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06/10/1987 | CJUE | N°339/85

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Lenz présentées le 6 octobre 1987., E. Brunotti contre Commission des Communautés européennes., 06/10/1987, 339/85


Avis juridique important

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61985C0339

Conclusions de l'avocat général Lenz présentées le 6 octobre 1987. - E. Brunotti contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaires - Assurance maladie des personnes assimilées aux enfants à charge du fonctionnaire. - Affaire 339/85.
Recueil de jurisprudence

1988 page 01379

Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le P...

Avis juridique important

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61985C0339

Conclusions de l'avocat général Lenz présentées le 6 octobre 1987. - E. Brunotti contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaires - Assurance maladie des personnes assimilées aux enfants à charge du fonctionnaire. - Affaire 339/85.
Recueil de jurisprudence 1988 page 01379

Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

A - Les faits

1 . Quelques mois se sont écoulés depuis la procédure orale qui s' est tenue dans l' affaire sur laquelle nous nous prononçons aujourd' hui . Ce délai a permis aux autres institutions des Communautés européennes de prendre position sur les questions qui nous occupent; les parties à l' instance ont pu se prononcer ensuite, à leur tour, sur ces prises de position .

2 . La requérante, Mme Elisabetta Brunotti, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, vise à obtenir, par la présente procédure, que la Commission, défenderesse, reprenne en charge les frais médicaux concernant la mère de la requérante, qu' elle avait cessé de prendre en charge à partir du 18 janvier 1985 .

3 . Par décision du 24 janvier 1984, la défenderesse avait assimilé la mère de la requérante à un enfant à charge, pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 1984, conformément à l' article 2, paragraphe 4, de l' annexe VII du statut; le 12 juillet 1984, elle avait accordé une prise en charge des frais au taux de 100 %. Cette décision a été renouvelée le 24 octobre 1985 pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 1985 .

4 . Le 29 mars 1985, la défenderesse a notifié à la requérante que, eu égard à l' article 3, paragraphe 3, de la réglementation relative à la couverture des risques de maladie des fonctionnaires des Communautés européennes, elle ne prendrait plus en charge à l' avenir les frais médicaux de la mère de la requérante, celle-ci étant assurée auprès du Servizio sanitario nazionale ( régime national italien ).

5 . La réclamation introduite par la requérante le 15 avril 1985 n' a pas donné lieu à une décision explicite de la part de la défenderesse .

6 . La requérante conclut à ce qu' il plaise à la Cour :

- annuler la décision de refus de prendre en charge les frais médicaux concernant sa mère et la décision de rejet de sa réclamation introduite le 15 avril 1985;

- condamner la défenderesse à prendre en charge lesdits frais depuis la date où cette prise en charge a pris fin, les sommes à payer étant augmentées des intérêts moratoires au taux de 10 % l' an, à compter de la date d' exigibilité des remboursements jusqu' à celle du paiement effectif;

- condamner la défenderesse aux dépens .

7 . A titre subsidiaire, elle conclut dans sa réplique à ce qu' il plaise à la Cour :

- condamner la défenderesse à prendre en charge les frais médicaux en complément de ce qui serait pris en charge par un autre régime d' assurance maladie, les sommes à payer étant augmentées des intérêts moratoires au taux de 10 % l' an;

- annuler dans cette mesure-là lesdites décisions de la Commission;

- condamner la défenderesse aux dépens .

8 . La défenderesse conclut à ce qu' il plaise à la Cour :

rejeter le recours comme non fondé et statuer comme de droit sur les dépens .

9 . Nous reviendrons en tant que de besoin dans le cadre de la discussion sur les moyens des parties ainsi que sur les positions prises par les institutions des Communautés sur demande de la Cour .

