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10/12/1986 | CJUE | N°324/85

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Cruz Vilaça présentées le 10 décembre 1986., Yves Bouteiller contre Commission des Communautés européennes., 10/12/1986, 324/85


Avis juridique important

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61985C0324

Conclusions de l'avocat général Vilaça présentées le 10 décembre 1986. - Yves Bouteiller contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaire - Annulation d'une nomination. - Affaire 324/85.
Recueil de jurisprudence 1987 page 00529

Conclusions de l'avoca

t général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . Le ...

Avis juridique important

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61985C0324

Conclusions de l'avocat général Vilaça présentées le 10 décembre 1986. - Yves Bouteiller contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaire - Annulation d'une nomination. - Affaire 324/85.
Recueil de jurisprudence 1987 page 00529

Conclusions de l'avocat général

++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . Le requérant, M . Yves Bouteiller, fonctionnaire des Communautés européennes depuis 1959, demande l' annulation de la décision de la Commission, du 19 décembre 1984, par laquelle M . Juergen Mensching a été nommé chef de la division "énergie ( sauf charbon ), chimie, produits agricoles et alimentaires" de la direction générale Concurrence .

Cette nomination fait suite à la publication, le 26 octobre 1984, de l' avis de vacance COM/1421/84, auquel dix-neuf fonctionnaires, parmi lesquels le requérant, ont posé leur candidature .

Ayant examiné ces candidatures, le comité consultatif des nominations aux grades A*2 et A*3 (" groupe Noël ") a estimé - le 17 décembre 1984 - que cinq candidats, parmi lesquels figurait M . Mensching mais non le requérant, devraient être pris plus particulièrement en considération .

Le 19 décembre, la Commission a procédé à l' examen des candidatures et a décidé de nommer M . Mensching au poste de chef de division .

Cette décision a été prise à un moment où les deux membres de la Commission de nationalité française, MM . Ortoli et Pisani, démissionnaires, ne faisaient plus partie de la Commission .

Le Conseil avait décidé au cours de ses réunions des 6 novembre et 11 décembre 1984 de ne pas remplacer les deux membres de la Commission en question, étant donné que la nouvelle Commission devait prendre ses fonctions le 5 janvier 1985 .

La réclamation et le recours ont été introduits dans les délais, conformément aux articles 90 et 91 du statut des fonctionnaires .

2 . Nous allons maintenant analyser les différents moyens invoqués par le requérant à l' appui de son recours .

Par le premier moyen d' annulation, invoqué dans sa requête, le requérant relève qu' au moment de la décision litigieuse, la Commission n' était pas constituée valablement au regard des dispositions de l' article 10, paragraphe 1, alinéa 4, du traité instituant un Conseil unique et une Commission unique des Communautés européennes ( traité de fusion du 8 avril 1965 ).

Cet argument n' est pas pertinent .

L' article 12 du traité précité permet au Conseil de décider de ne pas remplacer les membres de la Commission dont les fonctions prennent fin en cours de mandat . En ce qui concerne MM . Ortoli et Pisani, le Conseil a pris cette décision en raison de la brièveté de la période restant à courir jusqu' à l' expiration de leur mandat .

Du reste, comme la Commission l' affirme dans sa réponse, la règle de l' article 10 du traité de fusion ne saurait par elle-même mettre en cause le fonctionnement de la Commission au regard du principe général de la continuité du service public .

C' est ce qui se vérifie dans d' autres cas de force majeure tels que le décès d' un membre de la Commission qui était le seul de sa nationalité .

D' autre part, étant donné qu' il n' est pas contesté que le "quorum", exigé par l' article 17 du traité de fusion pour que la Commission puisse siéger, était acquis, il nous faut conclure que la décision de nomination de M . Mensching est inattaquable du point de vue de la compétence de l' autorité dont elle émane .

C' est précisément ce que la Commission et le Conseil ont estimé dans leurs réponses aux questions écrites n°s*1941 et 1942/84 du Parlement européen lorsqu' ils ont considéré expressément et sans réserves que, la composition de la Commission étant à tout moment conforme aux règles en vigueur, elle pouvait exercer pleinement ses fonctions, la validité des actes pris pendant la période litigieuse étant entièrement assurée .

Tel fut le cas de plusieurs autres nominations et d' actes de nature différente que, comme il a été rappelé à l' audience, la Commission a pris pendant la période de deux mois en question, aucun argument n' étant de nature à étayer la thèse du requérant selon laquelle le pouvoir d' action de la Commission serait limité aux cas d' urgence dans lesquels un quelconque retard serait de nature à porter préjudice aux intérêts de la Communauté .

