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24/01/1989 | CJUE | N°341/85,

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 24 janvier 1989., Erik van der Stijl et Geoffrey Cullington contre Commission des Communautés européennes., 24/01/1989, 341/85,


Avis juridique important

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61985C0341

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 24 janvier 1989. - Erik van der Stijl et Geoffrey Cullington contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaires - Exécution d'un arrêt annulant une nomination. - Affaires jointes 341/85, 251, 258, 259, 262 et 26

6/86, 222 et 232/87.
Recueil de jurisprudence 1989 page 00511

Conclus...

Avis juridique important

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61985C0341

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 24 janvier 1989. - Erik van der Stijl et Geoffrey Cullington contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaires - Exécution d'un arrêt annulant une nomination. - Affaires jointes 341/85, 251, 258, 259, 262 et 266/86, 222 et 232/87.
Recueil de jurisprudence 1989 page 00511

Conclusions de l'avocat général

++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Toutes ces affaires jointes sont des affaires de fonctionnaires et constituent la suite d' une affaire antérieure, l' affaire 128/84, van der Stijl/Commission, ( Rec . 1985, p . 3281 ). L' historique est simple ( quoique les diverses étapes qu' il comporte, donnant lieu à ce grand nombre d' affaires, soient complexes ), et nous commencerons par une vue d' ensemble, afin de situer les problèmes dans leur contexte .

Résumé de l' historique

Par une décision du président de la Commission du 3 novembre 1983, M . Bernard Math a été nommé chef de la division F 1 "inspection" de la direction "contrôle de sécurité de l' Euratom", au sein de la direction générale Énergie de la Commission . La nomination indiquait comme date de prise d' effet celle du 28 septembre 1983 . M . Math venait du commissariat français à l' énergie atomique et n' avait pas précédemment travaillé comme fonctionnaire des Communautés . M . van der Stijl, le chef de l'
une des deux sections composant la division, s' est estimé lésé par cette nomination

et a introduit un recours devant la Cour . Il avait assuré l' intérim du poste de chef de division et avait fait acte de candidature en vue d' être titularisé dans cet emploi . Dans son arrêt du 7 octobre 1985, précité, la Cour a annulé la nomination de M . Math ainsi que la décision rejetant la candidature de M . van der Stijl . La Cour a jugé que l' on ne se trouvait pas en présence de circonstances exceptionnelles justifiant le recours à la procédure extraordinaire de recrutement prévue à l'
article 29, paragraphe 2, du statut . la Cour a estimé qu' il n' y avait pas lieu de statuer sur les autres griefs de M . van der Stijl, dont l' essentiel portait sur le fait que la procédure constituait une façade et que l' emploi était "réservé" à une personne de nationalité française, contrairement à ce que prévoient l' article 7, paragraphe 1, et l' article 27, alinéa 3, du statut . Pour un plus ample exposé des antécédents, nous prions la Cour de se reporter aux conclusions de l' avocat général
Sir Gordon Slynn dans cette affaire, qui montrent que cette affirmation n' était pas dénuée de tout fondement .

Une grande partie du débat auquel a donné lieu cette affaire portait sur le point de savoir si M . Math possédait les qualifications nécessaires pour l' emploi en cause tel qu' il était décrit dans l' avis de vacance initial . Dans ce contexte, nous citerons un extrait des conclusions de l' avocat général Sir Gordon Slynn ( p . 3285 ):

"Il est soutenu que l' expérience de M . Math ainsi que ses connaissances linguistiques ne satisfaisaient pas aux conditions énoncées dans l' avis de vacance . Il semble vraisemblable qu' il ne disposait pas, à l' époque entrant en ligne de compte, de la connaissance nécessaire d' une deuxième langue . Les mémoires écrits paraissent également étayer l' affirmation du requérant selon laquelle l' expérience et les qualifications de M . Math, bien qu' elles fussent d' un haut niveau, ne satisfaisaient
pas aux exigences particulières indiquées dans l' avis de vacance . Toutefois, eu égard aux explications fournies par M . Audland sur les qualifications requises par l' emploi ainsi que sur l' expérience de M . Math, l' affirmation selon laquelle M . Math ne disposait pas des qualifications spéciales requises ne nous paraît pas pouvoir être admise ".

M . Audland était à l' époque le directeur général de l' Énergie à la Commission et a répondu à diverses questions qui lui avaient été posées par la Cour lors de l' audience .

La Commission a réagi rapidement à l' arrêt annulant la nomination de M . Math, prononcé le 7 octobre 1985 . Le 16 octobre, elle a engagé M . Math au même emploi en tant qu' agent temporaire . En outre, la nouvelle décision indiquait, comme date de prise d' effet, celle de la première entrée en fonctions de l' intéressé, à savoir le 28 septembre 1983, et comme durée une période de deux ans, période qui était déjà écoulée à la date de la décision, mais qui a été prolongée, aux termes de la même
décision, jusqu' au 31 décembre 1985 . Le 18 décembre 1985, la Commission a décidé d' organiser un concours général, afin de pourvoir à l' emploi en cause, et a également prolongé l' engagement de M . Math pour une nouvelle période de six mois . Le concours a eu lieu au milieu de l' année 1986 . M . Math a été inscrit, parmi d' autres, sur la liste d' aptitude et a été ensuite nommé à l' emploi en cause; M . van der Stijl n' a pas été inscrit sur la liste; M . Cullington, l' autre requérant dans ces
affaires, a été inscrit sur la liste, mais n' a pas été nommé .

