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28/04/1988 | CJUE | N°7/87

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Cruz Vilaça présentées le 28 avril 1988., Commission des Communautés européennes contre Conseil des Communautés européennes., 28/04/1988, 7/87


Avis juridique important

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61987C0007

Conclusions de l'avocat général Vilaça présentées le 28 avril 1988. - Commission des Communautés européennes contre Conseil des Communautés européennes. - Fonctionnaires - Vérification quinquennale des coefficients correcteurs. - Affaire 7/87.
Recueil de jurisprudence

1988 page 03401

Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Prés...

Avis juridique important

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61987C0007

Conclusions de l'avocat général Vilaça présentées le 28 avril 1988. - Commission des Communautés européennes contre Conseil des Communautés européennes. - Fonctionnaires - Vérification quinquennale des coefficients correcteurs. - Affaire 7/87.
Recueil de jurisprudence 1988 page 03401

Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . Par le présent recours, la Commission entend obtenir l' annulation du règlement ( CEE, EURATOM, CECA ) n° 3619/86 du Conseil, du 26 novembre 1986 ( 1 ), rectifiant les coefficients correcteurs dont sont affectées au Danemark, en Allemagne, en Grèce, en France, en Irlande, en Italie, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni les rémunérations et pensions des fonctionnaires et autres agents des Communautés européennes, en fonction de l' évolution du coût de la vie constatée entre le 1er janvier 1976 et le 31
décembre 1980 .

2 . La portée de l' arrêt qu' il faudra prononcer dans la présente affaire peut être appréciée dès maintenant par le nombre de recours introduits par des fonctionnaires contre les institutions pour application erronée des coefficients correcteurs pendant la période en question; la Cour a sursis à statuer dans l' ensemble de ces affaires jusqu' au prononcé de l' arrêt dans le présent litige ( 2 ).

3 . Dans l' analyse ci-après, nous présenterons, en premier lieu, le contexte juridique du recours; nous ferons ensuite une synthèse des éléments de fait pour analyser, finalement, le bien-fondé des arguments invoqués par les parties .

I - Le contexte juridique

4 . Le principe de la parité de pouvoir d' achat entre les fonctionnaires et agents de la Communauté, indépendamment des lieux d' affectation et de la monnaie dans laquelle la rémunération est payée, trouve son fondement juridique dans les articles 63, 64 et 65 du statut des fonctionnaires ( ci-après "statut "); les mêmes dispositions sont applicables aux agents temporaires et aux auxiliaires en vertu des articles 20 et 64 du régime applicable aux autres agents (" RAAA ") et ce principe a été à
plusieurs reprises réaffirmé dans la jurisprudence de la Cour ( 3 ).

5 . L' article 63, alinéa 1, dispose que la rémunération du fonctionnaire est exprimée en francs belges et payée dans la monnaie du pays où le fonctionnaire exerce ses fonctions .

6 . Pour assurer la parité de pouvoir d' achat des diverses rémunérations, l' article 64 dispose qu' elles sont affectées d' un coefficient correcteur supérieur, inférieur ou égal à 100 %, selon les conditions de vie aux différents lieux d' affectation . Les coefficients sont fixés par le Conseil, sur proposition de la Commission; le coefficient applicable à la rémunération des fonctionnaires affectés en Belgique et au Luxembourg est égal à 100 %.

7 . Les coefficients correcteurs pour les autres pays sont revus et adaptés périodiquement en fonction de l' évolution du coût de la vie dans les différents États membres .

8 . Depuis 1981, les modalités de cette adaptation périodique, ainsi que la révision des rémunérations des fonctionnaires et autres agents, sont régies par la décision 81/1061/Euratom, CECA, CEE, du Conseil du 15 décembre 1981 ( ci-après "décision de 1981 "), qui a modifié la méthode d' adaptation des rémunérations des fonctionnaires et autres agents des Communautés appliquée ( 4 ) depuis le 26 juin 1976 .

9 . Dans le cadre de la révision annuelle des rémunérations ( article 65, paragraphe 1 ), il est prévu une adaptation annuelle des coefficients correcteurs, à effectuer par le Conseil, sur proposition de la Commission et sur la base d' éléments fournis par les services statistiques nationaux, en tenant compte d' un indice commun de mesure de l' évolution des prix établi par l' Office statistique des Communautés européennes (" OSCE ") - décision de 1981, annexe, point II, 1, et point II, 4, sous c ),
dernier tiret .

10 . D' autre part, en cas de variation sensible du coût de la vie, on procède, si nécessaire, à des adaptations intermédiaires ( article 65, paragraphe 2 ), qui donnent lieu à régularisation au moment des adaptations annuelles .

11 . En outre, depuis 1976, est appliqué le principe de la révision périodique des coefficients correcteurs, pour vérifier s' ils reflètent correctement l' équivalence des pouvoirs d' achat des rémunérations dans les divers lieux d' affectation .

12 . La décision de 1981 a établi que la révision a lieu tous les cinq ans : l' OSCE doit en ces occasions vérifier, en accord avec les services statistiques des États membres, si les rapports entre coefficients correcteurs établissent correctement les équivalences de pouvoir d' achat entre les rémunérations payées aux personnels en service dans les capitales des États membres; la même opération doit être faite à l' égard des autres lieux d' affectation, lorsque apparaissent des risques de
distorsions importantes ( décision de 1981, annexe, point II, 1.1, alinéas 2 et 3 ). La Commission propose au Conseil l' adaptation quinquennale des coefficients correcteurs en se basant sur les résultats de cette vérification .

13 . C' est dans les conditions prévues au point II, 1.1, de l' annexe à la décision de 1981 et sur la base des articles 64 et 82 du statut ainsi que des articles 20 et 64 du RAAA que le Conseil a approuvé, le 26 novembre 1986, le règlement attaqué, qui rectifie les coefficients correcteurs applicables dans les différents États membres ( 5 ).

II - Faits et procédure

14 . Engagé en 1981, le processus qui a mené à l' introduction du recours a comporté quatre moments cruciaux et révélateurs des motifs du différend entre les parties : la première proposition de la Commission; son retrait en face des objections présentées par le Conseil; la deuxième proposition de la Commission; l' adoption par le Conseil du règlement attaqué .

15 . Rappelons les conditions dans lesquelles a été faite la proposition initiale de la Commission . En prévision de la révision des coefficients correcteurs qui devait avoir lieu en janvier 1981, la Commission a procédé à un certain nombre d' enquêtes au cours des années 1980 et 1981 pour définir les habitudes de consommation du fonctionnaire européen . Selon la Commission, cet examen a été effectué conformément à la fois à la méthode de révision des rémunérations adoptée en 1976 et à la nouvelle
méthode adoptée en 1981 .

16 . Les enquêtes ont été réalisées par les services statistiques nationaux en collaboration avec l' OSCE et elles ont tenu compte, pour l' ensemble des éléments, sauf le logement, des prix en vigueur dans les capitales .

17 . Quant au logement, au lieu des niveaux des loyers payés par les fonctionnaires européens dans les capitales, on a pris en considération les loyers moyens payés dans chaque État membre par la population en général, tels qu' ils ressortaient des comptabilités nationales respectives . Cette méthode avait déjà été appliquée lors de révisions antérieures .

18 . L' application intégrale de cette méthode aurait cependant, selon la Commission, conduit à des solutions aberrantes : alors que les résultats montraient un degré de corrélation raisonnable quand les coefficients étaient calculés sans prendre en considération l' élément logement ou quand on se référait à l' indice des prix à la construction dans l' ensemble de chaque pays, cette corrélation disparaissait quand on tenait compte des chiffres relatifs aux loyers fournis par les comptabilités
nationales .

19 . Tout en ayant conscience de cette contradiction et en dépit des doutes que ces calculs éveillaient en elle, la Commission a estimé qu' elle ne pouvait faire abstraction de l' élément logement, compte tenu de son poids dans les dépenses de consommation des fonctionnaires ( environ 20 %).

20 . Afin de pallier les conséquences de ladite anomalie, la Commission a, dans sa proposition du 17 juillet 1984 (( COM(64 ) 264 )), suggéré - toujours sur la base des mêmes valeurs - l' application d' un seuil de 2,5 %, marge à l' intérieur de laquelle les variations constatées dans les parités des pouvoirs d' achat ne seraient pas prises en compte, les coefficients correcteurs n' étant rectifiés que si ce pourcentage était dépassé en plus ou en moins .

