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18/03/1987 | CJUE | N°401/85

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Cruz Vilaça présentées le 18 mars 1987., Francesco Schina contre Commission des Communautés européennes., 18/03/1987, 401/85


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. JOSÉ LUÍS DA CRUZ VILAÇA

présentées le 18 mars 1987 ( *1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. I —  Le requérant Francesco Schina est fonctionnaire à la Commission affecté à l'Office des publications à Luxembourg.

...

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. JOSÉ LUÍS DA CRUZ VILAÇA

présentées le 18 mars 1987 ( *1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. I —  Le requérant Francesco Schina est fonctionnaire à la Commission affecté à l'Office des publications à Luxembourg.

2.  Dans le cadre d'un litige qui oppose le requérant à une entreprise de construction, le juge de paix de Luxembourg a ordonné, par décision du 12 août 1982, une saisie-arrêt sur la rémunération de Francesco Schina à concurrence d'un montant de 450000 LFR.

3.  En exécution de cette saisie, la Commission a fixé le montant saisissable du traitement du fonctionnaire, conformément à la législation luxembourgeoise, à 63520 LFR par mois et a retenu, entre le mois de septembre 1982 et le mois d'avril 1983, le montant total de 450000 LFR sur la rémunération mensuelle du requérant.

4.  Le 23 novembre 1983, le requérant a adressé à la Commission un mémorandum demandant l'adoption de mesures compensatoires destinées à réparer dans l'immédiat le préjudice subi par lui et le placement à terme, pour un an, éventuellement sur un compte bancaire ouvert par la Commission, du montant saisi sur sa rémunération.

5.  Quoique la somme de 450000 LFR soit insuffisante pour couvrir la dette, l'avocat de l'entreprise créancière a fait savoir à l'administration de la Commission, par lettre du 14 décembre 1983, qu'il acquiesçait à cette demande, à condition que M. Schina ne dispose pas des intérêts produits, lesquels devaient rester bloqués, et que le placement soit effectué de mois en mois, et non pour un an.

6.  Le 21 novembre 1984, le tribunal d'arrondissement de Luxembourg a, dans son jugement sur le fond du litige opposant M. Schina à l'entreprise de construction, condamné le premier à payer 625147 LFR, intérêts et dépens en sus. M. Schina s'est acquitté des sommes dues en vertu de ce jugement.

7.  Le requérant ayant, de ce fait, sollicité le remboursement des sommes saisies, y compris les intérêts, la Commission lui a remis la somme de 450000 LFR qui avait été retenue sur son traitement, mais a refusé, par note du 22 mars 1985, de lui verser les intérêts y afférents.

Le 5 décembre 1985, M. Schina a introduit le présent recours contre cette décision, sa réclamation présentée en temps utile étant restée sans réponse (ce n'est que le 9 décembre que la Commission a expressément rejeté sa réclamation).

8. II —  Le requérant fonde sa demande sur deux moyens:

9. —  il soutient, en premier lieu, que la rémunération des fonctionnaires n'est pas saisissable et que, par conséquent, la Commission est tenue de réparer le préjudice résultant de la retenue illégale sur son traitement;

10. —  en second lieu, le requérant allègue que la Commission était tenue, en vertu de son devoir de sollicitude, de faire porter intérêts aux sommes bloquées et qu'elle doit, pour cette raison, l'indemniser des conséquences de son manquement à ce devoir.

11. III —  La Commission fait d'abord valoir que la demande du requérant est irrecevable en ses deux moyens.

12.  Analysons son argumentation.

A — L'exception d'irrecevabilité de la demande quant au premier moyen

13. A notre avis, la Commission a raison d'invoquer, dans son mémoire en défense, la question préalable de l'irrecevabilité de la demande en ce qui concerne le moyen tiré du caractère insaisissable de la rémunération des fonctionnaires des institutions communautaires.

14. En invoquant l'illégalité des retenues effectuées par la Commission, le requérant vise à appuyer sa demande relative au paiement des intérêts qu'il réclame.