Il en résulte que M . Math occupe l' emploi en cause, à un titre ou à un autre, depuis le 28 septembre 1983 . Après que la Cour eut statué sur son recours, en octobre 1985, M . van der Stijl s' est estimé lésé de voir M . Math maintenu dans cet emploi et y être, par la suite, nommé à nouveau . Il a introduit une série de sept réclamations auprès de la Commission, chacune d' elles correspondant à une étape de la route ayant conduit à la nouvelle nomination de M . Math, et, celles-ci ayant
successivement échoué, il a entamé une série de six recours devant la Cour . Les deux autres affaires dont la Cour est actuellement saisie, à savoir les affaires 259/86 et 222/87, ont été introduites par M . Cullington, qui était le chef de la seconde des deux sections composant la division, et qui sollicite, à l' instar de M . van der Stijl, l' annulation de la nomination de M . Math et de la décision du jury inscrivant M . Math sur la liste d' aptitude .

Les différentes affaires

Les procédures se rapportent chacune à une étape spécifique franchie par la Commission et se succèdent, pour la plupart, dans l' ordre chronologique . Le rapport d' audience contient tous les détails des moyens et arguments des parties et nous n' examinerons, dans les présentes conclusions, que ceux qui nous paraissent déterminants .

Affaire 341/85

L' affaire 341/85 est relative à la décision du 16 octobre 1985 engageant M . Math comme agent temporaire . La Commission soutient que ce recours est irrecevable au motif que la décision n' a produit des effets juridiques que jusqu' au 31 décembre 1985, et qu' une action menée à son encontre alors qu' elle n' est plus en vigueur est dépourvue d' objet . Nous n' acceptons pas cet argument . Il ne s' agissait que de la première des nombreuses étapes ayant conduit à la nouvelle nomination de M . Math .
Si elle n' avait jamais été franchie, le requérant aurait pu avoir - comme il le soutient - la possibilité d' être nommé, même si ce n' est qu' à titre temporaire, à l' emploi en cause . Le point de savoir si tel est bien le cas est une question de fond et non de recevabilité, le requérant n' ayant pas à démontrer qu' il obtiendra satisfaction sur le fond pour que son recours soit recevable . En outre, à la date à laquelle ce recours a été engagé, le requérant avait un intérêt suffisant, en tant que
destinataire d' un arrêt de la Cour, à introduire la procédure : ( voir affaire 30/76, Koester/Parlement, Rec . 1976, p . 1719 ). Le simple fait qu' une décision individuelle n' est un jour plus en vigueur du fait que sa durée de validité est écoulée ne signifie pas qu' elle ne peut plus être attaquée .

Sur le fond, le requérant soulève divers moyens . En premier lieu, il soutient que la Commission n' a pas exécuté l' arrêt précédemment rendu par la Cour dans l' affaire 128/84, dans la mesure où la nouvelle nomination de M . Math à l' emploi en cause en tant qu' agent temporaire équivaut à une méconnaissance de l' arrêt de la Cour . Nous n' acceptons pas cet argument . Dans l' arrêt qu' elle a rendu dans l' affaire 128/84, la Cour a annulé la nomination de M . Math, car il y avait eu un recours
irrégulier à l' article 29, paragraphe 2, du statut . La Cour n' a pas examiné la question de savoir si M . Math était la personne qu' il convenait de nommer à cet emploi . A la suite de la procédure 128/84, M . Math a perdu son statut de fonctionnaire, mais la Commission n' a pas contrevenu à l' arrêt en engageant M . Math comme agent temporaire .

Par son deuxième moyen, le requérant fait valoir que la Commission a commis un détournement de procédure ou un détournement de pouvoir en rétablissant par la voie administrative la situation que la Cour avait déclarée illégale . Il soutient que le fait de faire rétroagir le contrat d' agent temporaire de M . Math avait pour véritable objet de permettre irrégulièrement à M . Math de se prévaloir d' une expérience professionnelle supplémentaire en matière de sécurité nucléaire, ce que l' arrêt rendu
dans l' affaire 128/84 lui interdirait autrement de faire . Dans son mémoire en défense, la Commission avance - comme elle l' a fait lors de l' audience de référé - que le fait de faire rétroagir ce contrat constituait une simple "régularisation" de la situation de M . Math, qui avait effectivement exercé ses fonctions depuis deux ans . Le terme de "régularisation" est à notre avis un terme malheureux dans la bouche de la Commission, puisqu' il suggère aussi bien que la Commission cherchait bel et
bien à valider rétroactivement ce que la Cour avait annulé . Ce que la Commission a fait était inopportun, parce que cela était susceptible de créer l' impression que la Commission enfreignait l' article 176 du traité, et également parce que cela était susceptible d' entraîner, comme ce fut le cas, d' autres procès . Cependant, s' il était peu judicieux pour la Commission de procéder à un engagement rétroactif, la question de savoir s' il était illégal demeure . La rétroactivité est en général
considérée, dans tous les systèmes juridiques, comme illégale, à moins qu' elle ne soit dictée par des raisons urgentes et impérieuses . Mis à part le fait que, compte tenu de l' arrêt rendu dans l' affaire 128/84, M . Math a bénéficié pendant ces deux années d' une nomination irrégulière, nous ne voyons pas pour quelle raison il était nécessaire de faire rétroagir l' engagement . M . Math n' aurait pas eu à rembourser la moindre rémunération, et il est évident, ne serait-ce qu' en vertu du principe
de sécurité juridique, que les décisions qu' il a prises dans l' exercice de ses fonctions antérieurement à l' arrêt rendu dans l' affaire 128/84 n' auraient pas été privées de validité du fait de cet arrêt . Le 16 octobre 1985, il a pu y avoir des raisons urgentes et impérieuses de faire rétroagir l' engagement au 7 octobre 1985 - date de l' arrêt rendu dans l' affaire 128/84 - ( en supposant que, dans l' intérêt du service, la Commission eût souhaité maintenir M . Math dans son emploi dans l'
attente d' une solution ), en vue d' assurer la continuité de ses services ( et le paiement de sa rémunération à M . Math ) à la suite de l' arrêt . Mais on ne voit aucune raison valable de faire rétroagir le contrat à une date antérieure au 7 octobre 1985, et certainement pas de plus de deux années entières avant cette date . En l' absence de toute raison valable, nous concluons que la décision visant à engager M . Math comme agent temporaire à compter du 28 septembre 1983 doit être annulée en ce
qui concerne la période comprise entre cette date et le 7 octobre 1985 . Il sera plus aisé d' examiner la période postérieure à cette dernière date dans le cadre de l' affaire 251/86, que nous allons aborder sous peu .

