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17/03/1987 | CJUE | N°47/86

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Lenz présentées le 17 mars 1987., Roquette Frères SA contre Office national interprofessionnel des céréales (ONIC)., 17/03/1987, 47/86


Avis juridique important

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61986C0047

Conclusions de l'avocat général Lenz présentées le 17 mars 1987. - Roquette Frères SA contre Office national interprofessionnel des céréales (ONIC). - Demande de décision préjudicielle: Tribunal administratif de Lille - France. - Céréales - Restitutions à la production - C

aution. - Affaire 47/86.
Recueil de jurisprudence 1987 page 02889

Conclus...

Avis juridique important

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61986C0047

Conclusions de l'avocat général Lenz présentées le 17 mars 1987. - Roquette Frères SA contre Office national interprofessionnel des céréales (ONIC). - Demande de décision préjudicielle: Tribunal administratif de Lille - France. - Céréales - Restitutions à la production - Caution. - Affaire 47/86.
Recueil de jurisprudence 1987 page 02889

Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

A - Les faits

1 . Dans l' affaire qui nous occupe aujourd' hui, nous avons à nous pencher sur des problèmes relatifs à la restitution à la production d' amidon à partir de maïs .

2 . L' octroi d' une pareille restitution était prévu, pour la période sur laquelle porte la procédure au principal, par l' article 11 du règlement n°*2727/75 du Conseil, portant organisation commune des marchés dans le secteur des céréales ( 1 ). Il avait pour but, ainsi qu' il résulte des considérants du règlement n°*2742/75 du Conseil, relatif aux restitutions à la production dans le secteur des céréales et du riz(2 ), de parvenir, pour permettre à l' industrie du secteur des amidons et fécules
de maintenir des prix concurrentiels par rapport aux prix des produits de substitution chimiques, à une baisse du prix du produit de base utilisé par cette industrie, qui est soumis aux dispositions en matière de prix des organisations communes des marchés .

3 . Le Conseil a arrêté lui-même - conformément à l' article 11, paragraphe 3, du règlement n°*2727/75 - les règles d' application dans le règlement n°*2742/75, déjà mentionné . L' article 8 de ce règlement prévoyait que des modalités d' application seraient arrêtées - selon la procédure comportant l' intervention du comité de gestion -, et notamment celles concernant "l' octroi d' avances sur les restitutions à la production pouvant comporter la constitution d' une caution ".

4 . Ces modalités ont été arrêtées par le règlement n°*1570/78 de la Commission ( 3 ). L' article 2 de ce règlement énonce que des restitutions sont versées notamment aux producteurs d' amidon fabriqué à partir de maïs, lorsque ceux-ci apportent la preuve que le produit de base concerné a été mis sous surveillance officielle par l' organisme compétent désigné par les États membres . L' octroi de la restitution est subordonné - selon l' article 3 - à la constitution d' une caution par l' ayant droit
à la restitution . Le montant de cette caution est*égal ( selon le paragraphe 2 de l' article 3 ) à celui de la restitution à la production demandée, majoré de 5 %. Aux termes de l' article 5, "la restitution à la production, applicable le jour de l' acceptation de la demande de mise sous surveillance officielle de produits de base, est versée par l' État membre sur le territoire duquel l' amidon *... ( est ) produit ... Elle est versée, au plus tard, dans les trente jours suivant le jour de l'
acceptation de la demande ."

5 . La caution est libérée ( conformément à l' article 3, paragraphe 3 ) lorsque l' ayant droit à la restitution à la production a apporté à l' organisme compétent la preuve que 96 % au moins de la quantité du produit de base mis sous surveillance ont été transformés dans un délai maximal de 90 jours suivant celui de l' acceptation de la demande de mise sous surveillance officielle . "Cependant," - poursuit ce texte - "lorsque moins de 96 % de la quantité du produit de base ont été transformés, la
caution est libérée pour un montant égal à celui de la restitution à la production, payable sur la quantité de produit de base qui a été transformé ...". Enfin, le paragraphe 5 de l' article 3 dispose, en outre, que la caution ou la partie de celle-ci qui n' aura pas été libérée, conformément aux dispositions de cet article, sera considérée comme acquise et que le montant en sera consacré au remboursement de la restitution versée . Ce paragraphe prévoit en outre que, si, par suite d' un cas de force
majeure, le produit de base n' a pas été transformé dans le délai prévu, l' organisme compétent de l' État membre juge, sur demande de l' ayant droit à la restitution, eu égard à la circonstance invoquée, de la libération de la caution ou de la prolongation des délais prévus .