Enfin, le requérant a fini par admettre à l' audience que la Commission était régulièrement constituée et qu' elle avait par conséquent le pouvoir d' agir valablement .

Par ailleurs, le requérant a atténué l' autonomie de ce moyen, d' abord au cours de la phase écrite de la procédure et ensuite, de manière dépourvue d' ambiguïté, au cours de l' audience, en rattachant l' argument relatif à l' irrégularité à l' allégation selon laquelle la Commission aurait agi avec précipitation ou hâte, ce qui serait constitutif d' un vice de détournement de pouvoir .

Le premier moyen invoqué par le requérant s' intègre ainsi finalement dans le quatrième moyen, c' est pourquoi nous en analyserons les autres aspects lorsque nous examinerons ce dernier moyen .

Du reste, les autres arguments du requérant finissent également par s' identifier en substance avec ce dernier moyen dans la mesure où tous les arguments rentrent dans le grief de détournement de pouvoir que le requérant impute à la Commission .

Nous les analyserons, cependant, successivement dans ce qu' ils ont de spécifique et d' autonome .

2.1 . Selon le requérant, la Commission a nommé dans l' emploi en question un candidat qui, contrairement au requérant, ne possédait ni l' expérience ni les qualifications requises par l' avis de vacance .

Elle aurait ainsi violé l' article 7, paragraphe 1, du statut qui prévoit l' affectation de chaque fonctionnaire "à un emploi de sa catégorie ou de son cadre correspondant à son grade", "dans le seul intérêt du service et sans considération de nationalité ".

Selon le requérant, ce moyen a un caractère autonome, distinct du moyen suivant qui est basé sur l' article 45, paragraphe 1, du statut, applicable aux promotions .

Il faut admettre que dans les circonstances de l' espèce, il est difficile de faire de la violation de l' article 7 un moyen autonome d' annulation différent du détournement de pouvoir ou un argument distinct de celui tiré de l' article 45, paragraphe 1 .

Toutefois, à supposer que tel soit le cas, nous nous proposons de voir si l' argument du requérant est valable .

La Commission illustre sa réfutation de la thèse du requérant par la description de la carrière de M . Mensching .

Membre du cabinet du membre de la Commission M . Haferkamp entre 1970 et 1975, assistant du directeur général de la concurrence entre août 1975 et avril 1981, chef de cabinet adjoint, puis chef de cabinet du même membre de la Commission, M . Mensching aurait acquis, outre sa formation universitaire, les connaissances et l' expérience requises pour satisfaire à toutes les spécifications de l' avis de vacance, tant en ce qui concerne la nature de l' emploi à pourvoir qu' en ce qui concerne les
qualifications expressément exigées .

En effet, ses attributions en tant qu' assistant du directeur général de la concurrence s' étendraient à tous les aspects de la politique et du droit de la concurrence dans la Communauté et les fonctions exercées dans le cabinet d' un membre de la Commission, outre qu' elle attestent l' aptitude à diriger le personnel, l' obligeaient à être en contact et à suivre tous les aspects de l' activité communautaire, au-delà de certains secteurs spécifiques, conformément aux attributions des membres de la
Commission et à la nature collégiale des responsabilités de la Commission, qui obligent les membres des cabinets de celle-ci à prendre part à l' ensemble des activités de l' institution .

En outre, dans le cabinet de M . Haferkamp, M . Mensching aurait été chargé pendant près de quatre ans, en sa qualité de chef de cabinet adjoint, de la politique de la concurrence ( DG*IV ) et, selon la Commission, ses rapports de notation mentionnent ses activités de conseiller dans tous les secteurs de la politique de la concurrence

entre 1971 et 1981 .

Au cours de l' audience, le requérant a insisté plus particulièrement sur le fait que M . Mensching ne possèderait pas une des qualifications requises, à savoir "la connaissance d' un ou plusieurs des secteurs en question", que sa carrière ne lui aurait pas permis d' acquérir .

Nous ne pensons pas qu' il en soit ainsi .

L' avis de vacance n' exigeait pas une connaissance approfondie ( contrairement à ce qui était le cas pour d' autres exigences ), une connaissance non qualifiée d' un ou plusieurs secteurs intégrés dans la DG*IV étant suffisante .