Nous pouvons donc nous borner à examiner brièvement les autres moyens soulevés par le requérant . Il soutient que la décision du 16 octobre 1985 visait à instituer des relations contractuelles entre la Commission et M . Math pour une période qui était déjà écoulée ( deux années à compter du 28 septembre 1983 ). Le requérant estime que cela est juridiquement impossible, et que, partant, toute prétendue prolongation doit être également impossible . Bien que cet argument soit séduisant sur le plan de
la logique, nous ne croyons cependant pas pouvoir le retenir, car si on l' appliquait, les parties à des contrats que la survenance d' un événement déterminé a privés de validité ne pourraient pas rétablir leurs accords contractuels en ce qui concerne le passé; quant à la période postérieure à la décision, il n' existe pas de raison de subordonner la validité d' accords futurs à la validité d' accords passés . Quoi qu' il en soit, nous reviendrons, comme nous l' avons mentionné, à la période
postérieure dans le cadre de l' affaire 251/86 .

Les autres arguments font état d' une violation de l' article 29, paragraphe 1, du statut, qui indique les mesures à prendre par une institution avant de pourvoir à une vacance, et de l' article 12 du régime applicable aux autres agents, qui indique les qualifications des agents temporaires . En ce qui concerne la prétendue violation de l' article 29, paragraphe 1, nous estimons que, s' agissant d' une mesure provisoire, l' AIPN dispose d' un large pouvoir d' appréciation en vue d' engager du
personnel pour pourvoir temporairement à un emploi permanent, bien que, comme nous l' avons dit plus haut, nous ne voyions pas pourquoi il fallait faire rétroagir l' engagement; et le fait de le faire rétroagir pour une période aussi longue semble aller au-delà des limites de ce pouvoir d' appréciation . En ce qui concerne les qualifications de M . Math, il y a lieu de les examiner, aux fins du présent recours, à la date de son prétendu engagement, c' est-à-dire au 28 septembre 1983 . En cherchant à
faire rétroagir l' engagement, la Commission a bel et bien créé elle-même la difficulté résidant dans le fait que c' est à cette date qu' il y a lieu d' apprécier les qualifications . Nous prions à nouveau la Cour de se reporter aux observations précitées de l' avocat général Sir Gordon Slynn dans l' affaire 128/84, concernant l' expérience, les qualifications et les connaissances linguistiques de M . Math . Si, par exemple, la connaissance de M . Math d' une deuxième langue n' était pas
satisfaisante à la date du prétendu engagement, alors il y a eu violation de l' article 12, paragraphe 2, sous e ), du régime applicable aux autres agents, et la décision devrait être annulée . Mais, malgré l' incertitude concernant ses qualifications, nous ne sommes pas d' avis, compte tenu des preuves fournies de part et d' autre, qu' il faille annuler la décision pour ce motif, bien qu' elle doive l' être en tout état de cause en ce qui concerne la période antérieure au 7 octobre 1985, pour les
raisons exposées plus haut .

Dans l' affaire 341/85, nous concluons en conséquence en demandant à la Cour d' annuler la décision de la Commission du 16 octobre 1985, visant à engager M . Math comme agent temporaire des Communautés à compter du 28 septembre 1983, en ce qui concerne la période comprise entre cette date et le 7 octobre 1985 . Nous examinerons plus loin la question des dommages-intérêts et des dépens .

Affaire 251/86

Dans l' affaire 251/86, le requérant conteste la légalité des mesures prises par la Commission, consistant à maintenir M . Math dans son emploi postérieurement au 7 octobre 1985 ( date de l' arrêt rendu dans l' affaire 128/84 ) et à "renouveler" son contrat d' agent temporaire le 18 décembre 1985 pour une nouvelle période de six mois s' achevant le 30 juin 1986 . Le requérant soutient que la Commission a contrevenu à l' article 176 du traité CEE en recréant en fait ce que la Cour avait déclaré
illégal dans l' affaire 128/84 . Nous n' acceptons pas ce moyen . La Cour a déclaré que M . Math avait été nommé fonctionnaire de manière irrégulière . La Commission, après cette décision, était tenue de respecter les termes de l' arrêt et de chercher, dans les limites fixées par l' arrêt, à assurer la continuité de ses services . Pour assurer cette continuité, elle dispose d' un large pouvoir d' appréciation . Quoique nous ne soyions pas totalement convaincu que la Commission ait examiné ( comme
elle aurait dû le faire ) toutes les possibilités qui s' offraient à elle, telles que la suppléance ou l' intérim, en attendant l' organisation d' un concours général, l' engagement de M . Math à titre temporaire - pour une courte période - n' était cependant pas anormal, étant donné qu' il avait occupé de facto l' emploi pendant les deux années précédentes . Nous concluons que la Commission était dès lors en droit de maintenir M . Math dans son emploi pendant la courte période durant laquelle elle
a cherché à pourvoir à l' emploi en cause au moyen d' une nomination à long terme .

