Avis juridique important
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61987C0033
Conclusions de l'avocat général Vilaça présentées le 31 mai 1988. - Wassily Christianos contre Cour de justice des Communautés européennes. - Coefficient correcteur - Allocations familiales. - Affaire 33/87.
Recueil de jurisprudence 1988 page 02995
Conclusions de l'avocat général
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Monsieur le Président,
Messieurs les Juges,
1 . Le 21 mars 1986, la division du personnel de la Cour de justice a informé M . Vassily Christianos, fonctionnaire de cette institution, juriste réviseur à la division grecque de la direction de la traduction, que, conformément aux nouvelles dispositions des articles 67 et 68 du statut et des articles 1er, 2 et 3 de l' annexe VII, les prestations familiales qui lui étaient dues allaient être versées directement à son ex-femme, qui réside en Grèce avec leur enfant dont elle a la garde .
2 . En vertu de ces mêmes dispositions, le montant des prestations en cause ( allocation de foyer, allocation pour enfant à charge et allocation scolaire ) allait également être calculé au moyen de l' application d' un coefficient correcteur géographique correspondant au pays de résidence de la personne titulaire du droit de garde .
3 . Par conséquent, et conformément aux instructions du chef de la division du personnel, un montant de 15 822 LFR, correspondant à la totalité des prestations familiales dues, a été défalqué de la rémunération du requérant à partir du mois de mai 1986 . Cette somme équivalait, selon le taux de change officiel applicable, à 48 680 DR, mais le compte de l' ex-femme du requérant a été crédité d' un montant de 32 520 DR seulement, en application du coefficient correcteur fixé pour la Grèce .
4 . Par voie de réclamation, le requérant a demandé l' annulation de la décision de l' administration de la Cour de justice dans la mesure où elle appliquait le coefficient correcteur . Il a également demandé que l' administration reçoive l' ordre de verser les prestations familiales à son ex-femme sans appliquer le coefficient correcteur ou, à défaut, qu' elle les verse à l' auteur de la réclamation, qui se chargerait de les transférer à la bénéficiaire au taux bancaire habituel .
5 . La réclamation a été explicitement rejetée par la commission de la Cour compétente en la matière; c' est contre ce rejet qu' a été introduit le présent recours .
6 . La Commission des Communautés européennes a été autorisée à intervenir à l' appui des conclusions de la défenderesse .
7 . Le requérant conclut, en substance, à ce qu' il plaise à la Cour :
a ) annuler la décision qui a rejeté sa réclamation;
b ) décider que les prestations familiales versées à la personne chargée de la garde de l' enfant seront calculées sur la base du taux de change réel entre le franc luxembourgeois et la drachme, sans application de coefficients correcteurs;
c ) ordonner que le compte du requérant soit redressé;
d ) condamner la défenderesse à payer la différence entre les montants retenus sur le salaire du requérant et ceux qui ont été versés à la bénéficiaire des prestations à partir du 15 mai 1986;
e ) condamner la défenderesse au paiement d' intérêts moratoires, ainsi qu' aux dépens de l' instance .
1 . Le problème de la recevabilité du recours
8 . Le recours vise au premier chef à obtenir l' annulation de la décision de rejet de la réclamation .
9 . Il s' agit d' un acte purement confirmatif qui, pris isolément, ne constitue pas un acte attaquable .
10 . Mais, ainsi que la Cour l' a admis dans des circonstances identiques ( 1 ), il convient de reconnaître que l' objet du recours s' étend également à l' acte contre lequel une réclamation a été introduite et dont l' exécution cause un préjudice au requérant .
11 . Il n' y a donc là aucun motif d' irrecevabilité, comme la défenderesse l' a du reste noté dans son mémoire en défense .
12 . La défenderesse a, en revanche, invoqué une exception d' irrecevabilité en ce qui concerne les deuxième, troisième et quatrième demandes du requérant .