6 . En application de ces dispositions, la demanderesse au principal a placé sous surveillance officielle, en décembre 1983, 12*427,003 tonnes de maïs moyennant le versement d' une caution s' élevant à 1*644 222,90 FF . Lorsqu' il est apparu que 95,91 % seulement de ladite quantité ont été transformés, cette caution a été libérée à concurrence de 1*501*880,10 FF et - par décision de l' organisme d' intervention français, l' ONIC, de février 1984 - déclarée acquise à concurrence de 142*342,80 FF (
représentant le montant correspondant à la quantité non transformée majoré des 5 % du montant prévu de la restitution, mentionnés à l' article 3 du règlement n°*1570/78 ). Cela signifie, en clair, qu' un écart de 0,09 % sur la quantité produite minimale exigée a eu pour conséquence une perte de 9,09 % sur la caution .

7 . L' ONIC a procédé de cette manière sur la base d' un télex de la Commission du 20 février 1978 ayant déclaré expressément que, lorsque moins de 96 % de la quantité mise sous surveillance ont été transformés, la restitution doit être calculée en fonction de la quantité réellement transformée et qu' une retenue, d' un montant égal à la différence entre le cautionnement et la restitution payable, doit être opérée sur la caution fournie ( alors que, jusqu' à la fin de 1977, l' ONIC n' exigeait
apparemment, sur la base de sa propre interprétation des dispositions applicables, que le remboursement de la restitution à concurrence de la quantité non transformée au-delà du seuil de tolérance de 4 % et libérait toujours intégralement la caution ).

8 . La demanderesse estime que le changement de pratique venant d' être évoqué n' est pas régulier et demande, en conséquence, au moyen d' une procédure engagée en avril 1984, l' annulation de la décision susmentionnée de l' ONIC . A l' appui de son recours, elle a exposé que le règlement n°*1570/78 de la Commission ne constitue pas une application correcte de l' article 8, sous b ), du règlement n°*2742/75 du Conseil ( car il n' a pas également prévu le paiement de la restitution après
transformation sans constitution d' une caution ). En outre, elle estime que l' interprétation donnée par la Commission à son règlement porte atteinte au principe de proportionnalité et que l' on est en présence d' une discrimination des producteurs d' amidon par rapport à l' industrie chimique transformatrice de sucre, celle-ci pouvant bénéficier - comme le prévoit le règlement n°*1729/78 de la Commission ( 4 ) - aussi bien d' une restitution versée a posteriori sans constitution de caution que de
l' octroi d' une avance sur la restitution comportant la constitution d' une caution .

9 . Eu égard aux problèmes de droit communautaire qui se posent, la juridiction saisie a, suivant jugement du 5 décembre 1985 ( qui nous est parvenu le 18 février 1986 ), sursis à statuer et posé à titre préjudiciel, en application de l' article 177 du traité CEE, les trois questions suivantes visant à savoir :

- si, en premier lieu, le règlement n°*1570/78 de la Commission,du 4 juillet 1978, dans ses dispositions prises en application de l' article 8, sous b ) du règlement n°*2742/75 du Conseil, du 29 octobre 1975, pouvait ne prévoir que l' octroi d' avances sur les restitutions à la production avant transformation du produit mis sous surveillance avec constitution d' une caution?

- si, en second lieu, dans l' affirmative, l' interprétation qui en est faite est correcte, lorsque la quantité de produit de base transformée n' atteint pas 96 % de la quantité mise sous surveillance, et n' est pas contraire au principe de la proportionnalité de la sanction au fait générateur?

- si, enfin, la différence des solutions retenues en matière de remboursement des cautions entre le règlement litigieux et le règlement n°*1729/78 de la Commission, du 24 juillet 1978, dans le cas de la restitution à la production pour le sucre ne méconnaît pas le principe de l' égalité des producteurs?

