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17/10/1989 | CJUE | N°C-249/87

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 17 octobre 1989., Françoise Mulfinger et autres contre Commission des Communautés européennes., 17/10/1989, C-249/87


Avis juridique important

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61987C0249

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 17 octobre 1989. - Françoise Mulfinger et autres contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaires - Annulation de contrat de professeur de langue. - Affaire C-249/87.
Recueil de jurisprudence 1989 page 04

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Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

...

Avis juridique important

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61987C0249

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 17 octobre 1989. - Françoise Mulfinger et autres contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaires - Annulation de contrat de professeur de langue. - Affaire C-249/87.
Recueil de jurisprudence 1989 page 04127

Conclusions de l'avocat général

++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . Dans la présente affaire, sept professeurs de langues se plaignent d' avoir été engagés sur la base de contrats conclus avec la Commission qui excluent de façon explicite la possibilité de considérer les contractants comme fonctionnaires ou autres agents des Communautés, et soutiennent que leur emploi aurait dû relever des dispositions du statut des fonctionnaires des Communautés européennes ( ci-après "statut ") ou du régime applicable aux autres agents des Communautés européennes ( ci-après
"régime applicable aux autres agents ").

2 . Tous les requérants ont enseigné pendant un certain nombre d' années des langues pour les besoins de la Commission aux membres du personnel de celle-ci . Les conditions d' emploi ont changé au fil des années . Il apparaît qu' au moins au début des années 80 des contrats individuels ont été conclus pour chaque cours de langue à dispenser, mais, depuis 1983 environ, à la suite de concertations entre la Commission et les organisations représentatives du personnel, des contrats plus généraux à durée
indéterminée ont été conclus, de sorte que les professeurs étaient engagés pour exercer les tâches d' enseignement qui pouvaient leur être confiées, généralement pour une période de 33 semaines par année académique à raison de 15 heures par semaine . Ce changement s' expliquait, semble-t-il, en grande partie par la volonté d' assujettir les professeurs au régime de sécurité sociale belge . Les contrats étaient réputés être régis par la législation belge, mais n' étaient pas cohérents sur le point de
savoir quelle est la juridiction compétente pour connaître des litiges, puisque certains indiquaient la Cour et d' autres les juridictions belges . En 1986, la Commission a soumis à la signature des professeurs un contrat type à durée indéterminée qui prévoyait 15 heures de travail par semaine pendant une période de 33 semaines par année académique, la législation belge comme droit applicable et les juridictions belges comme juridictions compétentes, tout en précisant cette fois, en son article 5,
paragraphe 2, que :

"Au vu de la nature des prestations faisant l' objet du présent contrat, le contractant ne peut être considéré comme agent de la Commission ."

Selon la Commission, 23 professeurs de langues sont actuellement engagés en vertu de ce type de contrats .

3 . Les requérants ont protesté contre l' inclusion de la clause citée ci-dessus, mais la Commission a insisté pour que les nouveaux contrats soient signés sans réserve, ce que les requérants ont fait le 6 novembre 1986 ou à peu près à cette date, tout en indiquant séparément dans une lettre qu' ils maintenaient leurs réserves . Le 6 février 1987, les requérants ont introduit une réclamation au sens de l' article 90, paragraphe 2, du statut, mais, malgré une lettre de rappel envoyée le 19 mai par
les requérants, aucune réponse de la Commission n' est intervenue dans le délai imparti de quatre mois à partir du jour de l' introduction de la réclamation . La requête introductive d' instance a été déposée à la Cour le 19 août 1987 et vise, entre autres, à l' annulation de la décision implicite de rejet de la réclamation . Dans l' intervalle, la réclamation a fait l' objet d' une décision de rejet explicite de la Commission, par lettre du 31 juillet, dont les requérants n' ont apparemment eu
connaissance qu' après avoir introduit leur recours .

4 . Les requérants concluent à ce qu' il plaise à la Cour, en premier lieu, annuler la décision de la Commission d' imposer aux requérants le contrat type de novembre 1986 et la décision implicite de rejet opposée à la réclamation des requérants; en second lieu, condamner la Commission à remplacer le contrat litigieux par un régime couvert par le statut ou par le régime applicable aux autres agents .

