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22/01/1987 | CJUE | N°56/86

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Mischo présentées le 22 janvier 1987., SA Société pour l'exportation des sucres contre Office belge de l'économie et de l'agriculture (OBEA)., 22/01/1987, 56/86


Avis juridique important

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61986C0056

Conclusions de l'avocat général Mischo présentées le 22 janvier 1987. - SA Société pour l'exportation des sucres contre Office belge de l'économie et de l'agriculture (OBEA). - Demande de décision préjudicielle: Tribunal de première instance de Bruxelles - Belgique. - Adjudi

cation permanente pour la fourniture de sucre blanc à l'UNRWA - Perte de ca...

Avis juridique important

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61986C0056

Conclusions de l'avocat général Mischo présentées le 22 janvier 1987. - SA Société pour l'exportation des sucres contre Office belge de l'économie et de l'agriculture (OBEA). - Demande de décision préjudicielle: Tribunal de première instance de Bruxelles - Belgique. - Adjudication permanente pour la fourniture de sucre blanc à l'UNRWA - Perte de caution - Proportionnalité. - Affaire 56/86.
Recueil de jurisprudence 1987 page 01423

Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

L' affaire qui oppose, devant le tribunal de première instance de Bruxelles, la Société pour l' exportation des sucres ( ci-après "la société" ou "l' adjudicataire ") à l' Office belge de l' économie et de l' agriculture ( OBEA ) concerne la qualité d' un lot de sucre offert par la Communauté, à titre d' aide alimentaire, à l' UNRWA ( Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient ").

A la suite d' une procédure d' adjudication ouverte par l' OBEA, la société avait été chargée de livrer à l' organisation bénéficiaire une quantité de 755 tonnes de sucre de qualité 2 ( ou qualité type ).

Or, il s' est avéré, après contrôle, que le sucre fourni relevait de la qualité 3 parce que la coloration de la solution dépassait de 0,7 point la marge de 6 points, limite maximale pour la qualité 2, tous les autres critères correspondant à la qualité 2 .

La société n' a cependant été informée de cette déficience qu' après que le sucre fut arrivé au port d' Ashdod ( Israël ) et eut été pris en charge par l' UNRWA .

L' adjudication en question avait été effectuée sur la base du règlement n° 434/82 de la Commission, du 25 février 1982 ( 1 ), relatif à une adjudication permanente pour la mobilisation de sucre blanc communautaire à fournir à l' UNRWA à titre d' aide alimentaire, partiellement modifié par le règlement n° 939/82 de la Commission, du 21 avril 1982 ( 2 ).

Les sanctions prévues par ce règlement pour le cas où l' une ou l' autre condition de l' adjudication ne serait pas remplie sont exposées avec une grande clarté au début du rapport d' audience . Je me permets de renvoyer à ce rapport également en ce qui concerne le détail des faits, les arguments des parties et le texte des trois questions posées par le tribunal de première instance de Bruxelles .

Je suivrai également le schéma du rapport d' audience en examinant ensemble les deux premières questions .

Quant aux deux premières questions

La première question revient à savoir à quel moment le contrôle qualitatif prévu à l' article 9, paragraphe 5, du règlement doit intervenir et jusqu' à quel moment la qualité du sucre peut être contestée .

Selon l' article 9, paragraphe 5, le contrôle qualitatif s' effectue "à l' embarquement ".

Afin de rendre cela possible, le fournisseur a l' obligation de communiquer dans les meilleurs délais à l' organisme compétent de l' État membre d' exportation un avis portant désignation du navire et indiquant la date de chargement (( article 15, paragraphe 1, sous a ) )).

Enfin, l' article 15, paragraphe 3, prévoit que, "si le sucre relève d' une qualité inférieure à la qualité type, il est refusé aux risques et périls de l' adjudicataire ".

On peut raisonnablement déduire de la conjonction de ces dispositions que le contrôle doit, en principe, être effectué :

- lorsque la marchandise à livrer est prête pour l' embarquement;

- à un moment tel que le résultat des analyses puisse encore être connu avant que le bateau ne lève l' ancre, de telle sorte que la marchandise puisse être refusée avant son départ .