15. Seulement, de cette manière, le requérant attaque la légalité de la lettre de la Commission du 18 août 1982 lui notifiant la saisie-arrêt ainsi que les retenues effectuées sur sa rémunération pour la première fois au mois de septembre 1982. Il apparaît ainsi évident que ce moyen doit être jugé irrecevable comme étant hors délai.

16. En outre, le requérant s'étant désisté de son premier recours (affaire 180/84), dans lequel il attaquait précisément ces actes, et ce recours étant irrecevable comme étant hors délai, il ne peut venir soumettre ces questions litigieuses une nouvelle fois à la Cour en excipant des mêmes arguments.

B — L'exception d'irrecevabilité de la demande quant au second moyen

17. La Commission soulève également la question de la recevabilité de la demande en ce qui concerne le second moyen susmentionné.

18. Selon elle, le recours vise, en réalité, à l'annulation de la décision implicite de rejet de la demande du requérant relative au placement à terme des fonds saisis. Or, cette demande ayant été formulée pour la première fois dans le mémorandum envoyé par le requérant le 23 novembre 1983, les délais des articles 90 et 91 du statut des fonctionnaires ont commencé à courir à partir de cette date. En conséquence, selon la Commission, le recours introduit le 5 décembre 1985 doit être jugé irrecevable
pour forclusion, même si l'on considère comme une réclamation une lettre adressée par le requérant à la Commission le 30 mars 1984 dans laquelle il précisait l'étendue du préjudice allégué.

19. Il ne nous semble pas que la Commission ait raison sur ce point.

20. Quelle que soit la qualification juridique qu'il convient d'attribuer au mémorandum envoyé par le requérant le 23 novembre 1983, nous sommes d'avis que, dans le cadre d'un recours tendant au versement d'intérêts relatifs au montant des rémunérations saisies, la question de savoir si la demande est ou non tardive ne doit se poser qu'à partir du moment où, une fois la saisie levée, les sommes retenues doivent être payées au débiteur saisi et où le paiement des intérêts lui est refusé.

21. Or, le requérant a présenté, le 21 juin 1985, une réclamation au titre de l'article 90, paragraphe 2, contre la décision du 22 mars précédent de la Commission refusant de lui payer des intérêts. Quand, le 25 octobre 1985, il a adressé à la Commission une lettre l'informant de son intention de saisir la Cour, le délai de décision implicite de rejet venait d'expirer. En introduisant le recours, le 5 décembre 1985, le requérant a donc respecté le délai de trois mois imposé par l'article 90,
paragraphe 2.

22. Nous vous proposons, pour cette raison, de juger la demande recevable en son second moyen.

23. IV — Analysons maintenant quant au fond la demande présentée par le requérant sur la base des moyens précités.

A — En ce qui concerne ľinsaisissabilité de la rémunération des fonctionnaires des institutions communautaires

24. Le requérant allègue que le statut des fonctionnaires consacre, dans ses articles 62 et 16, paragraphe 1, de l'annexe VII, le principe de la protection de la rémunération et qu'il ne contient aucune disposition en matière de saisie de la rémunération. La consécration de ce principe et le silence du législateur communautaire à cet égard impliquent la reconnaissance de ľinsaisissabilité de la totalité de la rémunération des fonctionnaires.

25. Selon le requérant, la protection de la rémunération est, entre autres, un principe reconnu par 1'OIT et consacré par l'ensemble des législations des États membres, le fait de l'enfreindre constituant une infraction de droit pénal social.

26. Au reste, le requérant soutient que les relations entre le fonctionnaire et son administration sont exclusivement de nature statutaire, de sorte qu'il n'est pas possible de les soumettre aux dispositions légales nationales relatives à la saisie des salaires. L'application d'une législation nationale à la détermination du montant saisissable de la rémunération créerait, entre autres, une inégalité de traitement entre les fonctionnaires selon leur lieu d'affectation, étant donné, précisément, la
disparité des dispositions nationales en la matière, ce qui serait contraire au principe fondamental de non-discrimination.