10 . Ces questions appellent de notre part - à la lumière de ce qui a été exposé dans la procédure ( par la demanderesse au principal et par la Commission ) - les observations suivantes .

B - Discussion

1 . Sur la première question

11 . Elle est relative au point de savoir si le règlement n°*1570/78 de la Commission doit faire l' objet d' une critique du fait qu' il ne prévoyait que l' octroi d' avances sur les restitutions comportant la constitution d' une caution et non également la possibilité de payer la restitution après réalisation de la transformation et sans constitution d' une caution .

12 . A cet égard, il a lieu de s' attacher principalement - car il est expressément visé dans la première question - au règlement n°*2742/75 du Conseil; en d' autres termes, il convient, avant tout, de vérifier si le règlement de la Commission comporte des irrégularités au regard de ce texte .

13 . La Commission a formellement réfuté ce grief et il convient sans aucun doute de lui donner raison sur ce point .

14 . Nous avons déjà cité la disposition d' habilitation applicable en la matière - l' article 8, sous b ), du règlement n°*2742/75 du Conseil . Ce texte prévoit l' adoption de modalités d' application, "notamment celles concernant *... l' octroi d' avances sur les restitutions à la production pouvant comporter la constitution d' une caution ". Cela indique clairement que le Conseil avait lui-même dans l' esprit, en première ligne, l' idée d' un régime d' avances comportant la constitution d' une
caution, et ce manifestement parce que les milieux économiques concernés ont, en général, intérêt à bénéficier le plus rapidement possible d' un allègement des coûts au moyen de la restitution à la production . Bien qu' il faille admettre, d' un autre côté, que cela ne se conçoit sans doute pas dans le sens du caractère exclusif de ladite possibilité ( comme la Commission l' admet elle-même, on aurait très bien pu également songer au paiement a posteriori de la restitution ), l' on ne saurait,
toutefois, certainement pas déduire du règlement du Conseil que la Commission était tenue de prévoir plusieurs possibilités de paiement de la restitution .

15 . Il y a lieu, en outre, d' ajouter que l' on ne saurait devoir déduire du règlement du Conseil - du fait qu' il ne parle d' une caution que dans le contexte de l' octroi d' avances - qu' un régime de caution ne serait pas admissible, dans le système de ce règlement, en dehors de ce cas ( par exemple en cas d' octroi a posteriori de la restitution ). En effet, l' on ne peut méconnaître que, même dans ce dernier cas, un régime de caution peut apparaître en principe justifié, puisqu' il permet de
garantir que seules seront introduites des demandes de restitution sérieuses et que l' évolution du marché pourra être correctement prévue . Il est également intéressant de noter que le régime en vigueur depuis 1986 en vertu du règlement n°*2169/86 de la Commission ( 5 ) est conçu de cette manière, puisqu' il prévoit dans tous les cas, alors même que le paiement a posteriori de la restitution est de règle ( article 9 ), la constitution d' une garantie lors du dépôt de la demande ( article 4 ) et, en
outre, pour le cas du paiement d' une avance, la constitution d' une garantie particulière égale au montant avancé .

16 . Il y a donc lieu de retenir que l' on ne peut reprocher au règlement n°*1570/78 de la Commission de ne pas s' être conformé au règlement n°*2742/75 du Conseil en ne prévoyant pas également un paiement a posteriori de la restitution à la production sans constitution de caution .

2 . Sur la troisième question

17 . La troisième question est également relative au fait que, à la différence de ce que prévoit le règlement n°*1729/78 ( 6 ) ( concernant le sucre ), aucune restitution a posteriori sans constitution de caution n' est prévue, et nous amène à nous demander si cela ne constitue pas une violation du principe de l' égalité de traitement des producteurs . C' est pourquoi nous l' examinerons dès maintenant .

18 . Comme vous le savez, la Commission estime que cet aspect n' appelle pas non plus de réserves sérieuses et, sur ce point également, nous seront amenés - qu' il nous soit permis de le dire d' emblée - à approuver sa position .