Le règlement ne prévoit pas le cas où, comme en l' espèce, les résultats des analyses ne sont connus qu' après le départ du navire ou même après la distribution de la marchandise .

Il est cependant possible de dégager, par voie d' interprétation, la solution applicable dans cette hypothèse en partant des éléments suivants .

Aux termes de l' article 1er, paragraphe 2, du règlement, "le sucre ( à fournir ) doit relever de la qualité type telle que définie à l' article 1er du règlement ( CEE ) n° 793/72 ".

C' est sur cette base que l' adjudicataire est censé avoir fait son offre, et c' est à cette condition expresse que le contrat lui a été attribué .

L' adjudicataire a donc comme premier devoir de s' assurer lui-même que le sucre qu' il s' apprête à fournir correspond effectivement à cette exigence .

Le contrôle qualitatif à l' embarquement ne peut avoir pour effet de le décharger de cette responsabilité . Comme l' indiquent le gouvernement belge et l' OBEA, le contrôle prévu par le règlement n' a pas été institué dans l' intérêt de l' adjudicataire, mais dans celui du donateur, la Communauté, et du destinataire, l' UNRWA .

Dans un arrêt du 5 décembre 1985 ( 3 ), au point 21, la Cour a confirmé ce principe dans les termes suivants :

"Les contrôles exercés ( par les États membres ) n' ont ni pour but ni pour effet de dégager, de quelque manière que ce soit, l' adjudicataire de ses responsabilités découlant de l' adjudication ."

En second lieu, il ne saurait incomber au bénéficiaire de l' aide alimentaire de vérifier ni de certifier le respect de la condition relative à la catégorie à laquelle doit appartenir le sucre à fournir .

Comme nous l' avons vu, le règlement prescrit en effet expressément que ce contrôle doit se faire à l' embarquement . Il est en effet logique que ce soit l' organisme chargé, par la Communauté, de mettre en oeuvre l' aide alimentaire qui vérifie la conformité du produit aux critères prescrits .

Par ailleurs, il n' est pas certain que tous les pays du tiers monde ou les organismes bénéficiaires disposent de laboratoires équipés pour faire les analyses nécessaires .

L' attestation à fournir par le bénéficiaire de l' aide, aux termes de l' article 10, paragraphe 1, ne saurait dès lors porter sur cet élément . Elle a uniquement pour objet de certifier que le sucre a été livré dans les "conditions requises" telles qu' elles sont définies à l' article 9, notamment dans les quantités prévues, à la date convenue, et dans des sacs conformes à la description .

Il est, par ailleurs, logique que le bénéficiaire de l' aide vérifie aussi si la marchandise n' a pas subi d' avarie en cours de route . C' est dans ce sens qu' il faut entendre, à mon avis, la mention "in good and sound condition" figurant sur l' attestation délivrée par l' UNRWA . Cette attestation n' a donc pas pour objet de certifier que le sucre fourni correspond à la qualité 2 .

Cette vérification limitée, effectuée pour le compte du donateur, n' a pas pour effet de créer des liens juridiques entre l' adjudicataire et le tiers bénéficiaire de l' aide . Ce dernier ne peut nullement être comparé à un acheteur qui se serait livré à une "agréation" ou "réception" de la marchandise .

En troisième lieu, il est certain que la qualité de la marchandise, surtout dans le cadre d' une opération d' aide alimentaire, est un élément absolument essentiel du contrat d' adjudication . Il n' est dès lors pas concevable que cette qualité ne puisse plus être contestée si le résultat des analyses n' est disponible qu' après le départ du bateau ou même après la distribution de l' aide .

Ainsi que la Commission le fait remarquer, à juste titre me semble-t-il, ce serait trop facile si l' adjudicataire pouvait, par négligence ou délibérément, manquer à son obligation d' informer l' organisme compétent en temps utile au sujet de la date de départ du bateau, et échapper ainsi à toute contestation au sujet de la qualité de la marchandise fournie, en tirant argument d' une soi-disant "réception" de la marchandise par le donataire .

