a adressé une réclamation, enregistrée le 21 décembre 1988 au secrétariat général de la Commission, dans laquelle il demande la révision des modalités de calcul du transfert des droits acquis par lui auprès de Generali Belgium vers le régime communautaire de pension, ainsi que le droit au bénéfice des dispositions de l' article 5, premier alinéa, de l' annexe VIII du statut . Dans cette réclamation, qui se réfère expressément à la lettre du 27 juillet 1988
ci-dessus analysée, le requérant se fonde essentiellement sur le caractère incomplet des renseignements reçus des services de la Commission, en vue d' être informé au mieux en matière de transfert de droits à pension, sur sa bonne foi, sur une prétendue discrimination de traitement entre le règlement de son cas et celui d' autres agents de l' AEC, sur l' équité et sur la nécessité de lui accorder une dérogation individuelle aux règles générales de transfert vers le régime communautaire des droits à
pension .

13 C' est dans ces conditions que M . Teissonnière a introduit le présent recours à l' encontre duquel la Commission a opposé une exception d' irrecevabilité . Par ordonnance du 15 novembre 1989, la Cour a renvoyé l' affaire au Tribunal .

14 La Commission fonde son exception d' irrecevabilité sur les deux moyens suivants : d' une part, elle fait valoir que la décision attaquée, c' est-à-dire la lettre du 27 juillet 1988, ne peut être considérée comme un acte faisant grief, puisqu' elle est tout à la fois un acte confirmatif des précédents courriers de cette institution et préparatoire à la prise de décision, laquelle n' a pu avoir lieu du fait de l' annonce, par le requérant, de son intention de liquider ses droits auprès de Generali
Belgium; d' autre part, la Commission soutient que la réclamation n' a pas été introduite dans le délai de trois mois prévu à l' article 90, paragraphe 2, du statut et qu' elle est donc tardive et, par suite, irrecevable .

15 Le requérant soutient, tout d' abord, que l' exception d' irrecevabilité soulevée par la Commission ne vise que le premier objet du recours, c' est-à-dire le transfert vers le régime communautaire de ses droits à pension acquis auprès de Generali Belgium, et non le deuxième objet de ce recours, qui concerne l' admission au bénéfice des dispositions de l' article 5 de l' annexe VIII du statut . Il fait, ensuite, valoir que la Commission développe une argumentation contradictoire, puisqu' elle
attribue à sa lettre du 27 juillet 1988, tout à la fois la qualification d' acte indicatif, préparatoire et confirmatif; selon lui, lorsqu' il s' agit des droits à pension, il y aurait nécessairement acte faisant grief, peu important alors que la réclamation ait été ou non précédée d' une décision; quant à sa demande de liquidation de droits à pension auprès de Generali Belgium, elle ne constituerait qu' une solution d' attente, l' article 11, paragraphe 2, de l' annexe VIII du statut n' interdisant
pas le transfert vers le régime communautaire de droits à pension lorsque le capital retraite est entre les mains du fonctionnaire concerné; enfin, le requérant estime que, en tout état de cause, la lettre du 27 juillet 1988 ne saurait être considérée comme le point de départ du délai prévu par l' article 90, paragraphe 2, du statut et qu' il convient, en l' espèce, de prendre en compte le droit d' accès à la justice ainsi que le contexte particulier de l' affaire, qui se caractériserait par l'
éloignement du requérant, la complexité de la matière des droits à pension et la surcharge des services concernés de la Commission .

16 En vertu de l' article 91, paragraphe 3, du règlement de procédure de la Cour, applicable mutatis mutandis à la procédure devant le Tribunal, la suite de la procédure sur l' exception soulevée est orale, sauf décision contraire . Le Tribunal estime qu' en l' espèce il est suffisamment informé par l' examen des pièces du dossier et qu' il n' y a pas lieu d' ouvrir la procédure orale .