B - Discussion

10 . La partie qui nous intéresse présentement de l' article 72 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (" statut ") énonce ce qui suit :

"1 ) Dans la limite de 80 % des frais exposés, et sur la base d' une réglementation établie d' un commun accord par les institutions des Communautés après avis du comité du statut, le fonctionnaire, son conjoint, lorsque celui-ci ne peut pas bénéficier de prestations de même nature et de même niveau en application de toute autre disposition légale ou réglementaire, ses enfants et les autres personnes à sa charge au sens de l' article 2 de l' annexe VII sont couverts contre les risques de maladie .

...

4 ) Le bénéficiaire est tenu de déclarer les remboursements de frais perçus ou auxquels il peut prétendre au titre d' une autre assurance maladie, légale ou réglementaire, pour lui-même ou pour l' une des personnes couvertes de son chef .

Dans la mesure où l' ensemble des remboursements dont il pourrait bénéficier viendrait à dépasser les sommes de remboursement prévues au paragraphe 1 ci-dessus, la différence sera déduite du montant à rembourser au titre du paragraphe 1 ..."

11 . L' article 3 de la réglementation relative à la couverture des risques de maladie des fonctionnaires des Communautés européennes (" réglementation ") dispose ce qui suit :

"Les personnes assurées du chef de l' affilié sont :

...

3 ) les personnes assimilées aux enfants à charge de l' affilié, conformément à l' article 2, paragraphe 4, de l' annexe VII du statut, lorsqu' elles ne peuvent être couvertes contre les risques de maladie par un autre régime public ( 1 )."

12 . Dans le cas de la mère de la requérante, l' article 2, paragraphe 4, de l' annexe VII du statut, selon lequel toute personne à l' égard de laquelle le fonctionnaire a des obligations alimentaires légales et dont l' entretien lui impose de lourdes charges peut être exceptionnellement assimilée à un enfant à charge par décision spéciale et motivée de l' autorité investie du pouvoir de nomination, prise sur la base de documents probants, a été appliqué pour la première fois par la défenderesse
suivant la décision du 24 janvier 1984 . Cette décision faisait observer expressément qu' elle était prise sans préjudice des dispositions de l' article 3, paragraphe 3, de la réglementation relative à la couverture des risques de maladie des fonctionnaires des Communautés européennes .

13 . Comme il n' est pas contesté que la mère de la requérante est assurée au titre du régime national italien, le présent recours ne pourrait être couronné de succès que si ledit article 3, paragraphe 3, de la réglementation était invalide du fait qu' il pourrait se trouver en contradiction avec l' article 72 du statut qui, du moins selon son libellé, ne comporte pas une pareille condition restrictive, à savoir la non-affiliation à un autre régime public .

14 . L' opinion en ce sens de la requérante rencontre l' opposition tant de la défenderesse que - du moins quant au résultat -- des autres institutions des Communautés .

15 . Pour examiner la question de savoir si l' article 3, paragraphe 3, de la réglementation est compatible avec des dispositions communautaires de rang supérieur, nous rechercherons tout d' abord si les institutions des Communautés avaient le pouvoir d' arrêter une réglementation en ce sens; nous nous pencherons ensuite sur la question de savoir si ladite disposition est compatible, du point de vue de son contenu, avec des dispositions communautaires de rang supérieur .

1 . Sur la compétence des institutions des Communautés à arrêter l' article 3, paragraphe 3, de la réglementation

16 . Conformément à l' article 24 du traité du 8 avril 1965 instituant un Conseil unique et une Commission unique des Communautés européennes ( 2 ), le Conseil arrête, sur proposition de la Commission et après consultation des autres institutions intéressées, le statut des fonctionnaires des Communautés européennes et le régime applicable aux autres agents de ces Communautés .

17 . Le Conseil a arrêté le statut des fonctionnaires des Communautés européennes par le règlement n° 259/68, du 29 février 1968 ( 3 ), dans le cadre de cette procédure, qui se caractérise par la consultation des autres institutions intéressées, c' est-à-dire des autorités investies du pouvoir de nomination des agents des Communautés .