21 . Lors de la discussion de la proposition de la Commission par le groupe "statut" du Conseil les 8 et 9 octobre 1984, deux délégations ont exprimé des doutes sur la compatibilité de la proposition avec le statut et avec les méthodes de révision des rémunérations adoptées en 1976 et en 1981 .

22 . Après avoir consulté son service juridique, le Conseil a estimé que l' application d' un seuil était contraire à l' article 64 du statut, le fonctionnaire ayant droit à ce que tout changement des conditions de vie, même minime, révélé par l' examen périodique soit pris en considération .

23 . Se fondant sur cet avis, le groupe "statut" a conclu ( réunion du 19 novembre 1984 ) que l' introduction d' un seuil ne pouvait être acceptée .

24 . Se ralliant à cette position, la Commission a retiré sa proposition et a cherché à établir pour l' élément logement des données plus sûres qui permettraient d' éviter l' application du seuil qu' elle avait proposé .

25 . C' est dans ce contexte que la Commission a présenté, le 23 décembre 1985, une deuxième proposition . Pour la préparer, la Commission a - au lieu de comptabiliser les moyennes nationales des loyers d' habitation - réalisé une enquête sur le montant des loyers dans les capitales pour une série d' habitations types . La collecte des données a été faite par les services statistiques nationaux auprès des agences immobilières à la fin de 1984 et au début de 1985 . Les résultats de cette enquête ont
été analysés par l' OSCE qui les a extrapolés à la date du 1er janvier 1981; la Commission a alors été en mesure de conclure que, cette fois-ci, il existait un parallélisme satisfaisant entre les coefficients correcteurs ainsi déterminés et ceux obtenus en faisant abstraction de l' élément logement ou en substituant le coût de la construction au montant des loyers . En conséquence, elle a proposé les nouveaux coefficients correcteurs en fixant comme date de prise d' effet le 1er janvier 1981 .

26 . Le 26 novembre 1986, le Conseil a adopté le règlement litigieux, qui amendait dans une large mesure les propositions de la Commission . Les modifications ont porté sur deux points : d' une part, la méthode utilisée pour le calcul de l' élément logement a été non pas celle qui avait été à la base de la dernière proposition de la Commission, mais celle qui avait déjà été utilisée dans la proposition antérieure, fondée sur les moyennes nationales des loyers d' habitation fournies par les
comptabilités nationales; d' autre part, le Conseil a retenu comme date de prise d' effet de la révision le 1er juillet 1986 et non pas le 1er janvier 1981 .

27 . En termes chiffrés, la différence entre la proposition de la Commission et le règlement du Conseil en ce qui concerne l' adaptation des coefficients correcteurs est la suivante :

Proposition de la Commission Règlement du Conseil

Danemark + 12,6 + 13,2

Allemagne + 0,5 + 4,9

Grèce - 3,0 - 3,3

France + 12,1 + 1

Irlande + 18,1 + 10,1

Italie + 2,1 - 7,8

Pays-Bas + 0,1 - 1,4

Royaume-Uni + 16,8 + 3,0

Varèse + 2,1 - 7,8

28 . Il faut noter que, alors que l' adoption de la proposition de la Commission aurait entraîné 2,8 millions d' écus de dépenses supplémentaires sur une période de six années d' exécution budgétaire, l' application du règlement attaqué doit conduire sur la même période à une réduction de 1,9 million d' écus .

III - Analyse des arguments des parties

29 . La Commission soutient que les deux points sur lesquels le règlement adopté s' éloigne de sa proposition constituent autant de violations de l' article 64 du statut et de la décision du Conseil de 1981 . D' une part, selon la Commission, les valeurs utilisées pour le calcul de l' élément logement dans le coût de la vie ne reflètent pas les coûts réels et ne permettent donc pas de déterminer avec une précision suffisante les niveaux de rémunération susceptibles d' assurer l' équivalence du
pouvoir d' achat des fonctionnaires; d' autre part, toujours d' après la Commission, la date de prise d' effet de la révision quinquennale des coefficients correcteurs doit se référer au terme de la période antérieure .

30 . Nous allons nous pencher sur chacun de ces points, en confrontant les argumentations de chacune des parties .

1 . Le calcul de l' élément logement

31 . Le fait que le Conseil s' est fondé sur les moyennes nationales des loyers payés par la population en général et non pas sur les loyers payés par les fonctionnaires européens dans les capitales pour des logements types est contesté par la requérante pour trois ordres de raisons : en premier lieu, cela ne serait pas compatible avec la méthode retenue dans la décision de 1981 qui exigerait la prise en considération de la situation dans la capitale de chaque État membre; en second lieu, la
situation spécifique des fonctionnaires en cause n' aurait pas été prise en compte avec une précision suffisante; enfin, les motifs invoqués par le Conseil pour rejeter les données établies par l' OSCE aux fins de déterminer le prix des loyers seraient sans fondement .

1.1 . L' obligation de prendre en considération les capitales des États membres

32 . Selon la Commission, le choix des capitales s' imposait dans le cadre de l' application de la méthode adoptée en 1981, puisque la révision quinquennale a pour objectif de s' assurer de ce que les coefficients géographiques ont été correctement établis : or, ces coefficients étaient établis depuis 1968 et 1969 par rapport aux prix dans les capitales et ils n' ont été établis pour Ispra qu' à la suite des arrêts prononcés par la Cour le 15 décembre 1982 ( d' où l' inclusion de cette localité dans
la proposition de la Commission ). Dans ces conditions, le règlement du Conseil aurait dû considérer la situation dans les capitales et le recours à des moyennes globales tirées des comptabilités nationales ne satisferait de toute évidence pas à ce critère .

33 . D' autre part, selon la Commission, la décision de 1981 ferait partie intégrante d' un ensemble de mesures d' exception comportant des sacrifices pour les fonctionnaires ( notamment l' institution d' un prélèvement exceptionnel de crise, prévu au nouvel article 66 bis du statut ), étant entendu que l' équilibre en résultant et les règles sur lesquelles il s' appuie, en particulier la disposition de la décision du Conseil qui prévoit de prendre les capitales comme référence pour la révision des
coefficients correcteurs ( point II, 1.1, alinéa 2 ), doivent être rigoureusement respectés .

34 . A ces arguments, le Conseil oppose plusieurs considérations . Il rappelle pour commencer que le paramètre de la "moyenne nationale des loyers" avait déjà été utilisé lors de révisions antérieures ( pour la dernière fois en 1976 ) et avait été retenu dans la première proposition de la Commission pour 1981, présentée en juillet 1984 . Entre cette date et décembre 1985 ( date de la deuxième proposition ), aucun élément objectif ne serait intervenu pour justifier une modification de la méthode
utilisée . D' autre part, la Commission ne lui aurait jamais présenté de proposition fondée sur la moyenne des loyers dans les capitales, ce qui aurait permis d' arriver à des résultats plus précis sans modifier la méthode; or, elle a préféré changer de méthode et recourir à l' enquête auprès des agences immobilières . Quant à l' ensemble des mesures d' exception, le Conseil observe que "le prélèvement de crise" n' entre pas en ligne de compte pour les autres éléments de l' examen annuel et bien
moins encore pour les vérifications quinquennales .

35 . Notons que la Commission a précisé diverses choses dans la réplique .

36 . D' une part, elle n' aurait pas modifié la méthode, mais se serait bornée à revenir à celle suivie pour le calcul des prix des autres éléments du coût de la vie ( recensement direct de 800 produits et services dans les capitales ).

37 . D' autre part, l' abandon des éléments "traditionnels" de calcul que le Conseil lui reprochait serait sans pertinence sur le plan juridique : le recours aux données tirées des comptabilités nationales constituerait une exception non susceptible de fonder une "tradition"; le changement dans la pratique suivie par la Commission relativement au logement aurait été imposé par des raisons objectives découlant du fait que l' OSCE aurait constaté que cette méthode ne conduisait pas à des résultats
crédibles .

38 . Finalement, la consécration de la révision quinquennale dans les capitales par la décision de 1981 ainsi que la garantie du maintien de cette méthode pendant dix ans et son officialisation par la publication au Journal officiel constitueraient des contreparties obtenues par les fonctionnaires pour leur assujettissement au "prélèvement de crise ".

