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16/06/1987 | CJUE | N°433/85

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Mischo présentées le 16 juin 1987., Jacques Feldain contre Directeur des services fiscaux du département du Haut-Rhin., 16/06/1987, 433/85


Avis juridique important

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61985C0433

Conclusions de l'avocat général Mischo présentées le 16 juin 1987. - Jacques Feldain contre Directeur des services fiscaux du département du Haut-Rhin. - Demande de décision préjudicielle: Tribunal de grande instance de Mulhouse - France. - Article 95 - Taxe différentielle fra

ppant les véhicules à moteur. - Affaire 433/85.
Recueil de jurispruden...

Avis juridique important

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61985C0433

Conclusions de l'avocat général Mischo présentées le 16 juin 1987. - Jacques Feldain contre Directeur des services fiscaux du département du Haut-Rhin. - Demande de décision préjudicielle: Tribunal de grande instance de Mulhouse - France. - Article 95 - Taxe différentielle frappant les véhicules à moteur. - Affaire 433/85.
Recueil de jurisprudence 1987 page 03521
édition spéciale suédoise page 00157
édition spéciale finnoise page 00157

Conclusions de l'avocat général

++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . Le tribunal de grande instance de Mulhouse a saisi la Cour de la question suivante :

"L' article 95 du traité de Rome interdit-il de soumettre des véhicules automobiles dépassant une certaine puissance fiscale à une taxe différentielle dont le montant augmente de façon exponentielle en fonction de ladite puissance fiscale, définie elle-même par une formule qui tend à faire tomber sous le coup de ladite majoration exponentielle tout véhicule ayant une cylindrée donnée, et non fabriqué en France, où ne sont pas construits de tels véhicules, contrairement à certains pays, notamment de
la Communauté?"

2 . Cette question nous est posée dans le cadre d' un litige qui oppose un particulier, M . Feldain, propriétaire d' une voiture de marque étrangère, aux services fiscaux français . M . Feldain estime que le régime de taxation annuelle des véhicules automobiles de grand luxe résultant de l' article 18 de la loi n°*85-695, du 11 juillet 1985, adopté suite à l' arrêt de la Cour du 9 mai 1985 ( Humblot, 112/84, Rec . p.*1367, 1375 ), n' est toujours pas conforme à l' article 95 du traité .

3 . Le régime appliqué antérieurement et les caractéristiques de la nouvelle législation sont exposés dans le rapport d' audience, de telle sorte que je n' ai pas besoin de les rappeler ici .

4 . La Cour a eu l' occasion de définir dans de nombreux arrêts les critères d' application de l' article 95 . L' un des arrêts comportant les indications les plus détaillées est celui du 27 février 1980 ( Commission/Italie, 169/78, Rec . p.*385 ) où la Cour a déclaré, notamment, que "l' article 95 doit garantir la parfaite neutralité des impositions intérieures au regard de la concurrence entre produits nationaux et produits importés" ( point*4 ).

5 . Dans un arrêt du 15 mars 1983 ( Commission/Italie, 319/81, Rec . p.*601, point*21 ), la Cour a précisé que "les États membres ont la faculté de prévoir, dans le respect des directives en la matière, un taux de TVA supérieur pour les produits de luxe par rapport aux produits nationaux ou importés qui n' ont pas ce caractère, à la condition, toutefois, que les critères choisis pour déterminer la catégorie de produits plus lourdement frappés ne soient pas discriminatoires à l' égard des produits
importés similaires ou se trouvant, à l' égard des produits nationaux, dans le rapport de concurrence envisagé par l' article 95, alinéa*2 ".

6 . En ce qui concerne plus particulièrement la taxation des voitures automobiles, la Cour a encore rappelé très récemment ( arrêt du 16 décembre 1986, Commission/Italie, 200/85, Rec . p.*3953, 3969 ) "qu' en vue de statuer sur la compatibilité d' une différenciation fiscale contestée avec l' article 95 du traité il est *... nécessaire d' examiner si elle est établie en fonction d' un critère objectif, si elle est directement ou indirectement discriminatoire et si elle est de nature à protéger des
productions nationales concurrentes à l' égard des importations en provenance des autres États membres" ( point*9 ). Dans le même arrêt, la Cour a indiqué ( aux points 16 et 20 ) que le rapport de concurrence qu' il faut prendre en considération pour apprécier l' existence d' un effet protecteur doit s' étendre à toutes les automobiles, qu' elles soient équipées d' un moteur diesel ou d' un moteur à essence .

