La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/01/1988 | CJUE | N°175/86

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Mancini présentées le 19 janvier 1988., M. Contre Conseil des Communautés européennes., 19/01/1988, 175/86


Avis juridique important

|

61986C0175

Conclusions de l'avocat général Mancini présentées le 19 janvier 1988. - M. Contre Conseil des Communautés européennes. - Fonctionnaires - Mesures disciplinaires. - Affaires jointes 175/86 et 209/86.
Recueil de jurisprudence 1988 page 01891

Conclusions de l'avocat g

énéral

++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . Ces ...

Avis juridique important

|

61986C0175

Conclusions de l'avocat général Mancini présentées le 19 janvier 1988. - M. Contre Conseil des Communautés européennes. - Fonctionnaires - Mesures disciplinaires. - Affaires jointes 175/86 et 209/86.
Recueil de jurisprudence 1988 page 01891

Conclusions de l'avocat général

++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . Ces conclusions se réfèrent à deux recours par lesquels M . M ., ancien fonctionnaire du Conseil des Communautés européennes, attaque la mesure du secrétaire général de cette institution qui lui inflige la sanction disciplinaire de la révocation . Le requérant demande : a ) à titre principal, l' annulation de l' acte et la clôture de la procédure disciplinaire; b ) à titre subsidiaire, la suspension de l' acte tant que ses affirmations en défense ne sont pas prouvées; c ) à titre encore plus
subsidiaire, l' adaptation de la sanction à celle suggérée dans l' avis du conseil de discipline .

Les faits . M . M . a été recruté par le Conseil le 1er juillet 1982 comme juriste-linguiste dans le grade LA 7 . A cette occasion, il a rempli des formulaires et produit des documents dont il résultait : a ) qu' il était marié avec Mme O .; b ) qu' il avait deux enfants à charge; c ) que sa femme ne percevait pas d' allocations familiales de son propre employeur . Les fiches d' information annuelles que M . M . a remplies pour les années 1983 et 1984 contiennent les mêmes données . C' est donc sur
leur base que l' administration a fixé et versé au requérant les différentes indemnités prévues pour les fonctionnaires mariés avec enfants à charge .

Toutefois, en juin et en juillet 1985, le Conseil a eu connaissance : a ) d' un jugement de divorce entre M . M . et Mme O ., prononcé le 14 novembre 1981 par le tribunal de Haarlem et transcrit aux registres de l' état civil de la commune de Haarlemmermeer le 28 avril 1982; b ) d' un jugement prononcé le 8 juillet 1982 par lequel ce même tribunal avait confié les enfants à la mère; c ) du fait que le Raad van Arbeid de Haarlem avait versé à Mme O . des allocations familiales pour les deux enfants à
charge jusqu' au 1er octobre 1982 et pour la fille mineure depuis le 1er juillet 1984; d ) de différentes dettes que M . M . avait contractées, sans les honorer, en Belgique et aux Pays-Bas . Pour cette dernière raison :

1 ) par une note du 27 septembre 1983, son supérieur hiérarchique avait proposé contre lui un avertissement par écrit;

2 ) il avait été condamné plusieurs fois par contumace;

3 ) les créanciers avaient adressé au Conseil des demandes d' exécution sur son traitement pour plus de 1 350 000 BFR .

Sur la base de ces éléments et par une note du 28 octobre 1985, le secrétaire général du Conseil, en sa qualité d' autorité investie du pouvoir de nomination, a adressé à M . M . une série de griefs et manifesté l' intention de l' entendre le 10 janvier 1986 . L' audition a été ensuite remise au 16 janvier sur demande du fonctionnaire, qui a demandé ce renvoi pour pouvoir être assisté d' un avocat; mais, à la rencontre, M . M . s' est présenté seul et a refusé d' expliquer les faits dont il était
accusé . En outre, il s' est plaint de ce que les termes employés dans la note du 20 octobre et, en particulier, le passage initial : "J' ai été informé que depuis votre entrée en fonctions ... vous avez gravement et volontairement manqué aux obligations auxquelles vous êtes tenu en vertu du statut" avaient lésé son droit de défense en anticipant le résultat de la procédure disciplinaire .

