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01/12/1987 | CJUE | N°33,

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Mischo présentées le 1 décembre 1987., Stahlwerke Peine-Salzgitter AG et Hoogovens Groep BV contre Commission des Communautés européennes., 01/12/1987, 33,


Avis juridique important

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61986C0033

Conclusions de l'avocat général Mischo présentées le 1er décembre 1987. - Stahlwerke Peine-Salzgitter AG et Hoogovens Groep BV contre Commission des Communautés européennes. - CECA - Adaptation équitable des quotas de livraison. - Affaires jointes 33, 44, 110, 226 et 285/86.r> Recueil de jurisprudence 1988 page 04309

Conclusions de l'avocat génér...

Avis juridique important

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61986C0033

Conclusions de l'avocat général Mischo présentées le 1er décembre 1987. - Stahlwerke Peine-Salzgitter AG et Hoogovens Groep BV contre Commission des Communautés européennes. - CECA - Adaptation équitable des quotas de livraison. - Affaires jointes 33, 44, 110, 226 et 285/86.
Recueil de jurisprudence 1988 page 04309

Conclusions de l'avocat général

++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . Le premier des cinq recours dont j' ai à vous entretenir aujourd' hui a été introduit contre la Commission par l' entreprise Stahlwerke Peine-Salzgitter ( affaire 33/86 ). Il a pour objet l' annulation de l' article 5 de la décision n° 3485/85/CECA de la Commission, prorogeant le système des quotas ( 1 ) en ce qu' il ne prévoit pas la possibilité d' ajuster équitablement la part des quotas de production pouvant être livrée à l' intérieur du marché commun dans le cas des entreprises dont ladite
part ( encore appelée quota de livraison ) est sensiblement inférieure à la moyenne communautaire . L' entreprise Hoogovens Groep BV est intervenue pour soutenir les conclusions de Peine-Salzgitter .

2 . Les recours de Peine-Salzgitter qui font l' objet des affaires 44 et 110/86 concluent à l' annulation des décisions individuelles de la Commission fixant les quotas de livraison de cette entreprise pour les premier et deuxième trimestres de 1986 . Enfin les affaires 226 et 285/86 concernent deux recours introduits par Hoogovens Groep BV contre les quotas attribués à cette entreprise pour les troisième et quatrième trimestres de 1986 . Les requérantes invoquent, à titre incident, l' illégalité de
la décision n° 3485/85/CECA, susmentionnée .

I . Quant à la recevabilité du recours 33/86

3 . La Commission conclut, à titre principal, à l' irrecevabilité du recours en annulation introduit par Peine-Salzgitter contre la décision générale . Elle fait valoir que, en raison de l' absence d' avis conforme du Conseil, elle ne disposait d' aucun pouvoir discrétionnaire, et qu' il ne saurait dès lors être question de détournement de pouvoir de sa part .

4 . Or, pour que ce moyen soit recevable, il suffit qu' il soit formellement allégué et que soient indiquées de façon pertinente les raisons dont découle, selon l' opinion de la requérante, le détournement de pouvoir à son égard . La preuve qu' il a été effectivement commis relève de l' examen au fond ( 2 ). Ces conditions sont remplies en l' espèce .

II . Quant au fond

5 . Le 25 septembre 1985, la Commission a adressé une communication au Conseil concernant l' "introduction d' un système de quotas de production, en application de l' article 58 du traité CECA, après le 31 décembre 1985" ( doc . COM(85 ) 509 final ).

6 . Dans cette communication la Commission a fait valoir que :

"VII . ...

2 ) Étant donné que les courants d' échanges sidérurgiques entre la Communauté et le reste du marché se sont profondément modifiés depuis l' instauration du système des quotas, il faut, par ailleurs, revoir la situation des entreprises dont le rapport entre la partie des quotas de production destinés à être livrés dans la Communauté et les quotas de production est, pour l' ensemble des produits du système, très inférieur à la moyenne communautaire .