Pour les raisons indiquées ci-dessus, la contestation de la qualité de la marchandise doit rester possible également dans l' hypothèse où c' est par suite d' une négligence ou d' une faute de l' organisme compétent lui-même que les résultats des analyses ne sont fournis qu' après le départ du bateau .

Même à ce stade, l' organisme compétent doit donc encore pouvoir refuser la marchandise, ce qui se traduira notamment par le refus de payer le prix convenu .

Comme la Commission, j' estime cependant qu' une telle négligence de la part de l' organisme compétent peut éventuellement donner lieu à des dommages et intérêts sur la base du droit du pays où l' adjudication a été faite .

Cela me semble devoir être particulièrement le cas lorsque la contestation de la qualité n' intervient qu' après que l' aide alimentaire a été distribuée aux bénéficiaires finaux, en l' occurrence les réfugiés de Palestine .

Dans cette hypothèse, il n' est en effet plus possible de "refuser la marchandise" au sens de la remettre à la disposition de l' adjudicataire pour que celui-ci puisse, par exemple, essayer de la vendre dans le pays où elle a été débarquée .

Il me semble que, dans le cas d' espèce, une telle indemnisation a eu lieu, à l' amiable, puisque l' OBEA a accepté de payer le sucre sur base de sa valeur réelle .

Je propose, par conséquent, de répondre comme suit aux deux premières questions :

"Les articles 1er, 9, 10 et 15, paragraphe 3, du règlement ( CEE ) n° 434/82 de la Commission, du 24 février 1982, modifié par le règlement ( CEE ) n° 939/82 de la Commission, du 21 avril 1982, doivent être interprétés en ce sens que le contrôle qualitatif du sucre à livrer à titre d' aide alimentaire doit être effectué de telle façon que ses résultats puissent être connus avant la sortie du produit du territoire de l' État membre d' exportation .

Lorsque le sucre livré relève d' une qualité inférieure à la qualité type, l' organisme compétent est tenu, en vertu de l' article 15, paragraphe 3, de refuser les paiements provisoires et définitifs du prix convenu, prévus à l' article 10, paragraphe 1, même s' il n' a eu connaissance de cet élément qu' après la distribution du produit et que les autres conditions requises pour le paiement, notamment l' attestation du bénéficiaire prévue à l' article 10, paragraphe 1, alinéa 3, sont réunies ."

Quant à la troisième question

Est-ce que la caution doit rester acquise même si, en fait, le sucre a été distribué aux destinataires et a pu être consommé sans dommage par ceux-ci? Dans l' affirmative, la perte totale de la caution n' est-elle pas contraire au principe de proportionnalité alors que le sucre livré ne violait qu' un critère qualitatif parmi plusieurs?

Voilà ce que vous demande la juridiction belge dans sa troisième question .

A ce propos, je voudrais faire tout d' abord deux observations générales .

La Communauté a connu des cas où des produits fournis à titre d' aide alimentaire se sont avérés être d' une qualité déficiente . La Commission en a tiré les conséquences en rendant plus rigoureux les textes relatifs à la vérification de la qualité des produits à fournir .

En l' occurrence, la déficience présentée par le sucre livré n' était certes pas de nature à empêcher son utilisation, en toute sécurité, par les consommateurs .

Il faudrait cependant veiller à ne pas ouvrir une brèche dans le système et à ne pas créer l' impression, auprès de soumissionnaires futurs, qu' ils pourront, sans trop de risques, se permettre de ne pas prendre au sérieux les critères de qualité arrêtés par la Commission .

Dans le cadre d' opérations d' aide alimentaire antérieures, celle-ci n' avait prescrit que la qualité 3 . Si elle exige dorénavant la qualité supérieure, c' est sans doute parce qu' elle estime avoir de bonnes raisons de le faire .

En second lieu, la définition de la qualité du produit vise aussi à maintenir l' égalité entre tous les soumissionnaires .

Si les organismes compétents des États membres se mettaient à accepter de payer les marchandises non conformes aux prescriptions au prix correspondant à leur qualité réelle sans qu' intervienne aucune sanction en raison de l' exécution non correcte du contrat, les mécanismes d' adjudication seraient faussés .