7 . Dans le cadre de la présente affaire, c' est évidemment l' arrêt Humblot du 9 mai 1985 ( déjà cité ) qui revêt la plus grande importance . La Cour y a tout d' abord rappelé "qu' en l' état actuel du droit communautaire les États membres restent libres de soumettre des produits comme les voitures à un système de taxe de circulation dont le montant augmente progressivement en fonction d' un critère objectif tel que la puissance fiscale, qui peut être déterminée selon différentes modalités .

8 . Un tel système d' imposition intérieure n' est toutefois légitime au regard de l' article 95 que pour autant qu' il soit exempt de tout effet discriminatoire ou protecteur ".

9 . La Cour a ensuite constaté que l' assujettissement de toutes les voitures d' une puissance fiscale supérieure à 16 CV fiscaux à une taxe spéciale s' élevant au quintuple de la taxe immédiatement inférieure "entraîne une augmentation de la taxation qui est beaucoup plus importante que celle qui résulterait du passage d' une catégorie à l' autre de voitures dans un système de taxation progressive comportant des écarts équilibrés comme celui auquel correspond la taxe différentielle ".

10 . Il y a donc lieu d' examiner tout d' abord si la nouvelle méthode de taxation constitue désormais, dans son ensemble, un "système de taxation progressive comportant des écarts équilibrés ".

11 . I - Le tribunal de grande instance de Mulhouse se demande si le nouveau système est compatible avec l' article 95, parce que, pour des véhicules dépassant une certaine puissance fiscale, le montant de la taxe augmente d' une façon exponentielle en fonction de ladite puissance fiscale .

12 . A cet égard, il y a lieu de faire observer, tout d' abord, que, s' il est vrai que la courbe représentant les différents niveaux de la taxe présente effectivement, à partir d' un certain point, les caractéristiques d' une courbe exponentielle, cela est dû à l' incidence de l' ensemble des éléments qui entrent en jeu .

13 . Les différents coefficients, quant à eux, ont été fixés non pas selon une "fonction exponentielle", mais selon une "progression géométrique ": chaque niveau de taxation se déduit du niveau antérieur en multipliant ce dernier par un certain facteur ( appelé "raison" de la progression ). En l' occurrence, ce facteur n' est pas constant . Il varie entre 1,2 et 2,4 pour les catégories jusqu' à 16 CV inclus, et il est de 1,5 pour les catégories se situant au-delà de 16*CV . Comme le facteur de
multiplication utilisé au-delà de 16 CV est inférieur, à une exception près, à ceux utilisés en deçà de ce seuil ( pour le passage de la tranche d' imposition des 8 et 9 CV vers celle des 10 et 11 CV, le facteur n' est que de 1,2 ), on est en droit de conclure que la réglementation française n' est pas critiquable sous cet angle .

14 . La compatibilité d' un système de taxation avec l' article 95 ne dépend cependant pas seulement du rythme de progression retenu, mais également de la définition de l' assiette et des autres modalités d' application de la taxe ( 1 ) et, notamment, dans le cas d' une progression géométrique, du nombre des termes . Cela m' amène à examiner la manière dont les différents niveaux d' imposition se succèdent dans le cadre du régime en question .

15 . On est en présence de neuf paliers qui se présentent de la manière suivante :

- jusqu' à 4 CV : 2 catégories effectives de puissance fiscale ( 2 ),

- de 5 à 7 CV : 3 catégories,

- 8 et 9 CV : 2 catégories,

- 10 et 11 CV : 2 catégories,

- de 12 à 16 CV : 5 catégories,

- 17 et 18 CV : 2 catégories,

- 19 et 20 CV : 2 catégories,

- 21 et 22 CV : 2 catégories,

- 23 CV et plus : 9 catégories ( 3 ) effectives

16 . On est évidemment tout de suite frappé par les variations que l' on constate en ce qui concerne le nombre de catégories fiscales classées dans les différentes tranches d' imposition .

17 . Le regroupement de cinq catégories fiscales dans la tranche des 12 à 16 CV, en particulier, ne manque pas d' étonner . D' après les informations fournies par les autorités françaises en réponse à une question de la Cour, 74 modèles de voitures tombent dans cette tranche .

18 . Les trois tranches suivantes se limitent, chacune, à deux catégories fiscales . La tranche des 17 et 18 CV ne concerne que deux modèles de voitures, la tranche des 19 et 20 CV, dix modèles, et la tranche des 21 et 22 CV, trois modèles .