A ce moment ( 4 mars 1986 ), l' autorité investie du pouvoir de nomination a saisi le conseil de discipline en lui transmettant un rapport qui indiquait les faits reprochés et les circonstances dans lesquelles ils avaient été commis . Le rapport a été envoyé à M . M . trois jours après . Le même 4 mars, il a été procédé au tirage au sort des membres du conseil de discipline et, le 11 suivant, un tirage au sort supplémentaire a été effectué pour remplacer un membre empêché et un autre membre récusé
par le fonctionnaire .

Le conseil a tenu deux réunions . Au cours de la première ( 25 mars 1986 ), il a accompli les formalités préliminaires et choisi le membre rapporteur . La réunion pour les délibérations a été fixée au 11 avril et le fonctionnaire a été invité, par une note du 26 mars, à rester ce jour-là dans son bureau en se tenant à la disposition du conseil . Toutefois, le 4 avril, M . M . a communiqué au président de celui-ci que le 11 il se trouverait en congé sur la Côte d' Azur; il a déclaré quand même qu' il
reviendrait à Bruxelles si une agitation organisée par le comité du personnel, qui avait décidé de suspendre la participation de ses membres aux organes collégiaux, prenait fin; malgré les invitations répétées, le fonctionnaire - qui, entre autres, ne s' était pas prononcé par écrit sur les griefs - a refusé de s' y présenter, en alléguant l' expiration du délai d' un mois dans lequel, selon l' article 7, alinéa 1, de l' annexe IX du statut du personnel, le conseil doit transmettre son avis à l'
autorité investie du pouvoir de nomination .

Dans l' avis formulé le 16 mai, après avoir constaté que le fonctionnaire avait "délibérément trompé" l' administration sur sa situation familiale "par plusieurs fausses déclarations en vue d' obtenir indûment certains avantages", le conseil de discipline a relevé que ces "agissements répétés constituent un manquement au devoir d' intégrité qui incombe à tout fonctionnaire ". Toutefois, et malgré la gravité de l' infraction, il a estimé opportun d' offrir à M . M . une possibilité de réhabilitation
en proposant ou de le rétrograder au grade LA 8, échelon 2 .

Après avoir entendu à nouveau M . M ., le 30 mai 1986, et avoir communiqué, le 4 juin, au président du conseil les motifs qui l' incitaient à s' écarter de l' avis, le secrétaire général du Conseil a émis, le 13 juin 1986, la décision 528/86 en infligeant au fonctionnaire la sanction disciplinaire de la révocation avec effet à partir du 16 septembre 1986 .

La mesure rend compte du second entretien entre M . M . et l' autorité investie du pouvoir de nomination . On y lit que le fonctionnaire n' a fourni aucune explication sur les faits qui lui sont reprochés et ne s' est pas prononcé sur l' avis du conseil . En confirmant la ligne déjà adoptée dans l' entretien du 16 janvier, il a déclaré, par contre, que ses droits de défense avaient été lésés et qu' à cette violation s' étaient ajoutées différentes irrégularités, non mieux précisées, de la part du
conseil de discipline .

Sur le fond - relève la décision -, il a été établi de manière claire et incontestable que M . M .: a ) avait fait de fausses déclarations au sujet de son état civil; b ) avait caché à l' administration le fait qu' il percevait des allocations familiales d' une autre source, violant ainsi l' obligation visée à l' article 67, paragraphe 2, du statut; c ) il avait contrevenu maintes fois à la disposition de l' article 23, alinéa 1, deuxième phrase du statut, en ne s' acquittant pas de ses obligations
privées . Outre qu' ils constituent une violation de ces règles, ces comportements représentent une transgression grave et volontaire de l' obligation de s' abstenir de tout acte pouvant porter atteinte à la dignité de la fonction exercée par le fonctionnaire ( articles 11 et 12 du statut ).

