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08/07/1986 | CJUE | N°226/84

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 8 juillet 1986., British Leyland Public Limited Company contre Commission des Communautés européennes., 08/07/1986, 226/84


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. MARCO DARMON

présentées le 8 juillet 1986

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1.  La British Leyland Public Limited Company (ci-après « BL »), société anonyme de droit britannique, a lancé, en octobre 1980, un nouveau modèle, la « Metro ».


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CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. MARCO DARMON

présentées le 8 juillet 1986

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1.  La British Leyland Public Limited Company (ci-après « BL »), société anonyme de droit britannique, a lancé, en octobre 1980, un nouveau modèle, la « Metro ».

Celle-ci a été commercialisée dans les autres États membres à partir de 1981, à un prix très inférieur à celui pratiqué sur le marché britannique. Cette situation est à l'origine du développement, surtout à partir de la Belgique, de réimportations de modèles « Metro » avec conduite à gauche (ci-après « CAG »), fabriqués par BL pour être commercialisés sur le continent.

BL ne livrant qu'exceptionnellement aux ressortissants britanniques faisant partie du personnel diplomatique ou militaire, en poste dans d'autres États membres, des véhicules avec conduite à droite (ci-après « CAD ») et ayant fermé, en 1981, son usine de montage en Belgique, la réimportation de Metro avec CAG, désormais exclusivement construites au Royaume-Uni et destinées à l'exportation, s'est, en effet, révélée comme un moyen de tirer parti de l'avantage de prix. La rentabilité d'une telle
opération résultait de l'écart existant entre les prix britanniques et continentaux, lié notamment au rythme accru de l'inflation au Royaume-Uni et à la nécessité de tenir compte du niveau moindre des prix sur le continent. Ce différentiel de prix aurait atteint, selon BL, en janvier 1981, près de 45 % pour les véhicules en provenance de Belgique, en sorte que la réimportation restait attrayante même après la « conversion » du véhicule pour la CAD, rendue nécessaire, quoique non obligatoire, en
Grande-Bretagne. A titre d'exemple, précisons que M. Merson, intervenant au principal, a indiqué à la Commission que, pour le modèle Metro, l'avantage était d'environ 1000 UKL, dont il fallait déduire 300 UKL, couvrant le coût de la conversion, et 70 UKL, pour l'importation.

La Commission reproche à BL d'avoir tenté de s'opposer aux importations parallèles ainsi suscitées par les prix différenciés qu'elle pratiquait, en exploitant abusivement la position dominante qu'elle détiendrait dans le cadre de la procédure d'homologation technique des véhicules britanniques. Il convient donc d'exposer les règles nationales applicables en la matière.

2.  En effet, la directive 70/156/CEE du Conseil, du 6 février 1970, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à la réception des véhicules à moteur et de leurs remorques (JO L 42, p. 1), dont l'objectif est d'instaurer la possibilité d'une homologation CEE dans chaque État membre, valable dans toute la Communauté, n'est pas encore opérationnelle, en sorte que ce sont les dispositions prévues à cet effet par chaque État membre qui régissent l'homologation des
véhicules.

En Grande-Bretagne, l'homologation de tout nouveau type ou modèle de véhicule, quelle que soit son origine, s'effectue selon une procédure administrative dont l'objet est d'en garantir la conformité avec différentes normes ayant trait à sa conception, à sa construction ou encore à la protection de l'environnement (National Type Approval, ci-après « NTA »). Les règles en sont fixées par la loi de 1972 sur la circulation routière (Road Traffic Act), telle que modifiée en 1974, et différents
règlements de 1979 sur les véhicules automobiles (homologation des types), figurant dans le Statutory Instrument n° 1092 de 1979 (ci-après «les règlements NTA »). Leur non-respect entraîne l'interdiction de commercialisation et de mise en circulation [articles 62 et 51 (1) de la loi de 1972].

Il existe deux régimes possibles d'homologation. Seul le premier est en cause dans la présente instance, le second, en raison des frais qu'il implique, ne permettant pas, en fait, de tirer parti du différentiel de prix décrit ci-dessus.

a) Le certificat d'homologation des types, « British National Type Approval Certificate » (ci-après « le certificat NTA »), est demandé par un constructeur pour chaque modèle de véhicule qu'il entend commercialiser, ainsi que pour ses variantes, dont des descriptifs particuliers sont annexés au certificat. Les véhicules avec conduite à droite ou avec conduite à gauche sont considérés comme deux versions différentes d'un même modèle.

L'homologation est accordée par le ministère des Transports après examen du modèle, afin de vérifier que celui-ci satisfait aux prescriptions de l'homologation par type, et des centres de production, pour s'assurer que les véhicules à construire seront identiques au modèle homologué [article 47 (4) et 48 (1) de la loi de 1972].

L'homologation obtenue, le constructeur, conformément aux dispositions de l'article 48 (1), sous b), de la loi de 1972, a l'obligation, comme le précise la clause 2 (2) du certificat NTA délivré pour les Metro, de notifier au ministère les « différences de conception, de construction, d'équipement ou de marquage » qu'il entend apporter au modèle homologué, dès lors qu'elles sont envisagées « à une date quelconque après la délivrance du présent certificat ». BL a précisé que les modifications
notifiables sont regroupées annuellement dans de nouveaux descriptifs des versions intéressées. En l'occurrence, ceux-ci devaient être soumis à l'administration le 1er octobre 1981.

Sur la base du certificat NTA pour le modèle, le constructeur se voit déléguer la compétence de délivrer, pour chaque véhicule commercialisé par lui, des « certificates of conformity »{certificats de conformité) attestant qu'il est conforme au type approuvé [article 47 (5) de la loi de 1972].

b) L'autre voie d'homologation possible consiste, pour toute personne, à solliciter un certificat primaire d'homologation ministérielle (Primary Minister's Approval Certificate, ci-après « PMAC »). Des certificats ultérieurs d'approbation ministérielle (« Subsequent Minister's Approval Certificates », ci-après « sub MACS »), sont délivrés au titulaire du PMAC pour tout autre véhicule identique à la version homologuée [article 47 (8) et (11)].