Ces situations historiques ne sont plus adaptées à l' objectif de la politique sidérurgique communautaire et la Commission entend ramener, pour la production de chaque entreprise, le rapport mentionné ci-dessus à une valeur qui ne soit pas inférieure de 10 points, en pourcentage, à la moyenne communautaire, si ce n' était pas jusqu' à présent le cas .

VIII . Outre ces ajustements indispensables ..."

7 . En réponse à une question qui lui a été posée par la Cour, le Conseil a précisé qu' il n' avait pas donné d' avis conforme à propos de cet aspect de la communication de la Commission . Le Conseil n' a pas indiqué les raisons de ce refus .

8 . Par la suite, la Commission a adopté la décision n° 3485/85/CECA, qui ne comporte pas une telle disposition .

9 . Deux problèmes majeurs se posent à propos des présents recours :

- La Commission avait-elle le pouvoir d' arrêter la disposition envisagée sans devoir obtenir l' avis conforme du Conseil?

Subsidiairement :

- Si l' avis conforme était nécessaire, les actes attaqués peuvent-ils et doivent-ils néanmoins être annulés?

A - La Commission avait-elle la compétence d' arrêter les dispositions en question sans devoir obtenir l' avis conforme du Conseil?

10 . La question de l' étendue des pouvoirs de la Commission dans le cas où l' avis conforme du Conseil est exigé par le traité a déjà fait l' objet de débats devant la Cour .

11 . A propos de la modification, par la Haute Autorité seule, d' une décision rendue sur avis conforme du Conseil, la Cour, dans ses arrêts du 13 juillet 1965, Lemmerz-Werke GmbH ( affaire 111/63, Rec . p . 835, 861 ) et Mannesmann AG ( affaire 37/64, Rec . p . 893, 914 ), a fait une distinction entre la "base même" ou les "éléments constitutifs" du mécanisme financier prévu à l' article 53, sous b ), du traité, et les autres éléments de ce mécanisme . Elle a estimé que "rien ne permet de conclure
que les décisions de la Haute Autorité rendues sur avis conforme du Conseil ne pourraient être aménagées, même sur des éléments non constitutifs, que par une nouvelle décision également rendue sur avis conforme du Conseil ".

12 . En ce qui concerne les rôles respectifs de la Haute Autorité et du Conseil dans l' application des deux premiers paragraphes de l' article 58, M . l' avocat général VerLoren van Themaat avait examiné en détail les différentes façons dont ces dispositions sont susceptibles d' être interprétées ainsi que les opinions émises à cet égard par la doctrine ( conclusions du 26 mai 1982 dans l' affaire 119/81, Rec . p . 2627, 2658 et 2672 à 2677 ).

13 . Il était parvenu à la conclusion que la Commission dispose, pour l' aménagement du régime des quotas, d' une certaine autonomie, et que le Conseil ne doit pas approuver tous les détails du régime . Il suffit que le Conseil donne son accord sur l' "aménagement fondamental" et sur les "éléments essentiels" de la réglementation . Je partage entièrement cette façon de voir .

14 . La Cour s' est exprimée elle-même à propos de ce problème dans son arrêt Kloeckner du 11 mai 1983 ( affaire 244/81, Rec . p . 1451 et 1477 ). Après avoir rappelé que lorsque certaines conditions sont remplies, la Commission a l' obligation d' instaurer un régime de quotas de production, la Cour a déclaré ce qui suit :

" Le pouvoir de prendre les mesures appropriées appartient, selon l' article 58, à la Commission, étant entendu toutefois qu' elle ne peut agir que sur 'avis conforme du Conseil' .