Une attitude pareille pourrait encourager les fournisseurs à soumissionner dès l' origine à un prix inférieur à celui correspondant normalement à la qualité type exigée, parce que, de prime abord, ils auraient l' intention de ne livrer qu' une qualité moindre . Ils se procureraient ainsi un avantage concurrentiel indu par rapport aux soumissionnaires ayant l' intention de respecter la condition prescrite .

Par ailleurs, les arguments de texte suivants plaident en faveur d' une non-libération de la caution dans le cas d' espèce .

1 . D' après l' article 15, paragraphe 3, du règlement en cause, une marchandise d' une qualité inférieure à la qualité type doit être refusée aux risques et périls de l' adjudicataire .

La Commission a donc voulu écarter totalement la possibilité qu' une marchandise non conforme aux prescriptions puisse être livrée .

Il résulte certes de l' article 9, paragraphe 5 ( contrôle à l' embarquement ), et de l' économie du règlement que le refus de la marchandise doit normalement intervenir avant qu' elle ne quitte le territoire de l' État membre . De cette façon, elle peut éventuellement être remplacée en dernière minute par de la marchandise conforme aux règles .

Mais si cela n' est pas possible, il y a refus pur et simple de la marchandise; la caution doit être retenue, car le contrat n' a pas été exécuté correctement .

De même, si, par suite de la nécessité de remplacer la marchandise ou pour une autre raison, celle-ci ne peut pas être livrée dans le délai prévu, l' article 15, paragraphe 2, s' applique . Celui-ci prévoit qu' au cas de retard de livraison le prix retenu est diminué de 0,12 Écu par 100 kilogrammes et par jour "sans préjudice de l' article 7, paragraphe 3 ". Ce dernier renvoi signifie que, en ce qui concerne les quantités arrivées en retard, la caution est retenue pour la totalité, même si le retard
n' est que minime .

Si toute la marchandise arrive en retard, la caution est perdue pour la totalité, même si le sucre est ensuite consommé par les bénéficiaires .

Le règlement est donc manifestement fondé sur le principe qu' une violation des conditions du contrat affectant l' ensemble de la marchandise entraîne la perte de la totalité de la caution .

Certes, si le refus de la marchandise n' a pas pu intervenir avant le départ du bateau parce que les résultats des analyses n' étaient pas disponibles, et que la marchandise non conforme à la qualité prescrite est parvenue à destination et a été consommée, l' équité ou, le cas échéant, les principes de la responsabilité extracontractuelle, exigent qu' elle soit payée selon sa valeur réelle . Mais, en raison du fait qu' il y a eu exécution non correcte du contrat d' adjudication, la caution doit
demeurer acquise .

En d' autres termes, j' estime que, par le paiement du produit selon sa valeur réelle, il a été suffisamment tenu compte du fait que celui-ci a été consommé .

2 . D' après l' article 7, paragraphe 5, "la libération de la caution a lieu lors du paiement définitif ".

Lorsque, comme en l' occurrence, la marchandise n' est pas payée sur la base du prix retenu lors de l' adjudication; mais au titre d' un arrangement à l' amiable, il n' y a pas de "paiement définitif" au sens de cette disposition, et la caution ne peut donc pas être libérée .

3 . Il résulte enfin de l' article 7, paragraphe 3 ( tel que modifié par le règlement n° 939/82, précité ), que "la caution reste acquise pour la quantité de sucre que l' adjudicataire n' a pas livré au port de débarquement ... dans les conditions requises ".

J' ai déjà indiqué qu' à l' article 10, paragraphe 1, alinéa 3, l' expression "dans les conditions requises" vise, à mon avis, les conditions autres que la qualité intrinsèque de la marchandise, puisque le respect de cette dernière condition doit, en principe, être vérifié et une déficience éventuelle rectifiée, dès avant le départ du bateau .

A l' article 7, paragraphe 3, cette expression n' est cependant pas utilisée en relation avec l' attestation à délivrer par l' UNRWA, mais dans un contexte plus général . Elle me semble, dès lors, pouvoir être invoquée pour démontrer que la caution n' a pas besoin d' être libérée lorsque c' est l' ensemble de la quantité livrée qui ne correspond pas aux conditions requises .

