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04/05/1988 | CJUE | N°135/87

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Lenz présentées le 4 mai 1988., Androniki Vlachou contre Cour des comptes des Communautés européennes., 04/05/1988, 135/87


Avis juridique important

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61987C0135

Conclusions de l'avocat général Lenz présentées le 4 mai 1988. - Androniki Vlachou contre Cour des comptes des Communautés européennes. - Procédure de concours - Exécution d'un arrêt de la Cour. - Affaire 135/87.
Recueil de jurisprudence 1988 page 02901

Conclusio

ns de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,...

Avis juridique important

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61987C0135

Conclusions de l'avocat général Lenz présentées le 4 mai 1988. - Androniki Vlachou contre Cour des comptes des Communautés européennes. - Procédure de concours - Exécution d'un arrêt de la Cour. - Affaire 135/87.
Recueil de jurisprudence 1988 page 02901

Conclusions de l'avocat général

++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

A - En fait

1 . Par le recours donnant lieu aux présentes conclusions, la requérante, Mme Androniki Vlachou, traductrice à la Cour des comptes des Communautés européennes, demande à la Cour de justice de constater que la Cour des comptes, partie défenderesse, a refusé à tort de nommer la requérante à un poste de réviseur-traducteur principal, et de prononcer l' annulation d' un concours interne aux institutions organisé en vue de pourvoir deux postes de réviseurs-traducteurs principaux .

2 . La procédure de pourvoi au premier poste mentionné a déjà fait l' objet de l' arrêt de la Cour de justice du 6 février 1986 dans l' affaire 143/84 ( 1 ). A la suite du concours interne CC/LA/20/82, la défenderesse avait nommé à ce poste M . K ., partie intervenante dans ladite affaire ainsi qu' en l' espèce . Cette nomination avait été annulée par la Cour de justice dans l' arrêt cité, au motif que l' établissement de la liste d' aptitude par le jury dudit concours était entaché d' irrégularité
. En particulier, le jury avait fixé les critères de cotation des titres relatifs à l' expérience professionnelle des candidats seulement après avoir pris connaissance de ces titres, au lieu de les fixer préalablement ( 2 ).

3 . La requérante soutient maintenant que, après l' annulation relative à la nomination de la partie intervenante, M . K ., elle aurait dû, en tant que seule candidate encore inscrite sur la liste d' aptitude, être nommée au poste en question . Elle fait valoir que la Cour de justice aurait annulé uniquement la nomination de la partie intervenante, M . K ., mais pas la liste d' aptitude du concours CC/LA/20/82 dans son ensemble .

4 . Elle invoque, en outre, l' existence d' une violation de l' article 29 du statut, dans la mesure où la défenderesse aurait été tenue, en cas d' annulation du concours mentionné, d' organiser un concours de même nature, au lieu de procéder à un concours interne aux institutions .

5 . Après avoir présenté des réclamations sur ces points, la requérante conclut maintenant à ce qu' il plaise à la Cour, en substance :

- annuler comme entachés d' illégalité les rejets de sa demande du 21 mars 1986 et de sa réclamation du 14 octobre 1986,

- constater qu' elle a droit au poste LA 5/LA 4 en question à la division grecque de traduction de la Cour des comptes,

- annuler le concours CC/LA/10/86 publié par la Cour des comptes ,

- condamner la défenderesse aux dépens de l' instance .

6 . La défenderesse conclut à ce qu' il plaise à la Cour :

- rejeter le recours comme irrecevable ou, à tout le moins, comme non fondé,

- condamner la requérante au paiement de tous les dépens .

7 . La partie intervenante s' associe aux conclusions de la défenderesse .

8 . La défenderesse considère le recours comme irrecevable au motif qu' il viserait essentiellement l' interprétation de l' arrêt de la Cour de justice du 6 février 1986 dans l' affaire 143/84, déjà cité . Au lieu d' introduire un recours en annulation, la requérante aurait dû saisir la Cour de justice d' une demande en interprétation de cet arrêt, sur la base de l' article 40 du statut de ladite Cour . Le recours serait également irrecevable dans la mesure où il vise à l' annulation de la décision
de rejet de la demande introduite par la requérante le 21 mars 1986 .