En instituant cette forme de concertation entre la Commission et le Conseil, l' article 58 n' en a pas fixé les modalités . Dans ces conditions, il appartient à ces deux institutions d' organiser d' un commun accord et dans le respect des compétences respectives les formes de leur collaboration . Il est donc satisfait ainsi aux exigences de l' article 58 si cette collaboration aboutit à l' assentiment du Conseil au 'régime de quotas' que la Commission se propose d' instaurer, sans qu' il soit
nécessaire d' obliger ces deux institutions à examiner ensemble un projet de décision articulé en détail ." ( points 10 et 11 de l' arrêt ).

15 . Je crois qu' on peut raisonablement conclure des arrêts cités que, aux yeux de la Cour également, le Conseil doit seulement donner son assentiment aux éléments constitutifs du régime et qu' il revient à la Commission, en vertu de ses compétences propres, d' en régler tous les autres aspects . Il ne s' agit pas simplement de rédiger sous forme d' articles des règles que le Conseil aurait fixé jusque dans les derniers détails .

16 . Le paragraphe 2 de l' article 58 précise en effet :

" La Haute Autorité, sur la base d' études faites en liaison avec les entreprises et les associations d' entreprises, établit les quotas sur une base équitable, compte tenu des principes définis aux articles 2, 3 et 4 ."

17 . Le régime des quotas ne doit pas être tel qu' il empêche la Haute Autorité de s' acquitter de cette responsabilité . Il doit laisser une marge d' appréciation suffisante à la Haute Autorité, pour que celle-ci puisse tenir compte des cas de rigueur, c' est-à-dire des conséquences trop dures que l' application pure et simple du régime général pourrait entraîner dans certains cas particuliers, et pour qu' elle puisse prendre les dispositions adéquates en cas d' évolution imprévue . La Commission
doit être libre d' insérer dans la décision générale des clauses à cet effet .

18 . Je ne pense pas, en effet, qu' il appartiendrait à la Commission de trancher ces problèmes cas par cas, directement sur la base de l' article 58, paragraphe 2 . Il est au contraire indiqué qu' elle se fixe à elle-même des règles de conduite et des critères à cet égard, et qu' elle les incorpore dans le texte de la décision instaurant ou prorogeant le régime des quotas .

19 . Ces décisions comportent dès lors, à mon avis, deux sortes de dispositions : celles qui constituent les éléments constitutifs du régime, arrêtées sur avis conforme du Conseil, et celles qui ont été arrêtées ou auraient pu être arrêtées par la Commission en vertu de ses pouvoirs propres . Dans cette dernière catégorie tombent notamment les clauses d' équité ou de flexibilité, telles que les articles 14 et suivants de la décision en cause ici .

20 . Parmi les dispositions arrêtées par la Commission en vertu de ses pouvoirs propres figure l' article 18, paragraphe 1 . Ce paragraphe est rédigé comme suit :

" Si des changements profonds interviennent sur le marché sidérurgique ou si l' application de la présente décision rencontre des difficultés imprévues, la Commission procède par décision générale aux adaptations nécessaires ."

Cette clause existe déjà depuis la deuxième décision sur les quotas, c' est-à-dire la décision n° 1831/81, du 24 juin 1981 ( JO L 180, du 1.7.1980, p . 1 ). La première décision ( n° 2794/80, du 31 octobre 1980, JO L 291, du 31.10.1980, p . 1 ) comportait elle-aussi un article prévoyant que la Commission pouvait adapter les dispositions de la décision, mais à la demande d' une entreprise et seulement en cas de difficultés exceptionnelles ( article 14 ).

21 . L' article 18, paragraphe 1, se présente, à première vue, comme une clause d' habilitation . Mais il ne faut pas oublier que, dans le cadre du traité CECA, le pouvoir d' arrêter des décisions à portée générale appartient à la Commission et non au Conseil, et que c' est la Commission qui est responsable à l' égard des entreprises de la fixation des quotas .

22 . Dès lors, l' article 18, paragraphe 1, ne fait en réalité que confirmer ou rappeler la compétence que la Commission détient en vertu du traité de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer le caractère équitable des quotas .