La délivrance du PMAC est coûteuse. En raison des frais d'inspection, elle revient environ à 20000 UKL, sauf si le constructeur fournit toutes les informations nécessaires pour chacune des pièces du véhicule à homologuer, évitant ainsi aux services administratifs du ministère des Transports la vérification technique systématique de sa conformité aux normes britanniques. La coopération du constructeur permet alors d'abaisser à 800 UKL le coût d'obtention d'un PMAC.

Afin d'être complet, il convient de préciser que, par dérogation à l'ensemble de ces dispositions, les personnes qui importent en Grande-Bretagne des véhicules exclusivement pour leur « usage personnel » sont, à certaines conditions, dispensées des formalités précédemment décrites [règlement NTA, n° 3 (2)(e) ].

3.  Compte tenu de ces dispositions, le particulier ou le revendeur qui entend profiter de l'avantage de prix constitué par l'importation d'une Metro avec CAG depuis le continent a, en principe, le choix entre quatre voies d'importation, d'inégal intérêt.

Il peut importer le véhicule à seule fin d'utilisation personnelle. Néanmoins, s'il échappe ainsi aux prescriptions régissant l'homologation de tout véhicule importé, il doit satisfaire à des conditions spécifiques qui délimitent le champ d'application ratione personae de cette exception. En dehors de l'exigence relative à l'objectif exclusif de l'importation, il faut, en effet, que le véhicule ait déjà été acquis et utilisé à l'étranger pour l'usage personnel de son utilisateur et que celui-ci
séjourne pendant au moins douze mois en Grande-Bretagne.

La procédure d'obtention d'un « PMAC » est, même en cas de coopération du constructeur, coûteuse pour un particulier, en sorte que l'avantage de prix escompté serait neutralisé. La même opération pourrait éventuellement s'avérer rentable pour un professionnel, dès lors qu'elle porte sur un nombre suffisant de véhicules et que le constructeur lui fournit toutes informations nécessaires. BL a reconnu à l'audience ne pas communiquer ce type d'informations.

On pourrait également concevoir que, en l'absence de tout certificat NTA pour la version avec CAG, l'importateur sollicite la délivrance d'un certificat de conformité pour un véhicule réimporté, préalablement converti pour la CAD, profitant ainsi de l'homologation de cette version. La requérante a d'ailleurs précisé que, à la différence des autres constructeurs, elle satisferait ce type de demande, sous réserve d'une inspection complète du véhicule. En vérité, l'audience l'a confirmé, cette
procédure dont la légalité est incertaine — un tel véhicule peut-il être considéré conforme « à tous égards ou avec les différences autorisées » au modèle homologué comme l'exige l'article 47, paragraphe 4, de la loi de 1972? — est peu intéressante, le coût supplémentaire de l'inspection réduisant de beaucoup l'avantage du prix continental.

En réalité, il existe une voie plus attrayante, ouverte à tout importateur, qu'il soit particulier ou revendeur d'automobiles: demander la délivrance d'un certificat de conformité pour immatriculer le véhicule avec CAG réimporté.

En effet, BL, en vue du lancement de la Metro, avait, le 17 juillet 1980, sollicité et obtenu du ministère des Transports un certificat NTA unique pour les versions avec CAD et CAG. BL explique l'homologation des versions avec CAG par le souci d'écouler sur le marché britannique les « stocks négatifs » constitués par les Metro destinées à l'exportation mais invendues ou endommagées. Ainsi, il était possible de réimporter en Grande-Bretagne des Metro avec CAG, dès leur commercialisation dans les
autres États membres, début 1981. Concrètement, leur immatriculation et leur mise en circulation supposaient seulement la réalisation préalable de la double condition suivante.

En raison notamment de l'obligation de circuler à gauche, ces véhicules devaient subir nécessairement quatre modifications mineures, touchant l'orientation des phares, l'emplacement du rétroviseur et du feu antibrouillard ainsi que l'indication en miles de la vitesse.

Après vérification de leur réalisation, un certificat de conformité devait être établi et délivré en contrepartie du paiement d'une redevance. Il n'est pas contesté que la conversion ultérieure en CAD, effectuée dans la quasi-totalité des cas, n'affectait en rien la validité de l'attestation de conformité au type homologué.

4.  Dans ces conditions, on peut comprendre que, dès mars 1981, ait commencé à se développer un courant d'importations parallèles, effectuées tant par des particuliers que par des distributeurs non agréés.

Précisément, par la décision attaquée 84/379 du 2 juillet 1984 (JO L 207, du 2. 8. 1984, p. 11), la Commission constate que les particuliers et les revendeurs qui désiraient profiter de la différence de prix entre les Metro avec CAD au Royaume-Uni et les Metro avec CAG importées depuis le continent en ont été empêchés ou dissuadés par BL qui aurait, selon elle, eu recours, à cet effet, à trois moyens différents.

Elle aurait refusé, malgré la validité du certificat NTA pendant cette période, la délivrance de certificats de conformité entre juin 1981 et avril 1982 dans six cas particuliers retenus par la Commission, au nombre desquels figure celui de M. Merson dont la plainte se trouve à l'origine de la procédure et qui est intervenu au principal.

Elle aurait décidé de ne pas faire renouveler, en octobre 1981, le certificat NTA pour la Metro avec CAG.

Elle aurait imposé, en contrepartie de la délivrance du certificat de conformité, une redevance de 150 UKL pour les revendeurs, entre août et avril 1982, et une redevance de 100 UKL pour tout demandeur, depuis le 16 mars 1983, date à laquelle le certificat NTA de la version avec CAG a été renouvelé.

Occupant en Grande-Bretagne, « partie substantielle » du marché commun au sens de l'article 86 CEE, une position dominante sur « le marché de la fourniture d'informations en matière d'homologation (NTA) », BL aurait ainsi, selon la Commission, abusé de son monopole légal au triple point de vue décrit précédemment.

Par son comportement, elle aurait cherché à isoler le marché britannique des Metro avec CAD de la concurrence représentée par les Metro continentales réimportées dont les prix étaient nettement inférieurs.

Eu égard à la gravité de ces agissements commis de « propos délibéré » et à leur durée, la Commission, constatant la violation de l'article 86 CEE, inflige à BL une amende de 350000 Ecus, qui tient compte de son « attitude coopérative » en cours de procédure.