27. Le requérant conclut ainsi qu'il incombe à la Commission de verser des intérêts moratoires du seul fait du retard intervenu dans le paiement des traitements, assortis du paiement d'intérêts compensatoires pour le préjudice subi du fait de la dévaluation monétaire intervenue entre-temps. Le requérant insiste sur le fait que la saisie l'a obligé à contracter un emprunt hypothécaire à un taux de 13 % l'an.

28. A notre avis, le prétendu principe d'insaisissabilité de la rémunération invoqué par le requérant n'a pas le moindre fondement.

29. C'est à raison que la Commission affirme que le principe de protection de la rémunération consacré dans le statut s'applique aux relations entre le fonctionnaire et l'institution. Il s'ensuit que, dans les relations avec les tiers, le principe précité n'infirme pas le principe général de droit selon lequel le patrimoine du débiteur est le gage commun de tous les créanciers.

30. D'ailleurs, l'article 23, paragraphe 1, du statut affirme clairement que « les privilèges et les immunités dont bénéficient les fonctionnaires sont conférés exclusivement dans l'intérêt des Communautés. Sous réserve des dispositions du protocole sur les privilèges et immunités, les intéressés ne sont pas dispensés de s'acquitter de leurs obligations privées ni d'observer les lois et les règlements de police en vigueur ».

31. Or, le litige présent ne mettant en cause aucune entrave au fonctionnement des Communautés européennes, que, du reste, la Commission n'a pas invoquée, il n'y a pas lieu d'appliquer l'article 1er du protocole sur les privilèges et immunités, précité, pas plus qu'on ne comprendrait que, dans ces circonstances, une institution n'applique pas une mesure judiciaire de saisie des traitements, en privant les créanciers de ses fonctionnaires d'une garantie de recouvrement de leurs créances.

32. Dans le domaine des relations de droit privé — et sous réserve des dispositions du sutut et du protocole —, les fonctionnaires des Communautés européennes restent entièrement soumis aux normes nationales applicables aux relations juridiques auxquelles ils sont parties, comme n'importe quel autre citoyen.

33. Dans le cas du régime des saisies, l'applicabilité des droits nationaux des États membres a été expressément reconnue dans les deux ordonnances rendues par la Cour en 1963 et en 1971 ( 1 ).

34. Du reste, si les systèmes juridiques nationaux sont pertinents pour justifier l'invocation du principe de la protection de la rémunération, ils doivent l'être aussi aux fins de constater qu'ils reconnaissent presque tous la légitimité de la saisie sur les salaires comme précepte juridique, nonobstant le respect qu'ils attribuent à ce principe.

35. Dans le cas du droit luxembourgeois, la saisie des rémunérations de travail pour le compte d'autrui est expressément prévue par l'article 1er de la loi du 11 novembre 1970.

36. Aux termes du règlement grand-ducal du 27 novembre 1970, applicable à la procédure de la saisie, le tiers saisi est tenu de ne pas payer le montant saisi au débiteur objet de la saisie, à compter de la notification de la saisie et jusqu'à la mainlevée de celle-ci.

Durant cette période, le crédit objet de la saisie est soumis à une indisponibilité partielle et relative, dans la mesure où seule une partie des rémunérations est saisissable dans les limites des droits du créancier.

37. Il est certain que, comme le requérant l'a souligné, les législations nationales sur la saisie diffèrent les unes des autres quant aux conditions d'application de la mesure, quant aux modalités de calcul de la quotité saisissable, etc. Pour cette raison, le régime auquel sont soumis les fonctionnaires communautaires sera, à cet égard, différent suivant le lieu de leur affectation.

38. Ce fait n'a, en soi, rien d'étrange.

39. Le 31 mai 1979, la Commission a présenté au Conseil une proposition de modification du statut tendant à introduire des règles uniformes pour la détermination des quotités saisissables des rémunérations des fonctionnaires.