13 . Elle soutient que la Cour ne pourrait arrêter les mesures sollicitées par le requérant : celui-ci ne se plaindrait pas d' une application erronée du statut, mais bien de l' application d' une disposition dont il conteste la légalité par voie d' exception .
14 . Or c' est au législateur communautaire seul qu' il incomberait d' adopter les mesures appropriées pour mettre fin aux éventuelles discriminations résultant du texte contesté ( arrêt Razzouk et Beydoun, Rec . 1984, p . 1509, 1530, point 19 ), les administrations des institutions étant tenues d' appliquer en attendant les dispositions statutaires en vigueur .
15 . L' analyse du problème peut à nos yeux se décomposer en deux parties :
1 ) Sommes-nous ou non en présence d' une exception d' illégalité invoquée par le requérant?
2 ) La Cour est-elle ou non compétente pour arrêter les mesures demandées par le requérant?
16 . Sur la première partie du problème, les termes utilisés par le requérant - tant dans la réclamation que dans la requête - indiquent, bien que de façon ambiguë, qu' il a voulu éviter de mettre directement en cause la légalité des dispositions statutaires applicables, s' efforçant de diriger son recours contre la légalité de la décision de l' administration, compte tenu de l' interprétation et de l' application que celle-ci fait de ces dispositions .
17 . Ainsi, toute son argumentation tend apparemment à contester l' application "stricte" ou "littérale" de ces dispositions, en violation non de la lettre, mais de l' "esprit" de la modification du statut laquelle, loin de nuire aux enfants à charge, aurait entendu leur assurer une protection efficace . Ce serait donc de cette application littérale que découleraient "des résultats non prévus et opposés aux intérêts des personnes qu' elle ( la norme statutaire ) doit protéger", ce qui créerait une
situation choquante et injuste provoquant dans le cas d' espèce la violation de principes généraux, et notamment du principe d' égalité .
18 . On peut douter de la recevabilité d' une "exception d' illégalité" simplement implicite dans l' argumentation du requérant ( 2 ).
19 . Il apparaît cependant clair que le véritable problème soulevé par ce recours est effectivement celui de savoir s' il faut considérer que les dispositions de l' article 67, paragraphe 4, dans la mesure où elles visent à appliquer un coefficient correcteur géographique aux prestations familiales versées à une personne autre que le fonctionnaire, sont inapplicables à la situation du requérant, parce que leur application entraînerait la violation d' une règle supérieure de droit . En effet, il n'
est pas possible de mettre en cause la légalité de la décision de l' administration sur les prestations familiales du requérant sans contester la régularité de la disposition statutaire claire sur laquelle elle est fondée .
20 . A l' audience, sur les instances de la Cour, l' avocat du requérant a, du reste, finalement reconnu que son recours avait pour objet de contester, par voie d' exception, la régularité de la norme appliquée . Il convient donc de ne laisser subsister aucun doute sur cette régularité ( 3 ), que nous examinerons dans la seconde partie de ces conclusions .
21 . Voyons, avant cela, la seconde partie du problème de la recevabilité . Le requérant invoque à ce propos le parallèle avec l' arrêt Newth ( 4 ), qui portait sur l' application de l' article 50, alinéa 5, du statut relatif aux coefficients correcteurs géographiques applicables en cas de retrait d' emploi dans l' intérêt du service . Les demandes introduites alors étaient en tout point semblables à celles qui sont discutées aujourd' hui .
22 . La Cour - sans discuter la recevabilité des demandes, du reste non contestée par la Commission, défenderesse dans cette affaire - a estimé que l' application de l' article 50, alinéa 5, du statut à une situation telle que celle du requérant aurait des conséquences choquantes en violant le principe d' égalité; c' est pourquoi l' administration devrait interpréter la norme en cause de manière à éviter pareille conséquence et appliquer à cet effet des coefficients correcteurs différents de ceux
qui étaient établis dans la norme concernée .