Dans ces conditions, nous estimons que l' AIPN n' a pas commis d' erreur - a fortiori d' erreur manifeste - en estimant que, compte tenu des fonctions qu' il avait exercées, M . Mensching avait acquis ces connaissances . Le contraire serait étonnant de la part d' un fonctionnaire à propos duquel le requérant lui-même a reconnu qu' il est "un homme extrêmement compétent ".

La Commission signale, du reste, que les rapports de notation de M . Mensching ont été extrêmement élogieux pendant toute sa carrière, ce qui fait ressortir sa compétence et ses qualités de fonctionnaire exceptionnel .

Il est évident que, comme la Commission l' admet dans sa réponse, la carrière de M . Bouteiller, fonctionnaire de la direction générale Concurrence depuis 1959, laisse également à penser que les conditions de l' avis de vacance sont remplies .

Cependant, toujours selon la Commission, les rapports de notation du requérant n' étaient absolument favorables qu' entre 1959 et 1978 .

Dans ces conditions, il appartenait à l' AIPN de faire usage de son pouvoir d' appréciation lors de l' examen des aptitudes des candidats à exercer de nouvelles tâches dans l' intérêt du service .

C' est ce qu' elle a fait dans le cadre de l' avis du comité consultatif des nominations qui avait sélectionné, parmi tous ceux qui s' étaient présentés, cinq candidats de nationalité différente qu' il a jugés les plus aptes à exercer les fonctions en question . Parmi ces candidats figurait M . Mensching, mais non le requérant .

Or, comme la Cour l' a affirmé à plusieurs reprises, "l' appréciation des aptitudes d' un fonctionnaire relève de la compétence de l' administration" ( 1 ), puisque "pour apprécier l' intérêt du service, ainsi que les mérites à prendre en considération dans le cadre d' une décision de promotion *..., l' AIPN dispose d' un large pouvoir d' appréciation" ( 2 ).

Dans ce domaine, le contrôle de la Cour devra "se limiter à la question de savoir si, eu égard aux voies et moyens qui ont pu conduire l' administration à son appréciation, celle-ci s' est tenue dans des limites raisonnables et n' a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée ".

"Plus spécialement, la Cour ne pouvait substituer son appréciation des mérites et qualifications des candidats à celle de l' AIPN lorsqu' aucun élément du dossier ne permet d' affirmer qu' en appréciant les mérites et qualifications des candidats, l' AIPN aurait commis une erreur manifeste" ( 3 ).

Tel est le cas dans la présente affaire . Il n' a pas été démontré qu' en promouvant M . Mensching et non M . Bouteiller ou un quelconque autre candidat, l' AIPN aurait dépassé les limites d' un large pouvoir d' appréciation que la Cour lui reconnaît ou aurait fait une appréciation manifestement erronée des qualifications des candidats .

La Cour a d' ailleur décidé que l' AIPN n' est même pas "tenue de motiver les décisions de promotion à l' égard des candidats non promus, les considérants d' une telle motivation risquant d' être préjudiciables à ceux-ci ou à tout le moins à certains d' entre eux" ( 4 ).

Il est clair que, comme la Cour l' a également affirmé ( 5 ), l' exercice des pouvoirs de l' AIPN suppose "un examen scrupuleux des dossiers et une observation consciencieuse des exigences énoncées à l' avis de vacance ".

Or, il résulte de ce qui précède que la nomination de M . Mensching, compte tenu de son dossier individuel, a intégralement respecté les conditions définies dans l' avis de vacance .

Il convient dès lors, selon nous, de rejeter ce moyen .

2.2 . Selon le requérant, la Commission n' a pas procédé à l' examen comparatif des mérites des candidats et des rapports dont ils ont fait l' objet, violant ainsi les dispositions de l' article 45 du statut .

Les actes de candidature n' auraient pas été examinés par la Commission elle-même, qui se serait seulement basée sur la vérification faite par la direction générale du personnel et de l' administration et sur l' avis du comité consultatif des nominations aux grades A*2 et A*3 .

Or, il ressort du procès-verbal de la réunion de la Commission du 19 décembre 1984 que :

a ) les actes de candidature des intéressés ont été publiés dans le document PERS(84 ) 204;

b ) ils ont été vérifiés par la direction générale du personnel, avec les pièces justificatives figurant dans le dossier individuel des intéressés;

c ) le comité consultatif des nominations a rendu son avis le 17 décembre 1984, la Commission ayant pris acte de cet avis . Il a été pris sur la base d' un examen de l' acte de candidature de chaque fonctionnaire et de son dossier individuel et il a tenu compte de l' opinion du directeur général de la concurrence, entendu par le comité précité;

d ) la Commission a procédé à un examen comparatif des mérites des candidats en tenant compte des caractéristiques de l' emploi à pourvoir et elle a examiné les rapports portant sur la compétence, le rendement et la conduite dans le service de chaque candidat .