23 . A ce jour, 17 décisions ont été adoptées par la Commission sur la base de cette disposition . Aucune de celles-ci n' a fait l' objet d' un recours de la part du Conseil ou d' un État membre individuel . La grande portée de certaines de ces décisions apparaît par exemple à la lecture des considérants de la décision n° 2804/81 ( JO L 278, du 1.10.1981, p . 1 ), par laquelle la Commission a introduit entre autres un taux d' abattement différent pour les ronds à béton et les aciers marchands et des
quotas séparés pour les catégories V et VI, et créé de nouvelles possibilités de dérogation aux règles générales .

24 . Les seules décisions de la Commission basées sur l' article 18 qui aient été annulées par la Cour l' ont été à la suite de recours introduits par des entreprises ( voir arrêt du 21 février 1984, affaires jointes 140, 146, 211 et 226/82, Walzstahl-Vereinigung et Thyssen, Rec . p . 951, auquel nous aurons à revenir ). Ni le Conseil ni un État membre individuel n' ont donc mis en cause devant cette Cour le pouvoir de la Commission d' agir seule si des changements profonds interviennent sur le
marché sidérurgique ou si l' application du régime des quotas rencontre des difficultés imprévues, et ils n' ont pas non plus contesté la façon dont la Commission a interprété l' étendue de ses pouvoirs dans le cadre de ces 17 décisions .

25 . Il n' est, bien sûr, nullement interdit à la Commission de soumettre à l' avis du Conseil des dispositions tombant sous ses compétences propres . Il est fort compréhensible que, dans une situation où la nécessité d' un assouplissement se manifeste à peu près au moment où le régime des quotas vient à expiration, la Commission veuille saisir l' occasion de la décision de prorogation pour introduire, avec l' accord du Conseil, de nouvelles dispositions .

26 . On serait cependant en présence d' un détournement de pouvoir si la Commission se trompait au sujet de la nature des dispositions qui nécessitent un avis conforme et si elle s' abstenait d' adopter, faute d' accord du Conseil, des mesures qui lui apparaîtraient nécessaires, en soi, pour pouvoir s' acquitter correctement de sa mission consistant à établir les quotas sur une base équitable .

27 . Il s' agit donc d' examiner maintenant si telle a été la situation dans le cas d' espèce .

28 . Dans le passage pertinent de la communication qu' elle a adressée au Conseil le 25 septembre 1985, la Commission a expliqué d' une manière particulièrement ferme pourquoi il était "indispensable" de revoir la situation des entreprises dont le rapport entre la partie des quotas de production destinés à être livrés dans la Communauté et les quotas de production ( rapport I : P ) est, pour l' ensemble des produits du système, très inférieur à la moyenne communautaire . Elle a estimé que les
courants d' échanges sidérurgiques entre la Communauté et le reste du marché s' étaient profondément modifiés depuis l' instauration du système des quotas, et que les situations historiques décrites n' étaient "plus adaptées à l' objectif de la politique sidérurgique communautaire ".

29 . On peut déduire de cette déclaration que, aux yeux de la Commission elle-même, les quotas de livraison des entreprises en question ne pouvaient plus être considérés comme équitables .

30 . Même ceux qui n' accepteraient pas la thèse selon laquelle l' article 18, paragraphe 1, ne fait que rappeler une compétence que la Commission détient de toute façon devraient admettre, me semble-t-il, que, puisque la Commission était persuadée d' être en présence de changements profonds sur le marché sidérurgique au sens où l' entend cet article, elle devait, sur la base de cette disposition, procéder par décision générale aux adaptations requises par cette nouvelle situation .