En ce qui concerne le deuxième volet de cette affaire, à savoir la prolongation du contrat par décision du 18 décembre 1985, nous estimons que cette prolongation était illégale . M . Math a été engagé dans le cadre du régime applicable aux autres agents, qui régit l' engagement d' agents temporaires; il a été engagé au titre de l' article 2, sous b ), de ce régime, c' est-à-dire en vue d' occuper, à titre temporaire, un emploi existant à titre permanent . L' article 8 de ce régime dispose que l'
engagement d' un agent visé à l' article 2, sous b ), ne peut excéder deux ans et ne peut être renouvelé qu' une fois pour un an au plus . Dans l' engagement initial, la Commission a prolongé, d' une période légèrement supérieure à trois mois, la période d' engagement de deux ans . Une simple lecture de l' article 8 montre qu' elle n' était pas en droit de la prolonger à nouveau . La Commission soutient qu' une pareille interprétation de l' article 8 est trop étroite, et que la situation doit être
considérée dans son ensemble, l' objet de l' article 8 étant simplement d' assurer que les agents temporaires engagés au titre de l' article 2, sous b ), ne soient pas appelés à occuper un emploi pour plus de trois ans en tout . Quoiqu' une pareille approche globale nous inspire une certaine bienveillance, elle ne peut permettre de passer outre au libellé clair et net de l' article 8 . De plus, la Commission s' est créé sur ce point ses propres difficultés . Ayant décidé, de façon tout à fait
inutile, de faire rétroagir l' engagement de M . Math de plus de deux ans, elle s' est trouvée confrontée à la limite de deux ans prévue à l' article 8, ce qui l' a amenée à prolonger l' engagement au-delà de deux ans dans cette même décision, mesure contestable en elle-même quant à sa légalité . En opérant cette prolongation jusqu' au 31 décembre 1985 seulement, elle s' est laissé une marge de manoeuvre trop étroite . Aucune nouvelle prolongation n' était possible . En conséquence, nous concluons
que la décision de la Commission de prolonger le contrat jusqu' au 30 juin 1986 doit être annulée .

Affaire 266/86

Nous abordons maintenant l' affaire 266/86, dont l' objet est le suivant dans l' ordre chronologique, quoique l' affaire ne soit pas la suivante du point de vue numérique . Le requérant sollicite, premièrement, l' annulation de l' avis de concours COM/A/477 et, deuxièmement, l' annulation de la décision implicite de rejet de sa demande visant à une décision quant à sa première candidature . Nous examinerons ce dernier point en premier lieu . Le requérant expose que, puisque la décision rejetant sa
candidature de 1983 avait été annulée par la Cour dans l' affaire 128/84, cette candidature était encore pendante et aurait dû être examinée conformément à l' article 29, paragraphe 1, avant qu' un concours général ne fût organisé . Il soutient que si sa candidature n' a pas été examinée, la Commission a contrevenu à l' arrêt rendu dans ladite affaire, et que si, en revanche, sa candidature a été examinée, il y a eu violation de l' article 25 du statut, puisqu' il n' a pas été informé par écrit,
dans un délai raisonnable, du sort réservé à celle-ci et des motifs de la décision prise . La Commission soutient qu' elle a suivi les procédures appropriées ainsi qu' il est établi par l' extrait du procès-verbal de la réunion de la Commission du 18 décembre 1985 . Ce procès-verbal montre - sous une forme extrêmement abrégée - que la Commission semble avoir correctement suivi les étapes prescrites par l' article 29, paragraphe 1 . En premier lieu, elle a décidé qu' il ne pouvait être pourvu à l'
emploi au titre de la lettre a ) ( promotion ou mutation interne ); en second lieu, elle a décidé de ne pas organiser de concours interne au titre de la lettre b ); c' est ainsi qu' elle a décidé d' organiser un concours général .

Nous estimons, compte tenu des preuves fournies de part et d' autre à la Cour, que la Commission a observé les procédures adéquates . Il est, certes, fort difficile de réfuter les énonciations du requérant selon lesquelles, dans la lettre qu' elle lui a adressée le 25 juillet 1986, la Commission déclare que, dans sa réunion du 18 décembre 1985, elle a examiné les candidatures ( au pluriel ) introduites au titre de l' article 29, paragraphe 1, sous a ) - y compris celle du requérant -, alors qu' en
fait, en l' absence de tout nouvel avis de vacance, une seule candidature - celle du requérant - existait . Toutefois, cet élément ne saurait à notre avis l' emporter, sur le plan de la preuve, sur les énonciations du procès-verbal de la Commission .

Toutefois, nous ne voyons pas de raison valable expliquant que, même lorsque le requérant l' a spécialement demandé, aucune décision n' est intervenue de la part de la Commission sur sa candidature renouvelée, ensemble avec les motifs du rejet de celle-ci . Ce n' est qu' en recevant le rejet de ses réclamations, le 25 juillet 1986, qu' il a finalement appris son exclusion . Dans l' affaire 225/82, Verzyck/Commission ( Rec . 1983, p . 1991 ), la Cour a jugé que tout rejet d' une candidature devait
indiquer les raisons de cette mesure, mais que celles-ci pouvaient être fournies sommairement, à moins que le candidat ne demande spécialement les raisons . Dans sa demande du 21 octobre 1985 ( annexe VIII à la requête ), le requérant a demandé spécialement une décision sur sa candidature renouvelée, mais il n' a obtenu ni décision ni les raisons du rejet implicite . Les affaires jointes 64, 71 à 73 et 78/86, Sergio e.a./Commission ( arrêt du 8 mars 1988 ), montrent que l' obligation de motiver a
pour but essentiel de mettre le candidat en mesure de savoir pourquoi une décision particulière a été prise et de permettre un contrôle juridictionnel adéquat, mais que, s' il est démontré à la Cour que toutes les procédures ont été suivies correctement et que tous les éléments qui auraient dû être pris en compte l' ont été, alors un défaut de motivation affectant une décision ne conduit pas automatiquement à l' annulation de celle-ci . Nous avons mentionné ci-dessus que nous avions des doutes sur
les procédures suivies par la Commission, et nous ne sommes pas persuadé, au vu des éléments de preuve qui nous ont été fournis, que tout ce qui aurait dû être fait l' ait été . Le défaut de motivation nous conduit, dès lors, à conclure que la décision implicite de rejet de la candidature renouvelée du requérant était illégale, mais, à la lumière de la position que nous adoptons à l' égard des autres demandes du requérant, il nous semble inutile que cette décision soit formellement annulée .