9 . Sur le fond, la défenderesse fait valoir que la procédure du concours CC/LA/20/82 était entachée d' un vice résidant dans l' illégalité de la décision du jury fixant les critères de cotation des titres relatifs à l' expérience professionnelle des candidats . Cette illégalité aurait entraîné l' invalidité de la liste d' aptitude établie par le même jury sur la base des critères de cotation litigieux . La défenderesse estime que, dans ces conditions, elle ne pouvait pas procéder à la nomination de
la requérante sur la base d' une liste d' aptitude dont l' illégalité avait été constatée par la Cour de justice .

10 . En ce qui concerne la prétendue violation de l' article 29 du statut, il appartiendrait, selon une jurisprudence constante de la Cour, à l' autorité investie du pouvoir de nomination d' apprécier, selon l' ordre de préférence de l' article 29, le mode de pourvoi adéquat aux vacances d' emploi existant dans son institution .

11 . La Cour des comptes demande enfin la condamnation de la requérante à la totalité des dépens, en considération du caractère vexatoire de son recours .

12 . La partie intervenante s' associe pour l' essentiel à l' argumentation de la défenderesse .

B - Observations

13 . Nous ne partageons pas les doutes exprimés par la défenderesse quant à la recevabilité du recours . Quand bien même l' une des questions soulevées ici, à savoir celle relative aux conséquences devant être tirées de l' arrêt de la Cour de justice du 6 février 1986 dans l' affaire 143/84 2 aurait pu être tranchée par la voie d' une procédure en interprétation sur la base de l' article 40 du statut de la Cour de justice ou de l' article 102 du règlement de procédure de cette Cour, on ne saurait
invoquer le fait que la requérante pouvait également recourir en l' espèce à un autre type particulier de procédure pour en conclure qu' elle ne dispose plus des voies de recours normales .

14 . La formulation des conclusions de la requérante ne peut pas non plus entraîner l' irrecevabilité du recours . Lorsque la requérante demande l' annulation des "rejets de sa demande du 21 mars 1986 et de sa réclamation du 14 octobre 1986", il résulte à l' évidence d' une interprétation logique de cette conclusion qu' elle vise la mesure que la défenderesse a prise dans sa décision du 29 janvier 1987 faisant suite à la réclamation du 14 octobre 1986 . Selon nous, le fait que le rejet de la demande
du 21 mars 1986 a été mentionné séparément ne nuit pas à la recevabilité du recours .

15 . Quant au fond, nos observations seront brèves .

16 . La première question qui se pose est celle de savoir si la requérante peut se prévaloir d' un droit à être nommée en tant que réviseur-traducteur principal sur la base du concours interne CC/LA/20/82 .

17 . S' il y a lieu, en effet, d' approuver la requérante lorsqu' elle déclare que la Cour de justice, dans son arrêt du 6 février 1986, susmentionné, ne s' est formellement prononcée que sur la nomination de la partie intervenante et que le dispositif de cet arrêt n' exprime aucune position quant à la validité de la liste d' aptitude établie dans le cadre de ce concours, il convient toutefois de rappeler que la nomination de la partie intervenante a été annulée en raison d' une irrégularité dans l'
établissement de la liste d' aptitude par le jury . Le concours CC/LA/20/82 n' a donc pas abouti à l' établissement d' une liste d' aptitude valide, sur la base de laquelle la requérante pourrait être nommée au poste litigieux . La défenderesse étant tenue de respecter cette position exprimée de manière incidente dans les motifs de l' arrêt, elle n' était pas en mesure de nommer valablement la requérante au poste de réviseur-traducteur principal .

18 . Il y a lieu d' examiner maintenant la deuxième question, qui est celle de savoir si la défenderesse était tenue de recommencer le concours interne CC/LA/20/82, en vue de permettre l' établissement d' une liste d' aptitude valide, ou si elle était en droit d' organiser un nouveau concours, comme elle l' a fait avec l' ouverture d' un concours interinstitutionnel ( CC/LA/10/86 ).

19 . A cet égard, il y a lieu de rappeler que selon la jurisprudence de la Cour l' autorité investie du pouvoir de nomination, une fois entamée une procédure de recrutement, n' est pas tenue d' y donner suite en pourvoyant nécessairement à l' emploi mis en vacance ( 3 ). Il en est ainsi au moins lorsque des motifs importants l' amènent à procéder de la sorte .