23 . En application de l' article 91 du statut qui lui attribue une compétence de pleine juridiction dans les litiges de caractère pécuniaire, la Cour a alors ordonné à la Commission d' établir, avec toute la précision nécessaire, les droits du requérant .
24 . Cette question ne nous paraît cependant pas conditionner la solution du présent litige .
25 . Il est indiscutable que, dans les cas où l' administration dispose d' un pouvoir discrétionnaire pour décider de l' opportunité et du contenu d' une décision déterminée, la Cour ne peut se substituer à elle pour prendre une décision en son nom ou lui ordonner de choisir l' une des différentes possibilités existantes ( 5 ).
26 . C' est pourquoi la Cour a toujours soigneusement évité de s' ingérer dans la sphère propre du pouvoir discrétionnaire de l' administration au moyen d' ordres ou d' injonctions qu' elle aurait pu lui adresser .
27 . Toute demande formulée dans ce sens devrait donc être considérée comme manifestement irrecevable .
28 . Mais, même lorsque l' exercice d' une compétence liée s' impose à l' administration, on ne parvient pas forcément pour autant à une conclusion très différente .
29 . En effet, l' exercice d' une telle compétence découle alors de l' obligation d' exécuter l' arrêt, ce qui rend superflu tout ordre de la Cour à l' institution défenderesse tendant à l' adoption d' une mesure déterminée ou à la prise d' une certaine décision .
30 . Ainsi que la Cour l' a dit en termes généraux dans l' arrêt De Compte ( 6 ), "en vertu de l' article 176 du traité, l' institution dont émane l' acte annulé est tenue de prendre les mesures que comporte l' exécution de l' arrêt de la Cour de justice . La Cour ne saurait, sans sortir de sa compétence, adresser des injonctions aux institutions communautaires en vue de l' exécution de ses arrêts . Par suite, de telles conclusions ( 7 ) sont irrecevables" ( 8 ).
31 . La situation n' est cependant pas aussi claire lorsque l' annulation de l' acte de l' administration résulte du fait que celle-ci s' est fondée sur des dispositions statutaires contraires à un principe supérieur de droit, et donc inapplicables .
32 . A la suite d' une telle annulation, il incombe, d' une part, au législateur communautaire de tirer les conséquences de l' arrêt en prenant les mesures appropriées pour rétablir le respect de ce principe ( 9 ); mais il incombe, d' autre part, à l' administration de réexaminer dans l' immédiat la position du requérant et d' adopter, en attendant, les mesures nécessaires pour mettre un terme à la situation dommageable ou discriminatoire dont celui-ci a été victime ( 10 ).
33 . La norme contestée ayant été déclarée inapplicable, il peut s' avérer indispensable - pour que l' administration soit en mesure "d' établir, avec toute la précision nécessaire, les droits du requérant" ( 11 ) - que la Cour lui fournisse les éléments de référence valides ou les paramètres de sa décision .
34 . C' est ce que la Cour a fait dans l' arrêt Razzouk et Beydoun en ordonnant que soient appliquées à l' un des requérants les dispositions statutaires relatives à la pension de veuve; c' est également ce que la Cour a fait dans l' arrêt Newth, en ordonnant que le coefficient correcteur en vigueur pour la Belgique soit appliqué à l' indemnisation calculée en francs belges à laquelle le requérant avait droit aux termes de l' article 50, alinéa 5, du statut, et en décidant que le compte du requérant
serait redressé et que les arriérés qui seraient dus lui seraient payés .
35 . Ce problème n' a cependant pas de portée pratique dans le cas qui nous intéresse ici .
36 . En effet, le requérant, s' il a formulé différentes demandes, n' a pas invoqué de moyens spécifiques pour chacune d' entre elles . Au contraire, les moyens invoqués sont communs à toutes les demandes .
37 . Si, comme nous le verrons par la suite, les moyens du recours devaient être considérés comme totalement non fondés, cela impliquerait immédiatement le rejet non seulement de la demande principale ( l' annulation de la décision contestée ), mais aussi des demandes accessoires et de celles qui peuvent être considérées comme des injonctions à l' administration en vue de l' exécution de l' arrêt .