En particulier - continue la mesure -, les déclarations fausses et répétées émises par le fonctionnaire sur son état civil au moment du recrutement démontrent qu' il est dépourvu des qualités d' intégrité requises par l' article 27 du statut et donc inapte à exercer toute activité dans la fonction publique européenne . A la lumière de cette donnée, de la circonstance aggravante constituée par le "caractère élémentaire" des devoirs visés aux articles 67, paragraphe 2, et 23, alinéa 1, et du fait que,
au cours de toute la procédure, le fonctionnaire n' a invoqué aucune circonstance atténuante, la réhabilitation projetée par le conseil de discipline semble "purement théorique ". L' autorité investie du pouvoir de nomination estime donc que la sanction suggérée par l' avis n' est pas proportionnée à l' importance des faits et décide de révoquer M . M .

Il convient de signaler encore que les raisons pour lesquelles l' autorité investie du pouvoir de nomination a jugé qu' elle ne pouvait pas se conformer à l' avis apparaissent avec encore plus de clarté dans la note confidentielle envoyée le 4 juin 1986 par le secrétaire général du Conseil au président du conseil de discipline . Elles ont trait, tout d' abord, au caractère sérieux des manquements de M . M . et au fait que, au lieu d' apporter des justifications, il s' est retranché derrière des
expédients de procédure, et, en second lieu, au fait que le conseil de discipline n' a mis en évidence aucune circonstance atténuante ou élément susceptible de laisser espérer une réhabilitation .

Le 14 juillet 1986, M . M . a réagi à la mesure : a ) en présentant une réclamation administrative; b ) en introduisant un recours qui a été enregistré au greffe le 16 janvier ( affaire 175/86 ); c ) en demandant par une demande séparée que l' exécution de l' acte soit suspendue . En outre, par acte enregistré le 5 août 1986 ( affaire 209/86 ), le fonctionnaire a introduit, contre la même décision, un second recours, fondé, en particulier, sur la note du 4 juin 1986 du secrétaire général .

Par ordonnance du 5 septembre 1986, le président de la deuxième chambre de la Cour a rejeté la demande de suspension de l' acte attaqué . Parallèlement, l' autorité investie du pouvoir de nomination a rejeté, par décision du 8 septembre 1986, la réclamation du 14 juin et une réclamation ultérieure présentée par M . M . le 29 juillet .

2 . Dans l' affaire 175/86, le Conseil a excipé de l' irrecevabilité de la demande, introduite par M . M ., à titre plus subsidiaire encore, qui vise à réformer la décision en ce qui concerne le type de la sanction . Rappelant l' arrêt du 30 mai 1973 dans l' affaire 46/72 ( De Greef/Commission, Rec . p . 543 ), et l' ordonnance citée du 5 septembre 1986, l' institution relève qu' en matière disciplinaire il est permis d' annuler l' acte attaqué, mais non pas de substituer votre appréciation des
faits à celle de l' autorité investie du pouvoir de nomination . A cette thèse, le requérant a répondu que l' affaire a un caractère pécuniaire parce qu' elle se rapporte à des moyens de subsistance du fonctionnaire; la Cour est donc saisie d' un recours de pleine juridiction .

L' exception est fondée . A la vérité, il y a vingt-cinq ans environ, la Cour a considéré comme pécuniaire la nature d' un litige en matière de licenciement disciplinaire, et elle en a tiré les conséquences de procédure indiquées par M . M . ( arrêt du 4 juillet 1963, affaire 32/62, Alvis/Conseil, Rec . p . 97, 112 ). Toutefois, la jurisprudence ultérieure est entièrement en ce sens que, une fois constatés les faits sur la base desquels l' autorité investie du pouvoir de nomination accuse le
fonctionnaire, la Cour doit se limiter à vérifier si la décision est entachée d' une erreur manifeste et d' excès ou de détournement de pouvoir ( arrêts du 4 février 1970, affaire 13/69, Van Eick/Commission, Rec . p . 3, attendus 23 à 26, du 30 mai 1973, De Greef, précité, attendus 45 à 47, du 29 janvier 1985, F./Commission, affaire 228/83, Rec . p . 275, attendu 34 ).

