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07/04/1987 | CJUE | N°291/84

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 7 avril 1987., Commission des Communautés européennes contre Royaume des Pays-Bas., 07/04/1987, 291/84


Avis juridique important

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61984C0291

Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 7 avril 1987. - Commission des Communautés européennes contre Royaume des Pays-Bas. - Manquement - Protection des eaux souterraines. - Affaire 291/84.
Recueil de jurisprudence 1987 page 03483

Conclusions de l'avoc

at général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . ...

Avis juridique important

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61984C0291

Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 7 avril 1987. - Commission des Communautés européennes contre Royaume des Pays-Bas. - Manquement - Protection des eaux souterraines. - Affaire 291/84.
Recueil de jurisprudence 1987 page 03483

Conclusions de l'avocat général

++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . La présente affaire de manquement d' État est relative à la transposition dans le droit néerlandais de la directive 80/68/CEE du Conseil, du 17 décembre 1979, "concernant la protection des eaux souterraines contre la pollution causée par certaines substances dangereuses" ( 1 ) ( ci-après "directive "). Les États membres étaient tenus de "mettre en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour ( s' y ) conformer", au plus tard le 19 décembre 1981 ( 2 ).

2 . Le gouvernement des Pays-Bas ne conteste pas qu' un certain nombre de dispositions de la directive n' ont pas encore été transposées ou qu' elles ne l' ont été qu' insuffisamment . Il objecte essentiellement que, s' il n' existait pas en droit néerlandais de dispositions formelles de mise en oeuvre de la directive, nombre de mesures d' exécution matérielles avaient cependant déjà été prises aux Pays-Bas . A l' heure actuelle, la loi portant sur la protection des sols ( Wet Bodembescherming )
est, a précisé la Commission à l' audience, entrée en vigueur le 1er janvier 1987, mais ses décrets d' application sont encore en préparation . Le gouvernement défendeur le reconnaît et espère que ces textes pourront intervenir dans le courant de l' année .

3 . Les justifications présentées par le royaume des Pays-Bas sont essentiellement relatives aux difficultés rencontrées à la suite de nombreux cas de pollution des eaux . Pour parer à l' urgence, priorité aurait donc dû être donnée à l' élaboration de dispositions intérimaires, ce qui aurait retardé l' adoption d' une réglementation définitive .

4 . A cet égard, la Commission n' a pas manqué, à juste titre, de citer votre jurisprudence selon laquelle

"un État membre ne saurait exciper de dispositions, pratiques ou situations de son ordre juridique interne pour justifier l' inobservation des obligations qui lui incombent en vertu du droit communautaire" ( 3 ).

5 . En ce qui concerne l' argument selon lequel un certain nombre de mesures d' exécution matérielles, sinon formelles, auraient été prises, notamment par la mise en place, le 15 septembre 1983, d' un programme indicatif pluriannuel de protection des sols pour la période de 1984 à 1988 ( IMP-Bodem ) qui mettrait en oeuvre une partie importante de la directive, il y a lieu de rappeler que

"il importe que chaque État membre donne aux directives une exécution qui corresponde pleinement à l' exigence de sécurité juridique et traduise, par conséquent, les termes des directives dans des dispositions internes ayant un caractère contraignant" ( 4 ).

Comme l' indique la Commission, tel n' est pas le cas d' un instrument de planification simplement indicatif .

6 . Pour la solution du présent litige, il convient d' opérer, parmi les dispositions en cause de la directive, une distinction entre celles dont le défaut de transposition est reconnu ( I ) et celles pour lesquelles il est totalement ou partiellement contesté*(II ).

7 . I - L' article 4, paragraphe 1, premier tiret, est relatif à l' interdiction absolue de tout rejet direct de substances relevant de la liste I figurant à l' annexe I de la directive . Il est reconnu que la transposition en est insuffisante .

8 . L' article 4, paragraphe 2, concerne les possibilités de dérogations à l' interdiction précédente lorsque les eaux souterraines sont, de façon constante, impropres à tout usage . L' État défendeur n' en conteste pas le défaut de transposition, mais estime qu' il n' y a pas manquement de ce chef en soutenant que "de telles eaux souterraines n' existent pas aux Pays-Bas ". La situation décrite n' étant pas à l' abri de modifications, cette argumentation ne saurait être retenue .

