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23/02/1988 | CJUE | N°313/86

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Sir Gordon Slynn présentées le 23 février 1988., O. Lenoir contre Caisse d'allocations familiales des Alpes-Maritimes., 23/02/1988, 313/86


Avis juridique important

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61986C0313

Conclusions de l'avocat général Sir Gordon Slynn présentées le 23 février 1988. - O. Lenoir contre Caisse d'allocations familiales des Alpes-Maritimes. - Demande de décision préjudicielle: Commission de première instance du contentieux de sécurité sociale des Alpes-Maritimes

- France. - Règlement n. 1408/71, article 77 - Paiement des prestations fa...

Avis juridique important

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61986C0313

Conclusions de l'avocat général Sir Gordon Slynn présentées le 23 février 1988. - O. Lenoir contre Caisse d'allocations familiales des Alpes-Maritimes. - Demande de décision préjudicielle: Commission de première instance du contentieux de sécurité sociale des Alpes-Maritimes - France. - Règlement n. 1408/71, article 77 - Paiement des prestations familiales dans un autre État membre. - Affaire 313/86.
Recueil de jurisprudence 1988 page 05391
édition spéciale suédoise page 00683
édition spéciale finnoise page 00703

Conclusions de l'avocat général

++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

M . Olivier Lenoir, ressortissant français, est retraité et titulaire d' une pension de vieillesse de l' État français . Il n' a apparemment travaillé dans aucun État membre autre que la France . En juin 1983, il a quitté sa résidence en France avec sa femme et ses deux enfants pour s' installer à Eastbourne, en Angleterre .

Il continue de percevoir sa pension française, qui lui est payée par la Caisse d' allocations familiales des Alpes-Maritimes ( ci-après la "CAF "). Cependant, par décision du 10 novembre 1984, la CAF a mis fin aux versements qu' elle effectuait jusqu' alors de l' allocation de salaire unique et de l' allocation de rentrée scolaire et a demandé la restitution des sommes versées au titre de ces allocations à compter de la date du départ de la famille pour l' Angleterre . La réclamation présentée
contre cette décision auprès de la commission de recours gracieux de la CAF a été rejetée . M . Lenoir a fait appel de cette décision devant la commission de première instance de sécurité sociale des Alpes-Maritimes ( ci-après la "juridiction nationale ").

La CAF justifie sa position en se référant à l' article 77 du règlement n° 1408/71 "relatif à l' application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l' intérieur de la Communauté" ( ci-après le "règlement "). Une version mise à jour de ce règlement figure à l' annexe I du règlement n° 2001/83 du Conseil ( JO 1983, L 230, p . 6 ).

L' article 4, paragraphe, 1 dispose que le règlement s' applique à toutes les législations relatives aux branches de sécurité sociale qui concernent "c ) les prestations de vieillesse" et "h ) les prestations familiales ". Le titre III comporte des dispositions spéciales relatives aux diverses catégories de prestations, par exemple celles se rapportant aux pensions de travailleurs salariés qui ont été soumis à la législation de deux ou plusieurs États membres ( chapitre 3 ) ainsi que celles se
rapportant aux allocations et prestations familiales destinées aux travailleurs salariés ou au chômage . L' article 77 fait partie du chapitre 8 intitulé "Prestations pour enfants à charge de titulaires de pensions ou de rentes et pour orphelins ". Il dispose comme suit :

"1 . Le terme 'prestations' , au sens du présent article, désigne les allocations familiales prévues pour les titulaires d' une pension ou d' une rente de vieillesse ... ainsi que les majorations ou les suppléments de ces pensions ou rentes prévus pour les enfants de ces titulaires ...

2 . Les prestations sont accordées selon les règles suivantes, quel que soit l' État membre sur le territoire duquel réside le titulaire de pensions ou de rentes ou les enfants :

a ) au titulaire d' une pension ou d' une rente due au titre de la législation d' un seul État membre, conformément à la législation de l' État membre compétent pour la pension ou la rente ..."

Ces dispositions sont renforcées par l' article 79, paragraphe 1, aux termes duquel "les prestations, au sens des articles 77 et 78, sont servies selon la législation déterminée en application des dispositions desdits articles par l' institution chargée d' appliquer celle-ci et à sa charge, comme si le titulaire de pensions ou de rentes ... avait été soumis à la seule législation de l' État compétent ".

L' article 1er contient des définitions des termes employés dans le règlement . La lettre u ) de cet article se lit comme suit :

"u ) i ) le terme 'prestations familiales' désigne toutes les prestations en nature ou en espèces destinées à compenser les charges de famille dans le cadre d' une législation prévue à l' article 4, paragraphe, 1 sous h ) ...

ii ) le terme 'allocations familiales' désigne les prestations périodiques en espèces accordées exclusivement en fonction du nombre et, le cas échéant, de l' âge des membres de la famille ".