19 . a)*Nous considérons comme logique le point de vue selon lequel l' on ne saurait parler de discrimination dans le cas de toute différence entre un régime et un autre, mais seulement lorsqu' il en résulte un désavantage . Or, un tel désavantage est effectivement difficile à admettre lorsqu' un régime n' opte, parmi plusieurs solutions envisageables, que pour la solution avantageuse et exclut les solutions désavantageuses . Tel semble être le cas du règlement de la Commission soumis à votre
appréciation . En effet, l' on ne peut, en principe, contester que le paiement a posteriori de la restitution à la production, si on le compare à l' octroi d' une avance, doit être considéré comme désavantageux, puisque les fabricants supportent ainsi la charge de coûts plus élevés pour les produits de base ( acquis avant d' être mis sous surveillance officielle ) jusqu' à l' achèvement de la transformation ( à laquelle s' applique un délai de 90 jours à compter de celui de l' introduction de la
demande de mise sous surveillance officielle ) et jusqu' à l' accomplissement du processus administratif ( alors que les avances - conformément à l' article 5 - étaient versées au plus tard dans les 30 jours suivant le jour de l' acceptation de la demande ).

20 . En outre, la Commission est également bien fondée, à notre avis, dans son opinion selon laquelle la circonstance que l' octroi d' avances soit assorti d' un cautionnement ne confère pas à cet élément un caractère défavorable de nature à modifier cette appréciation sous l' aspect de la discrimination . Cette circonstance justifie, au contraire, tout au plus que l' on se pose la question de savoir si le régime de caution peut être critiqué au regard du principe de proportionnalité . Il y aura
lieu de revenir sur ce point par ailleurs .

21 . b)*Nous considérons également comme défendable l' opinion de la Commission selon laquelle le principe de l' égalité de traitement n' est appelé à s' appliquer dans toute sa rigueur qu' à l' intérieur d' une organisation commune des marchés déterminée . Des régimes concernant des produits relevant de plusieurs secteurs ( en l' espèce, d' une part, les céréales, d' autre part, le sucre ) peuvent donc - chaque secteur ayant ses particularités - parfaitement présenter entre eux certaines
différences; il n' est aucunement nécessaire, pour qu' ils soient à l' abri du grief de discrimination, qu' ils soient concordants dans tous les détails, par exemple - pour ce qui nous intéresse en l' espèce - en ce qui concerne le mode de paiement .

22 . Or - pour autant qu' il faille partir de l' hypothèse d' une certaine substituabilité des produits ( amidon fabriqué à partir de céréales/sucre ) dans l' industrie chimique -, comme le montant de la restitution a été déterminé ( comme l' a souligné la Commission ) de manière à assurer parfaitement que l' un des produits ne se trouve pas favorisé, l' on ne peut parler, en ce qui concerne le régime des restitutions, d' un non-respect de l' interdiction de discrimination ni considérer le règlement
applicable aux céréales comme incompatible avec le principe de l' égalité de traitement du fait qu' il ne comportait qu' un régime d' avances avec constitution de caution ( auquel il ne semble pas qu' il ait été très difficile de se conformer correctement, moyennant certaines précautions ) et non également la possibilité d' un paiement a posteriori de la restitution ( à laquelle, manifestement, les milieux économiques concernés n' étaient en général pas intéressés ).

3 . Sur la deuxième question

23 . Elle se compose de deux branches . D' une part, il s' agit d' interpréter le régime de caution sous l' aspect du cas où moins de 96 % de la quantité déclarée du produit de base ont été transformés ( en d' autres termes, il s' agit de préciser si, dans une pareille situation, la restitution devait être calculée en fonction de la quantité réellement transformée et si la caution restait acquise - dans la mesure où elle était supérieure à la restitution - sans tenir compte d' un quelconque seuil de
tolérance ). D' autre part, il y a lieu d' examiner si le régime de caution, ainsi compris, était contraire au principe de proportionnalité, et ce, notamment, lorsqu' il trouvait à s' appliquer, dans un cas comme celui faisant l' objet de la procédure au principal, dans toute sa rigueur .