18 . L' article 72 du statut, qui définit la couverture du fonctionnaire contre les risques de maladie, ne comporte aucune disposition dont le contenu permettrait de traiter différemment les enfants et les autres personnes à charge une fois que l' autorité investie du pouvoir de nomination a fait usage de la disposition d' exception de l' article 2, paragraphe 4, de l' annexe VII et a assimilé la personne à charge, en raison de la lourde charge financière qu' elle représente pour le fonctionnaire, à
un enfant à charge . Alors qu' il existe, depuis l' entrée en vigueur du règlement n° 2074/83, du 27 juillet 1983 ( 4 ), un régime particulier pour les conjoints, le texte ne distingue pas entre les enfants et les autres personnes à charge .

19 . Dans ce contexte, il y a lieu de renvoyer à la jurisprudence de la Cour, selon laquelle les dispositions du statut comportent une terminologie précise dont l' extension par analogie à des cas non visés de façon explicite est exclue ( 5 ). Dans ces conditions, dès lors que l' article 3, paragraphe 3, de la réglementation comporte une condition restrictive supplémentaire que l' article 72 du statut ne prévoit pas dans son contenu, pour le cas où un fonctionnaire souhaite voir couvrir contre les
risques de maladie d' autres personnes à charge, cette disposition ne peut être le cas échéant couverte que par la délégation, que contient également l' article 72 du statut, accordée aux institutions des Communautés, à savoir par la délégation d' arrêter d' un commun accord une réglementation relative à la couverture des risques de maladie .

20 . La requérante estime que cette habilitation ne confère que le pouvoir de réglementer des détails et des points secondaires, mais qu' elle ne donne pas la possibilité d' arrêter des dispositions essentielles concernant la couverture sociale du régime communautaire .

21 . La défenderesse estime, en revanche, que les conditions de la couverture contre les risques de maladie énumérées à l' article 72, paragraphe 1, du statut ne le sont pas de façon limitative . Selon elle, les termes "et sur la base d' une réglementation ..." signifient que le législateur du statut a délégué aux institutions un pouvoir de réglementer la matière non assorti de limites - et, donc, également le pouvoir d' ajouter des conditions pour le bénéfice de l' assurance maladie objectivement
justifiées .

22 . Il y a lieu de faire observer de nouveau, à ce stade, que le législateur du statut est le Conseil; c' est lui qui arrête les règlements y afférents, sur proposition de la Commission et après consultation des autres institutions intéressées, donc des autorités investies du pouvoir de nomination . A l' article 72 du statut, le législateur du statut a habilité les institutions des Communautés à arrêter d' un commun accord une réglementation relative à la couverture des risques de maladie .

23 . Moyennant cette délégation, la réglementation a été arrêtée au sein de chaque institution, à savoir, pour le Parlement européen, par son Bureau, pour le Comité économique et social, par son président agissant au nom du Bureau, pour la Cour de justice, par la Cour siégeant en réunion administrative . Il est donc tout à fait manifeste que ces instances ont agi non pas en tant qu' institutions, mais en tant qu' autorités investies du pouvoir de nomination . Lorsque le Conseil énonce qu' il a
arrêté la réglementation en tant qu' "institution au sens du statut" et que la Commission expose que c' est elle-même qui a adopté la réglementation, ces réponses ne militent pas non plus à l' encontre de la constatation que chacune des institutions des Communautés a agi en tant qu' autorité administrative et non dans le cadre de sa fonction institutionnelle en vertu de laquelle elle participe au processus législatif .

24 . L' adoption de la réglementation n' impliquant plus l' intervention du législateur prévue à l' article 24 du traité de fusion, mais celle des institutions des Communautés, l' on est fortement enclin à penser que cette habilitation ne peut viser que les institutions en leur qualité d' autorités administratives compétentes pour les questions de personnel, donc les autorités investies du pouvoir de nomination . Il en résulte que la réglementation n' est pas de rang équivalant à celui des
dispositions du statut, mais qu' elle est de rang inférieur à celui de ces dispositions .