38 . Puisqu' il est dans tous les cas nécessaire d' apprécier le bien-fondé des moyens soulevés dès lors que certaines des demandes échappent à l' exception d' irrecevabilité, il ne serait pas nécessaire, si on concluait à l' absence totale de bien-fondé, de prendre spécifiquement position sur la recevabilité ou le bien-fondé des demandes dont la défenderesse a invoqué l' irrecevabilité .
39 . Or, nous pouvons avancer dès maintenant qu' aucun des moyens soulevés n' est capable de fournir le moindre support au recours introduit .
2 . L' analyse du bien-fondé de la cause
40 . Le requérant allègue que divers principes généraux de droit auraient été violés :
a ) le principe d' équité : l' application stricte de l' article 67, parag raphe 4, conduit, dans le cas du requérant, à une situation inique provoquant des résultats imprévus et totalement opposés aux intérêts des personnes qui devaient être protégées, dans la mesure où elle les empêche de recevoir la totalité des prestations familiales;
b ) le principe de la confiance légitime, le devoir de sollicitude et le principe de bonne administration : l' administration de la Cour a appliqué une réglementation abstraite sans tenir compte des intérêts du fonctionnaire et de son enfant mineur, et sans l' avoir informé des conséquences qui résulteraient de l' application de cette réglementation;
c ) le principe de l' égalité de traitement : le système critiqué, qui a pourtant pour objectif de traiter de manière égale des personnes résidant dans des pays différents, a finalement pour résultat une discrimination entre les fonctionnaires dont la famille réside en Grèce et ceux dont la famille réside dans un autre État membre, en privant les premiers d' une partie des prestations familiales auxquelles ils auraient droit;
d ) l' interdiction de l' "enrichissement sans cause ": tout en reconnaissant dans la réplique qu' on ne pourrait parler d' un véritable "enrichissement sans cause" de l' administration, le requérant allègue que l' intervention de celle-ci dans le transfert des prestations familiales implique que le bénéficiaire reçoit finalement une somme inférieure à celle qu' il recevrait si c' était ( comme dans le système antérieur ) le fonctionnaire qui procédait lui-même au transfert au taux de change courant
ou si le conjoint qui a la garde de l' enfant résidait non pas en Grèce, mais au Luxembourg .
41 . L' argumentation du requérant ne résiste pas à l' analyse .
42 . Sur les principes de l' équité et de l' égalité de traitement, ce que le requérant remet en cause, c' est, en fin de compte, l' application des coefficients correcteurs géographiques aux prestations familiales versées à une personne autre que le fonctionnaire, dans les conditions prévues à l' article 67, paragraphe 4, du statut .
43 . Or, dans le cadre des articles 64 et 65 du statut, comme la Cour l' a déjà souligné plus d' une fois, la finalité des coefficients correcteurs géographiques "est de garantir le maintien d' un pouvoir d' achat équivalent pour tous les fonctionnaires quel que soit leur lieu d' affectation, conformément au principe de l' égalité de traitement" ( 12 ).
44 . Le principe adopté par le statut est celui de la parité du pouvoir d' achat des rémunérations des fonctionnaires, indépendamment du lieu où ils exercent leurs fonctions .
45 . Les rémunérations comprennent, en vertu de l' article 62, "un traitement de base, des allocations familiales et des indemnités", tous affectés des coefficients correcteurs géographiques évoqués aux articles 64 et 65 . Ce mécanisme est confirmé par l' arrêt Jacquemart du 13 juillet 1978 ( 13 ), qui précise ( point 14 ) que "les coefficients correcteurs ne constituent pas un élément supplémentaire de la rémunération, mais indiquent une méthode de calculer les montants des différents éléments qui
composent cette rémunération ". L' application des coefficients implique selon les cas une augmentation ou une diminution des rémunérations fixées en francs belges .