S' il est vrai que le terme "prestations" employé à l' article 77 s' est vu attribuer une signification spéciale qui n' est pas la même que celle des "prestations familiales" telles qu' elles sont définies à l' article 1er, sous u ), i ), il n' y a rien qui permette de dire, à notre avis, que les "allocations familiales" de l' article 77 doivent être interprétées autrement que selon la définition de l' article 1er, sous u ), ii ).

La juridiction nationale nous pose la question suivante :

"Les termes de l' article 77 du règlement communautaire n° 1048/71 ( sic ), du 14 juin 1971, doivent-ils être interprétés comme réservant au titulaire de prestations familiales ressortissant d' un État de la Communauté et demeurant sur le territoire d' un autre de ces États, le seul bénéfice du paiement par les organismes sociaux de son pays d' origine des 'allocations familiales' à l' exclusion des autres prestations familiales, et notamment de l' allocation de rentrée scolaire et de l' allocation
de complément familial?"

Bien que la question se réfère à l' allocation de complément familial, la procédure devant la juridiction nationale concerne en fait l' allocation de salaire unique qui a été intégrée en 1978, avec d' autres prestations, dans l' allocation de complément familial mais qui continue d' être payée à ceux qui y avaient droit en 1977 mais ne réunissent pas les conditions requises pour l' attribution du complément familial . Cette dernière situation est celle de M . Lenoir . Nous n' examinerons donc que l'
allocation de salaire unique et celle de rentrée scolaire .

Il semble que les prestations litigieuses étaient en fait versées à l' épouse de M . Lenoir, mais par référence à leurs ressources communes . Dans une lettre du 4 décembre 1984 adressée à la CAF et dont la Cour a reçu copie, M . Lenoir déclare qu' il conteste l' arrêt des versements et la demande en restitution au nom de sa femme, en vertu d' une procuration notariée . La compétence de M . Lenoir pour engager la procédure devant la juridiction nationale n' a apparemment jamais été mise en question .

La juridiction nationale estime que, bien que les prestations litigieuses eussent été payables à M . Lenoir s' il avait résidé en France, une interprétation correcte de l' article 77 et conforme à des directives internes non contraignantes de la CAF mène à la conclusion que l' intéressé a perdu son droit à ces prestations en raison du fait qu' il vit maintenant dans un autre État membre . M . Lenoir considère que cette interprétation est erronée; la France, l' Italie et la Commission pensent que
cette interprétation est correcte mais l' Italie ajoute que si tel est le cas, alors l' article 77 doit, dans cette mesure, être considéré comme nul .

Le gouvernement français soutient que les paiements litigieux ne sont pas des "allocations familiales" au sens du droit français ou du droit communautaire . En droit français, il n' existe aucune disposition spécifique pour les enfants à charge de titulaires de pension . Les prestations familiales sont payables à tous les assurés sociaux, dès lors que les conditions requises sont réunies . Le livre V du code français de la sécurité sociale énumère les prestations familiales, qui comprennent
notamment les allocations familiales, la prestation qui est devenue le complément familial et l' allocation de rentrée scolaire ( article L 511-1 du code ). L' allocation de salaire unique est attribuée aux termes de l' article L 522-1 à un ménage ou à une personne dont les ressources n' excèdent pas un plafond déterminé et qui assume la charge d' enfants ayant tous dépassé l' âge au-delà duquel une autre allocation prévue pour jeunes enfants ne peut plus être payée . L' allocation de rentrée
scolaire, constituée par une somme forfaitaire payée au début de l' année scolaire, est attribuée aux termes de l' article L 543-1 aux familles bénéficiaires d' une prestation familiale pour chaque enfant en âge de scolarité obligatoire; l' article L 543-2 prévoit la fixation d' un plafond de ressources variable en fonction du nombre des enfants et au-delà duquel l' allocation cesse d' être due . Selon la France, ces allocations ne relèvent pas de l' article 1er, sous u ), ii ), du règlement n°
1408/71 puisqu' elles ne sont pas "accordées exclusivement en fonction du nombre et ... de l' âge" des enfants : elles sont également assujetties à un plafond de ressources ainsi qu' à d' autres conditions, comme l' inscription dans un établissement scolaire . Le fait qu' elles constituent sans aucun doute des "prestations familiales" au sens de l' article 1er, sous u ), ii ), est sans pertinence au regard de l' article 77 aux termes duquel les seules prestations qui sont dues sont les allocations
familiales à proprement parler .