19 . Le gouvernement français n' a pas expliqué les raisons de cet agencement de la grille et je ne suis pas non plus parvenu à déceler par mes propres moyens le critère objectif et neutre qui pourrait être à la base de cette structure .

20 . La méthode choisie a tout d' abord pour résultat d' empêcher que les véhicules de 14, 15 ou 16 CV, que l' on se serait attendu à trouver dans une nouvelle tranche d' imposition, ne soient taxés plus fortement que les véhicules de 12 ou de 13 CV . De cette façon aucune voiture française ne subit une taxe supérieure à 1*729 FF ( chiffre valable pour la région parisienne en 1984 ).

21 . Par contre, l' instauration, au-delà du seuil des 16 CV, de tranches "minces" regroupant seulement deux catégories fiscales, combinée avec la progression géométrique qui caractérise tout le système, a pour résultat de provoquer une augmentation très rapide des montants des taxes dans les catégories dans lesquelles seules des voitures de fabrication étrangère sont en vente ( 2*594 , 3*882 , 5*832 et 8*758 FF ).

22 . Alors que l' écart de quatre échelons existant entre une voiture de 12 CV et une voiture de 16 CV ne donne lieu à aucun accroissement de la taxation, le même écart existant entre une voiture de 16 CV et une voiture de 20 CV aboutit à une différence dans la taxation qui s' élève à*224 %.

23 . Il est clair qu' il ne s' agit pas là d' "écarts équilibrés dans la taxation" au sens où vous avez utilisé cette expression dans votre arrêt Humblot . Les effets de la progressivité du système sont atténués à l' égard des voitures françaises de haut de gamme, grâce à l' instauration de la tranche "large" susmentionnée, alors qu' ils sont accentués par le rétablissement de tranches "étroites" à partir du stade où seules les voitures étrangères sont concernées . Force est donc de conclure que le
mode de classement des voitures n' est pas fondé sur un critère objectif et neutre du point de vue de la concurrence entre les voitures françaises et étrangères .

24 . Faut-il en conclure que les voitures d' une puissance fiscale supérieure à 16 CV, qui se trouvent être toutes des voitures de fabrication étrangère, devraient échapper à toute taxation ou qu' elles devraient être imposées au taux prévu pour la tranche des 12 à 16 CV? Je ne le pense pas . A mon avis, ces voitures devraient, en attendant une éventuelle refonte de tout le système, être taxées comme si, au-delà des 16 CV, il y avait d' autres tranches de cinq catégories ( 17 à 21 CV, etc .).

25 . II - Dans la deuxième partie de sa question, le tribunal de grande instance de Mulhouse se demande si la formule selon laquelle la puissance fiscale est définie n' est pas, elle aussi, incompatible avec l' article 95 du traité .

26 . Dans l' arrêt Humblot, la Cour a admis que la puissance fiscale pouvait être considérée comme un critère objectif en fonction duquel le montant de la taxe de circulation pouvait augmenter progressivement .

27 . La Cour a cependant précisé que "la puissance fiscale peut être déterminée selon différentes modalités ". Elle n' a donc pas pris position au sujet d' une formule de calcul du type de celle qui est en vigueur en France . Celle-ci a été déterminée par une circulaire administrative du 23 décembre 1977 et elle se présente comme suit :

P = m ( 0,0458.C1,48 )

K

Dans cette formule, P désigne la puissance administrative, m vaut 1 pour l' essence et 0,7 pour le gazole, C est la cylindrée du moteur exprimée en centimètres cubes . K est un paramètre exprimant la transmission du mouvement et s' obtient en calculant "la moyenne arithmétique pondérée des vitesses exprimées en kilomètres par heure, théoriquement atteintes par le véhicule au régime du moteur de mille tours par minute pour les différents rapports de la boîte de vitesses en marche avant ".

28 . Il me semble que le caractère objectif et neutre d' une telle formule ne pourrait pas mis être en cause si elle s' appliquait telle quelle et indistinctement à tous les véhicules, qu' ils soient de fabrication nationale ou étrangère . Il se fait cependant que, pour les voitures d' une puissance supérieure à 100 kW, la valeur de K est plafonnée à 21, même si l' évaluation objective donne une valeur supérieure . Or, comme nous le verrons plus loin, très peu de voitures françaises sont touchées
par cette règle .