Or, tel est le cas dans la présente affaire .

Le tribunal de première instance de Bruxelles se demande cependant si, dans le cas d' espèce, la perte de la totalité de la caution est compatible avec le principe de proportionnalité, étant donné que le manquement aux prescriptions ne concernait que l' un des critères fixés .

Notons, en premier lieu, que les critères a ) à d ) inclus arrêtés, en ce qui concerne la qualité type ( ou qualité 2 ), par le règlement n° 793/72 du Conseil, du 17 avril 1972, fixant la qualité type du sucre blanc ( JO L 94 du 21.4.1972, p . 1 ) sont identiques aux critères a ) à d ) inclus, définis en ce qui concerne le sucre de la catégorie 3, par l' article 11 du règlement n° 1280/71 de la Commission, du 18 juin 1971, établissant les modalités d' application en ce qui concerne l' achat de sucre
par les organismes d' intervention ( JO L 133 du 19.6.1971 p . 34 ).

La différence entre les deux catégories de sucre s' établit donc sur la base des quatre critères additionnels figurant au point e ) de l' article 1er du règlement n° 793/72 . En l' occurrence, c' est donc un critère sur quatre qui n' est pas rempli .

Serait-il possible de considérer que la déficience en question qui, au dire des experts, ne serait susceptible de porter à conséquence que dans le cas où le sucre devait servir à la fabrication de limonade peut être négligée en l' occurrence? Je ne suis pas de cet avis .

Le législateur communautaire a décidé, dans sa sagesse, que le sucre n' avait la qualité 2 ou qualité type que s' il remplissait un ensemble de critères . Il me semble, dès lors, difficile pour la Cour d' opérer une distinction entre ceux-ci et de leur attribuer une importance plus ou moins grande selon les circonstances .

Reconnaître aujourd' hui que le résultat de l' analyse effectuée selon la "méthode Icumsa" peut être négligé dans les circonstances de l' espèce, pourrait conduire demain à déclarer tel autre critère comme non essentiel lorsqu' il s' agit, par exemple, d' une vente par adjudication de sucre destiné à l' industrie chimique .

De fil en aiguille, ce seraient tous les principes de classification du sucre qui seraient mis en cause .

Voyons maintenant quels enseignements nous pouvons tirer, pour notre affaire, de la jurisprudence de la Cour relative au principe de proportionnalité .

Dans son arrêt du 23 février 1983, Fromançais/FORMA ( 4 ), la Cour a dit pour droit que, "afin d' établir si une disposition de droit communautaire est conforme au principe de proportionnalité, il importe de vérifier, en premier lieu, si les moyens qu' elle met en oeuvre pour réaliser l' objectif qu' elle vise s' accordent avec l' importance de celui-ci et, en second lieu, s' ils sont nécessaires pour l' atteindre ".

En l' espèce, l' objectif visé est important : il s' agit d' obtenir que l' adjudicataire livre effectivement du sucre de la qualité prescrite .

Rappelons que le premier considérant du règlement précise expressément "qu' il convient que le sucre blanc relève de la qualité type telle que définie au règlement ( CEE ) n° 793/72 du Conseil, du 17 avril 1972, fixant la qualité type du sucre blanc ".

Nous sommes incontestablement en présence d' une de ces "obligations principales" dont la violation, selon une jurisprudence constante de la Cour ( 5 ), peut être sanctionnée par la perte totale de la caution .

Le moyen utilisé, une caution équivalant à 7 % de la valeur du contrat, s' accorde, à mon avis, avec cet objectif .

L' utilisation de ce moyen peut également être considérée comme nécessaire pour atteindre l' objectif étant donné que le simple refus de la marchandise ( avec restitution de celle-ci ou paiement selon sa valeur réelle ) ne saurait avoir un effet dissuasif suffisant puisqu' il n' entraînerait pas de véritable perte financière . Or, il importe que les adjudications se déroulent dans des conditions correctes . Seule la menace de la perte de la caution peut y contribuer efficacement .