39 . A son tour, le Conseil a fini par admettre dans la duplique qu' il ne contestait pas le principe de l' enquête menée dans les capitales, mais plutôt la technique utilisée pour réaliser cette enquête, technique qu' il considérait comme erronée; il a estimé, notamment, que les superficies des logements types ne sont pas équivalentes dans toutes les capitales et que les fonctionnaires européens s' installent dans certaines capitales plus loin du centre ou dans des maisons plus petites, raison pour
laquelle il faudrait procéder à une enquête auprès de ces fonctionnaires .

40 . Examinons ces allégations .

41 . Il nous semble clair que tant l' article 64 du statut que le point II, 1.1, alinéa 2, de la décision de 1981 requièrent que le calcul des éléments du coût de la vie exprime, avec toute la fidélité possible, la situation prévalant dans les divers lieux où les fonctionnaires sont affectés .

42 . D' une part, l' article 64 ordonne d' affecter la rémunération des fonctionnaires d' un coefficient correcteur "selon les conditions de vie aux différents lieux d' affectation ".

43 . D' autre part, la décision de 1981 précise que la révision quinquennale des coefficients correcteurs devrait avoir comme objectif principal l' examen des "équivalences de pouvoir d' achat entre les rémunérations payées aux personnels en service dans les capitales des États membres ".

44 . Il est vrai que certains fonctionnaires travaillent dans les capitales, mais vivent en dehors, et que certains autres travaillent même ailleurs que dans des capitales ( c' est le cas d' Ispra ).

45 . C' est pourquoi l' alinéa 3 du point II, 1.1, de l' annexe à la décision de 1981 établit qu' il est procédé à une vérification à l' égard des autres lieux d' affectation lorsque des éléments objectifs font apparaître un risque de distorsions importantes au regard des données constatées dans la capitale du pays concerné .

46 . Cette vérification, qui est nécessaire - comme l' ont précisé les deux arrêts du 15 décembre 1982 - pour l' établissement de coefficients correcteurs distincts de ceux qui sont appliqués dans les capitales, devra également entraîner, quand il y a lieu, la révision de ces coefficients, nommément leur révision quinquennale .

47 . En tout état de cause, ainsi que la Cour l' a déjà déclaré à propos de l' article 65, paragraphe 2 ( 6 ), l' objectif du statut est de garantir à tous les fonctionnaires le même pouvoir d' achat, quel que soit le lieu de leur affectation, conformément au principe de l' égalité de traitement .

48 . C' est également pour cela que la Cour a rappelé à propos des dispositions de l' article 64 que l' objectif est d' apprécier la situation dans les "lieux exacts où se déroule l' activité d' un nombre suffisamment important de fonctionnaires et agents des Communautés" ( et non pas exclusivement dans les capitales ) ( 7 ).

49 . Les dispositions adoptées par le Conseil pour fixer les modalités et le processus d' adaptation des coefficients correcteurs, comme le prévoit le statut, doivent obligatoirement respecter ces principes et objectifs .

50 . C' est dans ce contexte qu' il faut interpréter la décision de 1981, à l' observation de laquelle le Conseil a entendu se lier pour régler l' exercice du pouvoir discrétionnaire que le statut lui confère ( 8 ).

51 . Dans ces conditions, force est de reconnaître que le recours à des moyennes nationales pour déterminer les éléments dont dépend l' équivalence du pouvoir d' achat des fonctionnaires dans les différents lieux d' affectation ne permet pas d' atteindre les objectifs indiqués, dans la mesure où il introduit dans les processus de calcul une distorsion par rapport aux situations réelles .

52 . Ce n' est que s' il se révélait impossible - ou du moins extrêmement difficile - de recueillir les éléments d' information nécessaires sur la situation dans chaque lieu d' affectation qu' il faudrait éventuellement accepter le recours à des valeurs plus approximatives, y compris des valeurs moyennes . Mais c' est là un point que nous examinerons ultérieurement .

53 . Pour le moment, il convient de trancher une autre question soulevée par l' argumentation du Conseil . La Commission pouvait-elle valablement présenter une proposition qui représente une modification de la méthode qu' elle-même avait utilisée antérieurement ( dans sa première proposition et lors des révisions périodiques qui ont précédé ) pour le calcul de l' élément logement et sur laquelle le règlement attaqué s' est finalement fondé?

54 . Selon nous, ayant reconnu les insuffisances des résultats auxquels on parvenait en appliquant la première méthode, la Commission était dans l' obligation de recourir à une méthode statistique plus rigoureuse .

55 . Or, déjà à l' époque de la présentation de la première proposition, la Commission avait admis les difficultés de la méthode suivie pour calculer l' élément logement du coût de la vie et elle avait de ce fait proposé l' introduction d' un seuil de sensibilité . La note explicative du 24 mars 1986 relative à la proposition du 23 décembre 1985, dans laquelle sont énoncés les graves défauts de la méthode, est très éclairante à ce propos .

56 . De même, le rejet par le groupe "statut" du Conseil de la proposition indiquée s' est fondé sur un avis de son service juridique, d' après lequel il était "clair que la méthode employée ne peut être considérée comme entièrement fiable, compte tenu de la marge d' erreur que la Commission souhaite couvrir par l' introduction d' un seuil ".

57 . Comme - et cela a été dit dans le même avis - la fixation du seuil à 2,5 % constituait en outre un choix arbitraire, non fondé sur des données connues, il ne restait plus à la Commission qu' à corriger le tir et à modifier la méthode utilisée, allant ainsi au-devant de la préoccupation ( également manifestée à juste titre dans l' avis précité ) d' appliquer une méthode fiable, afin d' obtenir des résultats qui suivent la réalité au plus près, pour qu' elle trouve un reflet fidèle dans les
nouveaux coefficients correcteurs .

58 . Ce qui précède nous permet déjà de conclure à l' illégalité du règlement attaqué, dans la mesure où il se fonde sur les moyennes nationales des loyers d' habitation, sans qu' il soit nécessaire d' analyser la question de la prétendue interdépendance entre la révision des coefficients correcteurs et la création du prélèvement de crise .

1.2 . L' obligation de considérer la situation spécifique des fonctionnaires

59 . Pris isolément, les termes de l' article 64 ne semblent pas imposer d' obligation de prendre en compte les conditions de vie spécifiques des fonctionnaires ou leurs habitudes de consommation pour établir les coefficients correcteurs des rémunérations .

60 . Ce texte se réfère simplement à l' application d' un coefficient correcteur différant "selon les conditions de vie aux différents lieux d' affectation ".

61 . Il n' en découle pas nécessairement l' illégalité du recours aux moyennes des loyers payés par l' ensemble de la population résidant dans les différentes zones où vivent les fonctionnaires, spécialement dans les capitales .

62 . Nous avons cependant déjà vu que - ainsi que cela a été consacré par la jurisprudence de la Cour - l' objectif de la fixation et de l' adaptation des coefficients correcteurs est d' assurer l' équivalence des pouvoirs d' achat des rémunérations perçues par les fonctionnaires, quel que soit le lieu de leur affectation .

63 . C' est cela que la décision de 1981 a précisé à juste titre en établissant que la révision quinquennale des coefficients correcteurs a pour but d' assurer que les rapports entre ceux-ci "établissent correctement les équivalences de pouvoir d' achat entre les rémunérations payées au personnel en service dans les capitales des États membres" et, à partir de là, au personnel affecté ailleurs que dans les capitales .

64 . Pour que cet objectif se réalise, il paraît correct de prendre en compte les dépenses auxquelles ces rémunérations sont consacrées et, partant, avec toute la précision possible, les habitudes de consommation de la généralité des fonctionnaires européens; dans ce contexte, il semble donc justifié de prendre en considération, comme la Commission l' a fait dans sa proposition, le type de logement occupé par ces fonctionnaires .

65 . Dans le cadre des budgets familiaux de ces derniers, les dépenses de logement représentent d' ailleurs un pourcentage significatif ( environ 20 %, selon la Commission ) et constituent par conséquent un élément important dans la comparaison des pouvoirs d' achat .

66 . Il est vrai que, comme la Commission nous l' a dit, le mode de calcul utilisé pour établir les coefficients correcteurs est basé sur ce qu' il est convenu d' appeler la "méthode de Fischer", dont le postulat est que tous les fonctionnaires sont susceptibles d' avoir le même niveau de vie tout en s' adaptant aux modes de vie qui leur sont proposés dans les différents lieux d' affectation .