En revanche, dans l' affaire 209/86, le Conseil a excipé de l' irrecevabilité du recours lui-même, en alléguant l' identité de son objet avec celui de l' affaire 175/86, sauf en ce qui concerne la demande ad exhibendum de la note citée du 4 juin 1986 . Toutefois, il est de fait - affirme l' institution - que cette demande n' est qu' une demande incidente d' une mesure d' instruction expressément prévue par l' article 45 du règlement de procédure et qui ne peut pas être séparée du premier recours; en
fondant sur elle un nouveau recours, M . M . adopte un comportement de procédure que l' article 69, paragraphe 3, de la même source considère comme vexatoire et qui donne lieu à des frais supplémentaires qu' il serait inique d' imposer au Conseil . A ces arguments, M . M . réplique que le demandeur peut compléter son acte introductif par de nouveaux arguments à la condition qu' il le fasse dans le délai de recours .

A la différence de la première, cette exception n' est pas recevable . Le phénomène que le Conseil conteste constitue, en effet, une mutatio in amplius de l' affaire ou, mieux, de son objet, réalisée en présentant des "raisons" non formulées initialement; et il n' existe pas de système du contentieux administratif qui ne le considère pas comme praticable à certaines conditions . Le requérant peut compléter son premier acte introductif en formulant des "motifs joints" ou même présenter un second
acte, si le délai pour attaquer la mesure contre laquelle le recours est introduit n' est pas encore expiré ( voir Sandulli : Il giudizio davanti al Consiglio di Stato, Naples, 1964, p . 354 et 355; Chapus : Droit du contentieux administratif, Paris, 1982, p . 247 et 248 ).

3 . Les moyens que M . M . soulève dans les deux recours sont nombreux et variés, mais ils peuvent, en substance, se ramener aux suivants : a ) violation des droits de la défense; b ) motivation insuffisante; c ) erreurs manifestes dans l' appréciation des faits . Le premier moyen s' articule en trois griefs : a ) l' autorité investie du pouvoir de nomination n' aurait pas respecté le principe de l' impartialité du juge; b ) le requérant n' aurait disposé que de quinze jours pour déposer des
observations écrites pour sa défense; c ) le conseil de discipline n' aurait pas observé le délai d' un mois imparti pour formuler l' avis .

Procédons par ordre . En premier lieu, M . M . dénonce la violation de l' article 6 de la convention du 4 novembre 1950, et, plus précisément, de son paragraphe 1, qui dispose que "toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera ... des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil ...". Le fait que M . M . n' a pas eu un juge impartial démontrerait la position - que l' on peut déduire du texte du
passage par lequel s' ouvre la note du 28 octobre 1985 - adoptée à son égard par le secrétaire général du Conseil au début de la procédure .

Le grief doit être repoussé . Il est opportun de rappeler tout d' abord que l' article 6 cité ne s' applique pas aux procédures disciplinaires dont ne découle pas la perte d' un droit civil, comme celui d' exercer une profession libérale (( ainsi, la Cour des droits de l' homme, dans ses arrêts du 8 juin 1976, Engel, attendus 80 à 83 ( Publications Cour A, volume 22, p . 33 à 35 ), du 23 juin 1981, Le Compte et autres, paragraphes 41 et 42 ( Publications Cour A, volume 43, p . 19 ) )). Plus
spécialement, il faut exclure que les litiges concernant le recrutement dans un emploi public national ou international ou encore la révocation d' un tel emploi entrent dans le cadre de la règle ( voir les décisions de la Commission de Strasbourg du 8 mars 1976, 7274/76, du 8 octobre 1980, 8496/79, et du 15 mai 1986, 11056/84 ).

Abstraction faite de ces données, il faut relever que, sur la base de l' article 87 du statut et de l' annexe IX de cette même source, l' autorité investie du pouvoir de nomination ne peut pas engager une procédure disciplinaire sans avoir d' abord entendu le fonctionnaire accusé et que, pour permettre à celui-ci de se justifier, elle est tenue de lui communiquer les griefs . Un acte qui respecte ces règles ( et, dans notre cas, elles ont été certainement respectées ) est donc conforme à des
critères de bonne administration et, loin de léser les droits de la défense, il en sauvegarde les fondements . Ces droits devront ensuite être garantis positivement au cours de la procédure engagée ultérieurement .