Le requérant soutient également que l' avis de concours COM/A/477 doit être annulé au motif que les qualifications exigées pour l' emploi dans cet avis différaient de celles exigées dans l' avis de vacance initial .

La partie qui nous intéresse présentement de l' avis de vacance exigeait, entre autres :

"...

2 ) connaissances approfondies du cycle nucléaire et de la gestion des matières nucléaires,

...

3 ) connaissances dans le domaine du contrôle de sécurité,

...

5 ) expérience approfondie appropriée à la fonction ".

La partie qui nous intéresse présentement de l' avis de concours exigeait des candidats de posséder

"une expérience professionnelle post-universitaire d' une durée minimale de quinze ans, dont plusieurs années au moins devront avoir été en rapport avec la nature des fonctions ... . Ils doivent également justifier des connaissances approfondies du cycle nucléaire et de la gestion des matières nucléaires, des connaissances dans le domaine du contrôle de sécurité ...".

Le requérant soutient que l' avis de concours est moins strict en ce qui concerne le degré des connaissances exigées, et il souligne que l' un des points essentiels du débat qui a eu lieu dans l' affaire 128/84 portait sur la question de savoir si M . Math possédait les qualifications et l' expérience professionnelle nécessaires pour l' emploi . En conséquence, pour le requérant, les modifications ont été opérées de manière délibérée en vue d' éviter une contestation future sur ce point .

Le requérant avance également que les modifications ont été opérées parce que M . Math ne possédait pas quinze ans d' expérience professionnelle dans le domaine spécifique du cycle nucléaire et de la gestion des matières nucléaires, que ce n' est que le 1er mars 1977 qu' il s' est vu attribuer, au commissariat français à l' énergie atomique, un emploi dans le domaine de la sécurité, et que jusqu' alors il avait occupé des postes administratifs . M . Math soutient, dans le cadre de son intervention,
qu' il possédait bien toute l' expérience professionnelle nécessaire . Ce qui est, cependant, significatif à nos yeux, c' est que les modifications apportées à l' avis, que nous analyserons ci-après, ont eu sans nul doute pour effet de faire cadrer l' expérience professionnelle de M . Math avec les exigences du concours .

Il existe deux différences significatives dans le libellé des avis . L' expression utilisée dans l' avis de vacance, "expérience approfondie appropriée à la fonction", implique une connaissance particulière des fonctions particulières en cause . L' expression utilisée dans l' avis de concours, "... expérience professionnelle ... dont plusieurs années au moins devront avoir été en rapport avec la nature des fonctions", est moins exigeante, dans la mesure où elle ne demande pas des "connaissances
approfondies" de toutes les fonctions particulières en cause . Nous prenons acte de l' argument selon lequel l' avis de concours exigeait des connaissances approfondies du cycle nucléaire et des connaissances dans le domaine du contrôle de sécurité ( à l' instar de l' avis de vacance ), mais ces connaissances, quoiqu' essentielles pour l' emploi en cause, ne constituaient pas les seules connaissances et la seule expérience professionnelle exigées .

La seconde différence concerne la manière dont les connaissances ou l' expérience professionnelle exigées ont été acquises . L' avis de vacance exigeait, en français, une "expérience approfondie appropriée à la fonction", alors que l' avis de concours exigeait, en français, "plusieurs années au moins ... en rapport avec la nature des fonctions ". La différence entre "appropriée" et "en rapport avec" n' est peut-être pas considérable, mais la première formule implique un plus haut degré de
spécificité . Dans la traduction anglaise, le même terme "relevant" est utilisé aux deux endroits, mais nous estimons que le texte anglais doit être lu à la lumière du texte français .

Dans l' affaire 188/73, Grassi/Conseil ( Rec . 1974, p . 1099 ), la Cour a jugé que si l' AIPN découvre que les conditions requises par l' avis de vacance étaient plus sévères que ne l' exigeaient les besoins du service, il lui est loisible de recommencer la procédure en retirant l' avis de vacance original et en le remplaçant par un avis corrigé . Il en résulte que l' AIPN n' est pas en droit d' assouplir les conditions pendant la durée de la procédure de recrutement . La publication d' un avis de
concours constitue une étape de la procédure qui débute par l' avis de vacance .

Dans ses observations écrites, la Commission a avancé que les modifications étaient de nature purement rédactionnelle et avaient pour seul but de rendre l' avis de concours plus compréhensible pour les candidats extérieurs qu' il voulait attirer . Nous avons déjà exposé que nous considérions les modifications comme n' étant pas seulement rédactionnelles . Mais même si elles l' étaient, nous n' estimerions pas que les modifications opérées soient susceptibles de rendre l' avis plus lisible pour un
professionnel du secteur nucléaire possédant un niveau universitaire et une expérience d' au moins quinze ans .

En outre, au cours de la procédure orale, le conseil de la Commission a déclaré, en réponse à une question, que le libellé avait été modifié parce que la Commission souhaitait élargir le choix des candidats et qu' elle avait, en conséquence, assoupli les exigences . Comme nous venons de l' exposer, si les exigences doivent être assouplies, la procédure doit être recommencée et un nouvel avis de vacance doit être publié . Cela n' a pas été fait en l' espèce, et nous concluons, en conséquence, que l'
avis de concours doit être annulé .