67 . Le Conseil en a tiré, dans son mémoire en défense, une critique à l' encontre de la position de la Commission, en ce sens que le type de logement occupé par les fonctionnaires serait un élément de calcul incorrect, étant donnée la diversité des exigences en matière de logement dans les différentes régions ( par exemple, dans un pays méditerranéen et dans un État du nord de l' Europe ), les fonctionnaires en service dans chacun de ces pays devant s' adapter - y compris en ce qui concerne leur
logement - au mode de vie local .

68 . L' objection du Conseil ne paraît pas pertinente .

69 . Ainsi que la Commission l' a expliqué dans la réplique, la méthode de Fischer donne des résultats intermédiaires en ce sens qu' elle représente un compromis entre deux choix extrêmes possibles : si nous comprenons bien, l' éventail des choix va de la généralisation absolue d' un mode de vie caractéristique d' un lieu donné jusqu' à la prise en considération de toutes les particularités inhérentes au mode de vie dans chacun des lieux de résidence ( 9 ). De fait, pour que le calcul des parités
des pouvoirs d' achat soit possible, il est nécessaire que les éléments constitutifs du coût de la vie ( en l' occurrence, le logement ) se réfèrent à des produits ou à des services identiques ou comparables, avec des caractéristiques suffisamment générales pour qu' ils puissent être trouvés dans tous les endroits faisant l' objet de la comparaison . Partant, il faut admettre - comme fondement de la comparaison - qu' un certain type de niveau de vie puisse être maintenu dans les divers lieux d'
affectation des fonctionnaires, niveau de vie pour lequel les logements doivent avoir, naturellement, les caractéristiques requises par les spécificités de chaque zone . C' est en fonction des coûts constatés dans chaque zone pour des logements susceptibles de fournir le même type de confort que les pouvoirs d' achat peuvent, alors, être comparés .

70 . Les termes de l' enquête demandée par l' OSCE aux organismes statistiques nationaux décrivaient d' ailleurs avec une assez grande précision le type de logement en cause, d' une façon qui semble correspondre aux objectifs de la comparaison à réaliser entre les pouvoirs d' achat des rémunérations dans les différents lieux d' affectation .

71 . En tout état de cause - quelle que fût la pertinence des critiques du Conseil à la méthode utilisée par la Commission -, ce ne sont pas les moyennes nationales qui ont servi de base au règlement attaqué qui pourraient refléter effectivement la situation spécifique des fonctionnaires .

1.3 . Analyse des motifs du Conseil pour rejeter la proposition de la Commission

72 . A l' antépénultième considérant du règlement attaqué, on peut lire ce qui suit : "... les résultats de cette enquête ( réalisée en 1984 et 1985 ) ne paraissent pas acceptables, car celle-ci n' a en particulier pas porté sur un échantillon véritablement représentatif de logements; ... en outre, cette enquête aurait dû être menée, conformément au point II, 1.1, alinéa 2, de l' annexe de la décision 81/1061/Euratom, CECA, CEE, en accord avec les services statistiques nationaux ".

1.3.1 . L' absence de représentativité de l' échantillon

73 . Quant au premier aspect, la Commission a relevé dans son recours tout d' abord que, face aux objections formulées au sein du Conseil ( 10 ) à l' encontre de la méthode qu' elle avait pratiquée initialement, il ne lui restait pas d' autre alternative que de déterminer le niveau des loyers en fonction des types de logements occupés par les fonctionnaires, en privilégiant, dans son choix, un critère de comparabilité; en second lieu, elle a fait remarquer que, comme on l' a déjà souligné, ce type
de logement a été décrit avec précision dans l' enquête de l' OSCE; d' autre part, elle a noté que, après élimination des éléments générateurs d' une marge d' incertitude, le Conseil ne pouvait rejeter les parités proposées par la Commission que pour erreur manifeste, qu' il n' a pas prouvée, les critiques opposées à la méthode ayant gardé une portée générique susceptible de s' adresser à n' importe quelle méthode d' échantillonnage; finalement, elle a relevé que les documents présentés lors des
réunions successives du groupe "statut" avaient démontré la vraisemblance des résultats obtenus par l' OSCE, qui étaient concordants avec ceux obtenus par l' exclusion totale de l' élément logement ou par l' inclusion du coût de la construction, alors que l' utilisation des données tirées des comptabilités nationales aboutissait à des anomalies ( comme à Londres, ville où l' on avait constaté, avec cette dernière méthode, des écarts de l' ordre de 10 points en pourcentage ).

74 . Pour appuyer son allégation d' absence de représentativité de l' échantillon, le Conseil a commencé par affirmer que, contrairement aux autres capitales, le coût du logement à Bruxelles et à Luxembourg avait été déterminé sur la base des loyers effectivement payés par les fonctionnaires établis dans ces villes .

75 . Par ailleurs, les enquêtes réalisées auprès des agences immobilières dans les autres capitales n' auraient porté que sur les logements loués situés dans le centre des villes . Ces enquêtes n' auraient donc pris en considération ni le type d' occupation des logements ( achat ou location ), ni leur emplacement réel ( seule une petite fraction des fonctionnaires réside dans le centre des villes, surtout à Bruxelles ), ni les coûts effectivement supportés par les fonctionnaires . La situation à
Londres confirmerait ces allégations .

76 . Quant à la cohérence des résultats obtenus avec les diverses méthodes de traitement du facteur logement ( 11 ), le Conseil, tout en admettant que pour le Royaume-Uni, l' Irlande et l' Italie ces résultats confirment l' argumentation de la Commission, allègue qu' il n' en est rien dans les autres cas . Ainsi, dans trois États membres ( Danemark, Pays-Bas et Grèce ), les chiffres du règlement et ceux de la proposition de la Commission seraient approximatifs; dans trois pays ( Allemagne, France et
Grèce ), les chiffres du règlement seraient proches de ceux obtenus sans l' élément logement . Autrement dit, pour cinq États sur huit, l' analyse des chiffres ne confirme, selon le Conseil, ni les critiques adressées par la Commission à la prétendue incohérence des résultats de la méthode retenue dans le règlement ni la vraisemblance des résultats de la méthode qu' elle a proposée .

77 . Les explications fournies par la Commission dans la réplique semblent cependant suffisantes pour désarmer la majeure partie des griefs formulés par le Conseil à l' encontre de la méthode sur laquelle est fondée la proposition de la Commission .

78 . La Commission affirme, en premier lieu, que, dans la perspective de la révision quinquennale, le niveau des loyers payés à Bruxelles aurait également fait l' objet d' une enquête auprès des agences immobilières; l' enquête auprès des fonctionnaires aurait bien été réalisée, mais pour calculer l' indice commun susceptible de permettre d' actualiser la parité des pouvoirs d' achat .

79 . En second lieu, conformément aux explications de la Commission et ainsi que le confirme la teneur des lettres envoyées par l' OSCE aux autorités nationales avec les détails de l' enquête à réaliser auprès des agences immobilières ( voir les annexes 1 et 2 de la réponse de la Commission aux questions écrites posées par la Cour ), cette enquête n' a pas nécessairement porté sur les logements situés dans le centre des villes, mais sur des "zones résidentielles de haute à moyenne classes", ce qui
peut viser la périphérie autant que des zones spécifiques du centre .

80 . D' autre part, la Commission indique que les calculs effectués par l' OSCE ont pris en compte le type d' occupation du logement - achat ou location - par l' utilisation d' une "pondération propriétaires", parallèlement à la "pondération locataires", et par le recours à la technique du loyer imputé, qui consiste à attribuer la même parité pour le loyer et pour l' achat et qui est couramment utilisée dans le cadre des calculs des comptabilités nationales .

81 . Finalement, en ce qui concerne les commentaires du Conseil sur la cohérence des résultats, la Commission accuse la partie défenderesse d' avoir confondu le mode de calcul de l' élément logement avec le test de crédibilité des résultats ainsi obtenus . La requérante rappelle à ce propos qu' elle n' avait jamais affirmé que, dans un pays donné, les valeurs à comparer - prix sans logement, prix avec logement ( dans les capitales ou en général ) et coûts de construction - ne coïncideraient jamais
ou coïncideraient toujours . Naturellement, les différentes valeurs tendront d' autant plus à se rapprocher que le marché sera plus libre et que les interventions publiques ou les brusques concentrations de population seront plus faibles; en revanche, les blocages de la construction, les interventions publiques ou les brusques concentrations de population pourront provoquer des évolutions divergentes des postes concernés .

