La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/05/1988 | CJUE | N°159/86

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 31 mai 1988., Michele Canters contre Commission des Communautés européennes., 31/05/1988, 159/86


Avis juridique important

|

61986C0159

Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 31 mai 1988. - Michele Canters contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaire - Indemnité d'expatriation. - Affaire 159/86.
Recueil de jurisprudence 1988 page 04859

Conclusions de l'avocat génér

al

++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . L' administ...

Avis juridique important

|

61986C0159

Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 31 mai 1988. - Michele Canters contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaire - Indemnité d'expatriation. - Affaire 159/86.
Recueil de jurisprudence 1988 page 04859

Conclusions de l'avocat général

++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . L' administration peut-elle limiter le paiement d' une indemnité d' expatriation à compter de la date où un fonctionnaire en fait la demande alors que l' intéressé remplissait les conditions depuis l' entrée en vigueur des dispositions instituant cette indemnité? Telle est, en substance, la question que vous devez résoudre pour statuer sur le recours introduit par Michele Canters, fonctionnaire de nationalité allemande affecté au Centre d' Ispra ( Italie ). L' intéressé a demandé, le 12 mars
1985, le bénéfice de l' indemnité d' expatriation, entrée en vigueur le 4 mai 1978 . Si l' administration a accordé le paiement de l' indemnité à compter de mars 1985, elle l' a refusé en revanche pour la période antérieure écoulée depuis 1978 .

2 . Examinons tout d' abord l' exception d' irrecevabilité soulevée par la défenderesse au motif que les bulletins de paie de mai 1978 à février 1985, sur lesquels l' indemnité d' expatriation ne figure pas, devraient s' analyser comme des actes faisant grief à l' encontre desquels le délai de recours aurait expiré .

3 . Si votre jurisprudence considère, dans certaines circonstances, que les bulletins de paie peuvent constituer des actes faisant grief ( 1 ), encore faut-il que ceux-ci expriment clairement une décision de l' administration ( 2 ). Or, en l' espèce, le silence ne saurait être ainsi analysé .

4 . En effet, la Commission elle-même soutient dans sa défense au fond qu' elle ne pouvait connaître la situation du requérant, faute pour celui-ci de s' être manifesté . Dès lors, on ne peut concevoir que les bulletins de paie aient pu traduire une décision, fût-elle implicite, de la Commission concernant une situation qu' elle se trouvait, de son propre aveu, ignorer .

5 . Par ailleurs, l' argument de la Commission selon lequel le rejet en date du 1er avril 1986 de la réclamation du requérant confirmerait les décisions antérieures matérialisées par les bulletins de salaire ne résiste pas davantage à l' examen . Le caractère juridique des bulletins de paie ne saurait dépendre de la qualification ultérieure que la Commission entend leur donner .

6 . Dès lors, et tout en observant que l' argument tiré du principe "nemo auditur" est en réalité relatif au fond du litige, nous vous proposons de rejeter l' exception d' irrecevabilité soulevée par la Commission .

7 . S' agissant du fond, il faut préciser d' emblée que toutes les considérations de la Commission relatives à la situation particulière du requérant en Italie sont indifférentes quant au point de savoir s' il a droit à l' indemnité en cause . Celle-ci est simplement subordonnée à ce que le fonctionnaire possède une nationalité différente de celle de son État d' affectation . Il s' agit là d' une condition objective ( 3 ), nécessaire et suffisante, remplie par M . Canters .

8 . Au demeurant, il nous semble que la Commission, qui paraît soutenir que la "ratio legis" de l' indemnité ne viserait pas des situations telles celles du requérant, ne tire pas toutes les conséquences de cette analyse dans la mesure où elle ne conteste pas ses droits à compter de la demande .

9 . Dès lors, quel fondement juridique la Commission peut-elle invoquer à l' appui de sa décision? Interrogée à ce sujet à l' audience, elle n' a pu indiquer quelle serait la règle écrite ou le principe qu' elle aurait entendu appliquer . Nous observerons, pour notre part, que l' indemnité en cause constitue une partie intégrante de la rémunération à laquelle le fonctionnaire ne peut renoncer par application de l' article 62 du statut . Par ailleurs, à défaut d' un délai de prescription ou d' une
disposition expresse prévoyant que l' indemnité n' est accordée qu' à compter de la demande du fonctionnaire, ce dernier bénéficie de ce droit dès lors qu' il remplit les conditions prévues par la réglementation .