29 . K étant au dénominateur, son plafonnement implique une augmentation artificielle de la puissance fiscale P, chaque fois que le facteur K effectif est supérieur à 21*km/h .

a)*L' effet du plafonnement du facteur K

30 . Dans sa réponse à la deuxième question posée par la Cour, M . l' agent du gouvernement français a justifié la limitation du facteur K à 21 par le raisonnement suivant :

"La nécessité de ne pas avantager anormalement certains modèles à tendance sportive ou de haut de gamme, dont la puissance réelle et les performances étaient très élevées et qui pouvaient apparaître relativement économes en énergie quand ils étaient utilisés en deçà de leurs possibilités réelles, a conduit à limiter à 21 km/h la valeur du paramètre K pour les voitures particulières dont la puissance réelle était supérieure à 100*kW ."

31 . A la lumière des explications fournies à l' audience, il semble qu' on doive comprendre cette justification de la manière suivante .

32 . Plus la cylindrée ( et donc la puissance ) d' un moteur est élevée ( 4 ), plus la démultiplication de sa transmission peut être "longue ". Sur la base du mode de calcul normal de la puissance fiscale en France ( le facteur K n' étant pas plafonné ), beaucoup de moteurs de forte cylindrée devraient être classés, à cause des rapports "longs" de leur transmission, dans des catégories fiscales relativement basses . Des voitures qui disposent de tels rapports de transmission sont relativement
économes en carburant lorsqu' elles ne dépassent pas les 120-130 km/h .

33 . Or, ces voitures de forte cylindrée sont susceptibles d' atteindre des vitesses de pointe de 180 à 250 km/h . Lorsqu' elles utilisent ainsi pleinement leurs capacités, elles consomment beaucoup plus ( car la résistance de l' air, qu' il faut vaincre, augmente proportionnellement à la vitesse ). Afin d' éviter que de telles voitures, susceptibles, en réalité, de consommer beaucoup, ne soient injustement favorisées, il faut, à partir d' un certain seuil, cesser de prendre en considération lesdits
rapports de démultiplication . Ce résultat peut être atteint en bloquant le coefficient K au niveau 21 de km/h à partir du moment où la puissance réelle du moteur dépasse 100 kW .

34 . Ce raisonnement ne me semble pas critiquable sur le plan de la logique . Il serait en effet paradoxal que, sous le seul effet de la prise en considération d' un rapport de démultiplication K = 30 par exemple, un véhicule d' une cylindrée de 3*590 cm3 ( Jaguar XJ6, 6 cylindres, 21 CV fiscaux ) soit classé dans la même catégorie fiscale qu' un véhicule d' une cylindrée de 2*500 cm3 ( Citroën CX*25, 4 cylindres, 13 CV fiscaux ).

35 . Il importe, par ailleurs, de noter que la quasi-totalité des voitures étrangères d' une cylindrée inférieure à 3 litres et qui offrent un espace et un confort pratiquement identiques à ceux des voitures françaises de haut de gamme ( Citroën CX, Peugeot 505, Renault 25 ) sont classées dans des catégories fiscales égales ou inférieures à 16 CV ( les Alfa*6, toutes les Audi, les BMW de la série 5.0, la 628Csi et la 730, les Fiat Croma, les Ford Scorpio, les Lancia Thema, les Maserati Biturbo, les
Mercedes 260*E, 260*SE, 300 E/SEL à boîte manuelle, les Rover 820, les Saab 9000, les Volvo 740 et 760, etc .).

36 . D' un autre côté, la façon dont la puissance fiscale est déterminée en France se heurte cependant aux critiques suivantes .

37 . L' objectif officiel de l' introduction du facteur K dans la formule de calcul de la puissance fiscale est de favoriser les voitures qui consomment relativement peu de carburant . Comme nous l' avons vu, les voitures de forte cylindrée, mais à rapports de démultiplication longs, ne consomment beaucoup de carburant qu' au-delà de 130 km/h . Or, en France, il est de toute façon interdit de circuler à une vitesse supérieure .

38 . En second lieu, il est incontestable que des voitures d' une cylindrée inférieure à 3 litres sont elles aussi susceptibles de consommer beaucoup . On songe ici aux modèles dits sportifs dont le moteur est caractérisé par une vitesse de rotation et un taux de compression particulièrement élevés et des rapports de démultiplication relativement "courts ". Ils peuvent eux aussi atteindre des vitesses dépassant les 200*km/h .

39 . Ces voitures sont susceptibles de consommer plus, à 180 km/h, qu' une voiture à cylindrée plus élevée, mais ayant des rapports de démultiplication plus "longs ". Or, ces modèles sportifs ne sont pas pénalisés de la même façon que les voitures à forte cylindrée .