A l'appui de son recours en annulation et, subsidiairement, en réduction de l'amende, BL fait valoir, en substance,

— qu'elle ne détient pas de position dominante sur le marché en cause (I — Position dominante et marché à prendre en considération),

— qu'aucun des trois griefs retenus pour manifester l'abus ne saurait lui être reproché (II — Exploitation abusive),

— que la Commission n'a pas respecté, au cours de la procédure qui l'a conduite à adopter la décision attaquée, son droit à être entendue, a violé le principe de bonne administration et commis un détournement de pouvoir (III — Régularité de la procédure).

I — Position dominante et marché à prendre en considération

5. La Commission affirme dans sa décision que BL, seule à même de faire homologuer les véhicules qu'elle construit et, par le jeu d'une délégation administrative, de faire délivrer le certificat de conformité correspondant, devait être considérée comme détenant une position dominante sur « le marché de la fourniture d'informations en matière d'homologation (NTA), indispensables aux importateurs » en Grande-Bretagne.

Pour contester l'analyse de la Commission et la transposition en l'espèce de votre jurisprudence General Motors, BL fait valoir les arguments suivants.

En premier lieu, la particularité de la présente espèce tiendrait à la possibilité d'importer des véhicules à titre personnel, sans être assujetti aux règles régissant l'homologation. Des statistiques comparatives, relatives aux importations en Grande-Bretagne de véhicules Metro en 1982-1983 et 1983-1984, mettraient en évidence que les immatriculations de cette version auraient été plus nombreuses pendant la période où l'homologation pour les Metro avec CAG faisait défaut qu'après son
rétablissement en mars 1983.

En deuxième lieu, BL soutient qu'on ne saurait assimiler à un « marché » la délivrance des certificats de conformité. S'agissant d'une fonction de droit public imposée par le législateur, sa compatibilité avec le droit communautaire devrait faire l'objet d'une appréciation au regard des dispositions de l'article 30 CEE, en sorte qu'une procédure dirigée contre le Royaume-Uni eût été mieux adaptée. Il serait en tout cas artificiel de dissocier, comme le fait la Commission, la décision de délivrer
les certificats de conformité et la politique commerciale de BL en matière d'offre de véhicules. N'ayant aucune position dominante sur le marché automobile, BL serait libre, en effet, sans violer l'article 86 CEE, de refuser d'exporter tel modèle ou de l'homologuer en Grande-Bretagne. Par le biais d'une fonction administrative imposée à BL, la Commission chercherait, en réalité, à modifier la politique de celle-ci sur le marché automobile en l'obligeant à prendre une décision contraire à son
intérêt commercial.

En troisième lieu, la requérante soutient n'occuper aucune position dominante vis-à-vis des importateurs professionnels, dès lors que ceux-ci n'ont eu que l'intention d'effectuer des importations. Ils ne pourraient, en effet, être considérés comme économiquement tributaires de BL qu'une fois l'importation effectuée, la fourniture d'informations leur étant alors indispensable pour la mise en circulation des véhicules.

6. Aucun de ces arguments ne peut être retenu, la position dominante de la requérante ne faisant aucun doute.

Ainsi que vous l'avez rappelé dans votre arrêt 311/84 CBEM du 3 octobre 1985

« la position dominante au sens de l'article 86 se caractérise par une situation de puissance économique détenue par une entreprise, qui donne à celle-ci le pouvoir de faire obstacle au maintien d'une concurrence effective sur le marché en cause en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et, finalement, des consommateurs ».

Vous ajoutiez, en vous référant notamment à votre décision 26/75, General Motors (Rec. p. 1367), que

« le fait que l'absence de concurrence ou la limitation de celle-ci sur le marché en cause est créée ou favorisée par des dispositions législatives ou réglementaires n'exclut nullement l'application de l'article 86... » (311/84, point 16).

Les considérations développées dans votre arrêt General Motors, à propos de la position conférée à une entreprise par une législation tout à fait comparable à celle en cause, sont transposables à la situation d'espèce.

Vous y examiniez, en effet, le cas de General Motors, mandataire unique en Belgique du constructeur, qui s'était vu déléguer par l'État belge la fonction d'assurer, en contrepartie d'une redevance fixée librement, le contrôle de conformité des véhicules neufs au modèle homologué par l'administration intéressée.

Considérant qu'il s'agissait là, « par nature, (d') une fonction de droit public déléguée par l'État belge », confiée « exclusivement au constructeur ou à son mandataire unique ... », vous en déduisiez que

« cette exclusivité légale, combinée avec la liberté, pour le constructeur ou le mandataire unique, de déterminer le prix de sa prestation entraîne ... la constitution d'une position dominante au sens de l'article 86, le contrôle de conformité ne pouvant être exécuté, sur le territoire belge, pour une marque donnée, que par le constructeur ou le mandataire officiellement désigné, aux conditions fixées unilatéralement par lui » (26/75, précité, points 7 et 9).

Or, il n'est pas contesté, dans la présente instance, que les redevances sont déterminées librement par chaque fabricant. Les chiffres, présentés aussi bien par la requérante que par la Commission et l'intervenant, sont à cet égard significatifs tant ils varient d'un constructeur à l'autre. Quant au code de bonne conduite (« Code of Practice »), établi en 1983 par l'association des constructeurs et distributeurs de voitures (SMMT) et le ministère britannique des Transports pour discipliner la
procédure de délivrance des certificats de conformité, il ne porte pas atteinte à cette liberté.

Par ailleurs, il est indéniable que les dispositions de l'article 47, paragraphe 5, de la loi de 1972 confèrent aux constructeurs britanniques le droit de certifier la conformité de tout véhicule de leur marque au modèle pour lequel ils ont demandé et obtenu, au préalable, un certificat NTA. Étant donné le caractère hypothétique de la procédure des PMAC et marginal des importations à titre personnel, BL maîtrisait donc tant l'initiative de l'homologation des nouveaux modèles qu'elle construit que
la certification des véhicules qu'elle commercialise. Il est vrai qu'aucun fabricant ne prendra le risque commercial de ne pas demander l'homologation d'une version CAD pour le Royaume-Uni et CAG pour le continent. Cependant, la situation d'espèce démontre que la liberté de demander ou non l'homologation pour telle ou telle version peut venir renforcer la position privilégiée du fabricant dans le processus de délivrance du certificat de conformité des véhicules avec CAG.