40. La proposition n'a pas été approuvée parce que, en l'état actuel du droit communautaire, le régime de saisissabilité auquel sont soumis les fonctionnaires n'est pas uniformisé. Cela signifie qu'il n'est pas plus uniformisé que, par exemple, les régimes nationaux en matière de TVA auxquels ils sont soumis en tant que consommateurs.

41. Il y a donc lieu de considérer que, ayant correctement exécuté la décision du juge luxembourgeois, en application du droit national en vigueur, la Commission n'a commis aucune faute ni illégalité susceptible de la mettre dans l'obligation d'indemniser le requérant, contrairement à ce qui se serait éventuellement passé si elle avait retardé la remise de la somme après la levée de la saisie.

42. Ainsi, au cas où la Cour ne jugerait pas ce moyen irrecevable, comme nous vous le proposons, nous sommes d'avis qu'à titre subsidiaire ce moyen invoqué par le requérant devrait être considéré comme n'étant pas fondé.

B — En ce qui concerne l'obligation de la Commission de faire porter, en raison de son devoir de sollicitude, des intérêts aux sommes immobilisées

43. Le requérant allègue que, même au cas où les retenues sur les rémunérations seraient considérées comme légales, la Commission devrait, en raison de son devoir d'attention ou de sollicitude, se préoccuper des intérêts du fonctionnaire en appliquant à la gestion des fonds de celui-ci les mêmes soins qu'elle apporte dans la gestion de ses fonds propres. Le fait que l'institution n'ait pris aucune mesure en vue de faire produire des intérêts aux sommes bloquées constitue une faute d'autant plus
grave que le requérant lui avait proposé un placement à terme et que l'avocat du créancier avait accepté un placement au mois, le 14 décembre 1983.

44. Relativement à ce moyen, il convient de distinguer les aspects qui relèvent du droit national applicable de ceux qui relèvent du statut des fonctionnaires.

45. Dans le cadre du droit luxembourgeois et compte tenu de l'ordonnance du juge national imposant la saisie des rémunérations, le tiers saisi est obligé de conserver les sommes saisies en les maintenant disponibles à tout moment.

46. Il ne résulte ni des règles imperatives du droit luxembourgeois ni de l'ordonnance du juge une quelconque obligation à la charge de la Commission de faire porter des intérêts aux sommes saisies.

47. En contrepartie, et contrairement à ce qui se passe dans certains États membres, il n'existe aucune disposition légale qui l'exclut ou l'interdise expressément, que ce soit à l'initiative du tiers saisi et sous sa responsabilité ou à la suite d'une injonction du juge lui-même (quoique cette pratique ne semble pas être courante).

48. Si, conformément à la législation nationale applicable et à la décision du juge luxembourgeois, il ne résulte de cette demande aucune obligation juridique à la charge de la Commission, il se pose pourtant la question de savoir si, dans le cadre du statut et, plus précisément, en raison de son devoir de sollicitude, la Commission n'était pas obligée d'adopter un comportement différent.

49. La Cour a déjà mis en relief cette notion propre du droit administratif allemand qui, selon elle, reflète « l'équilibre des droits et obligations réciproques que le statut a créé dans les relations entre l'autorité publique et les agents du service public » ( 2 ).

50. Selon la Cour ( 2 ), cet équilibre implique notamment que, lorsqu'elle statue à propos de la situation d'un fonctionnaire ... l'autorité prenne en considération l'ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte non seulement de l'intérêt du service, mais aussi de celui du fonctionnaire concerné ».

51. Dans aucun des cas dans lesquels ce devoir a été invoqué devant elle, la Cour n'a considéré que les conditions qui lui auraient permis de déclarer que ce devoir avait été violé étaient remplies ( 3 ).