40 . D' autre part, le gouvernement français n' a pas cité de critère objectif pour justifier le blocage du facteur K à 21 plutôt qu' à 20 ou à 22*km/h .

41 . M . Feldain, de son côté, a calculé, ainsi que le rappelle le rapport d' audience, que, si le paramètre K est limité à 21 km/h, tout véhicule d' une cylindrée supérieure à 3*109,7 cm3 se verrait automatiquement attribuer une puissance fiscale supérieure à 16 CV, quelles que soient ses différentes caractéristiques sur le plan de la consommation . Or, seules des voitures de fabrication étrangère ont une cylindrée supérieure à 3*109,7*cm3 .

42 . Cet argument ne me semble cependant guère convaincant, car il faut bien que la catégorie des 17 CV commence quelque-part, et je ne vois pas pourquoi le seuil ne se situerait pas au niveau de 3*109,7 cm3 . Si on avait plafonné K à 20 km/h, le seuil des 17 CV se serait situé à 2*961,75*cm3 . Cela n' aurait entraîné le passage d' aucune voiture française de la catégorie 16 CV vers la catégorie des 17 CV, car aucune de ces voitures ne dépasse une cylindrée de 2*664*cm3 . ( Même la Peugeot 604, qui
n' est plus produite, n' atteignait que 2*849*cm3 .)

43 . Si le facteur K avait été plafonné à 22 km/h, le seuil se serait situé à 3*257,92*cm3 . Une seule voiture étrangère supplémentaire ( la Porsche 311 ) aurait éventuellement pu "descendre" vers la catégorie des 16 CV, mais, pour pouvoir en être sûr, il faudrait connaître le facteur K de cette voiture .

44 . Mais il existe un autre argument qui, à mon avis, est décisif en la matière . C' est le fait que le résultat du calcul 0,0458 x C/K continue à être élevé à la puissance 1,48, même lorsque le facteur K est "bloqué" à 21 . Cela a pour résultat d' accentuer l' incidence de la cylindrée plus élevée des voitures de plus de 3*109,7 cm3 sans que cela soit tant soit peu compensé par la prise en considération parallèle des rapports de démultiplication plus "longs" qui caractérisent habituellement ces
voitures .

45 . Je disais tout à l' heure qu' il n' était pas raisonnable qu' une voiture de 3*590 cm3 soit classée dans la catégorie des 13 CV . A l' inverse, il me semble douteux que son classement dans la catégorie des 21 CV fiscaux soit justifié .

46 . Il est difficile de comprendre pourquoi, à partir du seuil où la valeur réelle de K cesse d' être prise en considération, on n' en revient pas tout simplement à un classement basé sur la seule cylindrée des voitures .

47 . Je ne voudrais pas me prononcer sur le point de savoir s' il suffirait, à titre d' alternative, de réduire l' exposant 1,48 pour les voitures dont le coefficient K est plafonné . ( Le simple fait de passer de 1,48 à 1,44, par exemple, aurait déjà pour résultat de diminuer la puissance fiscale de ces voitures .) Ce qui est certain, en tout cas, c' est que le "blocage" d' un des éléments d' une formule mathématique devrait logiquement conduire à un réexamen des autres éléments de la formule, afin
d' éviter que leur incidence ne devienne tout à coup disproportionnée, particulièrement lorsqu' on se trouve dans le domaine de la concurrence internationale et que le changement du mode de calcul affecte essentiellement des voitures fabriquées dans d' autres États membres .

48 . Tel est en effet le cas en l' occurrence . En réponse à une question posée lors de la procédure orale, les autorités françaises ont transmis à la Cour une liste de six modèles de voitures françaises dont la puissance administrative se trouve modifiée du fait de la limitation du facteur*K . Il s' agit cependant d' une liste de voitures "réceptionnées depuis le 1er janvier 1978 ". Trois de ces modèles soit ne sont plus fabriqués à l' heure actuelle, soit ne changent de catégorie qu' à cause de
leur boîte automatique à trois rapports . Les trois modèles restants sont des voitures de type sportif, produites en assez petite série, dont deux seulement passent dans une tranche d' imposition plus élevée .

49 . Il s' avère donc que la production française n' est affectée que marginalement par la réglementation incriminée .

50 . Nous ne disposons malheureusement pas d' une liste complète des voitures étrangères qui passent dans une catégorie supérieure à cause de ce mode de calcul . Mais elle doit être longue, étant donné que, d' après la presse spécialisée, les fabricants allemands vendent environ 56 modèles d' une puissance supérieure à 100 kW, les fabricants britanniques environ 20 et les fabricants italiens environ 34, alors que les fabricants français ne semblent en produire*que*8 .