Rien ne permet de supposer que les choses ne se sont pas passées ainsi et, en tout état de cause, le requérant n' apporte pas la preuve du contraire, à savoir que la Commission n' a pas effectivement procédé à un examen comparatif des mérites des candidats .

Il faut ajouter que, comme il a été jugé dans l' arrêt du 1er juillet 1976 ( 6 ) dans l' affaire 62/75, en statuant sur les promotions, l' AIPN a "le pouvoir statutaire de faire un choix sur la base d' un examen comparatif des mérites des candidats établi par la méthode que la Commission juge la plus appropriée, ainsi que de leurs rapports de notation ". A cet égard, les éléments d' appréciation sont multiples, puisqu' ils incluent les diplômes obtenus, la compétence et le rendement dans le travail,
ainsi que le niveau général des services qu' ils ont rendus dans l' accomplissement de leurs tâches ( 7 ).

Après avoir procédé à cet examen comparatif - et comme la Cour l' a aussi déjà affirmé ( 8 ) - "lorsqu' un candidat remplit toutes les conditions de l' avis de vacance, l' AIPN peut le préférer à un autre candidat également qualifié, pour des motifs tenant compte de l' intérêt du service, sans que cette nomination constitue un détournement de pouvoir ".

Enfin, ici aussi nous devons souligner le large pouvoir d' appréciation dont les institutions disposent dans le cadre des décisions de promotion prises en vertu de l' article 45 du statut, comme le confirme la jurisprudence citée en ce qui concerne le deuxième moyen, sans que la Cour puisse substituer son appréciation des mérites et qualifications des candidats à celle de l' AIPN, sauf en cas d' erreur manifeste ( 9 ).

Or, du point de vue de l' examen comparatif des candidats aussi, il faut conclure que le dossier ne fait pas apparaître que l' AIPN a commis un excès de pouvoir ni une quelconque erreur d' appréciation justifiant la censure de la Cour .

Dans sa réplique, le requérant exprime encore des doutes quant à la régularité de la composition et du fonctionnement du comité consultatif des nominations aux grades A*2 et A*3; il estime notamment qu' il n' a pas la possibilité de déterminer si la légalité formelle a été respectée et il se demande si le comité précité a ou non respecté l' article 45, paragraphe 1, du statut, "qui attribue à l' AIPN, et à elle seule, la compétence de statuer sur les promotions ".

Il faut rappeler à cet égard que le comité consultatif des nominations a été créé par la décision du 23 juillet 1980, qui a défini sa composition, son fonctionnement et ses pouvoirs .

Il ressort clairement du texte de cette décision qu' il s' agit d' un organe doté de compétences consultatives, composé de membres nommés à titre personnel, destiné à assister la Commission dans l' exercice de ses fonctions d' AIPN des fonctionnaires des grades A*2 et A*3 et dépourvu de tout pouvoir de décision .

Comme la Cour l' a déjà affirmé dans l' arrêt Vaysse ( 10 ), "les décisions de promotion, de mutation et de transfert relèvent de la seule responsabilité de l' autorité investie du pouvoir de nomination . Par conséquent, si celle-ci fait intervenir, de sa propre initiative et sans y être obligée en vertu du statut, au cours de la phase préparatoire de cette décision, une instance consultative, telle que le 'groupe Noël' , elle est libre d' en régler à son gré la composition et les responsabilités ".

En ce qui concerne l' argument que le requérant déduit du fait que la Commission a déclaré dans sa réponse tout ignorer de la note du 1er octobre 1984 qui l' aurait chargé d' exercer par intérim les fonctions de chef de division, la Commission a expliqué à suffisance qu' il ne s' agissait pas d' un intérim au sens de l' article 7, paragraphe 2, du statut - ce qui aurait exigé une décision de l' AIPN, à joindre au dossier individuel en vertu de l' article 26 -, mais simplement d' un remplacement
provisoire du chef de division, en qualité de fonctionnaire le plus ancien dans le grade le plus élevé, jusqu' à la désignation du futur titulaire de l' emploi . Il s' agirait donc d' une mesure d' organisation interne des services de la DG*IV qui est, en principe, d' application automatique en vertu de l' article 26 du règlement intérieur de la Commission, sans que la Commission doive nécessairement en prendre connaissance . L' exercice des fonctions en cause pendant un peu plus de deux mois ne
serait nullement de nature à obliger la Commission à modifier nécessairement son jugement sur les mérites des candidats .