52. S'agissant d'ailleurs d'un concept général, il n'est jamais facile de définir ses limites, surtout lorsque, comme dans le cas présent, ce qui est en cause est non le comportement de l'institution dans le cadre du noyau essentiel de droits et d'obligations qui forment la relation de travail (rémunération, classification, position, promotion, etc.), mais bien son attitude à l'égard des intérêts du fonctionnaire qui sont liés à sa sphère juridique privée.

53. La notion de devoir de sollicitude apparaît, au reste, parfois associée à d'autres devoirs qui sont proches de lui, ce qui a permis à l'avocat général M. Mayras d'affirmer que, « en vérité, les notions de bonne administration, de justice et d'équité et de devoir de sollicitude nous semblent être seulement les traductions différentes, issues de diverses traditions juridiques, d'une seule et même préoccupation sans laquelle il ne peut y avoir de relations harmonieuses au sein d'une administration
» ( 4 ).

54. Ce qui paraît, en fin de compte, décisif est de vérifier si le comportement de l'institution est ou n'est pas de nature à permettre de lui imputer ce que la Cour désigne par une « faute de service », susceptible d'impliquer sa responsabilité pour le préjudice éventuellement causé à un de ses fonctionnaires.

55. C'est en ce sens que la Cour s'est prononcée (sans toutefois juger prouvée l'existence d'un préjudice) dans l'affaire Elz/Commission ( 5 ), en considérant que la Commission ne s'était pas acquittée avec diligence de son obligation de faire parvenir une notification judiciaire à un fonctionnaire en situation d'absence irrégulière ou, au moins, de la retourner à temps aux autorités judiciaires, aux fins que celles-ci adoptent un autre moyen d'acheminement.

56. Dans ses conclusions dans la même affaire, l'avocat général M. Reischl s'est montré également d'avis que la Commission avait manqué à ses devoirs de diligence et de sollicitude ( 6 ), notion que la Cour ne retient cependant pas, formellement, dans son arrêt.

57. Dans l'affaire présentement examinée, nous croyons effectivement qu'il y a eu, de la part de la Commission, un comportement incorrect à l'égard de son fonctionnaire, contrairement à ce qu'exigeait une prise en considération adéquate de ses intérêts.

58. En réalité, le requérant a expressément demandé à la Commission de placer les sommes saisies à terme pour un an, en ayant obtenu une approbation partielle de son créancier, laquelle a été transmise à la défenderesse.

59. Or, la Commission s'est abstenue de toute attitude susceptible de satisfaire, si peu soit-il, à la demande formulée.

60. Comme nous l'avons vu, il n'est pas possible de considérer qu'il incombait à la Commission purement et simplement de réaliser ce que le requérant lui demandait en plaçant à terme les sommes saisies. D'autant plus que, ainsi qu'il résulte du litige, une telle pratique créerait des difficultés et, éventuellement, du tort à l'organisation et à l'efficacité des services auxquelles il appartient également aux institutions de veiller.

61. Mais, indépendamment de cela, il est certain que la Commission s'est abstenue de donner la moindre réponse au requérant ou une indication lui permettant de prendre des mesures en fonction de ses intérêts.

62. Une considération élémentaire pour les intérêts du requérant imposait que la Commission réponde à son mémorandum du 23 novembre 1983, spécialement en l'informant du fait qu'il ne lui était pas possible de lui donner satisfaction et qu'une injonction en ce sens devait être demandée au juge, comme, par la suite, la commission interinstitutionnelle a décidé que cela se ferait.

63. Cependant, il ne nous semble pas qu'en l'espèce toutes les conditions soient réunies pour que les omissions de la Commission la mettent dans l'obligation d'indemniser le requérant, comme celui-ci le prétend.

64. En portant ce jugement, nous tenons compte du fait qu'il n'existe pas de lien de causalité certain entre l'attitude de la Commission et le fait que le requérant ait été privé des intérêts auxquels pouvaient donner lieu les sommes saisies.