5 . S' agissant de la recevabilité du recours, il convient d' évoquer trois points . En premier lieu, en ce qui concerne le second chef de demande des requérants, il est clair qu' il n' entre pas dans la compétence de la Cour de faire droit à une demande telle que celle présentée par les requérants . En conséquence, ce chef de demande est, à vrai dire, irrecevable . Toutefois, si la Cour devait accueillir le recours en annulation, la Commission serait tenue de prendre les mesures que comporte l'
exécution de l' arrêt conformément au principe énoncé à l' article 176 du traité CEE .

6 . En second lieu, si les termes des articles 90 et 91 du statut concernant la compétence de la Cour dans les affaires de fonctionnaires font référence à "toute personne visée au présent statut", et ne couvrent donc pas de façon explicite les requérants en l' espèce, la capacité à agir de ces derniers n' est cependant pas douteuse . Ces termes ont reçu une interprétation large dans de nombreuses affaires et, dans l' affaire 123/84 ( Klein/Commission, Rec . 1985, p . 1907 ), sur laquelle nous
reviendrons plus tard dans le cadre de notre analyse sur le fond de l' affaire, la Cour a dit pour droit que, selon une jurisprudence constante, les dispositions du statut peuvent être invoquées devant la Cour non seulement par les personnes qui ont la qualité de fonctionnaires ou d' agents des Communautés, mais aussi par celles qui revendiquent ces qualités . Certes, dans l' affaire 43/84 ( Maag/Commission, Rec . 1985, p . 2581 ), également examinée ci-après, la Cour a considéré le recours comme
irrecevable, mais elle n' est arrivée à cette conclusion qu' après avoir examiné la question de fond de savoir si le requérant pouvait prétendre à la qualité d' agent communautaire . A notre avis, cette question est de celles qui doivent relever de la compétence de la Cour .

7 . En troisième lieu, l' un des requérants, M . Penella-Rom, occupe désormais un emploi à plein temps près la Commission, après avoir réussi un concours général . Toutefois, il ne fait pas de doute que son recours demeure recevable : à l' évidence, il a encore intérêt à agir, puisque ses droits futurs, et notamment ses droits à pension, peuvent dépendre de la question de savoir s' il pouvait ou non être considéré comme un fonctionnaire ou agent temporaire avant son emploi actuel .

8 . Sur le fond, les requérants avancent quatre moyens que nous examinerons dans l' ordre suivant : premièrement, la violation de l' article 212 du traité instituant la Communauté économique européenne et/ou du titre premier du régime applicable aux autres agents; deuxièmement, le détournement de procédure; troisièmement, la violation du principe de la confiance légitime; quatrièmement, le manquement de l' administration à son devoir de sollicitude envers ses fonctionnaires et autres agents . Les
deux premiers moyens étant connexes, il nous paraît indispensable de les examiner ensemble .

9 . L' article 212 du traité CEE a été, en fait, abrogé par l' article 24, paragraphe 2, du traité de fusion et il appert que les requérants entendent se référer à l' article 24, paragraphe 1, du traité de fusion qui est libellé comme suit :

"Les fonctionnaires et autres agents de la Communauté européenne du charbon et de l' acier, de la Communauté économique européenne et de la Communauté européenne de l' énergie atomique deviennent, à la date de l' entrée en vigueur du présent traité, fonctionnaires et autres agents des Communautés européennes et font partie de l' administration unique de ces Communautés .

Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, arrête, sur proposition de la Commission et après consultation des autres institutions intéressées, le statut des fonctionnaires des Communautés européennes et le régime applicable aux autres agents de ces Communautés ."

10 . Le titre premier du statut, sous l' intitulé "Dispositions générales", comprend les articles 1er à 10 bis du statut . L' alinéa 1 de l' article 1er se lit comme suit :

"Est fonctionnaire des Communautés au sens du présent statut toute personne qui a été nommée dans les conditions prévues à ce statut dans un emploi permanent d' une des institutions des Communautés par un acte écrit de l' autorité investie du pouvoir de nomination de cette institution ."