9 . S' agissant de l' article 5, paragraphe 1, en liaison avec l' article 4, paragraphe 1, deuxième tiret, il n' est pas contesté que l' interdiction conditionnelle de se livrer à des "actions d' élimination ou de dépôt en vue de l' élimination ( des ) substances" relevant de la liste I n' a pas été transposée entièrement dans le droit néerlandais .

10 . Quant aux articles 7 à 12, paragraphe 1, le gouvernement des Pays-Bas admet que ces textes, relatifs aux enquêtes préalables prévues par les articles 4 et 5 ( article 7 ) et aux conditions dans lesquelles les autorisations prévues par ces mêmes articles peuvent être délivrées ( articles 8 à 12, paragraphe 1 ), ne sont pas encore suffisamment inscrits dans le droit néerlandais, quoique " matériellement observés dans une large mesure ".

11 . L' article 15 institue une obligation pour les États membres de tenir un inventaire des autorisations visées aux articles 4 et 5 . Le gouvernement défendeur reconnaît, dans les mêmes termes que pour les articles 7 et suivants, que la transposition est insuffisante .

12 . L' article 16, paragraphe 3, institue l' obligation de secret imposée aux fonctionnaires des États membres . Bien que "matériellement observée", elle n' a pas fait l' objet d' une transposition dans les délais requis . Le gouvernement néerlandais l' admet, en précisant que l' article 69 de la loi sur la protection des sols a comblé cette lacune . Tout en le confirmant, la Commission maintient son grief en raison du caractère tardif de cette transposition et de l' absence de notification
officielle de la nouvelle disposition .

13 . S' agissant enfin de l' article 17, il est reconnu que ne figure dans la législation nationale aucune disposition relative à l' obligation d' information incombant aux États membres qui envisagent des rejets dans des eaux souterraines "transfrontières ".

14 . II - La première contestation est relative au défaut de transposition de l' article 4, paragraphe 3, permettant aux États membres, après enquête préalable, d' autoriser les rejets dus à la réinjection, dans la même nappe, des eaux à usage géothermique, des eaux d' exhaure des mines et des carrières ou des eaux pompées lors de certains travaux de génie civil . Le gouvernement néerlandais soutient que la législation sur les mines déjà en vigueur constitue une mise en oeuvre suffisante de cette
disposition . Les explications données sur demande de la Cour, à la suite de l' audience, ne contiennent pas d' élément suffisamment précis pour établir une transposition formelle de la disposition en cause . Il n' est notamment pas précisé si les obligations concernant le régime de concession des mines, dont les textes n' ont pas été produits, comportent l' enquête préalable dont fait état la directive .

15 . S' agissant des prescriptions des articles 4, paragraphe 1, troisième tiret, et 5, paragraphe 2, la Commission indique que les informations relatives aux "mesures appropriées" pour éviter tout rejet indirect de substances des listes I et II ne lui ont jamais été communiquées . Le gouvernement défendeur déclare avoir l' intention d' arrêter des règles adéquates, notamment "sur la base de la loi sur la protection des sols ". Il n' a, toutefois, rapporté aucune indication circonstanciée à cet
égard, tant en ce qui concerne les règles en cause que leur notification à la Commission . Le manquement est donc également constitué de ce chef .

16 . Quant à l' article 6, il vise les recharges artificielles des eaux souterraines et prévoit une autorisation particulière, à délivrer cas par cas par les États membres, à condition qu' il n' y ait pas de risque de pollution . Le gouvernement défendeur estime que l' article 14 de la loi néerlandaise concernant les eaux souterraines, entrée en vigueur le 1er mars 1984, interdisant toute infiltration d' autres eaux dans les eaux souterraines sans autorisation expresse des États généraux des
provinces, constitue une mise en oeuvre suffisante de l' article 6 de la directive, les autorités compétentes étant suffisamment informées des obligations en résultant . Avec la Commission, nous considérons que ce texte laisse à ces autorités une latitude plus grande que celle prévue par la directive et que l' article 6 est donc insuffisamment transposé . S' il est vraisemblable qu' en pratique l' absence de risque de pollution sera vérifiée, la mesure imposée par l' article 6 doit être transposée
de façon contraignante dans le droit national ( 5 ). Tel n' étant pas le cas, ce grief est également fondé .