S' il en est ainsi, il en résulte que toutes les étapes ultérieures, jusque et y compris la nomination de M . Math, doivent être également considérées comme dépourvues d' effet . Mais nous devons également examiner la question de savoir s' il y a eu des étapes ultérieures qui ont été illégales en elles-mêmes, puisqu' aussi bien, comme nous l' avons mentionné, il s' agit d' une affaire dans laquelle il est important d' avoir une vue globale de la situation .

Affaires 258 et 259/86

Nous abordons maintenant l' affaire 258/86, introduite par M . van der Stijl, et l' affaire 259/86, introduite par M . Cullington . M . Cullington était le chef de la seconde des deux sections composant la division . Les deux requérants attaquent les décisions du jury du concours général d' admettre M . Math à participer au concours, puis à subir les épreuves, et de l' inscrire sur la liste d' aptitude . La Commission conteste la recevabilité du recours de M . Cullington, en soutenant que, M .
Cullington ayant été également inscrit sur la liste, il n' a pas subi de préjudice . M . Cullington souligne que ces décisions lui ont bien causé un préjudice, dans la mesure où le jury disposait de ce fait d' une possibilité de choix élargie .

Plusieurs arrêts récents de la Cour ont statué sur des recours dirigés à l' encontre des décisions d' un jury ( voir, par exemple, affaire 143/84, Vlachou/Cour des comptes Rec . 1986, p . 459; affaire 293/84, Sorani e.a./Commission, Rec . 1986, p . 967; affaire 294/84, Adams e.a./Commission, Rec . 1986, p . 977; affaire 255/85, Pressler-Hoeft/Cour des comptes, Rec . 1986, p . 2459; affaire 321/85, Schwiering/Cour des comptes, Rec . 1986, p . 3199; et affaires jointes 322 et 323/85, Hoyer et
Neumann/Cour des comptes, Rec . 1986, p . 3215 ). Il ressort de ces arrêts que si les décisions du jury sont dans un certain sens des actes préparatoires, il n' en demeure pas moins qu' une personne peut attaquer une décision d' un jury l' excluant de la participation à la suite d' un concours . Les principes qui sous-tendent ces arrêts semblent être les suivants . Lorsqu' un candidat à un emploi soutient qu' un autre candidat a été admis à tort à participer à un concours ou a été inscrit à tort sur
la liste d' aptitude, l' intéressé ne peut attaquer une pareille décision s' il n' a pas été lui-même exclu . Il n' a pas fait l' objet, à ce stade, d' un acte "lui faisant grief" au sens de l' article 90, paragraphe 2, du statut, puisqu' il peut être nommé lui-même par la suite à l' emploi en question . S' il n' est pas nommé, alors il peut, à ce stade, attaquer la nomination, et l' un des motifs de ce recours peut alors résider dans le fait que la personne nommée n' aurait pas dû être admise à
participer au concours, parce qu' elle ne possédait pas les qualifications exigées ou qu' elle n' aurait pas dû être inscrite sur la liste d' aptitude . En revanche, lorsqu' un candidat est exclu de la participation à un concours, cela constitue en ce qui le concerne la fin de la procédure, et il est alors en droit d' engager une instance à l' encontre de la décision de l' exclure . En conséquence, l' objection de la Commission concernant la recevabilité du recours de M . Cullington est bien fondée
. Bien que la Commission n' ait pas soulevé ce moyen à l' encontre de M . van der Stijl, nous estimons que le recours de M . van der Stijl pourrait être également déclaré irrecevable, dans la mesure où celui-ci attaque en l' espèce non pas la décision de l' exclure - décision qu' il attaque dans l' affaire 262/86 -, mais la décision d' admettre M . Math . Pour cette seule et unique raison, les arguments concernant les qualifications de M . Math ne peuvent être examinés au titre de ces affaires;
toutefois, elles devront être examinées dans le cadre des affaires suivantes, dans lesquelles la nomination de M . Math à l' emploi en cause est attaquée, et nous nous proposons de les traiter dans ce contexte .

Affaire 262/86

Dans l' affaire 262/86, M . van der Stijl attaque la décision du jury de ne pas l' inscrire sur la liste d' aptitude . Son principal argument consiste à dire que les raisons données à l' appui de son exclusion étaient insuffisantes et qu' en fait l' unique raison donnée était qu' il ne répondait pas au "profil très particulier du poste ". Il n' est pas inutile de noter que M . van der Stijl a obtenu neuf points sur vingt; il lui manquait donc un point pour atteindre la note qui lui aurait permis d'
être inscrit sur la liste d' aptitude . Nous ajouterons que M . Cullington a obtenu douze points, soit autant que M . Math, tandis qu' un autre candidat a obtenu dix points . La Commission soutient que le motif donné à l' appui de l' exclusion de M . van der Stijl était suffisant, et que le critère d' un "profil très particulier" se trouvait implicitement dans l' avis de concours, qui exigeait une spécialisation dans certains domaines, même s' il ne figurait pas de manière spécifique dans l' avis de
concours . Il faut dire que le procès-verbal de la réunion du jury est loin d' être explicite sur ce qui s' est passé . Et, bien que, dans certaines circonstances, il peut être suffisant de motiver très brièvement un échec ( voir affaire 225/82, Verzyck/Commission, précitée ), nous estimons que M . van der Stijl est fondé à obtenir une explication plus complète ( voir affaire 316/82, Kohler/Cour des comptes, ( Rec . 1984, p . 641 ). Cette question est analysée de manière plus complète dans les
conclusions que nous avons présentées le 20 janvier 1989 dans les affaires jointes 100, 146 et 153/87 Basch e.a./Commission, et, afin d' éviter des répétitions, nous prions la Cour de se reporter à cette analyse ( points 6 à 11 ). La Commission ne peut, à notre avis, valablement répondre que, puisque le requérant était encore à l' époque fonctionnaire de la Commission, une plus ample motivation aurait pu nuire à sa carrière future . Le même argument peut tout aussi bien être présenté en sens inverse
: une explication plus complète aurait pu aider à sa carrière future, dans la mesure où il connaîtrait exactement les domaines dans lesquels ses connaissances ou son expérience professionnelle ou les deux à la fois étaient considérées comme insuffisantes, ce qui lui donnerait la possibilité d' améliorer ses connaissances dans ces domaines . En tout état de cause, l' argument de la Commission ne peut être admis dans le cas où un candidat demande spécialement les raisons; le candidat doit alors être
présumé avoir assumé tout risque pouvant en résulter pour sa carrière . Nous concluons, en conséquence, que la décision de ne pas inscrire le requérant sur la liste d' aptitude doit être annulée pour défaut de motivation suffisante .