11 . Le titre premier du régime applicable aux autres agents, également sous l' intitulé "Dispositions générales", comprend les articles 1er à 7 bis de ce régime . En particulier, l' article 1er dispose que :

"Le présent régime s' applique à tout agent engagé par contrat par les Communautés . Cet agent a la qualité : d' agent temporaire, d' agent auxiliaire, d' agent local, de conseiller spécial ."

12 . Dans le cadre de leur premier moyen, les requérants soutiennent que les dispositions précitées prévoient uniquement des fonctionnaires et autres agents, et qu' il ne peut pas exister d' autres catégories de personnel tel que des particuliers engagés par contrats de droit privé à durée indéterminée . Ils font valoir qu' en conséquence toute personne qui fournit des prestations à la Communauté en vertu de tels contrats le fait nécessairement dans le cadre du statut ou dans le cadre du régime
applicable aux autres agents .

13 . A notre avis, il y a lieu d' examiner d' abord s' il est absolument interdit à la Commission d' engager une relation contractuelle telle que celle en cause en l' espèce sous un régime autre que le statut ou le régime applicable aux autres agents . A notre sens, il est clair que cette question appelle une réponse négative . La Commission a la capacité de conclure des contrats ( article 211 du traité CEE ) et d' admettre que ces contrats soient régis par la législation nationale, qu' ils soient
de droit public ou de droit privé ( article 181 du traité CEE; voir également point 11 des motifs de l' arrêt dans l' affaire Porta, épouse Pace/Commission ( Rec . 1982, p . 2469, 2480 ). Cette capacité s' étend aux contrats de prestations de services en dehors du statut et du régime applicable aux autres agents : voir points 20 et 23 des motifs de l' arrêt dans l' affaire 43/84 ( Maag / Commission, Rec . 1985, p . 2581, 2601 et 2602 ); voir également points 9 et 13 des motifs de l' arrêt dans l'
affaire 111/84 ( Institut national d' assurances sociales pour travailleurs indépendants/Cantisani, Rec . 1985, p . 2671, 2677 et 2678 ), points 12 à 26 des motifs de l' arrêt dans l' affaire Klein/Commission, précitée ( Rec . p . 1916 à 1918 ), et points 13 et 14 des motifs de l' arrêt dans l' affaire 432/85 ( Souna / Commission, Rec . 1987, p . 2229 à 2247 ).

14 . Toutefois, la faculté de la Commission de conclure des contrats de prestations de services en dehors du statut et du régime applicable aux autres agents est soumise à certaines limites et la question est alors de savoir où se situent ces limites en l' espèce . A cet égard, il convient de préciser que les rapports établis entre un fonctionnaire et une institution sous le régime du statut sont des rapports non pas contractuels mais statutaires, tandis que les relations juridiques soumises au
régime applicable aux autres agents sont des relations contractuelles .

15 . L' affaire Klein portait sur un contrat d' engagement d' un médecin qui prévoyait une présence hebdomadaire de 16 heures dans les locaux de la Commission et un tarif horaire de ces prestations . La Cour a confirmé la validité de ce contrat dans les termes suivants ( points 24 et 25 des motifs de l' arrêt ):

"Dans de telles conditions, le recrutement de M . Klein par un contrat se référant expressément à la loi belge ne pourrait être regardé comme contraire à l' article 1er du régime applicable aux autres agents que dans l' hypothèse où la Commission aurait défini les conditions d' emploi de l' intéressé non pas en fonction des besoins du service, mais en vue d' échapper à l' application des dispositions de ce régime, et aurait ainsi commis un détournement de procédure .

Les pièces versées au dossier et les débats menés devant la Cour n' ont pas permis d' établir que cette hypothèse se trouvait réalisée en l' espèce ."

16 . Il s' ensuit que la Commission peut conclure un contrat de ce type en dehors du régime applicable aux autres agents si cela correspond aux besoins du service . Il n' a pas été démontré que le contrat en cause dans l' affaire Klein ne correspondait pas à ces besoins . L' affaire Maag fournit un autre exemple en ce qui concerne les interprètes indépendants (" free-lance "). Les besoins du service en question dans cette affaire ont été présentés ( au point 16 des motifs de l' arrêt ) comme étant
des "besoins occasionnels, extrêmement variables selon le rythme des réunions communautaires et des négociations avec les pays tiers, pour lesquels il faut faire appel à un grand nombre de collaborateurs d' appoint, dont les qualifications répondent aux besoins du moment et qui peuvent être engagés d' une manière répétitive pour des périodes de travail d' une durée très limitée ". Les contrats conclus pour répondre à ces besoins en dehors du régime applicable aux autres agents ont été également
considérés comme licites : voir point 20 des motifs de l' arrêt, loco citato .