24 . a)*La réponse à la première branche de ladite question ne fait, à notre avis, pas l' ombre d' une difficulté . Le régime de caution ne peut effectivement être compris, selon son libellé, qu' en ce sens que - puisque la restitution était fonction de la quantité réellement transformée - la caution restait acquise à concurrence de la différence entre le montant de la caution et la restitution octroyée . Il n' y avait donc une marge de tolérance de 4 % ( compte tenu de la teneur en humidité et des
impuretés du produit de base ) qu' en cas de transformation en principe "complète", et non au prorata en cas de transformation seulement partielle .

25 . On peut également évoquer, à cet égard, le fait qu' il s' agissait d' une partie d' un ensemble de normes qui prévoyait, pour le cas de non-respect des conditions de transformation, une sorte de pénalité, ce qui suggère, en principe, une interprétation rigoureuse . En faveur de cette solution, il ne faut pas négliger le fait que, comme les télex produits le montrent clairement, elle a été voulue par la Commission, qui a joué un rôle déterminant dans l' adoption du régime en cause .

26 . b)*En ce qui concerne la deuxième branche - décisive - de la question, nous pouvons nous reporter, au sujet du principe de proportionnalité pris en tant que critère, à la synthèse de la jurisprudence intervenue en la matière, contenue dans nos conclusions dans l' affaire 21/85 ( 7 ). Cette synthèse fait ressortir à l' aide de quelques exemples - il n' est pas nécessaire d' en dire davantage à ce stade - qu' il faut s' attacher dans une certaine mesure à la gravité de l' infraction ( une
violation minime ne saurait entraîner la déchéance totale de la caution ); dans d' autres cas, dans lesquels on craignait qu' une mesure ne fût détournée de son but ou dans lesquels le bon fonctionnement d' un système revêtait une certaine importance, une pratique rigoureuse a été reconnue justifiée et une variabilité de la caution selon la gravité du manquement a été refusée . L' on peut maintenant ajouter à cela que l' arrêt intervenu dans ladite affaire a fait progresser la jurisprudence en ce
sens qu' il n' y a pas de déchéance de caution en cas de violation minime d' une obligation principale et qu' il en est de même en cas de non-respect d' une obligation ne revêtant pas une importance fondamentale, autrement dit en l' absence d' une violation grave .

27 . Comme nous devons nous pencher, en ce qui concerne la réglementation soumise à notre examen, sur deux éléments ( seuil de tolérance de 96 % et caution s' élevant à 5 % du montant de la*restitution ), il convient à notre avis - la critique de la société Roquette portant sur l' un et l' autre de ces éléments - de procéder séparément à leur appréciation à l' aide des critères venant d' être indiqués .

28 . aa)*En ce qui concerne le seuil de tolérance de 96 % que comporte la réglementation, l' argumentation de la société Roquette soulève, d' une part, la question de savoir si ce seuil n' est pas le fruit d' un calcul trop juste et, d' autre part, celle de savoir s' il apparaît justifié de faire totalement abstraction de cet élément dans le cas d' une quantité ne se situant que légèrement en deçà .

29 . Sur le premier point, deux règlements ont été cités ( règlement n°*2731/75 du Conseil, fixant les qualités types du froment tendre, du seigle, de l' orge, du maïs et du froment dur ( 8 ); règlement n°*1569/77 de la Commission, fixant les procédures et conditions de prise en charge des céréales par les organismes d' intervention ( 9 )), dont le premier prévoyait que, en ce qui concerne le maïs, le pourcentage total des éléments qui ne sont pas des céréales de base de qualité irréprochable
pouvait atteindre 8 % et dont le deuxième autorisait même un pourcentage maximal d' éléments qui ne sont pas des céréales de base de qualité irréprochable s' élevant à 12 %. Il a été fait également référence, à cet égard, au régime des restitutions prévu par le règlement n°*2169/86 de la Commission, du 10 juillet 1986, selon lequel ( en ce qui concerne la transformation d' amidon ) le seuil de tolérance est fixé à 95 % ( article 7 ), ce qui - rapporté au produit de base maïs - représente, selon la
firme Roquette, un seuil de tolérance de*92 *%.