Est-ce que cet effet dissuasif serait garanti quant à l' avenir si on ne retenait, par exemple, que la moitié de la caution, soit l' équivalent de 3,5 % de la valeur du contrat? On peut en douter .

Un dernier élément, et non des moindres, à prendre en considération, est l' extrême sévérité dont la Cour a fait preuve dans la plupart de ses décisions lorsqu' il s' agissait de la violation d' une obligation principale .

L' arrêt qui présente les plus grandes ressemblances avec la présente affaire est celui prononcé le 2 décembre 1982 dans l' affaire 272/81 ( RU-MI/FORMA, Rec . p . 4167 ).

Il s' agissait de la validité d' un règlement relatif à l' octroi par adjudication d' une aide spéciale au lait écrémé en poudre destiné à l' alimentation des animaux autres que les jeunes veaux .

Ce règlement fixait plusieurs règles pour la dénaturation du produit, dont une seule n' avait pas été convenablement mise en oeuvre . Le juge national, constatant que la dénaturation ne s' écartait que très légèrement de la norme habituellement admise, s' était demandé si ce règlement ne violait pas le principe de proportionnalité en ce qu' il permettait d' appliquer la même sanction à l' absence totale de dénaturation et à la dénaturation réalisée, mais non entièrement conforme .

La Cour a répondu que "la Commission était fondée en droit à arrêter des dispositions entraînant la perte de l' aide et de la caution pour le non-accomplissement de l' obligation principale de l' adjudication, et n' était pas tenue de faire varier cette mesure selon la gravité du manquement de la part du soumissionnaire . Une telle mesure ne saurait être considérée comme disproportionnée au but recherché ".

Dans un autre arrêt préjudiciel portant la même date ( Société laitière de Grèce/FORMA, affaire 273/81, Rec . p . 4193 ), la Cour avait fait preuve d' une rigueur analogue .

Dans les deux cas, il s' agissait d' affaires où le produit avait effectivement reçu la destination prévue et où la bonne foi des opérateurs économiques n' était pas en cause .

Pour toutes ces raisons, il me semble dès lors qu' une interprétation stricte s' impose également dans le cas d' espèce et je propose à la Cour de répondre de la manière suivante à la troisième question :

"Les articles 15, paragraphe 3, et 7, paragraphes 3 et 5, du règlement précité doivent être interprétés en ce sens que la caution reste acquise pour les quantités de sucre livré à destination ne relevant pas de la qualité type .

L' examen de l' article 7, paragraphe 3, du même règlement n' a pas révélé d' élément de nature à affecter sa validité ."

( 1 ) JO L 55 du 26.2.1982, p . 34 .

( 2 ) JO L 111 du 24.4.1982, p . 13 .

( 3 ) Direktoratet for Markedsordningerne/Corman et fils, affaire 124/83, Rec . 1985, p . 3777 .

( 4 ) Affaire 66/82, Rec . 1983, p . 395, point 8 . Voir aussi arrêt du 20 février 1979, affaire 122/78, Rec . p . 677, point 16, et arrêt du 22 janvier 1986, affaire 266/84, Denkavit France, Rec . p . 149, point 17 .

( 5 ) Voir arrêts du 20 février 1979, Buitoni, 122/78, Rec . p . 677, du 21 juin 1979, Atalanta, 240/78, Rec . p . 2137, du 2 décembre 1982, RU-MI, 272/81, Rec . p . 4167, du 23 février 1983, Fromançais, 66/82, Rec . p . 395, du 17 mai 1984, Denkavit, 15/83, Rec . p . 2171 .


Synthèse
Numéro d'arrêt : 56/86
Date de la décision : 22/01/1987
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Tribunal de première instance de Bruxelles - Belgique.

Adjudication permanente pour la fourniture de sucre blanc à l'UNRWA - Perte de caution - Proportionnalité.

Agriculture et Pêche

Sucre

Aide alimentaire

Relations extérieures


Parties
Demandeurs : SA Société pour l'exportation des sucres
Défendeurs : Office belge de l'économie et de l'agriculture (OBEA).

Composition du Tribunal
Avocat général : Mischo
Rapporteur ?: Rodríguez Iglesias

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1987:33

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