46 . L' article 67, paragraphe 4, ne fait que préciser que le coefficient correcteur appliqué aux prestations familiales versées à la personne qui a la garde des enfants ( lorsque cette personne n' est pas le fonctionnaire ) est le coefficient qui est fixé pour le pays de résidence de cette personne .
47 . Et, en effet, il ne serait pas équitable de payer les prestations dans la monnaie du pays où le fonctionnaire exerce ses fonctions en les affectant du coefficient correcteur en vigueur dans ce pays, lorsque le fonctionnaire n' a pas la garde de l' enfant et que celui-ci réside dans un autre pays avec la personne qui en a la charge .
48 . Il résulte donc du système adopté que les personnes qui ont à leur charge les enfants des fonctionnaires reçoivent le même montant calculé en fonction du coût de la vie, où qu' ils résident : dès lors que cette règle est appliquée, l' équité est parfaitement assurée .
49 . Dans le cas du requérant, la règle générale a été respectée, sans la moindre conséquence imprévue ou indésirable .
50 . En effet, il n' a pas été démontré que la situation du requérant serait en quoi que ce soit exceptionnelle, de sorte qu' elle justifierait que l' application de la norme en cause soit, en ce qui le concerne, écartée ou modulée .
51 . Au contraire, la norme s' applique à une catégorie générale de personnes, définies abstraitement en fonction de leur situation, et le requérant entre simplement dans cette catégorie générale . On nous a du reste expliqué qu' à la Cour de justice seule le système est appliqué à environ 15 à 20 personnes . La Commission a également présenté divers exemples d' application de la même disposition aux prestations familiales dues à des fonctionnaires de la Commission, impliquant dans certains cas la
réduction, dans d' autres l' augmentation des montants nominaux en francs belges, en fonction du lieu de résidence des personnes chargées de la garde des enfants .
52 . De la même façon, il n' est pas possible de parler d' une violation du principe d' égalité, alors qu' il s' agit d' appliquer une disposition qui vise précisément à garantir qu' un traitement différencié soit assuré aux personnes qui se trouvent dans des situations différentes, de façon à compenser ces différences et à faire en sorte que, grâce à la modulation prévue dans la disposition en cause, elles soient placées à égalité de conditions .
53 . Il est certain que l' application du coefficient correcteur en vigueur pour la Grèce a impliqué une diminution du montant transféré par l' administration par rapport au montant antérieurement transféré par le requérant lui-même; il en est ainsi parce que le coût de la vie à Athènes est inférieur à celui de Bruxelles et de Luxembourg . Dans d' autres cas, la situation sera inverse et, pour les mêmes motifs de justice relative, le coefficient correcteur à appliquer sera donc supérieur .
54 . L' enfant du requérant reçoit donc le même pouvoir d' achat que l' enfant de tout autre fonctionnaire confié à la garde de celui-ci ou d' une tierce personne et résidant dans n' importe quel État membre, ce qui ne se produirait pas si les coefficients correcteurs n' étaient pas appliqués .
55 . De plus, nul n' a mis en doute le fait que l' enfant du requérant recevait, au titre des prestations familiales, le même montant en monnaie grecque, et donc le même pouvoir d' achat, que l' enfant de n' importe quel autre fonctionnaire confié à la garde du conjoint et résidant avec ce dernier en Grèce .
56 . Le requérant n' est pas plus heureux lorsqu' il invoque le principe de la confiance légitime : la confiance que le fonctionnaire peut placer dans une application erronée du statut ou dans sa violation ouverte n' est pas légitime, et ce serait le cas si, comme le demande le requérant, les prestations familiales étaient envoyées à son ex-femme sans application des coefficients ou si elles étaient payées directement au requérant dans une monnaie différente de celle du pays de résidence de la
personne qui est chargée de la garde de l' enfant .