82 . Partant, les tests de crédibilité des chiffres doivent être appuyés sur des variations qui restent dans des limites raisonnables, une intervention ne se justifiant que si ces limites sont dépassées, en contredisant les données les plus élémentaires de l' expérience courante .

83 . Selon la Commission, c' est ce qui serait arrivé avec l' utilisation des résultats tirés des comptabilités nationales pour l' ensemble du pays . Deux séries de données - prix hors logement et indices de prix à la construction - concordaient, alors que dans certains cas on constatait une déviation importante des prix avec logement, ce qui faussait les autres séries .

84 . Comme l' objectif de l' exercice était de vérifier si les rapports entre les coefficients établissaient correctement les équivalences de pouvoir d' achat, c' est vers les cas où le coût du logement contredisait le coût de la vie en général que la Commission a fait porter son attention . Elle a constaté en particulier que, dans quatre États membres, les indices incluant le coût du loyer étaient nettement inférieurs à ceux qui l' excluaient ou qui se référaient au coût de la construction, ce qui
contredisait les données de l' expérience en matière d' évolution relative des prix dans les divers secteurs .

85 . Lors de l' élaboration de sa deuxième proposition, la Commission a constaté que les éléments du coût qui présentaient auparavant des problèmes étaient devenus cohérents, sans que les autres aient cessé de l' être . Dans le cas de Londres, par exemple, la Commission relève que les résultats ont démontré que, alors que le loyer "agence" n' est pas "anormalement élevé", le coût du logement "comptabilité nationale" est assurément "anormalement bas ".

86 . Les explications de la Commission sont, selon nous, convaincantes en ce sens que :

a ) la méthode de calcul fondée sur les données tirées des comptabilités nationales aboutit à des résultats faussés et peu fiables . Dans ce contexte, l' affirmation du Conseil selon laquelle la Commission n' aurait introduit le seuil de 2,5 % que pour éviter la baisse de coefficients découlant de l' application de cette méthode n' apparaît nullement comme fondée; en revanche, les explications de la Commission sur la crédibilité de la méthode sont vraisemblables;

b ) on ne saurait affirmer que la méthode qui a servi de base à la deuxième proposition de la Commission soit entachée de toutes les erreurs techniques qui lui ont été imputées par le Conseil, car les enquêtes ont été organisées d' une façon qui semble sérieuse et pondérée . En tout état de cause, les critiques du Conseil ne sont pas accompagnées d' éléments de preuve qui permettraient d' en ébranler la crédibilité de façon décisive;

c ) sans être idéale, la méthode suivie par la Commission pour élaborer sa deuxième proposition constitue, indépendamment des objections que peut soulever son application, une meilleure approximation à la réalité que celle qui est fondée sur les valeurs globales de la comptabilité nationale .

87 . Il faut dire, en outre, que l' argumentation des parties touche au délicat problème de l' étendue des pouvoirs respectifs de l' OSCE, de la Commission et du Conseil; nous nous prononcerons à ce propos ci-dessous .

88 . Mais, avant cela, abordons le deuxième motif du rejet par le Conseil de la proposition de la Commission .

1.3.2 . L' absence d' accord entre l' OSCE et les services statistiques nationaux

89 . La décision de 1981 ( annexe II, 1.1, alinéa 2 ) établit - à l' instar de ce qu' a fait l' article 65, paragraphe 1, du statut relativement à l' élaboration de l' indice commun - que la révision quinquennale des coefficients correcteurs doit être réalisée "en accord avec les services statistiques des États membres ".

90 . Or, ainsi qu' il résulte déjà des considérants du règlement attaqué, le Conseil estime que cette condition n' a pas été respectée par la Commission lors de l' élaboration de sa deuxième proposition .

91 . De fait, comme le reconnaît la Commission elle-même, une des délégations au groupe d' experts qui assiste l' OSCE dans ses travaux sur le coût de la vie ( plus précisément, la délégation britannique ) n' a pas accepté la méthode proposée ni les résultats auxquels elle aboutissait .

92 . Cependant, pour les raisons que la Commission expose dans son recours, l' OSCE a estimé devoir recommander de faire abstraction de ce désaccord et elle a proposé à la Commission d' adopter les chiffres auxquels elle était arrivée grâce à son enquête, ce que cette dernière a fait dans sa deuxième proposition .

93 . Dans le mémoire en défense, le Conseil a même soutenu que ni la méthode ni les résultats de l' enquête confiée par la Commission à l' OSCE n' auraient jamais été soumis au groupe d' experts statistiques compétents .

94 . Cette accusation n' est cependant pas confirmée par le dossier de la procédure, duquel il ressort que l' enquête et ses résultats ont été soumis à l' appréciation du groupe d' experts "statistique des prix ".

95 . L' opposition manifestée en cette occasion par l' une des délégations est-elle dès lors de nature à affecter la régularité de la proposition qui l' a ignorée?

96 . A ce sujet, la Commission soutient que sa proposition a été élaborée selon le processus habituel de collaboration avec les services statistiques des États membres, que les données ont été recueillies par l' intermédiaire de ces services ( un expert de chaque service national de statistiques aurait même systématiquement accompagné les représentants de l' OSCE dans leurs enquêtes ) et que le désaccord d' un membre du groupe "statistique des prix" sur l' un des éléments de l' enquête ne pouvait
bloquer un processus destiné à mettre en oeuvre un précepte du statut .

97 . De ce fait, face à une proposition de la Commission, le Conseil aurait été dans l' obligation de prendre en compte les conclusions de l' OSCE sur lesquelles cette proposition se fondait ( même avec l' opposition de l' une des délégations au groupe "statistique des prix ") et il ne pouvait remplacer les chiffres établis selon une méthode rigoureuse par des chiffres manifestement inadéquats .

98 . La discussion touche à nouveau explicitement au problème des compétences relatives des deux intitutions et des limites du pouvoir discrétionnaire du Conseil .

99 . Comment trancher?

1.4 . Conclusions sur la première partie du recours

100 . La technicité des problèmes soulevés dans le cadre du présent litige, ainsi que le caractère parfois rude des arguments échangés par les parties, a rendu nécessaire, pour plus de clarté, la digression ci-dessus relative aux divers points auxquels se rapporte le premier moyen du recours .

101 . En effet, la requérante et la partie défenderesse ont fait en sorte de confronter régulièrement leurs propres versions des arguments de la partie adverse, ce qui a accru la difficulté de déterminer les positions respectives, et même les faits .

102 . D' autre part, les points de droit essentiels soulevés dans le recours semblent parfois insuffisamment définis et entachés d' imprécisions susceptibles d' en perturber l' analyse .

103 . Cependant, l' approche qui précède nous a déjà permis de formuler certains jugements partiels, susceptibles de fonder les propositions de solution qu' il nous incombe de présenter :

a ) aux termes de l' article 64 du statut, de la jurisprudence de la Cour ainsi que de la décision de 1981 du Conseil, qui a établi les modalités d' application de cette disposition du statut, le respect du principe d' équivalence des pouvoirs d' achat des rémunérations de fonctionnaires des Communautés implique de déterminer avec toute la précision possible les éléments du coût de la vie qui affectent spécifiquement la situation de ces fonctionnaires dans leurs différents lieux d' affectation;

b ) les valeurs moyennes globales des loyers d' habitation fournies par les comptabilités nationales sont influencées par des facteurs qui n' ont rien à voir avec la situation dans les endroits précis où les fonctionnaires sont affectés, de sorte que le recours à ces valeurs ne permet pas d' évaluer un élément important du coût de la vie des fonctionnaires communautaires avec un degré de précision suffisant pour pouvoir assurer l' équivalence des pouvoirs d' achat de leur rémunération respective;

c ) en présentant sa deuxième proposition de révision des coefficients correcteurs, la Commission a voulu corriger les résultats auxquels elle était arrivée - en ce qui concerne l' un des éléments du coût de la vie - en appliquant une méthode peu fiable, qui a, pour cette raison, été contestée en un premier temps au sein du Conseil; la nouvelle méthode suivie par l' OSCE et dont les résultats ont été acceptés par la Commission représente, indépendamment des éventuels problèmes à caractère technique,
une meilleure approche de la réalité que le recours à la moyenne des loyers selon les données des comptabilités nationales; partant, il n' y a pas lieu d' écarter a priori sa pertinence ou sa crédibilité .

104 . On dira sans doute que la méthode idéale - celle qui aurait permis d' atteindre pleinement les objectifs de la révision quinquennale - eût été celle de l' enquête directe auprès des fonctionnaires eux-mêmes afin de connaître les montants effectifs de leurs dépenses de logement .