31 . La mesure considérée comme nécessaire par la Commission aurait consisté à "ramener ...le rapport mentionné ci-dessus à une valeur qui ne soit pas inférieure de 10 points, en pourcentage, à la moyenne communautaire, si ce n' était pas jusqu' à présent le cas ". J' estime que cette mesure n' aurait pas remis en cause l' un des éléments fondamentaux ou constitutifs du régime des quotas . Constituent, à mon avis, de tels éléments constitutifs, le principe même de quotas pour la livraison sur le
marché intérieur, distincts des quotas de production, et le calcul de ceux-ci par rapport à une période de référence donnée .

32 . L' intention de la Commission d' introduire une dérogation partielle à cette dernière règle en faveur des entreprises se trouvant dans la situation décrite ci-dessus n' aurait représenté, à mon avis, qu' une exception confirmant la règle .

33 . Il résulte d' un tableau figurant au mémoire en défense que six entreprises connaissent un rapport I : P inférieur à la moyenne communautaire pour une catégorie de produits, et trois entreprises pour deux catégories . Pour Peine-Salzgitter quatre catégories de produits sont concernées . Si l' on part cependant du principe, comme cela semble avoir été l' intention de la Commission, qu' un redressement du rapport n' aurait été accordé que lorsque le rapport I : P d' une entreprise donnée était
inférieur à la moyenne communautaire pour l' ensemble des produits du système ( sans doute aussi en moyenne ), alors ces dix entreprises n' auraient pas toutes bénéficié de la mesure .

34 . On ne saurait pas non plus considérer que les entreprises en question constituent un "groupe d' entreprises caractérisées par leur structure", comme c' était le cas dans les affaires jointes 140, 146, 211 et 226/85, Walzstahlwerke et Thyssen, précitées, puisqu' elles n' ont pas la même spécialisation .

35 . Encore moins pourrait-on reprocher à la Commission d' avoir voulu éluder la procédure de l' article 14 de la décision, car celle-ci ne permet pas de remédier d' une manière satisfaisante au problème en cause ici .

36 . On est dès lors en droit de conclure que la mesure envisagée par la Commission ne constituait pas une modification d' un élément constitutif ou essentiel du régime des quotas . La Commission était en droit, en vertu de ses pouvoirs propres, d' introduire un article à cet effet, soit dans la décision n° 234/84 qui était en vigueur jusqu' au 31 décembre 1985, en invoquant l' article 18 de cette décision, soit directement dans la nouvelle décision n° 3485/85, applicable à partir du 1er janvier
1986, soit après cette date en invoquant l' article 18 de cette nouvelle décision ( repris sans changement ).

37 . En estimant qu' elle avait besoin d' un avis conforme pour adopter la mesure en question, la Commission s' est trompée au sujet de l' étendue de ses compétences, et en omettant de prévoir dans la décision n° 3485/85/CECA la possibilité d' ajuster les rapports I : P dans les cas où elle reconnaît elle-même qu' ils sont inéquitables, la Commission a commis un détournement de pouvoir à l' égard de l' entreprise Peine-Salzgitter ( qui, ainsi que cela résulte du mémoire en défense, se trouve dans la
situation visée ).

38 . Reste à savoir s' il y a lieu de déclarer nul et non avenu l' article 5 de la décision, comme le demande la requérante, un autre article ou toute la décision .

39 . L' article 5 prévoit principalement que la "Commission fixe trimestriellement par entreprise les quotas de production et la partie de ces quotas pouvant être livrée sur le marché commun :

- sur base des productions et quantités de référence visées à l' article 4, paragraphe 5, et à l' article 6;

- par application à ces productions et quantités de référence des taux d' abattement visés à l' article 8 ."

40 . L' annulation de cette disposition aurait donc pratiquement le même effet que l' annulation de la décision toute entière . L' annulation de l' article 6, qui définit les périodes de référence, enlèverait lui-aussi la base à toutes les décisions individuelles fixant des quotas . Comme la Commission l' a fait remarquer, la disposition réclamée par Peine-Salzgitter aurait dû faire l' objet d' un article à part . Il faut noter aussi que le traité CECA ne comporte pas de disposition analogue à l'
article 174 CEE, qui permet à la Cour d' indiquer ceux des effets d' un règlement annulé qui doivent être considérés comme définitifs .