Affaires 222 et 232/87

Nous abordons maintenant les deux affaires centrales, 222 et 232/87, dans lesquelles MM . Cullington et van der Stijl attaquent, chacun de son côté, la nomination de M . Math à l' emploi en cause .

Nous nous pencherons, en premier lieu, sur les motifs invoqués par les requérants dans les affaires antérieures, qu' ils font à nouveau valoir ici . Ils soutiennent tout d' abord que le jury n' aurait pas dû prendre en compte l' expérience professionnelle acquise par M . Math pendant qu' il occupait l' emploi en cause, puisqu' il n' aurait pas dû l' occuper . D' un point de vue strictement juridique, cette proposition est logique . Mais ce n' est pas une proposition pratique et ce n' est pas non
plus une proposition sur laquelle le jury ou l' AIPN sont susceptibles, selon nous, de s' appuyer dans le cadre de leur mission consistant à déterminer la personne la mieux adaptée à l' emploi en cause . C' est un fait indéniable que M . Math a occupé le poste en question - que ce soit sur la base d' une nomination régulière ou non -, et nous estimons que le jury était en droit de prendre en compte l' expérience professionnelle qu' il avait acquise à cette occasion . Il n' y a dès lors pas lieu de
rechercher si M . Math possédait ou non en 1983 l' expérience professionnelle requise .

Les requérants soulignent également que M . Math avait à première vue dépassé la limite d' âge prévue dans l' avis de concours . M . Math est né le 30 novembre 1935, et le concours n' était ouvert qu' aux candidats nés après le 22 mars 1936 . Comme à l' habitude, certaines exceptions étaient prévues, y compris une exemption de cette limite d' âge pour les candidats ayant accompli une année de service auprès des Communautés, ainsi qu' un relèvement de l' âge limite au titre du service militaire
obligatoire .

Les requérants soutiennent que le jury n' a pu considérer que M . Math n' était pas exclu du fait de la limite d' âge qu' en prenant en compte la période accomplie par lui en qualité d' agent temporaire . Ils soutiennent que, cet engagement ayant été lui-même irrégulier, il ne pouvait l' exempter de la limite d' âge . La Commission répond qu' il ne lui appartient pas de préciser les motifs pour lesquels le jury a considéré que M . Math se trouvait en deçà de la limite d' âge, tout en ajoutant que,
en tout état de cause, M . Math avait accompli 18 mois de service militaire en France, et que cela suffisait pour le mettre en règle avec la limite d' âge . Les requérants répliquent qu' aucun certificat en ce sens - alors qu' il était expressément exigé - n' apparaît avoir été produit devant le jury, et que, en conséquence, le jury n' a pu valablement prendre en compte le service militaire .

Il est parfaitement possible que le jury ait admis M . Math à participer au concours pour un motif douteux, à savoir sur la base de ses services antérieurs auprès de la Commission; s' il en est ainsi, cet élément pourrait, pris isolément, conduire à la conclusion que la décision du jury doive être annulée . Toutefois, le fait demeure que M . Math avait accompli 18 mois de service militaire, et que cela le met en règle avec la limite d' âge; et, dans la mesure où le certificat correspondant a été
produit devant la Cour, cette irrégularité formelle peut être considérée comme ayant été réparée au cours de la procédure contentieuse . Nous concluons, en conséquence, que le fait pour le jury d' admettre la candidature de M . Math et de l' inscrire sur la liste d' aptitude n' était pas illégal, de sorte qu' il ne peut être fait droit aux recours pour ce motif . Toutefois, il reste à répondre à la question de savoir si la nomination doit être annulée pour des raisons davantage liées au fond .

Nous récapitulerons les conclusions auxquelles nous sommes parvenu dans ces affaires jusqu' à maintenant . Nous avons conclu que la décision de la Commission de faire rétroagir l' engagement de M . Math comme agent temporaire à une date antérieure au 7 octobre 1985 était illicite, tout comme l' était la prétendue prolongation du contrat au-delà du 31 décembre 1985 . Nous avons conclu que l' avis de concours devait être annulé . Bien que nous ayions conclu que le fait pour le jury d' inscrire M .
Math sur la liste d' aptitude n' était pas illégal, nous avons conclu que sa décision de ne pas inscrire M . van der Stijl sur la liste devait être annulée pour insuffisance de motivation .

Comme nous l' avons déjà souligné, si l' avis de concours doit être annulé, il en résulte que toutes les étapes ultérieures du concours, y compris la nomination de M . Math, intervenue en définitive, sont dépourvues d' effet . Certes, les moyens développés par les requérants dans ces deux affaires ( à l' exception du grief tiré par M . Cullington de la publication tardive du résultat du concours ) reposent presque exclusivement sur leurs griefs relatifs aux étapes suivies par la Commission qui font
l' objet des autres affaires . Ici encore, toutefois, chaque étape doit être située dans son contexte, dans la mesure où il pourrait sembler autrement que chacun des vices constatés jusqu' à maintenant n' est pas suffisamment grave en lui-même pour justifier l' annulation de la nomination .