La compétence administrative déléguée à BL revient donc à lui conférer une position clé à l'égard de tout importateur, notamment des revendeurs n'appartenant pas à son réseau de distribution, dès lors qu'elle est, en fait sinon en droit, seule à même de prester utilement ce service qui conditionne la mise en circulation du véhicule. La délivrance par BL du certificat de conformité et le paiement de la redevance y afférent constituent, pour tout importateur, un point de passage obligé. BL jouit
donc, vis-à-vis de tout importateur, de cette « autonomie stratégique », caractéristique de la position dominante.

Les arguments tirés, d'une part, du maintien d'un courant d'importations parallèles, d'autre part, de l'absence de dépendance des importateurs potentiels concernent l'appréciation à porter sur le comportement anticoncurrentiel reproché. Ils relèvent, par conséquent, de l'analyse de l'abus, la position dominante de BL résultant des seules dispositions légales britanniques.

Quant au marché en cause, il est constitué par les prestations de service nécessaires à l'immatriculation des véhicules, demandées par des revendeurs professionnels et des personnes privées, et non par le marché automobile, comme semble vouloir le suggérer BL. Il va de soi que le comportement « administratif » de BL, tel que décrit par la Commission dans sa décision, interagit nécessairement avec sa politique commerciale. Comme le relevait l'avocat général Mayras dans ses conclusions dans
l'affaire General Motors,

« C'est... bien sur ce marché de services que la politique des tarifs adoptée par les entreprises peut avoir une incidence sur la concurrence, non pas ‘inter-brand’ entre marques différentes d'automobiles, mais sur la concurrence ‘intra-brand’, c'est-à-dire sur le marché de la vente des véhicules produits par le constructeur... » (26/75, précité, p. 1385).

Cette constatation vaut évidemment a fortiori pour la politique consistant pour une entreprise à ne pas renouveler le certificat NTA d'une version avec CAG, préalablement homologuée, ou à refuser, pour celle-ci, de délivrer les certificats de conformité correspondants.

Il ne s'agit pas pour autant de porter une appréciation sur la politique commerciale de la requérante sur le marché de la vente ou du prix de ses véhicules, mais uniquement de rechercher si, par son comportement sur le marché de la fourniture des certificats de conformité, elle a exploité abusivement la position dominante qui lui est légalement conférée par l'État britannique, de façon à se protéger de la concurrence intra-brand des Metro réimportées. U faut donc clairement dissocier la position
de BL sur le marché de l'automobile et celle qui lui est légalement conférée dans le cadre du processus d'homologation et d'immatriculation. Relevons, au demeurant, avec la Commission, que les particuliers ou revendeurs/importateurs professionnels n'entrent en contact avec BL qu'en raison du monopole légal à elle conféré: la relation qui s'instaure n'a pas pour objet l'achat à BL d'un véhicule, mais la fourniture par elle d'un service d'une nature spécifique qu'elle est seule à même de prester et
qui, en règle générale, doit être sollicité par tout importateur, à peine de ne pouvoir mettre son véhicule en circulation.

BL doit, par conséquent, être considérée comme détenant une position dominante sur le marché constitué par le service de la délivrance des certificats de conformité en question.

Seul constructeur ayant demandé l'homologation britannique pour ses modèles avec CAG, elle avait donc une triple possibilité d'agir contre la concurrence résultant des importations parallèles de Metro continentales: jouer sur le prix du service rendu, refuser de prester ce service ou encore, remontant à la source de cette compétence administrative déléguée, la tarir en laissant expirer l'homologation. C'est précisément le recours à ces trois possibilités qui serait, selon la Commission,
constitutif d'une exploitation abusive de sa position dominante.

II — Exploitation abusive

7. Nous envisagerons successivement les moyens présentés par BL pour rejeter les trois griefs constitutifs, selon la Commission, de l'exploitation abusive de position dominante.

Premier grief: suspension de l'homologation des Metro avec CAG

8. Le 1er octobre 1981, soit un an après le lancement officiel de la Metro, BL aurait dû notifier l'ensemble des modifications apportées aux versions initialement homologuées. Or, les nouveaux descriptifs communiqués n'ont porté que sur les versions avec CAD. En conséquence, comme l'a précisé la représentation permanente du Royaume-Uni auprès des Communautés européennes par une lettre du 19 juillet 1985, si l'homologation des versions avec CAG n'était pas virtuellement expirée, le fabricant ne
pouvait cependant plus délivrer les certificats de conformité pour les Metro CAG réimportées, intégrant les modifications non notifiées.

Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que, par ce moyen, BL aurait cherché à empêcher les réimportations concurrentielles de véhicules de sa propre marque, exploitant ainsi abusivement le monopole légal à elle conféré. Contre cette appréciation, la requérante a présenté trois ordres de moyens.

1) BL était libre de décider le renouvellement ou le retrait de l'homologation des Metro avec CAG.

9. Selon elle, tout fabricant serait libre, en effet, de ne pas commercialiser au Royaume-Uni, eu égard à la spécificité des règles de circulation dans cet Etat membre, un modèle avec CAG qui est normalement destiné à l'exportation. En effet, si l'abus de position dominante consiste pour une entreprise à déjouer les règles normales de concurrence, ces dernières commandent précisément de ne pas maintenir une homologation des CAG dans un État membre où l'on roule à gauche.

Libre de ne pas solliciter l'homologation, BL était libre de ne pas la renouveler. Le parallélisme entre liberté de commercialisation et d'homologation ne permettrait pas de contraindre indéfiniment BL à maintenir l'homologation des versions Metro avec CAG et donc l'obligation commerciale de les fournir à la vente, sur un marché automobile où il n'est pas contesté qu'elle ne détient pas une position dominante.

De manière plus générale, BL soutient qu'une telle solution serait discriminatoire. BL serait, en effet, le seul constructeur britannique tenu de continuer à délivrer des certificats de conformité pour les versions avec CAG. BL serait également le seul à avoir fait l'objet de poursuites, alors que sa décision ne serait pas plus grave que celle, prise par les autres constructeurs, de ne pas homologuer.