Il y a plus . Admettons, sans l' accorder, que, lors de la communication des griefs, le secrétaire général du Conseil ait apprécié les faits de manière erronée ou employé des expressions irréfléchies . De toute manière, des irrégularités de ce genre ne pourraient pas affecter la validité de la décision finale si celle-ci apparaît fondée sur des éléments conformes à la réalité et sur des appréciations ponctuelles . En fait, comme l' avocat général M . Trabucchi l' a souligné en présentant ses
conclusions dans l' affaire 46/72 ( De Greef, précitée, p . 562, "une des fonctions de la procédure disciplinaire est ... de vérifier la matérialité et d' évaluer correctement les faits en raison desquels l' autorité compétente décide d' engager cette procédure ".

4 . En second lieu, le requérant se plaint de la violation de l' article 4, paragraphe 1, de l' annexe IX du statut, selon lequel "le fonctionnaire incriminé dispose, pour préparer sa défense, d' un délai de quinze jours au moins à compter de la date de la communication du rapport ouvrant la procédure disciplinaire ...". M . M . se réfère à une communication orale qui lui a été faite le 7 mars 1986 par le président du conseil de discipline dans laquelle celui-ci lui aurait demandé de produire un
éventuel mémoire écrit au maximum dans les quinze jours . En interprétant la règle du statut comme si elle disait "produire" plutôt que "préparer", "défense écrite" plutôt que "défense" et "quinze jours au maximum" au lieu de "quinze jours au moins", le président a donc prétendu que M . M . se défende par écrit avant même l' expiration du délai prévu par le statut et l' a empêché de le faire une fois que ce délai était expiré .

Ce grief non plus n' est pas fondé . Il ressort incontestablement du dossier que, pour présenter ses observations, M . M . a eu un temps beaucoup plus long que celui prévu par le statut : c' est-à-dire les deux mois complets qui vont du 7 mars 1986 ( jour où le rapport lui a été communiqué ) au 16 mai suivant ( jour où le conseil de discipline s' est réuni pour délibérer sur son cas ). Le fonctionnaire le nie en observant que, le 5 mars, le président du conseil lui a écrit "vous disposerez, à
compter du jour de la réception du rapport, de quinze jours pour préparer votre défense" et que, dans le procès-verbal de la réunion tenue par le conseil le 25 mars, on constate, au point 3, l' expiration survenue du "délai d' au moins quinze jours ". Ces affirmations, peut-être imprudentes ou imprécises, sont toutefois contredites et, de toute façon, dépassées par une lettre du 26 mars dans laquelle le président a rappelé à M . M . "les dispositions de l' article 4, alinéa 2, de l' annexe IX, qui
prévoient que vous pouvez présenter des observations écrites ou verbales ".

5 . Ensuite, M . M . fait valoir la non-observation du délai prévu par l' article 7 de l' annexe IX . Selon cette disposition, "au vu des pièces produites ... ( et ) des déclarations ... verbales de l' intéressé ... le conseil de discipline émet ... un avis motivé ... et ( le ) transmet à l' autorité investie du pouvoir de nomination et à l' intéressé dans le délai d' un mois à compter du jour où il a été saisi ".

Ce grief n' est pas plus recevable que les autres . Comme le Conseil nous le rappelle exactement, la Cour s' est plusieurs fois exprimée en estimant que ce délai n' est pas péremptoire . Il constitue une simple règle de bonne administration dont la non-observation, plutôt que d' être sanctionnée par la nullité ( arrêts du 4 février 1970, Van Eick, précité, attendus 1 à 7, du 29 janvier 1985, F.,précité, attendu 30 ), peut seulement engager la responsabilité de l' institution pour le préjudice
éventuellement causé aux intéressés . Toutefois, dans notre cas, il n' existe certainement aucun dommage .

6 . Le second moyen a pour objet la motivation insuffisante de la mesure et, en particulier, de la partie dans laquelle l' autorité investie du pouvoir de nomination n' a pas tenu compte de l' avis du conseil de discipline en choisissant une sanction plus sévère . M . M . se plaint surtout du fait que l' autorité investie du pouvoir de nomination a estimé purement théorique la perspective de sa réhabilitation et lui a infligé une peine non proportionnée aux griefs .