57 . La règle de l' article 67, paragraphe 4 qui a été ajoutée au statut par l' article 5 du règlement ( CEE, Euratom, CECA ) n° 2074/83 du Conseil, du 21 juillet 1983 ( 14 ), émane de l' autorité compétente, elle a la même valeur que le texte modifié, elle n' est entachée d' aucun vice de forme et elle était parfaitement connue du requérant ( d' autant plus que l' administration a attiré l' attention sur les modifications statutaires dans la note qu' elle lui a envoyée le 21 mars 1986 ); celui-ci
ne peut invoquer de ce fait la moindre surprise, espoir subjectif ou droit acquis en vertu de la réglementation antérieure pour se soustraire à son application, du reste non rétroactive .
58 . Le lien entre les fonctionnaires et les institutions est de plus, comme la Cour l' a souligné ( 15 ), de nature statutaire et aucun compromis éventuel de l' administration n' est susceptible d' être invoqué en l' espèce dans le but d' annihiler les effets de la modification statutaire régulièrement adoptée .
59 . Dans ce contexte, on ne voit pas en quoi le devoir de sollicitude de la Communauté envers ses fonctionnaires ou le principe de la bonne administration peuvent être mis en cause, dès lors qu' on a purement et simplement appliqué une disposition statutaire inspirée par la préoccupation ( suscitée par des plaintes qui avaient été présentées à des institutions ) d' assurer le paiement effectif et rapide des prestations familiales aux personnes titulaires de la garde des enfants et de permettre à
ces derniers de bénéficier du même traitement quel que soit le lieu où ils résident .
60 . De surcroît, comme nous l' avons vu, l' administration a annoncé au requérant largement à l' avance que, compte tenu des éléments qu' il avait fournis, elle allait mettre à exécution les mesures prévues dans les dispositions statutaires applicables, en l' invitant de plus à prendre les mesures nécessaires pour assurer une application correcte des règles et éviter tout préjudice indu .
61 . Cela signifie que non seulement le requérant ne peut s' estimer victime de quelque disposition du statut qui aurait, à son égard, des conséquences discriminatoires, mais qu' il ne peut non plus se plaindre de ce que l' administration, en appliquant ces dispositions, aurait agi envers lui de façon incorrecte, déloyale, ou même légère . Il y a bien eu un retard dans l' application des dispositions nouvelles en raison, semble-t-il, de difficultés administratives; il n' en est cependant résulté
aucun préjudice pour le requérant .
62 . Finalement, confronté avec le mémoire en défense de la défenderesse, le requérant a abandonné dans la réplique le moyen pris du prétendu enrichissement sans cause de l' institution, tout en continuant cependant à soutenir que lui-même et son enfant subiraient, à la suite de l' application des dispositions controversées, un "appauvrissement sans cause ".
63 . La défenderesse a suffisamment démontré que le moyen invoqué par le requérant dans la requête reposait sur un profond malentendu . En effet, conformément aux dispositions des articles 62 et suivants du statut, les rémunérations des fonctionnaires ( y compris les prestations familiales ) - toujours exprimées en francs belges - sont affectées d' un coefficient correcteur supérieur, égal ou inférieur à 100 %, en fonction des conditions de vie dans les différents lieux d' affectation . Elles sont
cependant payées dans la monnaie du pays où le fonctionnaire exerce ses fonctions ou, lorsqu' il y a lieu d' appliquer l' article 67, paragraphe 4, dans la monnaie du pays où réside la personne qui a à sa charge les enfants des fonctionnaires, le taux de change utilisé pour l' exécution du budget général des Communautés s' appliquant alors le cas échéant, en vertu de l' article 63, alinéa 2 .
64 . Il en est ainsi pour tous les éléments des rémunérations : et, en ce qui concerne les prestations familiales, il en est ainsi, que les enfants soient à la charge du fonctionnaire ou de tierces personnes, qu' ils résident dans le lieu où celui-ci est affecté ou dans un autre État membre, ou que le fonctionnaire soit affecté à Bruxelles/Luxembourg ou dans un autre État membre .
