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28/10/1987 | CJUE | N°55/86

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Mischo présentées le 28 octobre 1987., Asociación provincial de armadores de buques de pesca de Gran Sol de Pontevedra (Arposol) contre Conseil des Communautés européennes., 28/10/1987, 55/86


Avis juridique important

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61986C0055

Conclusions de l'avocat général Mischo présentées le 28 octobre 1987. - Asociación provincial de armadores de buques de pesca de Gran Sol de Pontevedra (Arposol) contre Conseil des Communautés européennes. - Recevabilité - Règlement sanctionnant le non-respect des disposition

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Avis juridique important

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61986C0055

Conclusions de l'avocat général Mischo présentées le 28 octobre 1987. - Asociación provincial de armadores de buques de pesca de Gran Sol de Pontevedra (Arposol) contre Conseil des Communautés européennes. - Recevabilité - Règlement sanctionnant le non-respect des dispositions de l'acte d'adhésion de l'Espagne et du Portugal aux Communautés européennes en matière de pêche. - Affaire 55/86.
Recueil de jurisprudence 1988 page 00013

Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . Sur base de l' article 91, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour de justice, le Conseil a soulevé une exception d' irrecevabilité à l' encontre du recours en annulation introduit le 26 février 1986 par l' Asociación provincial de armadores de buques de pesca de Gran Sol de Pontevedra ( ci-après "Arposol ") contre le règlement ( CEE ) n°*3781/85 du Conseil, du 31 décembre 1985, fixant les mesures à prendre à l' égard des opérateurs qui ne respectent pas certaines dispositions
relatives aux activités de pêche prévues par l' acte d' adhésion de l' Espagne et du Portugal ( JO L*363 du 31.12.1985, p.*26 ).

2 . Aux termes de son article 1er, ce règlement "détermine les mesures destinées à assurer le respect de la réglementation d' accès aux eaux et ressources prévues aux articles 163, 164, 165, 349, 351 et 352 de l' acte d' adhésion par les navires de pêche battant pavillon d' un État membre ou enregistrés ou immatriculés dans un État membre ".

3 . Ces mesures, ainsi que la réglementation dont elles sont censées assurer le respect, sont présentées d' une manière détaillée au rapport d' audience .

4 . Le Conseil, auquel s' est ralliée la Commission, partie intervenante, estime que le règlement attaqué constitue un "vrai" règlement, à portée générale et de nature normative, de sorte qu' un particulier, en vertu de l' article 173, alinéa 2, du traité, ne serait pas recevable à en demander l' annulation . A l' appui de son argument, le Conseil se base surtout sur le fait que le règlement n°*3781/85 ne vise pas que la seule situation des pêcheurs espagnols, mais s' applique de manière identique
aux pêcheurs portugais et à ceux des États membres de l' ancienne Communauté à Dix .

5 . La requérante rétorque en soulignant le nombre limité et déterminé de navires susceptibles d' être concernés par les sanctions prévues . Ce nombre serait de l' ordre de 1*268 sur les 76*813 composant la flotte de pêche des douze États membres de la Communauté . En particulier, en matière de pêche non spécialisée, seulement 300 navires espagnols, nommément énumérés sur la liste de base prévue à l' article 158, paragraphe 1, de l' acte d' adhésion et faisant l' objet de l' annexe IX à ce dernier,
pourraient tomber sous le coup du règlement en question étant donné que ce sont les seuls qui sont susceptibles d' être autorisés à exercer leurs activités dans les zones de pêche en question . Les 57 navires représentés par Arposol figurent sur cette liste de base .

6 . A cet égard, et avant d' examiner si le règlement n°*3781/85 concerne directement et individuellement lesdits navires, je voudrais faire l' observation suivante .

7 . Ce qu' Arposol met en cause, en substance, c' est le fait que les navires qu' elle représente puissent, le cas échéant, être frappés par la sanction de la non-inscription sur les listes périodiques qui contiennent l' énumération des navires autorisés à exercer simultanément leurs activités de pêche pendant une période donnée . A cette fin, Arposol fait essentiellement valoir la violation du principe d' égalité et de certaines règles de droit pénal ( droits de la défense et principe non bis in
idem ).

8 . C' est donc le système même des listes périodiques et la possibilité qu' un bateau, qui part à la pêche sans figurer sur cette liste, puisse ensuite ne plus y être inscrit pendant un certain nombre de mois qui constituent l' objet réel du recours d' Arposol .