17 Il convient liminairement de constater que, en vertu de l' article 91, paragraphe 1, du statut, le Tribunal est compétent pour statuer sur tout litige portant sur la légalité des actes faisant grief à une personne visée au statut . Aux termes de l' article 90, paragraphe 2, du statut, l' acte faisant grief consiste soit dans une décision adoptée par l' AIPN, soit dans l' abstention de ladite autorité de prendre une mesure imposée par le statut . L' article 91, paragraphe 2, du statut prévoit que
le recours n' est recevable que si le fonctionnaire a préalablement saisi l' AIPN d' une réclamation dirigée contre l' acte faisant grief et si celle-ci a fait l' objet d' un rejet explicite ou implicite . C' est seulement contre la décision de rejet de la demande du fonctionnaire, laquelle, à défaut de réponse de l' administration, est censée intervenir à l' expiration d' un délai de quatre mois, que l' intéressé peut saisir, dans un nouveau délai de trois mois, l' AIPN d' une réclamation,
conformément au paragraphe 2 de cet article ( arrêt de la Cour du 14 février 1989, Bossi/Commission, 346/87, Rec . p . 0000; ordonnance de la Cour du 4 juin 1987, G . P./Conseil économique et social, 14/86, Rec . p . 2409 ).

18 C' est au regard de ces principes qu' il convient d' examiner les deux moyens articulés par la Commission à l' appui de son exception d' irrecevabilité .

Sur le moyen tiré de l' absence d' acte faisant grief

19 Il convient, en premier lieu, de constater que, contrairement à ce que soutient la Commission, s' il est exact qu' avant la mise à la retraite, événement futur incertain, les droits à pension sont des droits virtuels en cours de formation quotidienne, il est non moins évident qu' un acte administratif décidant qu' une période d' activité ne peut être prise en compte pour le calcul des annuités d' ancienneté, ou qu' une décision de refus de faire droit à la demande de bonification prévue par l'
article 5 de l' annexe VIII du statut, affecte immédiatement et directement la situation juridique de l' intéressé, même si cet acte ne doit recevoir exécution qu' ultérieurement . Le fonctionnaire possède donc, par principe, un intérêt légitime, né et actuel, à agir contre un tel acte ( arrêt de la Cour du 1er février 1979, Fausta Deshormes, 17/78, Rec . p . 189 ).

20 Il importe, en second lieu, de relever que, si l' acte que le requérant entend attaquer n' est pas défini avec précision, il s' agit clairement de la lettre susanalysée du 27 juillet 1988 du chef du secteur "transferts" de la Commission, cela pour les raisons suivantes : elle est expressément visée dans la réclamation du 21 décembre 1988; elle est également visée, à titre principal, dans la requête, à laquelle elle est d' ailleurs jointe en application de l' article 19 du statut CEE et de l'
article 37, paragraphe 4, du règlement de procédure de la Cour applicable mutatis mutandis au Tribunal; enfin, en réponse à l' analyse de la Commission qui est faite dans l' exception d' irrecevabilité et qui n' est pas contestée, par principe, le requérant se borne à soutenir que cette lettre ne peut servir de point de départ au délai de trois mois prévu par l' article 90, paragraphe 2, du statut, mais n' indique aucunement un autre acte qu' il entendrait attaquer, contrairement à une jurisprudence
constante de la Cour, aux termes de laquelle la protection tant des droits de la défense que de ceux des tiers intéressés interdit l' admission d' un recours qui n' individualise pas les actes faisant prétendument grief au requérant ( voir, notamment, arrêt de la Cour du 28 mai 1970, Lacroix/Commission, 30/68, Rec . p . 301 ).

21 Selon une jurisprudence constante de la Cour ( notamment, arrêt du 14 juillet 1981, Maschetti/Commission, 145/80, Rec . p . 1975 ), dans le cadre d' une discussion continue entre une institution et un fonctionnaire, ce dernier est fondé à ne considérer un échange de points de vue comme une prise de position définitive de l' administration qu' au moment où il reçoit la première lettre de celle-ci fournissant une motivation de ladite prise de position . Ce n' est qu' à ce moment qu' il est tenu d'
introduire une réclamation dans les délais prévus par le statut . Par ailleurs, selon une jurisprudence tout aussi constante de la Cour ( voir, notamment, arrêt de la Cour du 1er février 1979, Deshormes/Commission, précité ), un recours est irrecevable lorsqu' il est dirigé contre un acte préparatoire, notamment contre un acte rentrant dans la catégorie des renseignements administratifs, car renvoyant à un acte de caractère décisionnel ultérieur ou n' émanant pas d' une autorité investie du pouvoir
de nomination, ainsi que l' exige le statut pour instituer une décision .