17 . En revanche, lorsque la relation relève objectivement d' une des catégories définies dans le régime applicable aux autres agents, le fait de la traiter comme relevant d' une autre de ces catégories ou de la soumettre à un contrat tout à fait étranger au régime applicable aux autres agents constituerait un détournement de procédure dans la mesure où cela viserait non pas à satisfaire aux besoins du service, mais à échapper à l' application correcte des dispositions de ce régime : voir arrêt
Klein, loco citato, ainsi que l' affaire 17/78 ( Deshormes/Commission, Rec . 1979, p . 189 ). Cet aspect de la question est l' objet du deuxième moyen ( détournement de procédure ).

18 . Il y a lieu d' appliquer les critères précités aux faits de l' espèce et d' examiner, d' une part, si les contrats conclus entre les requérants et la Commission relèvent objectivement, eu égard à la nature des prestations fournies, du statut ou de l' une des catégories définies dans le régime applicable aux autres agents, et, d' autre part, si ces contrats correspondent aux besoins de l' institution ou s' ils visent, au contraire, à exclure l' application du statut ou du régime applicable aux
autres agents .

19 . D' emblée, il est clair que, en vertu du régime sous lequel ils travaillent actuellement, les requérants ne correspondent à aucune des catégories de personnel relevant du statut ou du régime applicable aux autres agents . Ils ne peuvent pas être considérés comme des "fonctionnaires" au sens de l' article 1er du statut puisqu' ils ne peuvent pas prétendre à un "emploi permanent" au sens de cet article . En outre, il est clair qu' en principe la qualité de fonctionnaire est réservée aux personnes
qui occupent des emplois permanents à plein temps . Comme nous essaierons de le démontrer, les prestations fournies par les requérants à raison de 15 heures par semaine pendant une période de 33 semaines par année académique ( quand bien même les requérants, ainsi qu' ils l' ont affirmé, effectueraient de temps en temps un nombre d' heures plus important ) ne sauraient être considérées comme une activité à plein temps au sens du statut . Les requérants ne relèvent pas non plus des dispositions
régissant le travail à mi-temps, prévues à l' article 55 bis et à l' annexe IV bis au statut . Il est évident que ces dispositions ne sont conçues que pour des périodes limitées et sont expressément qualifiées d' exceptionnelles; les requérants n' effectuent pas le nombre d' heures prévu par ces dispositions et les formalités requises n' ont pas été remplies . Ces dispositions priveraient également les requérants du droit d' exercer une autre activité lucrative, qu' ils demeurent libres d' exercer
en vertu des contrats en cause .

20 . Aux termes de l' article 1er du régime applicable aux autres agents, précité, ce régime s' applique à quatre catégories d' agents, à savoir "agent temporaire, agent auxiliaire, agent local et conseiller spécial ". Les articles 2 à 5 définissent exactement chacune de ces catégories et il est clair que les contrats des requérants ne relèvent d' aucune de ces catégories . Les requérants n' ont pas la qualité d' "agent temporaire", car ils n' exercent manifestement pas des fonctions auprès d' une
personne remplissant un mandat au sens de l' article 2, sous c ), et, puisque leurs contrats sont des contrats à durée indéterminée, ils n' occupent pas un emploi à titre temporaire au sens de l' article 2, sous a ), b ) ou d ) ( voir également arrêt Maag, point 17 des motifs ). Ils n' ont pas la qualité d' "agent auxiliaire" au sens des articles 3 et 52, car, d' une part, ils n' ont pas été engagés en vue de remplacer un fonctionnaire ou un agent temporaire et, d' autre part, la durée effective de
leur engagement excède la durée d' un an . Ils n' ont pas la qualité d' "agent local" telle qu' elle est définie à l' article 4, car ils ont été engagés en vue d' exécuter non pas des "tâches manuelles ou de service", mais des travaux intellectuels . Enfin, ils n' ont pas la qualité de "conseiller spécial" au sens de l' article 5, car ils n' ont pas été engagés pour prêter leur concours à l' institution concernée en raison de leurs "special qualifications ". On observera que la version française de
l' article 5 utilise l' expression "qualifications exceptionnelles" et que dans l' affaire Maag la Cour a admis ( au point 8 des motifs de l' arrêt ) que la qualité de conseiller spécial n' est appropriée que dans des cas exceptionnels .