41 . Je voudrais dès lors vous proposer d' utiliser la formule suivante, qui s' inspire des conclusions de la partie requérante, et qui permettrait à mon avis de maintenir la validité en soi de la décision générale et de la plupart des décisions individuelles fondées sur celle-ci :

" La décision n° 3485/85/CECA de la Commission est annulée pour autant qu' elle ne permet pas de fixer des quotas de livraison équitables pour les entreprises dont le rapport I : P est, pour l' ensemble des produits du système, considérablement inférieur à la moyenne communautaire ."

42 . Pour des raisons de clareté et parce que la Cour est saisie de conclusions formelles à cet effet, il faudrait cependant ajouter que les décisions individuelles faisant l' objet des affaires 44, 110, 226 et 285/86 sont également annulées .

B - Si l' avis conforme était indispensable en l' occurrence, quelles sont les conséquences qui en découlent pour les présents recours?

43 . C' est à titre subsidiaire que je voudrais examiner maintenant cette deuxième question .

44 . Dans votre arrêt Kloeckner du 7 juillet 1982 ( affaire 119/81, Rec . p . 2627 ), vous avez constaté au point 6 que l' "obtention de l' avis conforme du Conseil constitue l' une des formalités substantielles prescrites par le traité à peine de nullité ".

45 . La Commission ne saurait donc arrêter une mesure à laquelle le Conseil a refusé son avis conforme . Si la disposition en cause dans les présentes affaires nécessitait effectivement l' avis conforme du Conseil, et si la Commission avait arrêté cette mesure en passant outre à l' absence d' un tel avis conforme, la Cour aurait été obligée de l' annuler si elle avait été saisie d' une demande à cet effet .

46 . D' autre part, ni une entreprise, ni la Commission, ni un État membre ne saurait intenter un recours en carence contre le Conseil pour ne pas avoir donné un avis conforme, car le traité CECA ne permet que des recours en carence dirigés contre la Haute Autorité .

47 . Enfin, la délibération du Conseil portant refus de l' avis conforme ne saurait pas non plus faire l' objet d' un recours en annulation . A l' appui de tels recours, qui ne sont de toutes façons pas ouverts aux entreprises, mais seulement aux États membres et à la Commission, ne peuvent être invoqués que l' incompétence ou la violation des formes substantielles ( article 38 ). Or, un refus d' avis conforme constituera toujours l' exercice du pouvoir discrétionnaire du Conseil d' apprécier une
situation économique complexe .

48 . La Commission n' a donc pas le moyen d' obliger le Conseil à lui donner un avis conforme . Dès lors, un recours en carence intenté par une entreprise contre la Commission pour ne pas avoir inclus la disposition incriminée dans sa décision générale n' aurait pas de sens .

49 . Est-ce à dire que, en raison de toutes ces caractéristiques particulières du traité CECA, le refus du Conseil de donner son avis conforme à une disposition particulière qu' une entreprise souhaiterait voir figurer dans le régime des quotas ne saurait jamais être mis en cause, même indirectement?

50 . Je ne le pense pas . Il ne faut pas oublier, en effet, que, d' après l' article 31 du traité CECA la "Cour assure le respect du droit dans l' interprétation et l' application du traité et des règlements d' exécution ". Cette disposition ainsi que le principe de la protection juridique exigent que la Cour puisse faire respecter la règle inscrite à l' article 58, paragraphe 2, suivant laquelle les quotas doivent être fixés sur une base équitable .

51 . C' est en examinant soit la décision générale, soit une décision individuelle fixant des quotas que la Cour pourrait constater que le régime tel qu' il est ne permet pas d' atteindre ce résultat . Elle n' aurait pas besoin de se laisser influencer par la question de savoir si cette situation découle ou non d' une absence d' avis conforme du Conseil sur une disposition particulière envisagée par la Commission .