2) La décision de non-renouvellement n'a guère eu d'effet sur les importations parallèles.

10. Les statistiques déjà citées révéleraient la persistance d'un courant d'échanges plus fort lorsqu'il n'existait aucune homologation qu'après son rétablissement. Selon BL, la possibilité offerte par les importations personnelles aurait, en effet, permis de pallier l'absence d'homologation.

Par ailleurs, seuls des revendeurs/importateurs professionnels potentiels auraient été concernés par cette mesure et non des clients de longue date. Au demeurant, ainsi qu'elle l'a souligné à l'audience, elle n'aurait pu tromper leur attente, vu le laps de temps très bref séparant le lancement de la Metro au Royaume-Uni et sur le continent. A cet égard, il n'y aurait dès lors pas lieu de distinguer, l'effet étant le même, entre la décision de ne pas homologuer et celle de ne pas renouveler une
homologation préalable.

3) Enfin, elle serait objectivement justifiée.

11. Le maintien d'un certificat NTA ne se serait plus imposé pour des raisons commerciales. Les stocks, constitués de Metro avec CAG invendues ou endommagées, auraient, en effet, été réduits à des quantités négligeables. Par ailleurs, la décision de BL s'inscrirait dans la politique de compression des coûts, destinée à redresser sa situation.

Le non-renouvellement de l'homologation aurait eu pour objet de préserver le système de distribution sélective de BL. En ce sens, BL aurait été en droit, sauf à mettre en péril l'existence même de son système, de ne pas prêter assistance aux revendeurs britanniques non agréés, c'est-à-dire étrangers à son réseau.

Comme le démontreraient de nombreux exemples de malfaçons, ces derniers ne seraient pas en mesure de fournir un service de qualité, faute d'installations ou de qualifications appropriées, indispensables en vue de la conversion qui toucherait des équipements critiques, tels la direction et les freins. Les opérations de conversion pouvant être exécutées après la délivrance du certificat de conformité, sans en affecter la validité, la sécurité des utilisateurs et le renom commercial de la marque
imposaient à BL de prendre la décision critiquée.

Enfin, se plaçant sur un plan plus général, la requérante a estimé que, en lui imposant le maintien du certificat NTA pour les véhicules avec CAG, la décision de la Commission violerait, compte tenu de la nécessité de protéger le système de distribution sélective et des larges possibilités d'importations à titre personnel, le principe de proportionnalité.

12. Il apparaît nécessaire, avant d'entrer dans le mérite des arguments ainsi développés, de lever une ambiguïté quant à la délimitation du comportement reproché par la Commission.

Contrairement à ce que laisse entendre la requérante, l'appréciation portée par la Commission ne peut, en tant que telle, être considérée comme portant atteinte à sa liberté commerciale sur le marché automobile. En particulier, elle ne la contraint pas à commercialiser elle-même au Royaume-Uni des véhicules avec CAG. Il ne s'agit, par ailleurs, nullement de préjuger en l'espèce de l'appréciation à porter sur une décision de ne pas homologuer, qui pourrait être fondée sur la volonté de se
protéger d'importations parallèles effectuées, par exemple, sous couvert d'usage personnel, ou encore sur un éventuel refus du constructeur, pour les mêmes raisons, de fournir des informations, permettant de diminuer substantiellement le coût de la procédure d'obtention d'un PMAC. De tels comportements ne sont pas visés par la décision attaquée.

Ce qui est en cause, c'est la décision prise par BL de ne pas avoir maintenu, en octobre 1981, l'homologation nationale de la version CAG de la Metro, qu'elle avait antérieurement demandée et obtenue. Le problème posé est donc de déterminer si BL a exploité son monopole légal pour se protéger, en bloquant leur immatriculation en Grande-Bretagne, des importations parallèles de Metro avec CAG dont les prix concurrençaient ceux des Metro britanniques.

La réponse nous paraît devoir être positive. Comme l'a relevé la Commission, la succession chronologique de certains faits est, à cet égard, éclairante. Ainsi que cela résulte de leurs procès-verbaux, la décision de non-renouvellement s'intercale entre deux réunions du conseil des distributeurs de BL. Lors de la première, tenue le 16 juillet 1981, le cas des « voitures achetées à des prix pratiqués en Europe continentale avec le but avoué de réimporter » est évoqué. A la seconde réunion, le 4
novembre 1981, la décision est annoncée comme un moyen de mettre un terme notamment à « ľ‘échappatoire’ que constitue l'importation à titre personnel », puisque « les voitures à conduite à gauche, non visées par les exceptions pour les importations à titre personnel, ne pouvaient... plus légalement être immatriculées ».

Relevons au passage qu'une telle mesure risquait d'avoir l'effet inverse en suscitant, comme pourraient éventuellement le manifester les statistiques invoquées par la requérante, des importations fictivement personnelles. Ajoutons que, pour les contrecarrer, BL aurait pu se borner à provoquer, comme elle l'a d'ailleurs envisagé, l'intervention des autorités britanniques.

Ainsi replacé dans son contexte factuel, le non-renouvellement du certificat NTA apparaît bien comme une réponse aux inquiétudes manifestées par les distributeurs agréés de la requérante. Celle-ci a d'ailleurs reconnu que la pression exercée par les membres de son réseau l'avait conduite à réexaminer la justification commerciale de l'homologation.

Issue des deux réunions précitées, la décision de non-renouvellement avait donc bien pour cible les importations commerciales parallèles.

13. La chronologie des événements révèle donc, de façon significative, le caractère restrictif de la concurrence de la mesure adoptée. Les explications avancées par BL, pour en justifier l'adoption ou en minimiser l'effet sur les réimportations, n'apparaissent pas de nature à modifier cette appréciation.