10 . La Commission a invoqué votre arrêt Broe ( 4 ) qui a indiqué que l' on ne saurait comparer la situation de l' administration, en charge de plusieurs milliers de situations, et celle du fonctionnaire qui a un intérêt personnel à vérifier ses traitements mensuels .

11 . Cette décision ne nous paraît cependant nullement déterminante en l' espèce . En effet, elle concernait une action en répétition de l' indu engagée à l' encontre du fonctionnaire . Or, la transposition de solutions dégagées pour le cas où le fonctionnaire perçoit ce qui ne lui est pas dû au cas où il ne reçoit pas ce qui lui est dû ne saurait être tenue pour pertinente . Dans un cas, il s' agit, en effet, pour le fonctionnaire de conserver un versement irrégulier et, pour ce faire, d' établir
sa bonne foi . Dans l' autre, il s' agit d' obtenir l' application des règles relatives au traitement auquel il a droit, du fait de sa nomination, par application de l' article 62 du statut .

12 . Enfin, à insister sur la carence du requérant, la Commission nous paraît négliger deux éléments importants . D' une part la responsabilité première de la gestion administrative et financière des personnels incombe à l' administration . D' autre part la confrontation de la nationalité avec le lieu d' affectation est une opération élémentaire et le requérant a rappelé judicieusement les multiples moyens qui permettent à l' administration de connaître très rapidement la situation du personnel à
cet égard .

13 . Aussi, opposer à sa propre omission le laps de temps que le requérant aurait laissé s' écouler avant de se manifester ne saurait justifier une limitation du paiement de l' indemnité d' expatriation . On ne peut, en effet, justifier une appréciation d' opportunité qui s' appuierait sur des particularités d' espèce pour méconnaître une réglementation particulièrement dénuée d' ambiguïté dont aucune disposition n' impose au fonctionnaire de procéder à une demande pour obtenir le droit à l'
indemnité en cause . Dans ces conditions, le droit naît du jour où l' intéressé remplit les conditions prévues par la réglementation, soit ici la date de l' entrée en vigueur de l' indemnité d' expatriation .

14 . Vous ne sauriez ici appliquer une solution différente de celle de votre arrêt Houyoux et Guery ( 5 ) dans lequel vous avez annulé une décision de la Commission refusant d' accorder une indemnité de logement pour la période antérieure à la demande du fonctionnaire alors même que, à la différence de l' indemnité d' expatriation, la réglementation applicable prévoit expressément, avant toute attribution de l' indemnité, des vérifications de l' AIPN .

15 . Nous vous proposons en conséquence

- d' annuler la décision de la Commission du 1er avril 1986 refusant d' accorder à M . Canters le bénéfice de l' indemnité d' expatriation pour la période comprise entre le 4 mai 1978 et le mois de mars 1985,

- de condamner la Commission au dépens .

( 1 ) Affaire 15/73, Kortner e.a ., arrêt du 21 février 1974, Rec . p . 177; 1/76, Wack, arrêt du 15 juin 1976, Rec . p . 1O17 .

( 2 ) Affaire 185/8O, Garganese, arrêt du 2 juillet 1981, Rec . p . 1785 .

( 3 ) Affaire 147/79, Hochstrass, arrêt du 16 octobre 198O, Rec . p . 3OO5, point 13 .

( 4 ) Affaire 252/78, arrêt du 11 juillet 1979, Rec . p . 2393 .

( 5 ) Affaires jointes 176 et 177/86, arrêt du 27 octobre 1987, Rec . p . 4333 .


Synthèse
Numéro d'arrêt : 159/86
Date de la décision : 31/05/1988
Type de recours : Recours de fonctionnaires - fondé

Analyses

Fonctionnaire - Indemnité d'expatriation.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Michele Canters
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Darmon
Rapporteur ?: Moitinho de Almeida

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1988:265

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award