Le grief est dépourvu de fondement . Comme nous l' avons observé sous le paragraphe 2, le pouvoir discrétionnaire reconnu à l' autorité administrative en matière disciplinaire est très large et le contrôle de légalité exercé par la Cour corrélativement restreint . Les arrêts plusieurs fois cités ( du 4 février 1970, Van Eick, attendus 23 à 26; du 30 mai 1973, De Greef, attendus 45 à 47; du 29 janvier 1985, F ., attendu 34 ) s' expriment clairement en ce sens : la réalité des faits retenus à charge
du fonctionnaire étant établie - avez-vous affirmé - "l' évaluation de la gravité des manquements et le choix de la sanction adéquate appartiennent à l' autorité investie du pouvoir de nomination"; et la Cour "ne saurait substituer son appréciation à celle de cette autorité, sauf en cas d' erreur manifeste ou de détournement de pouvoir ".

M . M . n' allègue pas ces vices; en revanche, comme nous l' avons dit, il nous demande d' examiner la motivation . Mais il est certain que le résultat de cette enquête ne peut pas lui être favorable . L' autorité investie du pouvoir de nomination - nous l' avons vu - met, en premier lieu, l' accent sur la gravité intrinsèque des faits . Or, les fausses déclarations de M . M . sur son état civil - un comportement que le conseil de discipline lui aussi a apprécié avec sévérité - portent atteinte sans
aucun doute à la confiance qui caractérise le rapport entre l' administration et le fonctionnaire . Il est donc raisonnable d' en déduire l' incapacité de ce dernier à occuper un poste dans la fonction publique communautaire .

En second lieu, la décision contient une série de considérations consacrées à l' inexécution des obligations privées de M . M ., c' est-à-dire un fait sur lequel le conseil de discipline a passé, bien qu' il figure dans le rapport qui lui a été présenté par l' autorité investie du pouvoir de nomination . A cet égard, nous observons que, pour un fonctionnaire de la Communauté, le fait de ne pas honorer ses dettes dans un temps convenable, de subir des condamnations par contumace et d' exposer les
autorités à une demande d' exécution sur le traitement est manifestement en contradiction avec l' obligation d' adopter, également en dehors du lieu de travail, une conduite conforme à la dignité de ses fonctions et, en tout cas, de nature à ne pas diminuer le prestige de l' administration ( voir, dans un sens analogue, tribunal administratif de l' OIT, arrêt du 6 octobre 1961, affaire Wakley, attendu 7 ).

Enfin, l' autorité investie du pouvoir de nomination explique son refus de se conformer à la proposition du conseil en se référant à l' absence de circonstances atténuantes susceptibles d' être tirées du dossier personnel du fonctionnaire ou évoquées par ce dernier au cours de la procédure . Puisque ces arguments eux aussi nous semblent convaincants et sont, de toute façon, élucidés de manière adéquate, nous n' estimons pas que la décision soit critiquable sur le plan de la motivation et puisse être
considérée comme disproportionnée par rapport aux griefs .

7 . Par le troisième moyen, le requérant allègue que la décision litigieuse est entachée du vice d' erreurs manifestes . Les faussetés et les omissions qui lui sont reprochées - affirme-t-il - sont imputables non pas à la mauvaise foi, mais à l' ignorance . En effet, son épouse ne l' a pas informé du divorce survenu et, aux Pays-Bas, la procédure qui s' y rapporte ne prévoit ni la présence des intéressés ni la notification de jugement en mains propres ou à domicile, mais s' achève par la simple
transcription du prononcé dans les archives de l' état civil . De la même manière, il n' a jamais su qu' il avait été convoqué devant le juge de Haarlem dans la procédure en vue de la garde des enfants . Ajoutons - continue M . M . - qu' il a toujours espéré se réconcilier avec sa femme, au point d' avoir loué un grand appartement en vue de cet événement . Les faits qui l' avaient incité à croire possible une réconciliation étaient les suivants : a ) la demande d' un permis de séjour spécial en
Belgique présentée par Mme O ., le 19 novembre 1982; la garantie que cette dernière lui avait accordée à la même date sur un crédit de plus de 400 000 BFR qu' il avait demandé; c ) le rapprochement entre les deux conjoints, qui avait eu lieu entre 1982 et 1983 . En effet, au cours de cette période, la famille a vécu unie à Bruxelles au moins durant les vacances et les fins de semaine .