25 . C' est donc à juste titre que, dans l' arrêt qu' elle a rendu le 20 novembre 1980 dans l' affaire 806/79 ( 6 ), la Cour a qualifié la réglementation de disposition d' exécution du statut .

26 . Dans ladite décision, relative à la couverture contre les risques de maladie pour les enfants à charge, pour laquelle la réglementation comportait des conditions moins sévères que l' article 72 du statut, la Cour a énoncé notamment ce qui suit :

"En effet, le système mis en place par le statut comporte les mêmes conditions d' octroi de l' allocation pour charge d' enfants et de couverture contre les risques de maladie pour les enfants à charge . Tel est le sens du renvoi de l' article 72 à l' article 2 de l' annexe VII, pris dans son ensemble . La réglementation, en tant que disposition d' exécution du statut, n' a pas pu, par l' effet d' un renvoi incomplet au même article 2 de l' annexe VII, supprimer l' une des conditions énoncées par
cette disposition ..."

27 . Comme l' article 72 du statut inclut dans la couverture des risques de maladie des Communautés exactement les mêmes catégories de personnes que celles pour lesquelles le fonctionnaire perçoit, accessoirement à son traitement, des allocations au sens de l' annexe VII, articles 1er et 2, et ne prévoit une exception que pour le conjoint, lorsque celui-ci peut bénéficier de prestations de même nature et de même niveau en application d' autres dispositions légales ou réglementaires, il y a lieu d'
admettre, eu égard à la terminologie précise des dispositions du statut, reconnue par la Cour, que l' article 72 du statut comporte, en ce qui concerne les catégories de bénéficiaires, des conditions énumérées de façon limitative . Dès lors, les institutions des Communautés n' ont plus le pouvoir d' arrêter, dans la réglementation qu' elles adoptent, des dispositions particulières en ce qui concerne les catégories de bénéficiaires, visant une partie des ayants droit mentionnés à l' article 72 du
statut .

28 . Un pareil résultat s' inscrit dans la droite ligne de l' arrêt précité du 20 novembre 1980 . Dès lors que cet arrêt a conféré, au détriment du fonctionnaire concerné, la priorité aux dispositions du statut sur la réglementation, ce raisonnement doit également valoir lorsqu' il produit des effets favorables au fonctionnaire . C' est la raison pour laquelle les principes énoncés dans cet arrêt doivent être transposés à la présente espèce : une fois que l' assimilation de la personne à charge,
prévue à l' article 2, paragraphe 4, de l' annexe VII, est intervenue, le système mis en place par le statut comporte les mêmes conditions d' octroi de l' allocation pour autres personnes à charge et de couverture contre les risques de maladie de ces personnes . Tel est le sens du renvoi de l' article 72 à l' article 2 de l' annexe VII, pris dans son ensemble . La réglementation, en tant que disposition d' exécution du statut, n' a pas pu, par l' effet de dispositions particulières visant certaines
personnes mentionnées à l' article 2 de l' annexe VII, imposer des conditions supplémentaires qui ne sont pas contenues dans l' article 72 du statut .

29 . L' article 3, paragraphe 3, de la réglementation ne peut donc être appliqué, car il se trouve en contradiction avec l' article 72 du statut .

2 . Sur la compatibilité de l' article 3, paragraphe 3, de la réglementation avec d' autres dispositions du droit communautaire

30 . Indépendamment de la question de savoir si les institutions des Communautés avaient, du point de vue formel, le pouvoir d' arrêter une disposition comme celle de l' article 3, paragraphe 3, de la réglementation, il convient de vérifier également si ladite disposition est compatible, du point de vue de son contenu, avec des dispositions communautaires de rang supérieur, notamment avec le principe de non-discrimination et le principe de proportionnalité .

a ) Sur la différence de traitement entre les enfants à charge et les personnes assimilées aux enfants à charge

31 . La différence de traitement entre les enfants à charge, d' une part, et les personnes assimilées à ces enfants à charge, d' autre part, que comporte l' article 3, paragraphe 3, de la réglementation ne peut trouver de justification formelle ni dans l' article 72 du statut ni dans l' article 2 de l' annexe VII du statut . Une différence de traitement n' apparaît cependant pas non plus justifiée quant au fond .