— Les motifs tirés de l'inutilité commerciale du maintien de l'homologation ne sont pas étayés par des preuves concrètes, telles que des statistiques relatives à l'évolution des stocks « négatifs » ou à la compression des coûts. En particulier, BL n'explique ni comment elle a pu réduire les stocks « négatifs » dans le délai séparant le lancement de la Metro avec CAG et le mois d'octobre 1981 ni en quoi la suppression de l'homologation entraînait une réduction des coûts, alors que les
modifications notifiables sont substantiellement identiques, quelle que soit la version, CAD ou CAG, ainsi qu'elle l'a elle-même précisé, en réponse à l'une de vos questions, à propos du rétablissement de l'homologation en mars 1983.

— En ce qui concerne la nécessité pour BL de protéger son système de distribution sélective et, par ricochet, la sécurité des utilisateurs ainsi que le renom de la marque, il y a lieu de faire les observations suivantes.

La protection d'un réseau de distribution ne saurait justifier une mesure, fondée sur la manipulation de son monopole légal qui, en isolant le marché britannique par rapport au continent, réduit les possibilités d'achat des consommateurs britanniques en contrecarrant les possibilités d'importations des revendeurs non agréés, que BL avait elle-même suscitées par sa décision initiale d'homologation. Dans sa « communication » relative au règlement (CEE) n° 123/85, du 12 décembre 1984, relatif à
l'exemption par catégorie d'accords de distribution de véhicules automobiles (JO L 15 du 18.1.1985, p. 16), la Commission a ainsi qualifié d'« empêchements abusifs » les mesures unilatérales des constructeurs restreignant

« les possibilités d'achat de l'utilisateur final européen »,

telles que

« le refus ... de collaborer à l'immatriculation des véhicules que des utilisateurs finals européens ont importés d'autres États membres » (communication de la Commission concernant son règlement (CEE) n° 123/85, JO C 17 du 18.1.1985, p. 4, point I, sous 2).

Dans le même sens, vous avez rejeté, par votre arrêt Ford du 17 septembre 1985, les recours dirigés contre la décision par laquelle la Commission avait considéré comme contraire à l'article 85 CEE la mesure unilatérale prise par la société, représentant en Allemagne cette firme, de cesser la livraison des voitures avec CAD à ses propres concessionnaires

« afin de protéger, dans le cadre du groupe Ford, la position de Ford Britain et des distributeurs britanniques »,

dans la mesure où, précisait la Commission,

« les systèmes de distribution dans la Communauté ne sauraient avoir pour effet d'isoler délibérément une partie substantielle de la Communauté du reste de celle-ci » (25 et 26/84, point 41).

Quant aux problèmes liés à la sécurité des utilisateurs, donc au renom de la marque, la solution ne saurait être que législative. A supposer qu'il existe une faille dans le système d'homologation britannique — absence du droit, comme cela paraît être le cas, pour un constructeur ou toute autorité désignée à cet effet de contrôler la bonne exécution d'une conversion après délivrance du certificat de conformité —, le remède doit être recherché dans l'adoption des dispositions législatives ou
réglementaires appropriées, non dans une mesure qui revient, en faussant la concurrence normale par les prix des véhicules réimportés, elle-même suscitée par la décision initiale de BL, à priver les revendeurs et donc les particuliers d'une possibilité d'achat à meilleur prix. Relevons, au surplus, que les cas de malfaçons présentés par la requérante, constatés pendant la période postérieure au rétablissement de l'homologation, ne peuvent évidemment justifier la décision d'octobre 1981.

— BL a également cherché à démontrer que le non-renouvellement de l'homologation était resté sans portée appréciable. Les statistiques présentées à cet effet ne sont pas déterminantes. Elles ne permettent pas d'évaluer le niveau d'importations qui aurait pu être atteint à défaut de la décision en cause. Il eût été, à cet égard, plus significatif de présenter les chiffres relatifs aux réimportations au cours de la période antérieure au non-renouvellement de l'homologation, dans la mesure où cela
aurait permis d'apprécier le rythme d'augmentation. Mais surtout, ainsi que la Commission l'a relevé, la comparaison qui en résulte est peu probante, faute d'une ventilation entre importations personnelles et commerciales qui aurait permis de constater que les premières relayaient les secondes, une fois l'homologation expirée. Il reste, si tel avait été le cas, qu'une telle évolution aurait pu trouver son origine dans une violation des règles britanniques applicables, les importateurs
professionnels ayant été contraints — tel M. Merson — de recourir à l'expédient d'importations sous couvert d'usage personnel.

— S'agissant de la distinction entre clients habituels et potentiels, elle ne nous paraît pas affecter l'appréciation portée sur le comportement de la requérante.

Les uns comme les autres, tributaires de BL pour la mise en circulation de leurs véhicules, se sont, en fait, vu priver d'une possibilité de concurrence effective par les prix. Comme l'a relevé à juste titre la Commission, la requérante a, en effet, trompé des attentes qu'elle avait elle-même suscitées en créant d'abord une situation de droit, l'homologation des CAG, qui a déclenché un état de fait, le développement des réimportations.

Il est clair qu'on ne peut donc mettre sur le même plan la décision de ne pas faire homologuer et celle de ne pas maintenir l'homologation une fois celle-ci obtenue.

Cette seconde mesure, en tarissant la délivrance des certificats de conformité, plaçait tous les importateurs, aussi bien ceux qui, comme l'intervenant au principal, entendaient immatriculer un véhicule déjà importé que ceux qui se préparaient à effectuer de telles importations, devant un fait accompli, mettant leur projet à néant. Certes, la période de validité de l'homologation a été courte, mais elle ne l'a pas été assez pour empêcher l'apparition et plus encore le développement d'un courant
d'importations parallèles, comme en témoignent non seulement les six cas relevés par la Commission, sur lesquels nous reviendrons, mais encore la pression exercée sur BL par ses revendeurs agréés.

— Le moyen tiré de la discrimination est dépourvu de fondement, la situation de BL n'étant pas comparable à celle des autres constructeurs. Elle est le seul constructeur britannique actuellement poursuivi. Elle est également le seul à avoir homologué un modèle avec CAG. Elle doit, dès lors, assumer pour l'avenir les conséquences d'une situation qu'elle a elle-même créée.