105 . Nous doutons qu' il en soit ainsi .

106 . Il est certain que le fait que l' enquête directe a été réalisée auprès des fonctionnaires résidant à Bruxelles, à Luxembourg et à Varèse - où leur nombre est le plus élevé - semble démontrer que la même pratique peut également être appliquée dans les autres capitales .

107 . La Commission a cependant expliqué que la méthode ne serait pas statistiquement significative, puisqu' il n' existe pas dans ces capitales d' échantillon suffisamment représentatif, le nombre de fonctionnaires qui y résident étant assez réduit .

108 . L' argument est vraisemblable, car il ne serait pas correct que les adaptations à apporter aux coefficients soient fortement influencées par des décisions ou des situations individuelles qui s' éloigneraient - dans un univers relativement restreint - significativement du type le plus courant de logement des fonctionnaires .

109 . Partant, de ce point de vue, le recours à des "logements types" peut apparaître comme une méthode moins sujette à distorsions . Cela semble du reste être la méthode que d' autres organisations internationales ( OCDE, Banque mondiale ), réputées pour la compétence technique de leurs services statistiques et d' études économiques, utilisent pour leurs fonctionnaires .

110 . D' ailleurs, un autre facteur aurait certainement rendu plus difficile le recours à l' enquête directe auprès des fonctionnaires lorsqu' il a fallu préparer la deuxième proposition de la Commission : nous nous référons au temps qui s' était déjà écoulé par rapport au terme de la période de référence ( quatre ans ) et qui était susceptible de rendre plus incertains les résultats de cette enquête, voire la possibilité de la réaliser .

111 . En tout état de cause, si cette méthode avait été employée, il aurait certainement été nécessaire de prendre les mesures techniques adéquates pour neutraliser les effets des distorsions auxquelles nous avons fait allusion . L' un des instruments qu' il serait possible d' utiliser pour corriger les données de l' enquête directe serait alors, probablement, l' enquête auprès des agences immobilières ...

112 . On ne peut certes affirmer avec certitude que la méthode adoptée par la Commission soit totalement exempte de reproches ou, moins encore, qu' il s' agisse de la méthode idéale, d' autant qu' il est indiscutable qu' elle a été contestée par des experts en statistiques du Royaume-Uni .

113 . C' est pour cela que, dans ce domaine à forte composante technique, la coopération entre l' OSCE et les services statistiques nationaux est essentielle pour écarter les difficultés et arriver aux solutions les plus correctes .

114 . C' est en ce sens que le point II, 1.1, de l' annexe à la décision de 1981 exige, tant pour l' établissement des indices communs ( comme le prescrit l' article 65, paragraphe 1, du statut ) que pour la vérification de l' exactitude des coefficients correcteurs, l' accord des services statistiques des États membres . Notons bien qu' il ne s' agit pas simplement d' imposer à l' OSCE qu' il entende lesdits services ou qu' il travaille sur la base des informations que ces derniers lui
communiquent, mais bien qu' il agisse en accord avec eux .

115 . Dans la présente affaire, nous devons admettre que le comportement de la Commission éveille en nous quelques hésitations sur les conclusions à tirer .

116 . Il est certain que l' interprétation la plus correcte de l' obligation d' agir "en accord avec" les services nationaux de statistiques est que l' OSCE doit agir "en collaboration" ou "en concertation" avec ces services .

117 . Or, la Commission a fourni, comme nous l' avons vu, des explications et des documents sur la façon dont elle a réalisé l' enquête avec l' aide des services nationaux de statistiques . Il n' apparaît pas que l' un d' entre eux ait refusé sa collaboration ou manifesté une opposition à la méthode préconisée, telle qu' elle est succinctement décrite dans les lettres de l' OSCE . Et il ne nous semble pas que le fait que le contact ait été établi avec les correspondants habituels de l' OSCE dans les
divers services nationaux implique une quelconque irrégularité de la procédure ou modifie la nature de l' intervention de ces services .

118 . Est-il par ailleurs nécessaire que la méthode soit discutée auparavant avec ces services ou qu' elle soit approuvée par le groupe "statistique des prix" qui appuie l' action de l' OSCE?

119 . Quelle importance faut-il attribuer à l' intervention de ce groupe dans le processus de vérification et de révision des coefficients correcteurs?

120 . L' accord - préalable ou a posteriori - de ce groupe composé d' experts statistiques nationaux est-il nécessaire eu égard à l' alinéa 2, du point II, 1.1, de l' annexe à la décision de 1981?

121 . Quelles peuvent être les conséquences d' une opposition manifestée par l' un des experts nationaux présents dans ce groupe?

122 . La réponse à ces questions est utile même si elle n' est pas rigoureusement indispensable à la solution du présent litige .

123 . Commençons par signaler que, dans le cadre de la répartition des compétences entre les divers organismes et institutions impliqués, il appartient à l' OSCE, quand cela est nécessaire, de définir techniquement la base sur laquelle la Commission devra élaborer ses propositions et le Conseil devra prendre ses décisions . Dans un domaine éminemment scientifique et technique, son travail assume naturellement une importance fondamentale .

124 . En matière d' établissement ou de révision des coefficients correcteurs, les termes de la décision de 1981 sont très nets : c' est à l' OSCE qu' il appartient de vérifier (" l' Office statistique des Communautés européennes vérifie ..."), en accord avec les services statistiques des États membres, si les rapports entre coefficients correcteurs établissent correctement les équivalences de pouvoir d' achat ( point II, 1.1, alinéa 2 ). Notons que c' est à cela que se limite sa compétence :
vérifier la justesse des coefficients correcteurs et non pas les rectifier .

125 . Dans ces conditions, nous estimons que, si la Commission a basé sa proposition sur les travaux de l' OSCE, le Conseil - auquel il appartient de prendre la décision finale de rectification des coefficients quand celle-ci s' impose - ne pourra aller à l' encontre des données techniques fournies par l' OSCE qu' en cas d' erreur manifeste ou d' irrégularité de procédure .

126 . Cela se produira, par exemple, en cas d' incohérence évidente des chiffres, quand le Conseil pourra invoquer d' autres résultats plus crédibles provenant d' autres instituts de réputation équivalente ou encore dans l' hypothèse où la vérification des rapports entre les coefficients correcteurs n' aura pas été faite "en accord avec" les services nationaux .

127 . Or, force est de dire qu' en l' espèce la présence de l' un ou de l' autre de ces défauts ne pourrait être affirmée sans réserves .

128 . Il faut tenir compte, d' une part, du fait que les résultats de l' enquête auprès des agences ont été soumis à des tests de crédibilité, que le Conseil n' a pas été en mesure de mettre en doute de façon décisive .

129 . En outre, non seulement aucun chiffre plus sérieux n' a été présenté, mais on constate également que les méthodes suivies sont pratiquées par d' autres grandes organisations internationales à l' égard de leurs fonctionnaires .

130 . D' autre part, comme on l' a vu, l' OSCE a recouru directement à la collaboration des services statistiques nationaux .

131 . Il est constant que, dans ses explications sur la façon dont est organisée la collaboration entre l' OSCE et les services nationaux de statistiques, la Commission a mentionné le groupe de travail "statistique des prix" comme l' un de ceux qui ( avec le groupe de travail "article 65 du statut ") assurent cette collaboration . Il paraît que le groupe "statistique des prix" serait même composé, dans une large mesure, de représentants des services nationaux de statistiques .

132 . S' il en est ainsi, force est de conclure que l' intervention de ce groupe dans les travaux conduisant à la vérification des coefficients correcteurs doit être assurée dès le stade de la préparation de ces travaux et de l' élaboration des méthodes à appliquer . Or, il est douteux qu' il en ait été ainsi dans la présente affaire .

133 . Ainsi que nous l' avons appris au cours de la procédure, il y aurait également eu, à l' intérieur du groupe, une opposition aux résultats présentés à la suite des enquêtes réalisées . Mais, à ce qu' il paraît, un seul expert national ( le britannique ) aurait manifesté une telle opposition, et ce uniquement quant aux résultats de l' enquête portant sur la ville de Londres .

134 . Mais, la procédure ne nous a fourni, ni sur ce point ( position du groupe "statistique ") ni quant à l' intervention des organismes nationaux de statistiques, aucun élément de preuve solide qui permette la description complète de la succession des faits ainsi qu' une appréciation minutieuse et correcte de ces derniers .