32 . Lorsque la défenderesse avance dans ce contexte que la différenciation entre ces deux catégories de personnes est objectivement justifiée par le fait que les enfants à charge n' exercent, par définition, aucune activité professionnelle leur ouvrant droit à une couverture sociale, tandis que les personnes assimilées aux enfants à charge, qui sont, dans la plupart des cas, des personnes âgées, sont normalement assurées dans leur pays d' origine soit de leur propre chef, soit du chef de leur
conjoint ou de toute autre manière, il convient de lui faire remarquer que cette différence de situation est pleinement prise en compte par l' article 72, paragraphe 4, du statut . Selon cette disposition, le bénéficiaire est, en effet, tenu de déclarer les remboursements de frais perçus ou auxquels il peut prétendre au titre des autres assurances maladie, légales ou réglementaires, pour lui-même ou pour l' une des personnes couvertes de son chef . En outre, l' ensemble des remboursements dont il
pourrait bénéficier est ramené au montant remboursable au titre des dispositions communautaires . Dès lors, si une personne assimilée à un enfant à charge est assurée au titre d' une autre assurance maladie, légale ou réglementaire, les prestations provenant de cette autre assurance maladie légale ou réglementaire sont prises en compte lors du remboursement intervenant au titre du régime communautaire, les prestations communautaires faisant alors l' objet d' une réduction correspondante . Or, de
cette manière, ces prestations provenant d' une autre assurance maladie légale ou réglementaire font l' objet d' une imputation à concurrence du montant auquel il peut être effectivement prétendu, de sorte qu' il n' apparaît pas nécessaire d' exclure totalement ladite catégorie de personnes - indépendamment de la nature et du niveau des prestations dont elle peut bénéficier au titre d' une autre assurance maladie légale ou réglementaire - du système de couverture des risques de maladie des
Communautés .

b ) Sur la différence de traitement des personnes à charge selon les modalités du système national de couverture des risques de maladie

33 . La requérante a également attiré notre attention sur un autre aspect, sous lequel il y a lieu d' examiner si l' article 3, paragraphe 3, de la réglementation viole le principe de non-discrimination . Elle a énoncé qu' en vertu des dispositions de la réglementation la couverture des personnes à charge contre les risques de maladie est exclue, et ce indépendamment du niveau des prestations dont ces personnes peuvent bénéficier dans le cadre d' une assurance maladie nationale obligatoire .

34 . Ce grief de la requérante est également justifié, car il est exact que, selon les modalités de l' assurance maladie nationale des personnes à charge, les prestations dont bénéficierait le fonctionnaire intéressé seraient différentes . La prise en compte de prestations d' assurance nationales différentes entraînerait dès lors un traitement différent du fonctionnaire selon les modalités de l' assurance maladie nationale . Dans ces conditions, la situation juridique du fonctionnaire ne serait plus
déterminée uniquement par le statut, mais également par le droit national des différents États membres . Il ne saurait être permis aux institutions des Communautés de prévoir une pareille différence de traitement pour leurs agents . Celle-ci aurait en effet pour conséquence de faire dépendre la portée du statut des modalités de la législation nationale en matière d' assurance obligatoire . L' application de dispositions du droit communautaire serait alors déterminée par le droit national . Or, un
tel résultat est considéré comme inadmissible par la jurisprudence de la Cour ( 7 ).

3 . Solution

35 . Il y a donc lieu de statuer sur le recours en faisant application des règles du statut, notamment de l' article 72, paragraphes 1 et 4, et en faisant abstraction de l' article 3, paragraphe 3, de la réglementation .