30 . Nous croyons cependant, avec la Commission, qu' une critique ainsi formulée à l' encontre du règlement qui nous intéresse présentement ne peut se justifier . Même si un autre critère est considéré comme adéquat dans des réglementations ayant une importance en matière d' intervention, le fait que des exigences de qualité plus rigoureuses soient fixées dans le cadre d' un régime de subventions à la production ( tel est le cas de la restitution ) ne saurait en principe, à notre avis, donner lieu à
critique; or, c' est précisément ce qui a été fait - indirectement - au moyen du seuil de tolérance susmentionné . Il faut également souligner qu' en pratique - selon les déclarations non contestées de la Commission - il n' en est jamais résulté de difficultés, autrement dit qu' apparemment, moyennant certaines précautions lors de l' achat, le fait de maintenir les impuretés en deçà du seuil de tolérance n' a pas posé de problèmes .

31 . En ce qui concerne, par ailleurs, le fait qu' un autre régime ait été choisi en 1986, il y a lieu, tout d' abord, de retenir qu' il s' agit là d' un système de nature différente - mettant en cause d' autres produits de transformation . Mais il faut également s' abstenir, en principe, de déduire d' une pareille évolution de la réglementation, comportant des adaptations en fonction de considérations d' opportunité, qu' un régime en vigueur antérieurement doit être considéré comme illégal du seul
fait qu' il était conçu de manière un peu plus rigoureuse .

32 . En conclusion, le seuil de tolérance de 4 % en cas de transformation à 100 % ne pourra donc faire l' objet de critiques .

33 . En ce qui concerne le deuxième point, qui nous intéresse à présent, nous admettons sans difficulté que l' on ne voit pas très bien, à la lumière des explications qui nous ont été fournies ( selon lesquelles une transformation de 96 % a été considérée comme suffisante compte tenu de la teneur en humidité du produit de base et des impuretés qu' il contient ), pourquoi il a été fait totalement abstraction de cet élément dans le cas de transformation partielle alors qu' il y a normalement lieu de
conclure - des impuretés étant également contenues dans de petites quantités - qu' une transformation de 48 % par exemple de la quantité déclarée pourrait être assimilée à une transformation de 50 %. La seule explication possible est qu' une marge de tolérance n' a été jugée adéquate qu' en cas de transformation en principe complète - celle-ci devant être considérée, selon la Commission, comme constituant l' obligation principale de l' ayant droit à la restitution au sens de la jurisprudence de la
Cour - et qu' ainsi, le fait de ne pas tenir compte de cette marge en cas de transformation partielle doit être qualifié également en quelque sorte de sanction ( puisque aussi bien une telle sanction peut également consister en la suppression d' un avantage justifié en tant que tel ). Dès lors, tout se réduit à la question de savoir si - puisqu' en l' absence d' une transformation complète, la caution de 5 % reste acquise de toute façon - une sorte de double pénalisation est effectivement appropriée
dans un pareil cas, et ce plus spécialement lorsqu' il ne s' agit ( comme dans l' affaire au principal ) que d' une insuffisance tout à fait minime . C' est sur ce point que portera la réponse, lorsque nous nous serons également penchés - ce que nous allons faire immédiatement - sur le caractère légitime de la caution de 5 % qui reste acquise en l' absence de transformation complète .

34 . bb)*En ce qui concerne cette caution, on peut imaginer qu' elle est destinée à assurer la réalisation de différents objectifs, lesquels doivent donc être envisagés lors du contrôle du respect du principe de proportionnalité .

35 . La Commission a exposé à ce sujet que l' exécution de l' obligation de transformation des céréales en amidon se situait au premier plan; selon elle, il s' agit là d' une obligation essentielle pouvant, dès lors, être légitimement assortie d' une sanction sévère .

36 . Cela ne nous semble cependant pas convaincant . A aucun endroit du règlement litigieux de la Commission ( ou d' un règlement du Conseil ), il n' est question d' une pareille obligation de transformation ( comme on la trouve, par exemple, dans les dispositions concernant la vente de beurre à prix réduit à l' industrie transformatrice ). Les considérants du règlement n°*1570/78 ne parlent que du fait de garantir la transformation et l' article 3 de ce règlement indique que la caution doit
garantir la transformation . Cela n' est pas équivalent au fait d' ériger une obligation de transformation en norme; cela peut tout aussi bien se rapporter au respect des conditions d' octroi de la restitution; autrement dit, il s' agit de garantir que l' avance sur la restitution n' a pas été payée sans motif .