La Commission considère que les prestations litigieuses n' étaient pas destinées à être "exportées ". Elle se réfère à l' article 10, paragraphe 1, du règlement qui reconnaît qu' il peut être mis fin au versement de certaines prestations si le titulaire réside dans un État membre autre que celui d' où elles proviennent . En effet, "à moins que le présent règlement n' en dispose autrement, les prestations en espèces d' invalidité, de vieillesse ou de survivants, les rentes d' accident du travail ou
de maladie professionnelle et les allocations de décès acquises au titre de la législation d' un ou de plusieurs États membres ne peuvent subir aucune réduction, ni modification, ni suspension, ni suppression, ni confiscation du fait que le bénéficiaire réside sur le territoire d' un État membre autre que celui où se trouve l' institution débitrice ".

Selon la Commission, même s' il est vrai que l' allocation de salaire unique pourrait à tous autres égards être incluse dans le champ d' application de la définition, elle doit cependant en être exclue parce que, lors des travaux préparatoires au règlement, cette exclusion a été proposée au motif de sa nature de prestation familiale spécialisée, dont l' objet était d' assurer une rémunération au conjoint restant au foyer afin de s' occuper des enfants . Il s' agissait en outre d' un paiement qui n'
était pas destiné à être "exporté", eu égard aux difficultés que peut comporter la vérification de faits et de situations financières dans un autre État membre . L' allocation de rentrée scolaire doit, par analogie, être classée dans la même catégorie .

Par ailleurs, d' après la Commission, l' "allocation de complément familial" ( à laquelle M . Lenoir n' avait pas droit selon la législation française puisqu' il a moins de trois enfants ) correspond à la définition des "allocations familiales" ( à supposer que cette question soit pertinente ), en dépit du fait que son octroi dépend du montant des ressources familiales, puisque dans d' autres États membres les allocations de ce type sont assujetties à des critères autres que le nombre et l' âge des
membres de la famille .

Nous ne sommes pas convaincu que les travaux préparatoires soient utiles ou nécessaires à l' interprétation de l' article 1er, sous u ), ii ), d' autant que sur un certain nombre de points le Conseil a apporté des changements substantiels à la proposition de la Commission . La véritable question est de savoir si dans la version actuelle du règlement, le terme "exclusivement" doit recevoir son sens ordinaire ou si quelque autre condition doit être déduite ou peut être introduite avant qu' un
versement puisse constituer une "allocation familiale ". Il est clair qu' à l' article 1er, sous u ), ii ), l' expression "membres de la famille" doit être lue à la lumière de la définition de l' article 1er, sous f ) (" toute personne définie ou admise comme membre de la famille ou désignée comme membre du ménage par la législation au titre de laquelle les prestations sont servies ..."), de sorte qu' une condition supplémentaire se trouve introduite de cette façon . Il n' y a aucune autre
restriction expresse .

Les dispositions de l' article 77, paragraphe 2, sous a ) ou b ), autorisent-elles, dans les cas où elles s' appliquent, l' introduction de nouvelles conditions par la législation nationale, dès lors que les conditions de départ sont constituées par le nombre et l' âge des membres de la famille? Ainsi, après avoir rattaché l' allocation de rentrée scolaire au nombre et à l' âge des membres de la famille, certaines législations nationales peuvent introduire un critère relatif aux ressources ou
définir par exemple la nature des établissements scolaires pour lesquels cette allocation peut être versée . S' il n' y avait pas le terme "exclusivement" à l' article 1er, sous u ), ii ), il y aurait de fortes raisons de croire que la réponse doit être affirmative . Cependant, ce terme y est et il faut présumer qu' il y a été placé de propos délibéré . Le seul sens véritable qu' on puisse lui donner est celui qui est défendu par le gouvernement français; il s' ensuit, selon nous, que, si une
allocation est assujettie à d' autres facteurs, elle ne peut constituer, dans le cadre du règlement, une allocation familiale payable au titulaire d' une pension vivant avec sa famille dans un État membre autre que celui à partir duquel cette prestation est versée .

C' est ce résultat assez remarquable qui amène le gouvernement italien à la conclusion que la disposition litigieuse est nulle parce que incompatible avec l' article 51 du traité qui fonde, inter alia, le règlement litigieux .

La réponse de la Commission est que cette question n' a pas été soulevée dans la demande préjudicielle et que la Cour n' en est pas saisie . Même si la Cour devait considérer le règlement comme invalide pro tanto, elle ne pourrait le déclarer .