65 . Selon les cas, on appliquera le coefficient correcteur approprié, calculé de façon à garantir la parité du pouvoir d' achat des rémunérations .
66 . Puisqu' il s' agit d' un simple mode de calcul des rémunérations, il n' y a pas trace d' un quelconque enrichissement des institutions au détriment de leurs fonctionnaires; il s' agit d' autant moins d' un enrichissement sans cause qu' il est certain que le système considéré a sa source dans les dispositions statutaires .
67 . Le requérant ayant malgré tout maintenu qu' il y aurait "appauvrissement sans cause", de deux choses l' une : ou bien on se trouve devant un moyen nouveau soulevé dans la réplique et dont il n' est pas possible de tenir compte, en raison des dispositions de l' article 42, paragraphe 2, du règlement de procédure; ou bien on se trouve seulement devant un autre aspect du même moyen et force est de lui appliquer les mêmes considérations .
3 . Conclusion
68 . Le requérant ayant succombé dans tous les moyens soulevés, le recours doit être jugé non fondé et les dépens doivent être répartis comme le commandent les dispositions combinées des articles 69, paragraphe 2, et 70 du règlement de procédure .
(*) Traduit du portugais .
( 1 ) Arrêt du 20 mars 1984 dans les affaires jointes 75 et 117/82, Razzouk et Beydoun, Rec . p . 1509, 1527, point 7 .
( 2 ) Voir arrêt du 17 décembre 1959 dans l' affaire 14/59, Fonderies de Pont-à-Mousson, Rec . p . 445, 474 .
( 3 ) Voir idem, ibidem .
( 4 ) Arrêt du 31 mai 1979 dans l' affaire 156/78, Newth/Commission, Rec . p . 1941, 1952, point 13 .
( 5 ) Arrêt du 16 décembre 1960 dans l' affaire 44/59, Fiddelaar/Commission, Rec . p . 1077, 1081 et 1093; arrêt du 19 mars 1975 dans l' affaire 189/73, Van Reenen/Commission, Rec . p . 445, 454 .
( 6 ) Arrêt du 20 juin 1985 dans l' affaire 141/84, De Compte/Parlement, Rec . p . 1951, 1967, point 22 .
( 7 ) Tendant à la réintégration rétroactive du requérant dans la plénitude de ses droits .
( 8 ) Voir également l' arrêt du 23 février 1961 dans l' affaire 30/59, De Gezamenlijke Steenkolenmijnen, Rec . p . 1, 36, et les arrêts du 1er juillet 1964 dans les affaires 26/63, Pistoj/Commission, Rec . p . 673, 696, et 78/63, Huber/Commission, Rec . p . 721, 740 . C' est cette orientation jurisprudencielle qui a prévalu sur celle qui ressort d' arrêts plus anciens, tels l' arrêt du 19 mars 1964 dans l' affaire 18/63 ( Sc mitz - Wollast/Communauté économique européenne, Rec . p . 163, 195 ) et
l' arrêt du 7 juillet 1964 dans l' affaire 70/63 ( Collotti/Cour de justice, Rec . p . 859, 903 et 905 ).
( 9 ) Arrêt Razzouk et Beydoun, op . cit ., point 19 .
( 10 ) Ibidem .
( 11 ) Arrêt Newth, op . cit ., point 14 .
( 12 ) Arrêt du 6 octobre 1982 dans l' affaire 59/81, Commission/Conseil, Rec . p . 3329, 3358, point 33; arrêt du 15 décembre 1982 dans l' affaire 158/79, Roumengous Carpentier/Commission, Rec . p . 4379, 4402, point 28 .
( 13 ) Affaire 114/77, Jacquemart/Commission, Rec . p . 1697, 1706 .
( 14 ) JO L 203 du 27.7.1983, p . 1 .
( 15 ) Arrêt du 19 mars 1975 dans l' affaire 28/74, Gillet/Commission, Rec . p . 463, 472, point 4 .