21 . Le fait que les requérants ne relèvent d' aucune des catégories existantes de fonctionnaires ou d' agents n' écarte cependant pas leur argumentation . Ils peuvent, à juste titre, soutenir que la Commission était tenue, le cas échéant, de modifier les contrats en sorte qu' ils relèvent de ces catégories - par exemple, en offrant, le cas échéant, un emploi à plein temps - ou même que la Commission aurait dû proposer d' apporter des modifications au statut ou au régime applicable aux autres agents
en sorte que les professeurs de langues soient couverts par ces dispositions . La question essentielle reste de savoir si les requérants peuvent exiger, en raison de la nature des prestations qu' ils fournissent, d' être considérés comme des fonctionnaires ou agents des Communautés .

22 . Aux fins de l' analyse de cette question, il y a lieu, à notre avis, d' examiner dans quelle mesure les tâches assumées par les requérants sont accessoires par rapport aux fonctions principales de l' institution, peuvent être exécutées à plein temps et correspondent à un besoin permanent de l' institution . Même des services qui répondent à un besoin permanent de l' institution peuvent, à notre avis, être, à bon droit, assujettis à un régime contractuel en dehors du statut ou du régime
applicable aux autres agents, lorsque les services en question - bien qu' ils revêtent indéniablement de l' importance - sont néanmoins accessoires par rapport aux tâches essentielles assumées par les fonctionnaires communautaires .

23 . Dans une communauté multilingue, il est à l' évidence souhaitable que le personnel des institutions communautaires possède plus d' une langue communautaire . En effet, les exigences minimales en matière de connaissances linguistiques, prévues à l' article 28, sous f ), du statut et, en ce qui concerne les agents temporaires, à l' article 12, paragraphe 2, sous e ), du régime applicable aux autres agents, sont les suivantes :

"une connaissance approfondie d' une des langues des Communautés et une connaissance satisfaisante d' une autre langue des Communautés dans la mesure nécessaire aux fonctions ... à exercer ".

Voilà les exigences minimales, mais il est clair que des connaissances linguistiques plus importantes sont souhaitables, voire nécessaires .

24 . Les requérants cherchent à s' appuyer sur la nécessité absolue pour les fonctionnaires communautaires d' apprendre d' autres langues pour être capables de remplir leurs tâches . Ainsi qu' il a été clairement souligné lors de l' audience, le défaut de communication entre fonctionnaires aboutirait à transformer le bâtiment Berlaymont de la Commission en tour de Babel . Il n' en est pas moins vrai que les tâches essentielles des fonctionnaires de la Commission consistent à élaborer et à mettre en
oeuvre des politiques communautaires . Il faut évidemment qu' ils soient en mesure de communiquer entre eux, mais il leur faut également manger, disposer d' un bureau, rester en bonne santé et ainsi de suite . La Commission peut, à bon droit, conclure des contrats de prestations de services en matière de cantines, de nettoiement des bureaux et, comme on l' a vu dans l' affaire Klein, de soins médicaux . Rien ne s' oppose, semble-t-il, à ce que la Commission procède de la même manière en ce qui
concerne la formation linguistique de ses fonctionnaires : elle pourrait décider d' envoyer ses fonctionnaires à une école de langues privée ou, comme autre solution, passer un marché avec une société privée .