65. En réalité, il est loin d'être évident que — même si la Commission le lui avait éventuellement conseillé — le requérant aurait réussi à obtenir une décision judiciaire autorisant expressément le placement à intérêt des sommes saisies. Il n'est donc pas possible de dire avec certitude que, si la Commission s'était acquittée de son devoir de sollicitude en informant le requérant des démarches à entreprendre, celui-ci aurait obtenu satisfaction, de sorte que l'on puisse imputer un préjudice à la
Commission du fait de son omission.

66. D'un autre côté, il ne nous semble pas qu'on puisse juger remplies en l'espèce toutes les conditions dont dépend, dans l'ensemble des législations des États membres, l'application de la notion d'enrichissement sans cause dont il a été débattu à l'audience, mais qui n'a pas été invoquée par le requérant au cours de la procédure écrite (voir article 42, paragraphe 2, du règlement de procédure).

67. Notamment, s'il n'est pas certain que l'omission de la Commission ait provoqué l'« appauvrissement » du requérant, il ne nous semble pas non plus, étant donné le manque de clarté des pratiques comptables appliquées en l'espèce, qu'il ait été prouvé que la Commission a bénéficié d'un enrichissement du fait d'un retard de paiement des traitements qui a, du reste, pour cause l'ordonnance du juge.

68. Cependant, nous pensons qu'il existe un lien de causalité évident entre le manquement de la Commission aux impératifs de son devoir de sollicitude à l'égard du requérant et la nécessité dans laquelle celui-ci s'est vu d'introduire le présent recours.

69. En effet, si la Commission lui avait répondu et l'avait dûment informé, la situation aurait pu être éclaircie de façon telle que l'introduction du recours se soit avérée inutile.

70. V — Nous pensons, pour cette raison, qu'il y a lieu de rembourser intégralement au requérant les frais que cette procédure lui a fait exposer, en application de l'article 69, paragraphe 3, alinéa 2, du règlement de procédure ( 7 ).

71. En conséquence, nous proposons à la Cour de rejeter le présent recours, comme étant hors délai en son premier moyen et n'étant pas fondé en son second moyen, et de condamner la Commission à payer la totalité des dépens, y compris ceux du requérant.

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( *1 ) Traduit du portugais.

( 1 ) Ordonnances de la Cour du 25 septembre 1963 dans l'affaire 85/63, Rec. p. 397, et du 11 mai 1971 dans l'affaire 1/71, Rec. p. 363.

( 2 ) Arrêt du 28 mai 1980 dans les affaires jointes 33 et 75/79, Kuhner/Commission, Rec. p. 1677, 1697.

( 3 ) Voir, outre l'arrêt précité, arrêt rendu le 29 octobre 1981 dans l'affaire 125/80, Arning/Commission, Rec. p. 2539, 2555; arrêt rendu le 9 décembre 1982 dans l'affaire 191/81, Plue/Commission, Rec. p. 4229, 4247; arrêt rendu le 23 octobre 1986 dans l'affaire 142/85, Schwiering/Cour des comptes, Rec. p. 3177.

( 4 ) Conclusions dans l'affaire Kuhner, loc. cit., Rec. 1980, p. 1708.

( 5 ) Arrêt rendu le 24 juin 1976 dans l'affaire 56/75, Rec. p. 1111.

( 6 ) Rec. 1976, p. 1117-1118. Voir Également conclusions dans l'affaire Woehrling/Commission, 164/78, Rec. 1979, p. 1974.

( 7 ) Des circonstances similaires a celles-ci ont conduit la Cour à se prononcer dans un sens identique dans l'arrêt Arning, loc. cit, Rec. 1981, p. 2555-2556.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 401/85
Date de la décision : 18/03/1987
Type de recours : Recours de fonctionnaires - irrecevable, Recours de fonctionnaires - non fondé

Analyses

Fonctionnaire - Intérêts en cas de saisie-arrêt.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Francesco Schina
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Cruz Vilaça
Rapporteur ?: Everling

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1987:143

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