Si on se réfère à notre résumé de l' historique et si on tient compte également des antécédents de cette affaire tels qu' ils sont exposés dans les conclusions de l' avocat général Sir Gordon Slynn dans l' affaire 128/84, on ne manquera pas d' être frappé par le fait que M . Math a occupé et occupe encore un emploi auquel la Cour a déjà jugé qu' il avait été irrégulièrement nommé; que le chemin aboutissant à ce résultat semble en quelque sorte y avoir été prédestiné; que ce chemin a été marqué d'
une suite d' étapes illégales, y compris notamment l' engagement rétroactif de M . Math après le précédent arrêt de la Cour, la prolongotion de son contrat en violation des termes clairs et nets de la législation et l' énonciation, par l' avis de concours, de conditions manifestement taillées sur mesure pour cadrer avec la situation de M . Math; et que toutes ces étapes ont été suivies dans un cas où il y avait incontestablement d' autres candidats internes possédant des qualifications suffisantes
pour l' emploi en cause . Tout en étant mal fondés sur plusieurs points, les recours sont justifiés sur des points qui, à nos yeux, sont décisifs . Si nous considérons tous ces points dans leur ensemble, nous sommes amenés inéluctablement à conclure que l' AIPN avait, quelles que soient les raisons l' ayant inspirée, la détermination de voir nommer M . Math, et qu' elle a cherché à organiser la procédure en conséquence . A notre avis, il s' agit d' un détournement de procédure manifeste . Nous
concluons, en conséquence, que la décision de nommer M . Math à l' emploi en cause doit être annulée . Nous ajouterons, de crainte que l' une ou l' autre de nos remarques ne soit comprise comme une critique adressée à M . Math lui-même, que nous estimons que ces circonstances malheureuses ne sauraient le blâmer personnellement . Ainsi qu' il a été dit en son nom à l' audience, il n' est pas intervenu activement, aux côtés de la Commission, pour défendre sa propre cause, et la responsabilité du
résultat doit incomber à la Commission .

Dommages-intérêts

Dans l' affaire 341/85, M . van der Stijl réclame une indemnité de 2 000 écus au titre du préjudice qu' il a subi . Il réclame également des indemnités dans les affaires 251 et 266/86, 232/87 . Il soutient que, en l' espèce, la simple annulation des diverses décisions n' est pas suffisante, comme cela avait été jugé dans l' affaire 128/84, pour réparer l' atteinte à sa réputation ou son préjudice moral . Toutefois, M . van der Stijl est à présent pensionné . Le simple fait qu' il a poursuivi ces
instances après sa retraite ( ce qu' il est parfaitement en droit de faire ) peut laisser penser que son principal souci est de voir annuler la nomination de M . Math . En tout état de cause, nous n' estimons pas qu' il soit nécessaire ou opportun d' accorder en plus au requérant une somme d' argent, quel qu' en soit le montant . L' annulation des décisions est suffisante, comme elle l' a été dans l' affaire 128/84 et dans les affaires jointes 59 et 129/80, Turner/Commission ( Rec . 1981, p . 1883
). De même, la demande de M . Cullington au titre du "dommage moral" dans l' affaire 222/87 doit également être rejetée .

Dépens

En vertu de l' article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens . Bien que, dans le cadre de notre point de vue, la Commission défenderesse ait obtenu satisfaction sur certains de ses moyens, la position des requérants est indubitablement bien fondée dans les affaires prises dans leur ensemble . Même dans les affaires dans lesquelles les requérants ont échoué, on peut dire raisonnablement qu' ils ont été amenés à introduire ces affaires par la
façon dont la Commission a traité ce dossier . Nous sommes, en conséquence, d' avis que la Commission doit être condamnée aux dépens exposés par les requérants dans toutes les affaires, y compris aux dépens de la demande en référé introduite dans l' affaire 341/85, et qui n' a pas abouti, et, en tout état de cause, aux dépens des exceptions d' irrecevabilité soulevées par la Commission dans les affaires 251, 258, 262 et 266/86, et qui n' ont pas abouti .

En outre, bien que l' intervenant, M . Math, ait succombé en ses moyens, nous sommes d' avis, comme nous l' avons dit ci-dessus, qu' il n' a pas été l' auteur de son infortune et que la Commission porte la responsabilité de sa situation . Dans ces conditions, nous estimons que la Commission doit supporter également les dépens exposés par M . Math .

Conclusion

Nous estimons, en conséquence, que :

- dans l' affaire 341/85, la décision d' engager M . Math comme agent temporaire doit être annulée en ce qui concerne la période comprise entre le 28 septembre 1983 et le 7 octobre 1985;

- dans l' affaire 251/86, la décision de prolonger le contrat d' agent temporaire de M . Math après le 31 décembre 1985 doit être annulée;

- dans les affaires 258 et 259/86, les recours doivent être rejetés;

- dans l' affaire 262/86, la décision du jury de ne pas inscrire le requérant sur la liste d' aptitude doit être annulée;

- dans l' affaire 266/86, l' avis de concours doit être annulé;

- dans les affaires 222 et 232/87, la décision de nommer M . Math et ( dans l' affaire 222/87 ) la décision de rejeter la candidature de M . Cullington doivent être annulées .

Les demandes de dommages-intérêts des requérants doivent être rejetées . La Commission doit être condamnée aux dépens exposés par les requérants dans toutes les affaires, y compris aux dépens relatifs à la demande en référé introduite dans l' affaire 341/85, ainsi qu' aux dépens exposés par l' intervenant .

(*) Langue originale : l' anglais .


Synthèse
Numéro d'arrêt : 341/85,
Date de la décision : 24/01/1989
Type de recours : Recours de fonctionnaires - non fondé, Recours de fonctionnaires - fondé

Analyses

Fonctionnaires - Exécution d'un arrêt annulant une nomination.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Erik van der Stijl et Geoffrey Cullington
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Jacobs
Rapporteur ?: Mancini

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1989:28

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