20 . Cela vaut, à plus forte raison, lorsqu' un concours n' est pas encore terminé, mais qu' il devrait, au contraire - ne serait-ce que parce que certains de ses éléments essentiels sont entachés d' un vice -, être recommencé pratiquement depuis le début . Dans une telle situation, l' autorité investie du pouvoir de nomination doit aussi être à nouveau en mesure de prendre une décision sur le type de concours qu' elle juge le plus adéquat pour lui permettre de disposer d' un choix suffisamment
large pour assurer un recrutement aussi conforme que possible aux exigences du poste à pourvoir ( 4 ).

21 . Si l' on tient compte, en outre, du fait que, selon la jurisprudence de la Cour, il est également possible de procéder, pour des raisons valables, au retrait des conditions requises par l' avis de vacance et de les remplacer par la voie d' un avis corrigé ( 5 ), et que l' autorité investie du pouvoir de nomination n' est donc pas liée par l' avis qu' elle a publié, celle-ci est donc aussi nécessairement en droit de changer la nature du concours telle que prévue à l' article 1er, paragraphe 1,
sous a ), de l' annexe III du statut et de passer d' un concours interne à l' institution à un concours interne aux institutions, pour autant qu' elle ait des raisons de le faire .

22 . Compte tenu des tensions existant, comme la Cour en a été informée, au sein de la section grecque du service de traduction de la défenderesse, on ne saurait contester sérieusement que celle-ci pouvait avoir des motifs valables, au regard de l' intérêt du service, d' élargir ses possibilités de choix en vue de pourvoir au poste litigieux, et d' organiser à cette fin un concours interne aux institutions .

23 . Pour les raisons mentionnées, nous estimons donc qu' il y aurait lieu de rejeter le recours .

24 . En ce qui concerne les dépens, la défenderesse et la partie intervenante demandent l' application de l' article 69, paragraphe 3, du règlement de procédure, avec cette conséquence que la requérante serait condamnée, par dérogation aux dispositions générales de l' article 70 du règlement de procédure, à la totalité des dépens de l' instance, ceux-ci revêtant un caractère frustratoire ou vexatoire .

25 . Même s' il est apparu d' emblée que le recours avait peu de chances d' aboutir du point de vue de l' exécution de l' arrêt du 6 février 1986 dans l' affaire 143/84, on ne saurait toutefois nier que la requérante a un intérêt à faire vérifier par la Cour si le passage d' une procédure de concours interne à l' institution à une procédure de concours interne aux institutions était autorisé . Nous estimons donc que le recours, au moins dans son deuxième moyen, ne doit pas être considéré comme
frustratoire ou vexatoire .

26 . Par conséquent, nous proposons de mettre à la charge de la requérante ses propres frais et ceux de la partie intervenante . Conformément à l' article 70 du règlement de procédure, il y aurait lieu de faire supporter à la défenderesse ses propres dépens .

C - Conclusions

Nous proposons donc à la Cour de justice de statuer comme suit :

27 . "1 ) Le recours est rejeté .

2 ) La requérante supporte ses propres dépens et ceux de la partie intervenante .

3 ) La défenderesse supporte ses propres dépens ."

(*) Traduit de l' allemand .

( 1 ) Arrêt du 6 février 1986 dans l' affaire 143/84, Androniki Vlachou/Cour des comptes, Rec . p . 473 .

( 2 ) Voir les attendus 19 à 21 de l' arrêt cité ( reproduits également au début du rapport d' audience )

( 3 ) Voir : l' arrêt du 24 juin 1969 dans l' affaire 26/68, Jeannette Fux/Commission, Rec . p . 145,

et l' arrêt du 9 février 1984 dans les affaires jointes 316/82 et 40/83, Nelly Kohler/Cour des comptes, Rec . p . 641 .

( 4 ) Voir l' arrêt du 25 novembre 1976 dans l' affaire 123/75, Bertold Koester/Parlement européen, Rec . p . 1701 .

( 5 ) Voir l' arrêt du 30 octobre 1974 dans l' affaire 188/73, Danièle Grassi/Conseil, Rec . p . 1099 .


Synthèse
Numéro d'arrêt : 135/87
Date de la décision : 04/05/1988
Type de recours : Recours de fonctionnaires - non fondé

Analyses

Procédure de concours - Exécution d'un arrêt de la Cour.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Androniki Vlachou
Défendeurs : Cour des comptes des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Lenz
Rapporteur ?: Bosco

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1988:231

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