9 . Or, le principe de cette réglementation ne figure pas dans un "acte du Conseil" au sens de l' article 173 du traité, mais dans l' acte d' adhésion, qui constitue un traité international non susceptible d' être attaqué devant cette Cour .

10 . Il en résulte que, si les bateaux affiliés à Arposol devaient être considérés comme concernés directement et individuellement, simplement parce qu' ils figurent sur la liste de base des 300 navires, cette individualisation découlerait de l' article 158 de l' acte d' adhésion, et non pas du règlement incriminé .

11 . Par ailleurs, pour ce qui concerne les activités de pêche des navires espagnols dans les eaux des États membres de l' ancienne Communauté à Dix, c' est l' article 163, paragraphe 3, alinéa 1, de l' acte d' adhésion qui, afin d' assurer le respect de la réglementation établie par d' autres dispositions de cet acte, a institué la possibilité de ne pas autoriser un navire à pêcher pour une certaine période . Le règlement n°*3781/85 ne fait que préciser les détails et les modalités d' exécution de
cette règle .

12 . Mais peut-être souhaiterez-vous faire abstraction de cet aspect et examiner la recevabilité du recours uniquement par rapport à l' acte dont l' annulation est formellement demandée . A cet égard, j' ai l' honneur d' exposer ce qui suit .

13 . A supposer même qu' on puisse considérer Arposol comme le simple porte-parole des intérêts propres à chacun de ses affiliés ( intérêts qui sont identiques pour tous ), le recours de cette association ne serait recevable que si chacun des affiliés en question était concerné directement et individuellement par le règlement incriminé .

14 . C' est cette question que je voudrais aborder maintenant, mais en m' abstenant de répéter l' argumentation du Conseil, que je partage, suivant laquelle le règlement n°*3781/85 a trait, d' une manière générale, aux relations de pêche entre l' Espagne, le Portugal et les États membres de l' ancienne Communauté à Dix, et ne saurait dès lors concerner individuellement les armateurs au nom desquels le recours a été introduit . Pour ma part, je voudrais me concentrer sur les dispositions qu' invoque
plus particulièrement Arposol, c' est-à-dire la réglementation découlant directement de l' article 158 de l' acte d' adhésion et régissant les activités de pêche non spécialisée des navires espagnols dans les eaux relevant de la souveraineté ou de la juridiction des États membres de l' ancienne Communauté à Dix .

15 . Comme nous nous trouvons en l' occurrence devant une situation extrêmement proche de celle qui a donné lieu à votre arrêt du 16 mars 1978 dans l' affaire Unicme e.a./Conseil ( 123/77, Rec . p.*845 ), je voudrais m' inspirer de la structure logique de cet arrêt, telle qu' elle se dégage notamment des points 8 à*20 .

16 . Il y a d' abord lieu de constater que l' examen du règlement attaqué lui-même ne permet pas de déterminer si l' un des navires regroupés dans Arposol sera frappé par les sanctions prévues .

17 . En effet, le régime qu' il établit ne saurait porter atteinte aux intérêts des propriétaires, affréteurs ou exploitants des navires en question que dans le cas où la sanction de la non-inscription sur les projets de listes périodiques serait effectivement prise à leur égard .

18 . Or, force est de constater qu' en vertu de l' article 2 du règlement n°*3781/85, pour que tel soit le cas, il faut au préalable :

- que le navire concerné n' ait pas été inscrit sur la liste périodique au cours d' un mois donné;

- qu' il se soit néanmoins livré à la pêche;

- qu' il ait été pris sur le fait;

- que les autorités compétentes de l' État membre dans les eaux duquel l' infraction a été commise l' aient constatée et aient notifié à la Commission et à l' État membre du pavillon les actions pénales ou administratives et autres mesures éventuellement prises, ainsi que toute décision juridictionnelle relative à cette infraction ( 1 ).

19 . Enfin, en vertu de l' article 163, paragraphe 2, de l' acte d' adhésion, les projets de listes périodiques doivent encore être soumis à l' approbation de la Commission .

20 . Il apparaît ainsi que la sanction de la non-inscription d' un navire sur les listes périodiques ne peut être infligée par les autorités de l' État membre du pavillon qu' après l' écoulement d' une procédure nécessitant l' intervention de plusieurs instances appartenant à d' autres États membres et ne devient formellement définitive qu' après l' approbation des listes par la Commission .