— En ce qui concerne enfin le moyen tiré de la violation du principe de proportionnalité, il y a lieu de préciser que l'exception constituée par les importations personnelles ne saurait, nous l'avons déjà relevé, constituer une alternative suffisante au défaut d'homologation. La Commission souligne avec raison les conditions restrictives qui font de cette possibilité une voie exceptionnelle d'importation, dispensée des contraintes d'homologation. Au regard de ces conditions, les utilisateurs qui
désirent profiter du différentiel de prix, préféreront, pour des raisons de commodité, s'adresser à un revendeur d'automobiles auprès duquel ils pourront acquérir directement un véhicule dont la conformité a déjà été certifiée et qui aura déjà été converti pour la CAD.

Deuxième grief: refits de délivrer des certificats de conformité

14. Dans sa décision, la Commission observe que l'homologation des Metro avec CAG n'expirait pas le 1er octobre 1981, mais le 1er avril 1982. Or, BL aurait refusé de donner suite à des demandes présentées entre juin 1981 et avril 1982. La Commission s'appuie, à cet égard, sur la correspondance échangée entre BL et six revendeurs et particuliers.

La requérante conteste l'appréciation ainsi portée sur l'application dans le temps de l'expiration de l'homologation et sur son comportement à l'égard des six demandes individuelles qui lui ont été adressées.

15. S'agissant de la portée ratione temporis de l'homologation, BL observe que les dispositions législatives et réglementaires régissant le processus d'établissement du certificat NTA de la Metro avec CAG impliquent la caducité de ce dernier dès le moment où cessent d'être notifiées à l'administration les modifications dont la déclaration est obligatoire. Dans le cas présent, aucune modification relative à la version avec CAG n'ayant pas été notifiée après le 24 septembre 1981, l'homologation de
cette version était censée expirer le 1er octobre 1981. Il n'y aurait donc aucun « délai de grâce » de six mois.

Pour sa part, la Commission soutient qu'il importe peu qu'en droit britannique, à défaut pour le constructeur de notifier les modifications dont la déclaration est obligatoire, l'homologation soit immédiatement caduque ou qu'il existe un « délai de grâce » de six mois, dès lors que BL était convaincue que les demandes de certificats de conformité pouvaient être encore satisfaites jusqu'au 1er avril 1982.

16. Quant aux six cas manifestant, selon la Commission, le refus par BL de délivrer ces certificats, la requérante, afin d'expliquer son attitude, fait valoir, en substance, les arguments suivants.

En ce qui concerne les firmes Auto-Europa et International Cars RHD Ltd, qui lui demandaient communication du numéro d'homologation du modèle Metro avec CAG, BL aurait, dans ses lettres des 18 et 23 juin 1981, répondu que la délivrance d'un certificat de conformité était le préalable nécessaire pour l'immatriculation de tout véhicule réimporté, celui-ci n'ayant encore fait, dès lors qu'il était destiné à l'exportation, l'objet d'aucun certificat de ce type.

Dans le cas de Mme Fox, qui l'interrogeait sur le problème de savoir s'il existait pour les modèles Metro exportés dans d'autres États membres un certificat d'homologation nationale, BL admet que, dans sa lettre du 11 août 1981, elle n'a pas attiré son attention sur la possibilité de lui délivrer un certificat de conformité, que, contrairement à ce qu'elle avait affirmé, la garantie restait acquise en cas de conversion bien exécutée et que cette dernière n'entachait pas la validité de
l'homologation du modèle. Elle relève néanmoins que Mme Fox, qui se serait présentée comme un importateur à titre personnel, aurait pu recourir, comme BL l'a indiqué dans sa réponse, à une importation à fin d'usage personnel.

BL aurait, en outre, refusé de communiquer à Royal Cars AMS Autos Ltd, dans sa lettre du 16 novembre 1981, les informations nécessaires à l'obtention d'un PMAC. Cependant, les conditions de délivrance des PMAC ne feraient pas l'objet de la décision attaquée.

Le refus opposé à M. Merson, le 17 novembre 1981, de certifier la conformité d'une Metro avec CAG dont le numéro de châssis lui était indiqué, aurait été fondé sur la caducité du certificat NTA. BL admet cependant qu'il aurait dû être délivré, ayant constaté, au vu du numéro de châssis, que le véhicule en cause avait été construit avant le 1er octobre 1981.

Enfin, en réponse à M. Doyle, BL aurait déclaré, le 12 janvier 1982, que les trois véhicules « Mini » dont il avait communiqué le numéro de châssis ne pouvaient être homologués, ayant été construits postérieurement à l'expiration de l'homologation du modèle.

17. A la lumière du dossier, l'appréciation portée par la Commission dans sa décision, sur le caractère abusif du refus de délivrer des certificats de conformité, doit, en substance, être accueillie, quoique corrigée quant à la portée dans le temps de l'infraction reprochée.

Sur l'effet ratione temporis du défaut de notification au 1er octobre 1981 des modifications apportées aux versions avec CAG de la Metro, nous ferons les observations suivantes.

Ainsi qu'il ressort de la lettre du 19 juillet 1985 de la représentation permanente du Royaume-Uni auprès des Communautés européennes, en cas de notifications des modifications, l'ancien numéro d'homologation des modèles initiaux reste valable pour une durée de six mois. Il n'existe, ni en droit ni en pratique, de « délai de grâce » en l'absence de communication des modifications notifiables. La caducité de l'homologation de la Metro avec CAG suivait donc immédiatement la date limite de
notification des modifications, soit le 1er octobre 1981, en sorte qu'aucun certificat de conformité au modèle initial ne pouvait plus être délivré pour les nouvelles Metro, destinées à l'exportation, intégrant les modifications non notifiées.

Cette précision apportée, doit-on suivre la Commission sur le terrain de la conviction « de facto » qu'elle prête à BL quant à l'existence de ce « délai de grâce »? Nous ne le croyons pas.

On ne peut, en effet, reprocher à la fois à BL, pour une même période, d'avoir omis de faire renouveler un certificat NTA périmé et d'avoir cru, par erreur, qu'il demeurait en vigueur. En tout état de cause, et quelle que soit l'appréciation à porter à cet égard, il faut relever que la Commission, comme l'a souligné à juste titre la requérante, s'est exclusivement fondée dans la décision attaquée sur l'existence du « délai de grâce » et non sur une quelconque conviction de BL. La durée de la
seconde infraction ne s'étend donc pas au-delà du 1er octobre 1981, sauf à ce que les demandes postérieures présentées aient porté sur des Metro avec CAG construites avant cette date.