Enfin, nous estimons que le requérant ne peut pas non plus faire grief de ce que la promotion litigieuse soit intervenue le 19 février 1985, date à laquelle la Commission ne disposait pas des rapports de notation les plus récents ( le rapport de notation du requérant pour les années 1983 à 1985 a été établi en février 1986 ).

Selon les informations qu' elle nous a fournies, la Commission disposait au moment de la nomination - tant en ce qui concerne le requérant qu' en ce qui concerne M . Mensching - des derniers rapports de notation relatifs à ces deux fonctionnaires et qui ont été établis en 1984 pour les années 1981 à 1983 . Du reste, le rapport de notation du requérant pour les années 1983 à 1985 s' est borné à confirmer le rapport précédent .

Pour tous ces motifs, il convient, dès lors, de conclure que ce moyen invoqué par le requérant ne saurait pas davantage être retenu .

2.3 . Le requérant invoque à l' appui de sa demande un dernier moyen dont tous les autres font en quelque sorte partie intégrante, comme nous l' avons déjà fait observer . Selon le requérant, la Commission aurait commis un détournement de pouvoir ( et/ou un détournement de procédure ) de manière à donner la préférence à un collaborateur d' un membre de la Commission par rapport à un fonctionnaire qui poursuivait une carrière normale .

Nous examinerons seulement les arguments du requérant que nous n' avons pas encore analysés ni considérés comme dénués de fondement .

Le requérant tire argument de l' extraordinaire précipitation avec laquelle, à son sens, la Commission a pris la décision de nommer M . Mensching . Il allègue que cette circonstance, s' intégrant dans un ensemble de présomptions suffisant à prouver le détournement de pouvoir, résulte du fait que la décision de nommer M . Mensching avait été prise antérieurement .

Or, les éléments du dossier ne nous permettent pas de conclure en ce sens .

La Commission a souligné à l' audience, sans être contredite par le requérant, que le délai normal entre l' envoi des candidatures et la décision de la Commission est de deux à trois semaines . Or, dans la présente affaire, près d' un mois s' est écoulé, ce qui situe la procédure dans le cadre d' un déroulement normal, et ôte toute crédibilité à l' argument tiré de la hâte ou de la précipitation de l' institution .

Du reste, l' emploi en question était de création récente et il n' est pas étonnant que, une fois créé, on se soit préoccupé de le pourvoir .

Dans la réplique, le requérant a invoqué une prétendue volonté de favoriser un fonctionnaire de nationalité allemande, dans le cadre d' équilibres internes que la Commission voudrait préserver . C' est ce que prouverait plus particulièrement l' existence d' un comité consultatif unique pour les grades A*2 et A*3 .

La Commission a expliqué que cela découlait du fait que l' AIPN, à savoir la Commission, était la même pour les deux grades et, en outre, que la nationalité allemande était surreprésentée à la DG*IV, ce qui enlevait toute crédibilité à l' argument relatif à l' équilibre .

A l' audience, le requérant a d' ailleurs cherché à atténuer considérablement la portée de cet argument en soutenant finalement que la nationalité de M . Mensching était dénuée de pertinence pour étayer son recours .

D' autre part, le requérant a aussi admis à l' audience qu' en définitive, la nationalité des commissaires démissionnaires n' était pas décisive pour son argumentation et que l' indépendance des membres de la Commission n' était pas en cause .

L' argument tiré de l' éventuelle discrimination exercée en raison de la nationalité doit donc être rejeté .

A l' appui de l' argument tiré du fait que M . Mensching était membre d' un cabinet, le requérant invoque encore certaines circonstances de caractère général : le prétendu "parachutage" de membres des cabinets des commissaires, les prises de position de certaines organisations syndicales et les questions posées à ce sujet par un député du Parlement européen .

La Commission conteste cet argument en se basant sur la réponse aux questions dudit député, laquelle réponse indique le rapport exact entre les promotions des fonctionnaires des cabinets et le total des promotions qui ont eu lieu au cours du deuxième semestre de 1984 .

En outre, selon la Commission, les prises de position syndicales viseraient à prévenir des abus en matière de réinsertion d' anciens membres des cabinets, particulièrement en ce qui concerne les agents temporaires, et d' organisation de concours individuels; M . Mensching, qui est fonctionnaire titulaire de la Commission depuis le 1er octobre 1973, ne serait pas concerné par de telles situations .