37 . Il n' apparaît pas non plus que la Communauté puisse avoir le souci, dans ce contexte, de voir les produits en question retirés du marché, pour éviter par exemple des spéculations ( idée ayant joué un rôle pour le régime susmentionné concernant le beurre ( 10 )). Il est effectivement difficile d' imaginer un pareil objectif en ce qui concerne des produits comme le maïs ( où il existe un besoin d' importation et où des restitutions à la production sont également octroyées en cas d' utilisation
de marchandises importées ). Le régime des restitutions n' a pas pour but de favoriser l' utilisation du maïs produit dans la Communauté, mais d' assurer que l' industrie de l' amidon de la Communauté soit concurrentielle par rapport aux fabricants de produits de substitution ( 11 ). Pour atteindre cet objectif, il n' est pas nécessaire d' instituer une obligation de production pouvant être sanctionnée judiciairement . Il suffit de promettre et de payer une récompense à quiconque remplit les
conditions . Tel semble être le cas en l' occurrence . Aussi bien est-il significatif que dans le cas du sucre - le régime y relatif, qui a déjà retenu notre attention dans le contexte de l' examen relatif à l' obligation d' égalité de traitement, est également intéressant ici -, un pareil besoin ne semble pas exister ( la restitution a posteriori sans constitution de caution y étant la règle ), et ce alors même qu' il s' agit d' une production excédentaire .

38 . En fait, on est bien plutôt amené à situer la fonction principale du régime de caution dans le contexte de l' octroi d' avances ( ce que suggère d' ailleurs la formulation de l' article 8, sous b ), du règlement n°*2742/75 du Conseil ). Ce régime doit ainsi garantir que la restitution soit remboursée en cas de non-transformation et que son destinataire ne retire pas un avantage économique de l' utilisation temporaire de sommes qui, en définitive, ne lui reviennent pas . Ce point de vue, qui
conduit sans aucun doute à la conclusion que le principe de la constitution de caution ne peut faire l' objet d' une critique, appelle cependant de manière tout aussi certaine des réserves en ce qui concerne l' importance de la caution . Un taux de 5 % du montant de la restitution, et ce pour une avance consentie sur deux à trois mois, signifie, en cas d' absence complète de transformation, un prélèvement correspondant à 20 ou 30 % d' intérêts annuels . Si l' on peut déjà trouver cela excessif, un
tel jugement s' impose sans aucun doute de manière encore plus éclatante à l' égard de la déchéance de la même caution en cas de transformation seulement partielle . Sous l' aspect de la proportionnalité, il serait donc possible de critiquer ( même si l' on doit reconnaître que de pareilles dispositions ne peuvent être exemptes d' un certain caractère forfaitaire ) le fait que la sanction est dénuée de toute variabilité . L' on peut affirmer avec certitude qu' il n' apparaît pas admissible, compte
tenu de la finalité venant d' être analysée, d' appliquer une sanction supplémentaire ( consistant à ne pas tenir compte du seuil de tolérance susmentionné de 96 %) et que, en tout état de cause, dans des circonstances comme celles faisant l' objet de la procédure au principal ( où il n' y a eu qu' une insuffisance tout à fait minime de la quantité transformée ), il n' existe absolument aucune raison de retirer au destinataire de la restitution un bénéfice - pratiquement inexistant - d' intérêts .

39 . Enfin, il faut également admettre que l' on peut aussi attribuer au régime de caution le but de garantir que seules des demandes sérieuses d' octroi d' une restitution soient introduites et que, de cette manière, l' on parvienne à une prévision correcte de l' évolution du marché, dans l' intérêt de la gestion de ce marché .