17 . Il ne paraît pas en être de même en ce qui concerne l' article 12, paragraphe 2, et l' article 13 . Il s' agit, en l' occurrence, du contrôle par les autorités nationales compétentes du respect des conditions imposées par une autorisation et de l' éventuelle révocation de cette dernière si celles-ci n' étaient pas observées . Les indications recueillies à cet égard à l' audience ne permettent pas de remettre en cause la réponse écrite fournie par la Commission elle-même à la question posée par
la Cour, selon laquelle "la loi sur les déchets chimiques ( article 35, paragraphe 4, et articles 12 et 13 ) et la loi sur les déchets ( articles 46 et suiv .) contiennent les dispositions requises en la matière", et que l' "on trouve des dispositions analogues dans la loi sur les eaux souterraines en ce qui concerne l' autorisation de recharge artificielle ( articles 24 et suiv .)".

18 . Reste la disposition de l' article 18, ainsi libellée :

"L' application des mesures prises en vertu de la présente directive ne peut en aucun cas avoir pour effet de provoquer directement ou indirectement la pollution des eaux visées à l' article*1er ".

Les deux parties s' accordent pour y voir un principe de "statu quo", mais elles en donnent une interprétation différente . Selon le gouvernement néerlandais, la pollution que cet article tend à prévenir ne pourrait résulter que de la mauvaise application des mesures prises en vertu de la directive . La Commission en fait une lecture plus extensive, considérant que cette règle tend à empêcher toute aggravation de la pollution existante, quelle que soit la substance dangereuse à laquelle elle serait
imputable . Elle estime, en conséquence, que cette clause doit faire l' objet d' une transposition spécifique .

19 . Pour interpréter l' article 18, il convient de se référer aux définitions contenues à l' article*1er . S' il y est clairement indiqué que la "directive a pour objet de prévenir la pollution des eaux souterraines par des substances appartenant aux familles et groupes de substances énumérés dans les listes I et II" ( article 1er, paragraphe 1 ) et si les notions de rejet direct et indirect s' entendent de "l' introduction dans les eaux souterraines de substances relevant des listes I ou II" ((
article 1er, paragraphe 2, sous b et c )*)), la notion de pollution est définie comme "le rejet de substances ou d' énergie effectué par l' homme dans les eaux souterraines, directement ou indirectement, et ayant des conséquences de nature à mettre en danger la santé humaine ou l' approvisionnement en eau, à nuire aux ressources vivantes et au système écologique aquatique ou à gêner d' autres utilisations légitimes des eaux ".

20 . Il résulte de l' absence de référence aux listes I et II, de la référence expresse au rejet d' énergie s' ajoutant au rejet de substances, que la notion de pollution ne saurait être interprétée de façon restrictive par limitation aux nuisances résultant du rejet des substances relevant des listes I et II . L' article 18 contraint les États membres à prévenir toute pollution des "eaux se trouvant sous la surface du sol dans la zone de saturation qui sont en contact direct avec le sol ou le
sous-sol" (( article 1er, paragraphe 2, sous a )*)), par le rejet de substances ou d' énergie nuisibles, consécutive à l' application des mesures prises en vertu de la directive . Elle comporte donc une contrainte dans le choix des moyens qui s' analyse en une obligation devant être expressément prévue, donc transposée, dans la réglementation nationale .

21 . En conséquence, nous concluons à ce que :

- vous constatiez que le royaume des Pays-Bas a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité CEE en ne transposant pas, dans les délais requis, les articles 4 à 12, paragraphe 1, 15, 16, paragraphe 3, 17 et 18 de la directive du Conseil du 17 décembre 1979;

- vous mettiez les dépens de l' instance à la charge de l' État défendeur .

( 1 ) JO L 20 du 26.1.1980, p . 43 .

( 2 ) Article 21, paragraphe 1, de la directive .

( 3 ) Voir, en dernier lieu, arrêt du 12 février 1987 dans l' affaire 69/86, Commission/République italienne, Rec . p.*773 .

( 4 ) Arrêt du 2 décembre 1986 dans l' affaire 239/85, Commission/Royaume de Belgique, point*7, Rec . p.*3645, 3657 .

( 5 ) Voir arrêt 239/85, précité, point 5 .


Synthèse
Numéro d'arrêt : 291/84
Date de la décision : 07/04/1987
Type de recours : Recours en constatation de manquement - fondé, Recours en constatation de manquement - non fondé

Analyses

Manquement - Protection des eaux souterraines.

Rapprochement des législations

Environnement

Données provisoires


Parties
Demandeurs : Commission des Communautés européennes
Défendeurs : Royaume des Pays-Bas.

Composition du Tribunal
Avocat général : Darmon
Rapporteur ?: Kakouris

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1987:180

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