52 . Si la Cour était amenée à annuler ou à constater l' illégalité de la décision générale, il appartiendrait alors à la Commission d' envoyer au Conseil, pour avis conforme, une communication prévoyant des dispositions lui permettant de fixer les quotas sur une base équitable . Si cette communication comportait une disposition identique à celle à propos de laquelle le Conseil avait, une première fois, refusé son avis conforme, il appartiendrait au Conseil de bien réfléchir si un deuxième refus
serait l' attitude la plus judicieuse .

53 . La Commission pourrait aussi soumettre au Conseil une solution permettant d' aboutir à des quotas équitables à l' aide d' autres modalités que celles envisagées à l' origine .

54 . Il découle de ce qui précède qu' une annulation de la décision générale et des décisions individuelles ne serait pas exclue dans la présente espèce, même si la Cour devait parvenir à la conclusion que l' avis conforme du Conseil était nécessaire .

55 . Est-ce qu' une telle annulation serait justifiée quant au fond? A cet égard, nous avons constaté plus haut qu' on peut déduire de la communication de la Commission du 25 septembre 1985, que cette institution estimait que l' adaptation en question était nécessaire pour pouvoir fixer des quotas sur une base équitable . Les parties requérantes partagent cet avis . La Cour a demandé au Conseil pour quels motifs il avait refusé son avis conforme, mais le Conseil n' a pas répondu à cette question .

56 . Il me semble dès lors que dans le cas d' espèce la Cour n' a pas besoin d' "examiner l' appréciation de la situation découlant des faits ou circonstances économiques" faite par la Commission ( article 33, deuxième phrase, du traité ), puisque cette appréciation n' est pas contestée par les parties requérantes .

57 . Il suffit donc que la Cour constate que, de l' avis de l' autorité compétente en matière de fixation des quotas et de l' avis des sociétés requérantes, la décision incriminée ne permet pas à cette autorité de s' acquitter correctement de sa mission .

58 . En d' autres termes, même dans l' hypothèse subsidiaire il y a lieu d' annuler la décision générale et les décisions individuelles qui font l' objet des recours introduits par Peine-Salzgitter et Hoogovens .

Conclusion

59 . Pour les motifs développés dans la partie A du présent exposé je propose à la Cour :

- d' annuler la décision n° 3485/85/CECA de la Commission, du 27 novembre 1985, pour autant qu' elle ne permet pas de fixer des quotas de livraison équitables en faveur des entreprises dont le rapport I : P est, pour l' ensemble des produits du système, considérablement inférieur à la moyenne communautaire;

- d' annuler les décisions individuelles fixant des quotas, qui font l' objet des affaires 44, 110, 226 et 285/86;

- de condamner la partie défenderesse aux dépens, y compris à ceux de la partie intervenante dans l' affaire 33/86 .

( 1 ) Décision n° 3485/85/CECA de la Commission, du 27 novembre 1985, prorogeant le système de surveillance et de quotas de production de certains produits pour les entreprises de l' industrie sidérurgique

( JO L 340, p . 5 ).

( 2 ) Voir, notamment, arrêt du 21 férier 1984, Walzstahl-Vereinigung et Thyssen, affaires jointes 140, 146, 221 et 226/82, Rec . p . 951, point 18 .


Synthèse
Numéro d'arrêt : 33,
Date de la décision : 01/12/1987
Type de recours : Recours en annulation - fondé

Analyses

CECA - Adaptation équitable des quotas de livraison.

Matières CECA

Quotas de production

Sidérurgie - acier au sens large


Parties
Demandeurs : Stahlwerke Peine-Salzgitter AG et Hoogovens Groep BV
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Mischo
Rapporteur ?: O'Higgins

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1987:517

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