Ce grief lui aussi est inconsistant . Le Conseil observe avec raison que l' état civil est un fait objectif et que les sentiments ou les espoirs de réconciliation ne suffisent pas à le modifier . A part cela, il faut exclure que M . M . n' avait pas connaissance du divorce . En effet, il résulte du dossier dont le conseil de discipline et l' autorité investie du pouvoir de nomination ont tiré la conviction de sa culpabilité que, pendant toute l' affaire, il a été assisté d' un avocat qui n' a pas pu
ne pas lui fournir d' informations sur son déroulement et sur son issue . En outre, il est établi que, dans le cadre de cette affaire et de celle relative à la garde des enfants, M . M . a comparu personnellement devant le juge . Le fait que, jusqu' au 8 août 1985, il a omis de communiquer à son institution son changement d' état civil est donc inexcusable .

En ce qui concerne la violation de l' article 67, paragraphe 2, M . M . invoque également l' absence de mauvaise foi . Les règles du statut - tel est son raisonnement - garantissent les mêmes indemnités au fonctionnaire marié et à celui divorcé avec un enfant à charge . Or, il a vécu en Belgique avec sa fille mineure jusqu' en juillet 1984 et ce ne fut qu' après cette date que Mme O . a commencé à percevoir - mais, comme elle l' a elle-même reconnu le 15 novembre 1986, à l' insu du requérant - des
allocations familiales aux Pays-Bas . Il s' ensuit que, l' institution devant payer les allocations à l' un ou à l' autre conjoint, les déclarations qu' il a faites n' étaient pas de nature, dans la mesure où il pouvait en avoir connaissance, à lui causer un préjudice .

Que dire de la thèse ainsi résumée? Elle nous semble fragile parce qu' elle oublie que M . M . savait, dans tous les cas, qu' il émettait de fausses déclarations et parce que son rapport de confiance avec le Conseil a été ébranlé précisément par la duplicité dont il a fait preuve et non pas par le dommage - conscient ou inconscient, mais, somme toute, assez réduit ( environ 200 000 BFR ) - qu' il a causé à l' institution . Ajoutons que M . M ., s' il avait réellement ignoré les allocations
néerlandaises perçues par Mme O ., aurait dû lui remettre les indemnités reçues du Conseil au même titre, ou demander à ce dernier de les lui verser directement . En outre, l' institution a prouvé que M . M . a perçu des sommes auxquelles il savait ne pas avoir droit, comme différents remboursements pour des frais de voyage exposés par son ex-femme .

Le leitmotiv de l' absence de mauvaise foi réapparaît au sujet des dettes privées et se fonde ici sur la renonciation de M . M . à se défendre dans les affaires dans lesquelles il a été condamné . L' argument est évidemment absurde : cette renonciation prouve seulement que les manquements de M . M . étaient, à ses propres yeux, dépourvus de toute justification ou, pis, qu' il ne tient aucun compte de sa réputation . Enfin, l' argument selon lequel l' autorité investie du pouvoir de nomination a
décidé de ne pas agir contre lui, bien qu' elle ait eu connaissance depuis 1983 de la situation d' endettement de son fonctionnaire, est également dépourvu de fondement . En effet, il est vrai que, par une note du 27 septembre 1983, le supérieur hiérarchique de M . M . a proposé de lui infliger une légère sanction disciplinaire; mais la décision n' a pas été transmise à l' autorité investie du pouvoir de nomination et c' est pour cette raison que l' affaire n' a pas eu de suite .

8 . A la lumière des considérations qui précèdent, nous vous suggérons de rejeter les recours introduits le 16 juillet et le 5 août 1986 par M . M . contre le Conseil des Communautés européennes et de compenser les dépens en vertu de l' article 70 du règlement de procédure .

(*) Traduit de l' italien .


Synthèse
Numéro d'arrêt : 175/86
Date de la décision : 19/01/1988
Type de recours : Recours de fonctionnaires - irrecevable, Recours de fonctionnaires - non fondé

Analyses

Fonctionnaires - Mesures disciplinaires.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : M. Contre Conseil des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Mancini
Rapporteur ?: Due

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1988:13

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award