22 En l' espèce, il ressort clairement des pièces du dossier que la lettre du 27 juillet 1988 adressée au requérant et signée pour ordre du chef du secteur "transferts" du service "pensions" de la Commission, sans qu' il soit besoin de se prononcer sur la qualité d' AIPN du signataire, ne revêt aucun caractère décisionnel : en premier lieu, elle suggère au requérant qu' il lui soit transmis une proposition officielle de décision de transfert dans les meilleurs délais; en second lieu, elle subordonne
cette décision à intervenir à la réception, de la part de la compagnie d' assurances Generali Belgium, d' une copie d' un certificat d' assurance; enfin, l' auteur de cette correspondance a pris soin d' attirer expressément l' attention du requérant sur le fait que les calculs de pension qui lui sont communiqués le sont à titre indicatif et doivent encore faire l' objet d' une confirmation ultérieure; il ressort clairement des pièces du dossier que cette dernière constatation de la Commission vise
l' ensemble des modalités de calcul des droits à pension du requérant, qu' il s' agisse du transfert de ses droits précédemment acquis ou des conditions d' admission au bénéfice de l' article 5 de l' annexe VIII du statut . Dans ces conditions, la réclamation du requérant, enregistrée le 21 décembre 1988, n' était pas dirigée contre un acte faisant grief, et le présent recours est irrecevable .

23 Au surplus, il convient de relever que, après réception de la lettre du 24 août 1988 par laquelle le requérant a informé la Commission qu' il n' était plus intéressé par un transfert de ses droits à pension vers le régime communautaire et qu' il demandait la liquidation de ses droits à pension à la compagnie d' assurances Generali Belgium, la Commission n' était nullement tenue de prendre une décision sur la demande initiale du requérant, en date du 24 mars 1988, nécessairement retirée par la
lettre du 24 août 1988 ci-dessus analysée et qu' elle était parfaitement en droit de prendre acte de cette décision du requérant et de classer le dossier de demande de transfert, après avoir transmis sa note à l' AEC .

Sur le moyen tiré de la tardiveté de la réclamation

24 En l' espèce, il ressort de l' examen des pièces du dossier, notamment de la réclamation elle-même, de la lettre du requérant du 24 août 1988 et de la circonstance que ce dernier n' a pas contredit les allégations de la Commission à cet égard que le requérant a eu connaissance de la lettre du 27 juillet 1988, dont il n' est pas contesté qu' elle lui a été transmise par la Commission en téléfax et reçue le jour même, au plus tard au début du mois d' août 1988 .

25 Par suite, en admettant même que la lettre ci-dessus analysée du 27 juillet 1988 puisse être regardée comme un acte faisant grief, ce qui n' est pas le cas, en tout état de cause, la réclamation enregistrée le 21 décembre 1988 serait tardive et le présent recours serait lui-même irrecevable .

26 A cet égard, selon une jurisprudence constante de la Cour ( voir, notamment, arrêt de la Cour du 12 juillet 1984, Moussis/Commission, 227/83, Rec . p . 3133 ), les délais de réclamation et de recours fixés par les articles 90 et 91 du statut des fonctionnaires sont d' ordre public et ne sont pas à la disposition des parties ou du juge, dès lors qu' il ont été institués en vue d' assurer la clarté et la sécurité des situations juridiques .

27 Dans ces conditions, les circonstances alléguées par le requérant dans ses observations sur l' exception d' irrecevabilité, à savoir que le fonctionnaire doit disposer d' un droit d' accès à la justice, que le requérant, étant en poste en Afrique, éprouvait davantage de difficultés à discuter de sa situation avec la Commission, que la matière des droits à pension est particulièrement complexe et, enfin, que les services compétents de la Commission en matière de calcul de droits à pension étaient
surchargés de travail, sont inopérantes et ne sauraient faire échec au caractère d' ordre public qui s' attache aux délais prévus par les articles 90 et 91 du statut .

28 Il résulte de l' ensemble de ce qui précède que le recours doit être rejeté comme irrecevable .

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

29 Aux termes de l' article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, applicable mutatis mutandis à la procédure devant le Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens . Toutefois, selon l' article 70 du même règlement, les frais exposés par les institutions dans les recours des agents des Communautés restent à la charge de celles-ci .

Dispositif

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL ( cinquième chambre )

ordonne :

1 ) Le recours est rejeté comme irrecevable .

2 ) Chacune des parties supportera ses propres dépens .

Fait à Luxembourg, le 14 décembre 1989 .


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : T-119/89
Date de la décision : 14/12/1989
Type de recours : Recours de fonctionnaires - irrecevable

Analyses

Fonctionnaires - Irrecevabilité.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : René Teissonnière
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:1989:7

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award