Il est clair que, quand la Cour est saisie d' une question de validité, elle peut également statuer sur l' interprétation . Mais l' inverse est-il possible?

Dans l' affaire 16/65, Schwarze/Einfuhr - und Vorratsstelle foer Getreide und Futtermittel ( Rec . 1965, p . 1081, 1094 ), la Cour a dit que "lorsqu' il apparaît que le véritable objet des questions posées par une juridiction nationale relève de l' examen de la validité plus que de l' interprétation des actes communautaires, il appartient à la Cour d' éclairer immédiatement ladite juridiction sans l' obliger à un formalisme purement dilatoire incompatible avec la nature propre des mécanismes
institués par l' article 177; ... une telle rigueur formaliste ( n' est pas concevable ) ... dans le cadre très particulier de la coopération judiciaire instituée par l' article 177 ". C' est cette approche que nous voudrions suivre, ou si nécessaire étendre, en l' espèce; lorsqu' elle est tout à fait convaincue par les observations d' une partie ( et après que les institutions communautaires ont eu la possibilité de faire valoir leur point de vue en sens contraire ) que la disposition à interpréter
est invalide, la Cour ne saurait être contrainte de se borner à interpréter cette disposition que la juridiction nationale devra ensuite appliquer ( puisqu' elle ne peut elle-même prendre l' initiative d' en constater l' invalidité, ainsi que la Cour l' a établi dans son arrêt du 22 octobre 1987 dans l' affaire 314/85, Foto Frost/HZA Loebeck-Ost, Rec . p . 4199 ). Certes, en cas de doute ou lorsque la Cour estime avoir besoin d' éléments supplémentaires, elle pourrait relever la possibilité de l'
invalidité sans statuer à ce sujet . Lorsque l' affaire est claire, elle a, selon nous, compétence au titre de l' article 177 pour statuer sur la validité - même lorsque, superficiellement, la question porte sur l' interprétation - si le problème de la validité est essentiel pour l' issue de la procédure devant la juridiction nationale . Il nous semble superflu de mettre le tribunal de renvoi dans une situation où il sera inévitablement amené à saisir la Cour une deuxième fois à titre préjudiciel .

L' article 51 du traité dispose, pour ce qui concerne l' argumentation du gouvernement italien, que :

"Le Conseil, statuant à l' unanimité sur proposition de la Commission, adopte dans le domaine de la sécurité sociale les mesures nécessaires pour l' établissement de la libre circulation des travailleurs, en instituant notamment un système permettant d' assurer aux travailleurs migrants et à leurs ayants droit : ...

b ) le paiement des prestations aux personnes résidant sur les territoires des États membres ."

Le gouvernement italien se fonde sur l' arrêt de la Cour dans l' affaire 41/84, Pinna/Caisse d' allocations familiales de la Savoie ( Rec . 1986, p . 1 ) où la Cour a retenu l' invalidité de l' article 73, paragraphe 2, du règlement pour deux raisons .

La première était que l' article 73 créait une distinction entre le travailleur salarié soumis à la législation d' un État membre autre que la France ( qui avait droit, en vertu de l' article 73, paragraphe 1, aux prestations prévues par la législation de l' État d' accueil pour les membres de sa famille résidant sur le territoire d' un autre État membre ) et le travailleur salarié soumis à la législation française ( auquel l' article 73, paragraphe 2, donnait droit aux allocations familiales
prévues par la législation de l' État de résidence des membres de sa famille ). Par cette distinction, l' article 73 entravait la réalisation des buts de l' article 51 du traité, lesquels sont de coordonner ( mais non pas d' harmoniser ) la législation en matière de sécurité sociale .

S' il était démontré en l' espèce que l' article 77 n' a affecté que des ressortissants français, il en découlerait une conclusion similaire . Mais cela n' a pas été démontré . De fait, des prestations assujetties à des conditions de ressources existent dans d' autres États membres et elles ne sont donc apparemment pas des allocations familiales au sens du règlement . L' article litigieux n' accroît pas les disparités entre États membres et il n' en crée pas de nouvelles; or, il est reconnu que les
disparités existant entre les différents systèmes des États membres peuvent devoir être tolérées .

Le second motif invoqué par la Cour dans l' arrêt Pinna était que l' article 73, paragraphe 2, constituait une forme dissimulée de discrimination puisque "c' est essentiellement pour les travailleurs migrants que se pose le problème d' une résidence des membres de la famille hors de la France ". Cette discrimination aboutissait au même résultat qu' une discrimination ouverte fondée sur la nationalité, contrairement au principe d' égalité de traitement établi par le traité .