25 . Le fait que la formation linguistique peut être considérée comme une activité accessoire par rapport aux tâches normales des fonctionnaires est, en outre, confirmé par le fait que les cours de langues ont lieu, à peu près pour la moitié du temps, en dehors de l' horaire de travail normal : le matin, à midi ou le soir . En règle générale, la moitié du temps consacré à des cours de langues est imputée sur le temps de travail, l' autre moitié étant imputée sur le temps libre du fonctionnaire . C'
est pourquoi les cours tendent à avoir lieu de 8 h 30 à 10 h 30, de 11 h 30 à 13 h 30 et de 16 h 30 à 18 h 30; les cours se déroulent donc environ au début de la journée de travail, à la pause de midi et à la fin de la journée de travail . Le fonctionnaire assiste normalement à l' un de ces cours une fois par semaine ou davantage en cas de cours plus intensifs . En outre, les périodes de classe correspondent, dans une certaine mesure, au calendrier scolaire avec des périodes d' arrêt à Noël, Pâques
et en été . En conséquence, il est peu probable que la formation linguistique à l' intérieur des Communautés soit autre chose qu' une activité à temps partiel et accessoire .

26 . Selon la Commission, la majorité des requérants donnent 12 heures de cours par semaine, auxquelles viennent s' ajouter 3 heures pédagogiques . Les requérants soutiennent qu' ils exercent, en fait, des fonctions à plein temps . Ils font observer qu' outre les heures de cours données en exécution de leurs contrats ils peuvent également être amenés à assumer d' autres tâches de formation individuelle, parfois en exécution de contrats additionnels spécifiques, et qu' ils consacrent également un
temps considérable à des activités telles que la préparation des cours, la correction des copies, l' évaluation des cours et du matériel didactique ainsi que la coordination de leurs activités respectives . Ils ont indiqué à l' audience qu' ils travaillent au moins 22 à 27 heures par semaine ( ce qui constituerait, selon la législation belge, une activité à plein temps ). Toutefois, ce chiffre est loin du maximum de la durée normale de travail fixé à l' article 55 du statut, à savoir 42 heures par
semaine, et des 37 heures et demie par semaine que les fonctionnaires effectuent normalement, conformément à un accord avec les organisations représentatives du personnel . En outre, même s' il peut y avoir des tâches que certains professeurs accomplissent actuellement en dehors de la durée pour laquelle ils sont sous contrat, ils ne sont, en principe, engagés que pour 33 semaines par année académique .

27 . La Commission soutient que les besoins de formation linguistique sont extrêmement variables d' une période à l' autre, et tel doit être le cas . A l' évidence, les institutions auront toujours besoin de professeurs de langues, mais la demande pour certaines langues variera au gré des circonstances . La demande pour une langue particulière peut sensiblement varier en fonction de circonstances telles que l' adhésion de nouveaux États membres, le nombre de nouveaux recrutements ou la mobilité
ainsi que le souhait de certains fonctionnaires d' apprendre une autre langue ou d' améliorer leurs connaissances dans cette langue . On peut certes affirmer qu' il existe une certaine permanence, en ce qui concerne les besoins, par exemple, de cours d' expression écrite dans la langue ou les langues de travail d' une institution particulière ( bien qu' à terme elles puissent elles aussi changer ), mais il ressort des contrats qui ont été produits à titre d' exemple ainsi que des déclarations de la
Commission à l' audience, que le nombre de ces cours est très faible par rapport à celui des cours de langue généraux . Les requérants ne soutiennent pas qu' ils sont individuellement capables d' enseigner toutes les langues communautaires, et force est donc de reconnaître que le besoin de langues différentes induit le besoin de professeurs différents . En conséquence, il est nécessairement douteux que les services d' un professeur à plein temps pour une langue précise soient toujours requis . En ce
sens, la tâche d' un professeur particulier ne peut donc être considérée comme permanente, même si un besoin permanent de formation existe pour plusieurs langues différentes .

28 . Nous concluons donc que, eu égard au caractère d' activité accessoire, à temps partiel et éphémère des tâches en question, la Commission n' était pas tenue de faire rentrer les contrats dans le cadre du statut ou du régime applicable aux autres agents et que, pour les mêmes raisons, les contrats ne sauraient être considérés comme correspondant aux besoins de l' institution .