40 . S' il est sans doute possible de justifier ainsi le principe de l' existence d' une sanction ( bien que des doutes sérieux puissent éventuellement être fondés sur le fait qu' un pareil besoin ne semble pas exister dans le cadre du marché du sucre, puisque, aussi bien le règlement n°*1729/78 prévoit le paiement a posteriori de la restitution sans constitution de caution ), il est néanmoins en tout cas essentiel, pour l' appréciation de ce régime, que cet intérêt - garantie de la connaissance des
données du marché - est, sans aucun doute, un intérêt relativement mineur ( au sens de la jurisprudence précitée ). De ce point de vue, il est donc difficile - et cela nous amène à revenir à nouveau sur le seuil de tolérance mentionné de 96 % - de justifier une sanction qui va au-delà de la caution s' élevant à 5 % du montant de la restitution . Comme il faut supposer qu' il ne s' agit au fond que d' une connaissance de l' évolution du marché, ne nécessitant certainement pas une précision absolue,
l' on peut également affirmer qu' il ne peut guère être question d' un comportement appelant une sanction dans le cas d' un écart tout à fait minime par rapport au respect de la norme, tel qu' il a été observé dans l' affaire faisant l' objet de la procédure au principal .

41 . cc ) Sur la deuxième branche de la deuxième question, nous croyons donc pouvoir constater que le régime de caution de l' article 3 du règlement n°*1570/78 appelle des réserves sous l' aspect de la proportionnalité et qu' en tout état de cause, sous la forme qu' il revêtait dans le règlement, il ne pouvait être appliqué dans un cas comme celui de la procédure au principal .

C - Conclusion

42 . A la lumière de tout ce qui précède, notre proposition de réponse aux questions posées par le tribunal administratif de Lille est la suivante :

1 ) La circonstance que le règlement n°*1570/78 de la Commission ne prévoyait que l' octroi d' une restitution à la production sous la forme d' une avance avec constitution d' une caution et non également un règlement après transformation sans constitution de caution ne fait apparaître aucune incompatibilité de ce règlement avec le règlement n°*2742/75 du Conseil ( dont il fixait les modalités d' application ), de nature à l' invalider .

2 ) Ladite circonstance ne fait pas davantage apparaître une discrimination des fabricants utilisant du maïs pour la production d' amidon par rapport aux entreprises du secteur de la chimie qui utilisent du sucre et auxquelles s' appliquait le règlement n°*1729/78 de la Commission .

3 ) L' article 3, paragraphe 3, sous a ), du règlement n°*1570/78 de la Commission doit être interprété en ce sens que, en cas de transformation de moins de 96 % de la quantité déclarée de produit de base, la restitution n' est octroyée qu' à concurrence de la quantité réellement transformée, la caution étant déclarée acquise à concurrence de la différence entre ce montant et le montant mentionné à l' article 3, paragraphe*2 .

4 ) L' application de ce régime à une situation dans laquelle la transformation n' a été que très légèrement inférieure à la quantité dont la transformation était prévue est incompatible avec le principe de proportionnalité .

(*) Traduit de l' allemand .

( 1 ) JO 1975, L 281, p.*1 et suiv .

( 2 ) JO 1975, L 281, p.*57 et suiv .

( 3 ) JO 1978, L 185, p.*22 et suiv .

( 4 ) JO 1978, L 201, p.*26 et suiv .

( 5 ) JO 1986, L 189, p.*12 .

( 6 ) JO 1978, L 201, p.*26 et suiv .

( 7 ) Arrêt du 27 novembre 1986, A . Maas/Bundesanstalt fuer landwirtschaftliche Marktordnung, Rec . p.*3537, 3551 .

( 8 ) JO 1975, L 281, p.*22 et suiv .

( 9 ) JO 1977, L 174, p.*15 et suiv .

( 10 ) Voir l' arrêt du 23 février 1983 dans l' affaire 66/82, Fromançais*SA/Fonds d' orientation et de régularisation des marchés agricoles ( FORMA ), Rec . p.*395

( 11 ) Premier considérant du règlement n°*2742/75 .


Synthèse
Numéro d'arrêt : 47/86
Date de la décision : 17/03/1987
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Tribunal administratif de Lille - France.

Céréales - Restitutions à la production - Caution.

Agriculture et Pêche

Céréales


Parties
Demandeurs : Roquette Frères SA
Défendeurs : Office national interprofessionnel des céréales (ONIC).

Composition du Tribunal
Avocat général : Lenz
Rapporteur ?: Due

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1987:137

Source

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