51 . Il y a dès lors lieu de conclure que le mode de calcul de la puissance fiscale des voitures de plus de 100 kW n' est pas neutre du point de vue de la concurrence et qu' il est de nature à protéger indirectement les voitures de fabrication française atteignant cette puissance .

b)*La prise en considération des différents rapports des boîtes de vitesses automatiques

52 . Antérieurement au 15 avril 1983, le calcul du facteur K pour les véhicules dotés d' une boîte de vitesses automatique à quatre rapports se faisait en prenant en considération ces quatre rapports, selon la formule

K = k1 + k2 + k3 + k4

4,2

53 . Depuis une circulaire du 15 avril 1983, on ne retient plus que la moyenne de trois rapports au lieu de quatre, selon l' une des formules suivantes :

K = k1 + k2 + k4 si k4 est plus petit ou égal à 1,4 k3

3,48

ou bien

K = k1 + k2 + 1,4 k3 si k4 est plus grand ou égal à 1,4 k3

3,48

54 . La modification de la réglementation aboutit dès lors au résultat que le facteur K est, depuis 1983, inférieur à ce qu' il était auparavant : par voie de conséquence, la puissance fiscale d' un véhicule équipé d' une boîte de vitesses automatique à quatre rapports augmente .

55 . Or, les boîtes automatiques à quatre rapports entraînent une consommation plus faible que les boîtes à trois rapports . Une législation ayant pour but de favoriser les véhicules les plus économiques devrait donc classer les véhicules équipés de telles boîtes dans une catégorie fiscale plus basse, et non pas plus élevée .

56 . Il s' avère cependant que, ces dernières années, des boîtes de vitesses automatiques à quatre rapports ont également été introduites sur des véhicules de fabrication française ( voir la réponse du gouvernement français à la troisième question posée par la Cour ).

57 . Ainsi, la totalité des voitures automatiques de la marque Peugeot et les Citroën BX sont équipées de boîtes à quatre rapports . Les règles de calcul rappelées ci-dessus s' appliquent à ces modèles de la même façon qu' aux modèles de fabrication étrangère .

58 . Dans ces conditions, le nouveau mode de calcul du paramètre K des voitures équipées d' une boîte automatique à quatre rapports ne peut, à mon avis, pas être considéré comme discriminatoire ou protecteur .

Conclusion

59 . Pour toutes les raisons qui précèdent, je propose à la Cour de répondre comme suit à la question posée :

" L' article 95 du traité instituant la Communauté économique européenne doit être interprété en ce sens qu' il s' oppose à ce qu' un État membre soumette des voitures dépassant une certaine puissance fiscale exclusivement importées, notamment d' autres États membres, à une taxe différentielle augmentant selon une progression substantiellement plus forte que la taxe différentielle qui s' applique à des voitures ne dépassant pas cette même puissance fiscale, ou à ce qu' il calcule la puissance
fiscale selon une méthode qui a pour résultat de surévaluer la puissance fiscale de certaines catégories de voitures dont la plupart sont importées, notamment en provenance des autres États membres ."

( 1 ) Voir arrêt du 27 février 1980, précité, point*7 .

( 2 ) La voiture dite "2 CV" a maintenant 3 CV fiscaux .

( 3 ) Il semble que seules existent des voitures ressortissant aux catégories suivantes : 23, 26, 27, 31, 32, 34, 39, 40 et 54*CV .

( 4 ) J' estime que, dans le cadre de cette comparaison, il faut faire abstraction des phénomènes "turbo" et "16 soupapes" qui permettent à des voitures de cylindrée moyenne de dégager une puissance réelle supérieure à celle de voitures d' une cylindrée beaucoup plus forte . Il me semble que, par suite de ces nouveaux développements, la plupart des États membres devront, un jour ou l' autre, réaménager leur système de taxation des voitures .


Synthèse
Numéro d'arrêt : 433/85
Date de la décision : 16/06/1987
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Tribunal de grande instance de Mulhouse - France.

Article 95 - Taxe différentielle frappant les véhicules à moteur.

Fiscalité

Impositions intérieures


Parties
Demandeurs : Jacques Feldain
Défendeurs : Directeur des services fiscaux du département du Haut-Rhin.

Composition du Tribunal
Avocat général : Mischo
Rapporteur ?: Joliet

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1987:285

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