21 . Puisque l' application du règlement attaqué nécessite l' intervention de plusieurs autres circonstances avant qu' il ne puisse porter préjudice aux navires représentés par Arposol, ces derniers ne peuvent donc pas être considérés comme directement concernés .

22 . D' ailleurs, comme le président de la Cour l' a fait observer dans son ordonnance du 22 avril 1986 dans la procédure en référé, en cas d' exclusion de la liste périodique,

"... la possibilité semble exister, à la fois sur le plan national et sur le plan communautaire, d' attaquer la liste périodique" ( point*19 ).

23 . C' est dans le cadre d' un recours qu' un armateur intenterait à cette fin qu' il pourra faire valoir l' illégalité du règlement n°*3781/85, soit devant la Cour, soit devant le juge national, qui, à son tour, aura la possibilité de saisir la Cour d' une question préjudicielle à cet égard . Le cas échéant, l' armateur pourra également réclamer la réparation du préjudice causé par une éventuelle illégalité .

24 . Ensuite, en vertu d' une jurisprudence constante de la Cour, "la possibilité de déterminer avec plus ou moins de précision le nombre ou même l' identité des sujets de droit auxquels s' applique une mesure n' implique nullement que ces sujets doivent être considérés comme concernés individuellement" ( 2 ).

25 . En l' espèce, la circonstance que tous les navires représentés par Arposol sont susceptibles de se voir éventuellement rayés des listes périodiques en vertu des articles 3 et 4 du règlement n°*3781/85 ne suffit pas pour les faire considérer comme individuellement concernés d' une manière analogue à celle d' un destinataire d' une décision .

26 . D' une part, en effet, l' individualisation des effets dudit règlement ne se fera qu' au moment de son application par les autorités espagnoles lorsque celles-ci dresseront les projets de listes périodiques à soumettre à la Commission en excluant les bateaux fautifs .

27 . D' autre part, la liste de base n' a pas été arrêtée une fois pour toutes . Si, à l' avenir, un autre navire venait à être admis sur la liste de base en remplacement d' un navire mis hors d' usage et supprimé de la liste, ainsi que le prévoit l' article 159, paragraphe 2, de l' acte d' adhésion, et s' il figurait par la suite sur une liste périodique, il serait soumis au régime du règlement attaqué au même titre que les bateaux ayant figuré dès l' origine sur la liste .

28 . On ne peut donc pas dire que les navires représentés par Arposol

"... soient atteints dans leur position juridique en raison d' une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et les individualise d' une manière analogue à celle d' un destinataire" ( 3 ).

29 . Dès lors, ils ne sont pas non plus individuellement concernés par le règlement n°*3781/85, et cela même si on ne prend en considération - comme je viens de le faire - que la situation des seuls pêcheurs espagnols exerçant des activités de pêche non spécialisée dans les eaux des États membres de l' ancienne Communauté à Dix .

30 . Je vous propose en conséquence de rejeter le recours introduit par Arposol comme irrecevable et de condamner la partie requérante aux dépens de l' instance, y compris ceux de la procédure en référé .

( 1 ) Les États membres sont tenus d' entreprendre de telles actions en vertu de l' article 1er, paragraphe 2, du règlement n°*2057/82 du Conseil, du 29 juin 1982, établissant certaines mesures de contrôle à l' égard des activités de pêche exercées par les bateaux des États membres ( JO L*220 du 29.7.1982, p.*1 ), tel que modifié par le règlement n°*3723/85 ( JO L*361 du 31.12.1985, p.*42 ).

( 2 ) Voir l' arrêt Unicme, précité, point 16; voir aussi l' arrêt du 24 février 1987, Deutz und Geldermann/Conseil, 26/86, Rec . p.*941, point*17 .

( 3 ) Voir, notamment, arrêt du 24 février 1987, Deutz und Geldermann/Conseil, 26/86, précité, point*9 .


Synthèse
Numéro d'arrêt : 55/86
Date de la décision : 28/10/1987
Type de recours : Recours en annulation - irrecevable

Analyses

Recevabilité - Règlement sanctionnant le non-respect des dispositions de l'acte d'adhésion de l'Espagne et du Portugal aux Communautés européennes en matière de pêche.

Agriculture et Pêche

Adhésion

Politique de la pêche


Parties
Demandeurs : Asociación provincial de armadores de buques de pesca de Gran Sol de Pontevedra (Arposol)
Défendeurs : Conseil des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Mischo
Rapporteur ?: Joliet

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1987:465

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