Les arguments du requérant sont donc fondés sur des considérations d' ordre général, qui partent de faits étrangers à l' affaire et ne sont, à notre avis, pas de nature à fonder l' allégation de détournement de pouvoir .

Comme la Cour l' a affirmé ( 11 ), "une décision n' est entâchée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d' indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise pour atteindre des fins autres que celles excipées ".

Il résulte donc de tout ce qui précède que le requérant n' a pas démontré à suffisance que la Commission aurait abusé de son pouvoir discrétionnaire en agissant en fonction d' objectifs illégitimes ou en commettant une erreur manifeste .

Pour ce motif, il ne nous semble pas non plus qu' il faille accueillir l' argument du requérant sur le prétendu détournement de pouvoir qui entacherait la décision de la Commission .

3 . Dans ces conditions, étant donné qu' aucun des moyens invoqués par le requérant ne saurait être accueilli, nous estimons que le présent recours n' est fondé sur aucun élément de preuve, les dépenses devant être supportées par chacune des parties conformément à l' article 70 du règlement de procédure .

(*) Traduit du portugais .

( 1 ) Arrêt du 27 juin 1973 dans l' affaire 35/72, Kley/Commission, Rec . 1973, p.*690, vingt-neuvième attendu .

( 2 ) Voir par exemple l' arrêt du 30 octobre 1974 dans l' affaire 188/73, Grassi/Conseil, Rec . 1974, p.*1109, vingt-sixième attendu; arrêt du 3 décembre 1981 dans l' affaire 280/80, Bakke-D' Aloya/Conseil, Rec . 1981, p.*2887 et suiv ., en particulier la p.*2898, dixième attendu; arrêt du 21 avril 1983 dans l' affaire 282/81, Ragusa/Commission, Rec . 1983, p.*1245 et suiv ., en particulier les p.*1256 et 1257, neuvième et treizième attendus; arrêt du 14 juillet 1983 dans l' affaire 176/82,
Nebe/Commission, Rec . 1983, p.*2475 et suiv ., en particulier la p.*2486, dix-huitième attendu; arrêt du 23 octobre 1986 dans l' affaire 26/85, Vaysse/Commission, Rec . 1986, p.*3131, vingt-sixième et vingt-septième attendus .

( 3 ) Voir l' arrêt du 21 avril 1983 dans l' affaire 282/81, Ragusa/Commission, déjà cité, sommaire et treizième attendu .

( 4 ) Voir l' arrêt Grassi, précité, douzième attendu .

( 5 ) Voir l' arrêt Grassi, précité .

( 6 ) Arrêt du 1er juillet 1976 dans l' affaire 62/75, De Wind/Commission, Rec . 1976, p.*1167, plus particulièrement la p.*1176, dix-septième attendu .

( 7 ) Voir par exemple l' arrêt du 17 mars 1983 dans l' affaire 280/81, Hoffmann/Commission, Rec . 1983, p.*889 et suiv ., plus particulièrement la p.*901, neuvième attendu; arrêt du 24 mars 1983 dans l' affaire 298/81, Colussi/Parlement, Rec . 1983, p.*1131 et suiv ., plus particulièrement la p.*1142, vingt-deuxième attendu; arrêt du 14 juillet 1983 dans l' affaire 9/82, Ohrgaard et Delvaux/Commission, Rec . 1983, p.*2379 et suiv ., plus particulièrement la p.*2390, dix-septième attendu .

( 8 ) Voir par exemple arrêt du 17 décembre 1981 dans l' affaire 151/80, De Hoe/Commission, Rec . 1981, p.*3161, en particulier la p.*3175, seizième attendu .

( 9 ) Voir l' arrêt Ragusa, précité .

( 10 ) Déjà cité, quinzième attendu .

( 11 ) Voir par exemple l' arrêt du 21 juin 1984 dans l' affaire 69/83, Lux/Cour des comptes, Rec . 1984, p.*2447 et suiv ., en particulier la p.*2465, trentième attendu .


Synthèse
Numéro d'arrêt : 324/85
Date de la décision : 10/12/1986
Type de recours : Recours de fonctionnaires - non fondé

Analyses

Fonctionnaire - Annulation d'une nomination.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Yves Bouteiller
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Cruz Vilaça
Rapporteur ?: Everling

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1986:476

Source

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