A l' époque des faits, M . Lenoir n' était pas un travailleur salarié et, pour autant qu' on peut voir, il n' était pas un travailleur migrant; il n' est pas non plus ouvertement discriminé en raison de sa nationalité . Interprétées comme nous pensons qu' elles devraient l' être, les dispositions de l' article 77 signifient cependant que s' il s' établit dans un autre État membre à l' occasion de son départ à la retraite en France ou par après, il perd certaines prestations familiales qu' il aurait
perçues s' il était resté en France . Il en serait sans doute de même pour un Français qui, ayant été travailleur migrant dans un autre État membre, souhaiterait retourner en France pour y passer sa retraite . Il ne pourrait emporter avec lui les prestations familiales accordées en fonction d' autres facteurs que le nombre et l' âge des membres de sa famille alors que ces prestations lui auraient été versées s' il était resté dans l' État membre à la législation duquel il était soumis . Cela peut en
dernière analyse dissuader le travailleur migrant de rentrer chez lui, voire en un premier temps déjà le dissuader de quitter son pays d' origine aux fins de ses activités professionnelles . Selon le gouvernement italien, il est inacceptable qu' au titre de l' article 73 un salarié puisse bénéficier des prestations familiales prévues par la législation de l' État membre à laquelle il est soumis, et ce même si les membres de sa famille ne vivent pas avec lui, alors que le titulaire d' une pension (
vivant avec sa famille ) perd le bénéfice de ces prestations au titre de la législation de l' État membre à laquelle il était soumis, s' il retourne dans le pays où il est né .

En outre, le fait d' exclure de l' article 77, pour le titulaire d' une pension, les prestations familiales qui ne sont pas des allocations familiales au sens strict risque, comme le gouvernement italien le relève, de démembrer des droits de sécurité sociale qui, même s' ils sont formulés séparément, forment réellement partie intégrante d' un bloc de droits auxquels le retraité peut prétendre .

Dans la mesure où, pour les enfants de travailleurs migrants à la retraite souhaitant retourner chez eux, l' article 77 limite ces prestations aux allocations familiales - et c' est là, selon nous, l' interprétation correcte de cette disposition - il entrave plus qu' il n' encourage la liberté de circulation des travailleurs et l' égalité de traitement et il n' a pu être valablement adopté au titre de l' article 51 du traité . L' article 77 doit dès lors, à notre avis, être déclaré nul dans cette
mesure . Il est sans importance à nos yeux que M . Lenoir n' ait pas été travailleur migrant et qu' il entre dans la catégorie moins commune de personnes désavantagées par la législation de leur propre État membre, à laquelle elles étaient soumises, mais qui ont cessé de résider dans cet État . Le règlement ( article 2 ) s' appliquait tant à lui en sa qualité de salarié soumis à la législation d' un État membre qu' aux membres de sa famille .

Par conséquent, il est, selon nous, en droit de se prévaloir de l' invalidité du règlement .

Nous croyons que, comme dans l' arrêt Pinna, il serait juste de limiter les effets d' une telle décision, si elle est prise par la Cour, aux titulaires de pension qui, avant la date de l' arrêt de la Cour, ont introduit un recours ou soulevé une réclamation à l' appui de revendications relatives à des prestations pour des périodes antérieures à cette date, ainsi qu' à des prestations échues après la date de l' arrêt .

Partant, nous répondrions à la question posée en ce sens que l' article 77 du règlement n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, tel qu' il figure maintenant dans le règlement n° 2001/83, du 2 juin 1983, est nul dans la mesure où il limite le droit à prestations, en particulier au titre d' allocations de frais de scolarité et d' allocations de salaire unique, à des allocations périodiques en espèces accordées exclusivement en fonction du nombre et, le cas échéant, de l' âge des membres de la famille
du titulaire d' une pension auquel le règlement est applicable .

Il appartiendra à la juridiction nationale de statuer sur les dépens de M . Lenoir dans le cadre de la procédure dont elle est saisie . Les frais exposés par la France, l' Italie et la Commission ne peuvent faire l' objet d' aucun remboursement .

(*) Traduit de l' anglais .


Synthèse
Numéro d'arrêt : 313/86
Date de la décision : 23/02/1988
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Commission de première instance du contentieux de sécurité sociale des Alpes-Maritimes - France.

Règlement n. 1408/71, article 77 - Paiement des prestations familiales dans un autre État membre.

Sécurité sociale des travailleurs migrants


Parties
Demandeurs : O. Lenoir
Défendeurs : Caisse d'allocations familiales des Alpes-Maritimes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Sir Gordon Slynn
Rapporteur ?: Kakouris

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1988:87

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