135 . Ajoutons par ailleurs que, compte tenu des fonctions consultatives du groupe "statistique des prix", l' opposition de l' un de ses membres ne doit pas pouvoir bloquer le processus de décision de l' OSCE et de la Commission à moins qu' il ne s' agisse de circonstances spécifiques qui, si elles ne sont pas prises en compte, conduiront à un résultat manifestement erroné .

136 . Ce qui est directement en cause dans le présent recours n' est pas, du reste, le mode d' élaboration de la proposition de la Commission rejetée par le Conseil, mais bien le règlement finalement adopté par ce dernier et attaqué par la Commission .

137 . Or, il y a lieu de dire que, même s' il fallait conclure, sans discussion possible, au non-respect par l' OSCE de la procédure fixée dans la décision de 1981 et, partant, au bien-fondé du rejet de la nouvelle proposition de la Commission, le Conseil n' était pas pour autant en droit de reprendre purement et simplement la proposition initiale de la requérante ( sans application du seuil de 2,5 %), auparavant rejetée parce que fondée sur des données peu fiables .

138 . Au contraire, le respect du statut imposait non seulement que soit adoptée une solution qui tienne compte de l' équivalence réelle des pouvoirs d' achat des rémunérations des fonctionnaires, mais également que cette solution se fonde sur la collaboration des divers organismes de statistiques concernés et sur des résultats que l' OSCE lui-même n' aurait pas considérés comme faussés .

139 . Et, si les objections des experts britanniques n' ont eu, comme le dit la Commission, d' incidence que sur les résultats relatifs à Londres, il serait possible, en partant des données disponibles, et, éventuellement, après les diligences complémentaires nécessaires, d' introduire des corrections susceptibles de faire l' unanimité .

140 . Pour toutes ces raisons, la conclusion que le premier moyen du recours conduit à l' annulation du règlement attaqué devient inévitable .

141 . Si l' on recourt aux éléments disponibles et si l' on procède aux rectifications marginales nécessaires, en concertation avec les services statistiques nationaux, on ne voit pas qu' il y ait de graves obstacles à ce que l' OSCE accomplisse sa mission d' étayer une nouvelle proposition que la Commission présentera en exécution de l' arrêt de la Cour .

142 . Que dire maintenant du deuxième moyen du recours?

2 . La rétroactivité des coefficients correcteurs

143 . Dans sa deuxième proposition de révision des coefficients correcteurs, la Commission a fixé comme date de prise d' effet le 1er janvier 1981, terme de la période de cinq années écoulée depuis la révision précédente ( 1er janvier 1976 ).

144 . Le Conseil n' a toutefois pas accepté la date proposée comme point de départ pour la prise d' effet de la révision des coefficients correcteurs, en alléguant qu' "il n' est plus possible de déterminer avec une exactitude suffisante la situation qui prévalait au 1er janvier 1981 ".

145 . Au lieu de celle-ci, le Conseil a choisi celle qu' il a considérée comme étant "la première date appropriée après la transmission de la proposition modifiée, en l' occurrence celle du 1er juillet 1986 ".

146 . La Commission conteste, justement, la légalité de cette décision, en invoquant les arguments ci-après :

a ) la révision des coefficients correcteurs, telle qu' elle découle de l' article 64 du statut, a pour objet de contrôler et d' assurer l' équivalence des parités du pouvoir d' achat des fonctionnaires; partant, la rectification doit prendre effet à compter du moment où la modification du pouvoir d' achat a été constatée ( 1er janvier 1981 );

b ) selon la jurisprudence de la Cour dans l' affaire Roumengous-Carpentier ( points 25 à 28 des motifs ) et autres ( 12 ), il est exclu que, dans le cadre de l' article 65, paragraphe 2, du statut, le Conseil dispose d' un pouvoir discrétionnaire de décider de la rétroactivité ou de la non-rétroactivité des mesures d' adaptation des coefficients correcteurs, en cas de variation sensible du coût de la vie . Selon la Cour, dans un tel cas, le Conseil, après qu' il a constaté une hausse sensible du
coût de la vie, doit en tirer les conséquences nécessaires .

En exécution de l' arrêt de la Cour, le Conseil a adopté le règlement n° 3681/83, du 19 décembre 1983 ( 13 ), qui a fixé les nouveaux coefficients correcteurs avec effet rétroactif à la date à laquelle s' est produite une hausse sensible du coût de la vie ( à Rome et à Varèse ).

Or, la Commission estime que la règle fixée par la Cour pour l' application de l' article 65 paragraphe 2, vaut a fortiori dans le cadre de l' article 64 qui constitue d' ailleurs la base juridique du règlement n° 3087/78, du 21 décembre 1978 ( 14 ), attaqué dans l' affaire Roumengous et du règlement modificatif du 19 décembre 1983;

c ) la Commission conteste, par ailleurs, les deux raisons qui, selon le Conseil, expliquaient l' impossibilité de déterminer avec une exactitude suffisante la situation qui prévalait au 1er janvier 1981 .

D' une part, il ne serait pas pertinent d' invoquer les "dates de transmission des propositions originelles et modifiées", puisque seule compterait la possibilité pour l' organe chargé de calculer les prix d' être ou non en mesure d' assumer sa mission, qu' il a accomplie en recourant à l' interpolation - technique courante en statistiques - sur la base des indices nationaux de prix . La période de un an et demi écoulée entre la remise des résultats de l' enquête par l' OSCE et la présentation de la
première proposition de la Commission s' expliquerait du reste par les hésitations au sujet de la prise en compte de l' élément logement ainsi que par les concertations techniques avec le personnel .

D' autre part, ceci n' aurait aucun sens d' invoquer les "difficultés qui se sont présentées quant au calcul exact de l' élément loyer", vu que le rejet de sa première proposition ne laissait à la Commission aucune autre solution que de déterminer aussi exactement que possible le coût de la vie à la date de référence;

d ) finalement, la Commission considère le choix par le Conseil de la date du 1er juillet 1986 comme contredisant les propres termes du règlement, dans lequel le Conseil admet "un certain glissement des pouvoirs d' achat des fonctionnaires" et où sont mentionnées des dates de vérification des coefficients correcteurs ( 1980, 1984 et 1985 ) antérieures à la date du 1er juillet 1986 .

D' autre part, la Commission considère le choix du Conseil (" la première date appropriée après la transmission de la proposition modifiée ") comme arbitraire et dépourvu de signification .

147 . Nous aussi pensons que la position du Conseil n' est pas défendable .

148 . Ce qui est en cause, c' est le respect rigoureux par cette institution des prescriptions de l' article 64 du statut et de la décision de 1981 .

149 . Or, force est de constater que la doctrine définie dans la jurisprudence Roumengous peut être transposée, mutatis mutandis, à la révision périodique ( quinquennale ) des coefficients correcteurs .

150 . C' est ce qui découle de la reconnaissance du principe de l' équivalence des pouvoirs d' achat, tel qu' il a été consacré par cette jurisprudence et tel qu' il est concrétisé dans la décision de 1981 .

151 . Le statut et la décision qui a institué la méthode appropriée pour sa mise en oeuvre requièrent que "les rapports entre coefficients correcteurs établissent correctement les équivalences de pouvoir d' achat entre les rémunérations payées aux personnels" en service dans les divers lieux d' affectation .

152 . La vérification périodique des coefficients entraînera leur rectification chaque fois qu' il en résultera que les variations du coût de la vie ont modifié les rapports entre les pouvoirs d' achat et en ont détruit l' équivalence .

153 . Partant, la rectification doit nécessairement prendre effet à partir du moment par rapport auquel la vérification des parités de pouvoirs d' achat a été faite et où on a conclu que les coefficients fixés ne les exprimaient plus en toute rigueur .

154 . Comme la vérification est faite ( ou achevée ) en général a posteriori, la rectification sera normalement "rétroactive", en ce sens qu' elle produira des effets à partir d' un moment antérieur à celui où l' analyse est faite et où la décision de rectification est prise en conséquence .

155 . Cela découle de la norme légale elle-même et non pas d' une quelconque idée de sécurité juridique ou de confiance légitime, appuyée ou non sur un engagement pris par l' administration .

156 . Si on ne procédait pas ainsi, on laisserait sans rectification, pendant une longue période, des coefficients dont on aurait déjà constaté ( cinq années auparavant ) qu' ils n' expriment pas, en toute rigueur, les équivalences de pouvoir d' achat .