36 . La demande principale de la requérante, visant à la condamnation de la défenderesse à prendre en charge l' ensemble des frais médicaux, ne peut cependant être accueillie, car il y a lieu de prendre en compte, conformément à l' article 72, paragraphe 4, du statut, le montant auquel il peut être prétendu au titre de l' assurance maladie, légale ou réglementaire, italienne .

37 . Toutefois, il y a lieu de faire droit à la demande subsidiaire de la requérante, y compris à sa demande en paiement d' intérêts, et ce - la défenderesse n' ayant pas contesté expressément le montant de la réclamation d' intérêts - au taux de 10 %. Le paiement des intérêts peut être réclamé, pour chaque somme, après l' exigibilité du remboursement, mais cependant au plus tôt à compter de la date à laquelle la requérante en a demandé le paiement pour la première fois, soit à compter de la date d'
introduction du recours .

38 . Plus précisément, l' on aboutit à la solution suivante :

- il y a lieu d' annuler la décision de refus de prendre en charge les frais médicaux de la mère de la requérante, prise par la défenderesse le 29 mars 1985;

- il y a lieu de condamner la défenderesse à prendre en charge les frais médicaux concernant la mère de la requérante en complément des sommes auxquelles elle peut prétendre au titre d' une autre assurance maladie légale ou réglementaire, chaque somme à payer étant augmentée des intérêts moratoires au taux de 10 % à compter de la date d' exigibilité, mais au plus tôt à compter de la date d' introduction du présent recours;

- il y a lieu de rejeter le recours pour le surplus .

39 . La requérante ayant obtenu gain de cause pour l' essentiel, il y a lieu de condamner la défenderesse aux dépens, en application des articles 69 et 70 du règlement de procédure .

C - Conclusion

Nous vous proposons, en conséquence, de statuer dans les termes suivants :

1 ) La décision de refus de prendre en charge les frais médicaux concernant la mère de la requérante, prise par la défenderesse le 29 mars 1985, est annulée .

2 ) La défenderesse est condamnée à prendre en charge les frais médicaux de la mère de la requérante en complément des sommes auxquelles elle peut prétendre au titre d' une autre assurance maladie légale ou réglementaire, les sommes à payer étant augmentées des intérêts moratoires au taux de 10 % à compter de leur exigibilité, mais au plus tôt à compter de l' introduction du recours .

3 ) Le recours est rejeté pour le surplus .

4 ) La défenderesse est condamnée aux dépens .

(*) Traduit de l' allemand .

( 1 ) C' est nous qui soulignons .

( 2 ) JO 1967, 152, p . 2 .

( 3 ) JO 1968, L 56, p . 1 .

( 4 ) JO 1983, L 203, p . 1 .

( 5 ) Voir l' arrêt rendu le 16 mars 1971 dans l' affaire 48/70, Giorgio Bernardi/Parlement européen, Rec . p . 175, 184, ainsi que l' arrêt rendu le 20 juin 1985 dans l' affaire 123/84, Steffen Klein/Commission des Communautés européennes, Rec . p . 1907, point 23 des motifs .

( 6 ) Arrêt du 20 novembre 1980 dans l' affaire 806/79, François Gerin/Commission des Communautés européennes, Rec . p . 3515, 3526 .

( 7 ) Voir, en dernier lieu, l' arrêt rendu par la Cour le 7 mai 1987 dans l' affaire 189/85, Commission des Communautés européennes/République fédérale d' Allemagne, Rec . p . 2061, points 16 et 21 des motifs .


Synthèse
Numéro d'arrêt : 339/85
Date de la décision : 06/10/1987
Type de recours : Recours de fonctionnaires - non fondé

Analyses

Fonctionnaires - Assurance maladie des personnes assimilées aux enfants à charge du fonctionnaire.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : E. Brunotti
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Lenz
Rapporteur ?: Kakouris

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1987:423

Source

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