29 . A notre avis, il n' existe pas non plus d' éléments de preuve suffisants qui démontrent que le véritable but des contrats actuels est d' éviter l' application du statut ou du régime applicable aux autres agents . A cet égard, les requérants citent un document interne de la Commission qui, selon eux, tend à suggérer que le but de la Commission est d' éviter que les requérants ne puissent devenir agents des Communautés . La Commission, tout en ne niant pas l' existence de ce document, déclare qu'
elle n' a pas été en mesure de le trouver et affirme que ce document, à supposer qu' il existe, ne reflète pas la véritable politique de la Commission . A notre avis, le seul fait d' invoquer ce document, qui n' a pas été produit devant la Cour, ne suffit pas pour s' opposer à la conclusion selon laquelle les dispositions en cause ont été prises dans l' intérêt du service . Nous estimons donc qu' il convient de rejeter les deux premiers moyens avancés en l' espèce .

30 . Dans le cadre de leur troisième moyen, les requérants soutiennent qu' ils pouvaient légitimement s' attendre à ce que les différentes réunions des organisations représentatives du personnel avec la Commission conduisent à leur reconnaître la qualité de fonctionnaires ou d' agents . Ce moyen peut recevoir une réponse succincte . Ainsi que la Commission le souligne, à juste titre selon nous, le seul fait d' ouvrir des négociations ne garantit pas un résultat satisfaisant et, à aucun moment, il n'
apparaît que la Commission ait expressément laissé entendre que les professeurs de langues bénéficieraient d' un statut particulier ou d' un régime contractuel en tant que fonctionnaires ou agents . En effet, au moins jusqu' en 1986, les organisations représentatives du personnel elles-mêmes étaient apparemment satisfaites de la solution consistant à accepter que la loi belge régisse les contrats et leur principal souci jusque-là était uniquement de voir les professeurs de langues bénéficier d' une
couverture sociale appropriée . Dans ces conditions, nous n' estimons pas qu' une question de confiance légitime se pose .

31 . Enfin, dans le cadre de leur quatrième moyen, les requérants prétendent que la Commission a manqué à son devoir de sollicitude envers son personnel . Les requérants invoquent principalement, semble-t-il, l' existence, au détriment du personnel, d' un prétendu manquement au devoir de la Commission de fournir une formation appropriée à son personnel . La Commission rétorque, à juste titre, que seul le personnel prétendument lésé peut invoquer le manquement allégué : voir, par exemple, affaire
85/82 ( Schloh/Conseil, Rec . 1983, p . 2105 ). En tout état de cause, rien n' indique que le personnel de la Commission formé par les requérants est lésé parce que les requérants ne sont ni fonctionnaires ni agents, ou parce que la formation est dispensée dans le cadre des contrats litigieux en l' espèce .

32 . Dans la mesure où les requérants prétendent invoquer l' existence d' un devoir à leur égard, nous considérons qu' un tel devoir n' existe qu' envers le personnel stricto sensu et ne s' étend pas aux personnes qui fournissent des prestations contractuelles en dehors du statut et du régime applicable aux autres agents, et, a fortiori, ne va pas jusqu' à inclure ces personnes dans la catégorie "personnel ". A notre avis, s' agissant de ces personnes, on peut tout au plus s' attendre à ce que la
Commission fasse en sorte que, lorsque ces personnes travaillent un nombre considérable d' heures par semaine, les dispositions contractuelles leur permettent de bénéficier du régime national de sécurité sociale . Dans la mesure où les contrats litigieux en l' espèce permettent, semble-t-il, aux requérants d' être couverts par le régime belge de sécurité sociale, cela nous paraît répondre, en substance, à ce que les requérants réclament . En réponse à une question de la Cour, la Commission a indiqué
qu' elle paie, au titre des cotisations de sécurité sociale, une somme s' élevant à 35 % de la rémunération des professeurs . Les requérants n' ont spécifié aucun autre élément sur la base duquel ils estiment que la Commission n' a pas pris en compte leurs intérêts . Le dernier moyen avancé par les requérants doit donc également être rejeté .

33 . Nous vous proposons, en conséquence, de rejeter le recours comme non fondé . En application de l' article 70 du règlement de procédure, il convient de condamner chacune des parties à supporter ses propres dépens .

(*) Langue originale : l' anglais .


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-249/87
Date de la décision : 17/10/1989
Type de recours : Recours de fonctionnaires - non fondé

Analyses

Fonctionnaires - Annulation de contrat de professeur de langue.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Françoise Mulfinger et autres
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Jacobs
Rapporteur ?: Rodríguez Iglesias

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1989:382

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