157 . Constatons, en outre, que l' application des nouveaux coefficients correcteurs à partir du 1er juillet 1986 seulement signifierait que pas moins de dix ans auraient passé depuis la révision précédente .

158 . Il est certain que le temps écoulé depuis la période de référence rend plus délicates les opérations de calcul . Il ne nous semble toutefois pas que cet argument puisse être opposé à la rétroactivité de la rectification des coefficients .

159 . Il faut tenir compte du fait que seul le facteur "coût du logement" est en litige ( et, à ce qu' il paraît, au sein des instances techniques, seulement - ou principalement - en ce qui concerne Londres ), puisque tous les autres éléments du coût de la vie ont été calculés, sans contestation, par rapport au 1er janvier 1981, sur la base d' enquêtes réalisées en 1980 et 1981 .

160 . Pour leur part, les données relatives aux loyers ont commencé par être tirées des comptabilités nationales ( première proposition de la Commission ) pour être ensuite ( deuxième proposition ) déterminées par des enquêtes réalisées en 1984 et 1985, dont les résultats ont été interpolés au 1er janvier 1985 .

161 . Il n' est donc ni logique ni juste que, alors qu' on dispose de chiffres relatifs à janvier 1981 ( dont la majeure partie a été obtenue à cette même époque ), on invoque le temps écoulé pour éviter la rétroactivité .

162 . Et cette affirmation vaut, selon nous, tant pour le réglement attaqué ( fondé, quant au coût du logement, sur les valeurs des comptabilités nationales ) que pour la deuxième proposition de la Commission, rejetée par le Conseil ( basée, en ce qui concerne le logement, sur l' enquête auprès des agences immobilières ). Dans ce dernier cas, l' interpolation a permis de rapporter les chiffres au 1er janvier 1981 . Il s' agit d' une technique universellement utilisée; certes, elles ne garantit pas
une sécurité à 100 % dans les résultats obtenus, mais c' est vrai pour toute technique utilisée en matière de statistiques . Le Conseil lui-même n' a d' ailleurs pu échapper à la nécessité de l' utiliser, puisque, dans la proposition de son secrétariat général qui a été à la base du règlement attaqué, il est précisé que "les nouveaux coefficients correcteurs ont été calculés en extrapolant au 1er juillet 1986 les données des comptabilités nationales utilisées lors de la vérification au 1er janvier
1981 ".

163 . On ne saurait pas non plus objecter à la rétroactivité l' argument tiré par le Conseil du coût financier de l' opération . Ce n' est pas là une considération que le Conseil puisse opposer au respect des impératifs statutaires et à la satisfaction des expectatives légitimes qui en découlent pour les fonctionnaires .

164 . Reste à savoir quelle date exacte est à retenir .

165 . La Commission invoque la périodicité quinquennale établie dans la décision de 1980 pour défendre la date du 1er janvier 1981 .

166 . Il ne nous semble pas qu' il doive nécessairement en être ainsi .

167 . En effet, la décision de 1976 se référait seulement à une "vérification périodique", sans autre précision .

168 . Or, la décision de 1981, qui a consacré le principe de la révision quinquennale, détermine, en son article 1er, que la nouvelle méthode instituée par elle doit s' appliquer pour 10 ans à compter du 1er juillet 1981 .

169 . Comme la décision a pris effet le 15 décembre 1981 ( article 2 ), il y a lieu de considérer qu' elle était applicable au processus de révision des coefficients correcteurs en cours à cette date .

170 . En tout état de cause, cette décision rend la révision quinquennale obligatoire non pas à compter du 1er janvier, mais seulement à partir du 1er juillet 1981 .

171 . Nonobstant, s' il n' était pas obligatoire de faire courir la périodicité quinquennale à partir du 1er janvier 1981, il était déjà possible - au titre de la méthode de 1976 - de rapporter la "révision périodique" des coefficients à cette date . L' adoption de cette date permettra d' éviter l' inconvénient d' ajuster les données de base en fonction d' une autre date; il faudra simplement décompter les nouvelles périodes de cinq ans à partir de celle-ci .

3 . Conclusion

172 . De tout ce qui précède, il résulte, selon nous, que le recours introduit par la Commission est fondé et que le règlement n° 3619/86 du Conseil, du 26 novembre 1986, rectifiant les coefficients correcteurs appliqués aux rémunérations et pensions des fonctionnaires et autres agents des Communautés européennes en service ailleurs qu' à Bruxelles et à Luxembourg, doit être annulé .

173 . Pour éviter une rupture dans le régime des rémunérations, nous pensons qu' il y a lieu de faire droit à la demande de la Commission visant à ce qu' il plaise à la Cour :

déclarer en application de l' article 174, alinéa 2, du traité et à l' instar de ce qu' elle a fait dans l' arrêt du 5 juin 1973 dans l' affaire 81/72 ( 15 ) à propos de l' application de l' article 65 du statut, que le règlement annulé continuera de produire des effets jusqu' à l' adoption par le Conseil d' un nouveau texte .

174 . Comme les parties n' ont pas conclu sur ce point, chacune d' entre elles devra supporter ses propres dépens .

(*) Traduit du portugais .

( 1 ) JO L 336 du 29.11.1986, p . 1 .

( 2 ) Respectivement, affaire 194/86, Rydalm/Commission; affaire 327/86, Herkenrat et autres/Commission; affaire 328/86, Brazzelli et autres; affaire 163/87, Nowak/Commission; affaire 295/87, Bertolo et autres/Commission; affaire 300/87, Baumgaertner et autres/Commission; affaires 312 à 317/87, Nonon, Andreasen, Binns, Swinnock, Price, Kingston et autres/Commission, Parlement, Cour de justice et Cour des comptes; affaires 332 et 336/87, Da Po, Actis-Dat et autres/Commission .

( 3 ) Voir arrêt du 15 12 1982 dans l' affaire 158/79, Roumengous et autres, Rec . 1982, p . 4379, point 9 des motifs; voir, également, les arrêts du 15 janvier 1985 dans les affaires jointes n°s 532, 534, 543, 567, 600, 618 et 660/79, Jan Amesz et autres, Rec . p . 55; voir affaire 737/79, Dino Battaglia et autres, Rec . 1985, p . 71 .

( 4 ) JO L 386 du 31.12.1981, p . 6 .

( 5 ) Il est certain que les considérants de la décision de 1981 ne mentionnent que l' article 65 et que le point II, 1, de la décision est intitulé "Examen annuel du niveau des rémunérations ( article 65, paragraphe 1, du statut )". Cependant, bien qu' on se trouve dans ce cas en dehors du champ d' application de l' examen annuel, le point II, 1.1, réglemente la révision quinquennale des coefficients correcteurs en mentionnant en son alinéa 1 l' article 64 du statut .

( 6 ) Arrêt du 6 10.1982 dans l' affaire 59/81, Commission/Conseil, Rec . 1982, p . 3329, 3358, point 33 des motifs; arrêt Roumengous Carpentier, p 4402, point 28 des motifs .

( 7 ) Arrêt Roumengous, précité, p . 4401, point 23 des motifs .

( 8 ) Voir arrêt du 26 juin 1975 dans l' affaire 70/74, Commission/Conseil, Rec . p . 795, 807 et 808, points 20 à 23 des motifs .

( 9 ) Le texte de la Commission est, sur ce point, peu explicite et semble tronqué .

( 10 ) "Non dépourvu ( es ) de justification", selon l' expression employée par la Commission elle-même .

( 11 ) Enquête auprès des agences ( proposition de la Commission ), non prise en compte du facteur logement, prise en compte des coûts de construction et du coût du logement calculé selon des moyennes globales sur la base des comptabilités nationales ( règlement du Conseil ).

( 12 ) Voir, également, l' arrêt précité du 6 octobre 1982, Commission/Conseil .

( 13 ) JO L 368 du 28.12 1983 .

( 14 ) JO L 369 du 29 12 1978, p . 10 .

( 15 ) Commission/Conseil, Rec . p . 575, 587 .


Synthèse
Numéro d'arrêt : 7/87
Date de la décision : 28/04/1988
Type de recours : Recours en annulation - fondé

Analyses

Fonctionnaires - Vérification quinquennale des coefficients correcteurs.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Commission des Communautés européennes
Défendeurs : Conseil des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Cruz Vilaça
Rapporteur ?: Joliet

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1988:217

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