C'est dans ces limites de temps qu'il convient d'examiner les six cas particuliers dans lesquels, selon la Commission, la requérante aurait refusé son assistance.

18. C'est la communication du numéro de châssis du véhicule importé qui permet au constructeur de l'identifier, pour en déterminer la date et la version originelle — CAG ou CAD — de fabrication. A partir de là, il est à même d'en certifier la conformité au type homologué. Tout certificat de conformité comporte donc d'une part, le numéro de châssis du véhicule importé, d'autre part, le numéro d'homologation du certificat NTA du modèle homologué auquel il est conforme. Dès lors, toute demande de
délivrance, relative à une Metro que son numéro de châssis permettrait d'identifier comme une version avec CAG construite avant le 1er octobre 1981, devait, quel que soit le moment de son introduction, être honorée par BL, sous la simple réserve de la constatation, par ses soins ou l'un de ses distributeurs agréés, de la réalisation des quatre modifications de base déjà mentionnées.

Qu'en a-t-il été en fait? Des six cas envisagés, nous ne retiendrons que les cinq premiers. En effet, la demande de M. Doyle ne porte pas sur les véhicules Metro mis en cause par la présente instance. Par ailleurs, BL a correctement indiqué le processus à suivre par le demandeur et refusé logiquement, dans un premier temps, la délivrance d'un certificat pour des véhicules construits après expiration de l'homologation du modèle.

Pour ce qui est des quatre premières demandes, l'attitude de BL peut s'analyser comme une rétention d'informations.

BL répond, en effet, à Auto-Europa et International Cars RHD Ltd de telle manière qu'elle rend incertaine la possibilité même de l'existence d'une homologation de la version CAG de la Metro, alors pourtant en vigueur. A la première de ces firmes, elle fait valoir que la charge de travail administratif résultant de la demande suppose que lui soient précisées « de manière exhaustive les caractéristiques de chaque véhicule afin de faciliter la certification... ». A la seconde, BL n'indique pas la
marche à suivre pour les Metro continentales que l'intéressé déclarait vouloir réimporter, précisant seulement qu'un certificat de conformité doit être délivré. La lettre adressée à AMS Autos Ltd est encore plus succincte, ne faisant même pas allusion à l'hypothèse d'un certificat de conformité, BL considérant « inopportun de prendre en considération (la) demande de renseignements », concernant l'importation de Metro continentales.

La réponse à Mme Fox est tout aussi dissuasive. Envisageant d'acquérir une Metro avec CAG sur le continent, celle-ci demandait à BL s'il existait un certificat d'homologation national pour les véhicules qu'elle y exporte. BL n'éclaire nullement la demanderesse, renvoyant seulement à l'existence d'un tel certificat dans chaque État membre d'exportation. Mais surtout, BL souligne que, en cas de conversion d'un véhicule avec CAG en CAD, la garantie n'est plus assurée et « l'homologation du modèle
devient caduque », sans plus de précision.

Certes, BL a invoqué la réputation douteuse de deux des revendeurs et, s'agissant de Mme Fox, admis s'être trompée, ce qui l'a conduite à lui préciser qu'en fonction du numéro de châssis elle serait en mesure de lui délivrer un certificat de conformité. Il n'en reste pas moins que chacune de ses réponses manifeste, sans ambiguïté, sa réticence à prêter assistance aux intéressés, alors que, le cas à peine cité de Mme Fox en est l'exemple, la réponse type est, à l'image de la procédure elle-même,
d'une extrême simplicité.

A cette rétention d'informations consécutive à des demandes de renseignements, il faut ajouter le refus de délivrer à M. Merson un certificat de conformité pour une Metro avec CAG dont il avait pourtant communiqué le numéro de châssis, alors que la certification avait été acceptée pour un autre véhicule dont le numéro d'identification était également précisé. Or, il ne fait aucun doute que BL ne pouvait ignorer, par le biais de ce numéro, que cette demande, bien que présentée postérieurement au
1er octobre 1981, portait sur un véhicule construit avant cette date, comme le révèle d'ailleurs la tentative de rectification intervenue par la suite.

En définitive, il ressort de l'examen de la correspondance échangée dans les cinq cas retenus que BL a manifestement entendu dissuader les réimportations. S'agissant, aussi bien pour International Cars RHD Ltd, Royal Cars AMS et Merson, de revendeurs d'automobiles dont BL n'ignorait pas l'intention de procéder à des importations parallèles, ce comportement doit s'analyser, au même titre que la décision de ne pas renouveler le certificat NTA, comme une manifestation supplémentaire de
l'exploitation abusive de sa position administrative dominante. Rappelons néanmoins que, contrairement à la Commission, nous estimons que l'infraction ne s'est pas poursuivie jusqu'en avril 1982, mais seulement jusqu'au 17 novembre 1981, date de la lettre de refus adressée à M. Merson.

Troisième grief: redevances excessives

19. Dans la décision attaquée, la Commission établit un lien de causalité entre les pressions exercées sur BL par ses distributeurs agréés et la fixation à 150 UKL, en juillet 1981, de la redevance imposée aux revendeurs en contrepartie de la certification de la conformité au modèle des versions avec CAG. En effet, ce montant, six fois plus élevé que celui de 25 UKL réclamé jusque-là et encore exigé pour la certification des versions CAD, serait excessif, le travail administratif requis étant
toujours le même. La réduction de cette redevance à 100 UKL, rendue effective lors du rétablissement de l'homologation le 16 mars 1983, se serait faite apparemment au détriment des particuliers qui payaient auparavant celle de 25 UKL.

Ces redevances dépasseraient l'une et l'autre le montant considéré par la Cour comme raisonnable dans son arrêt General Motors. Compte tenu de la difficulté de se procurer des versions CAD ou de recourir à la procédure du PMAC, elles pénaliseraient les importations parallèles.

20. Avant d'envisager les moyens développés par la requérante, il importe, pour en clarifier l'examen, de déterminer les différents types de redevances par elle appliqués.

BL a précisé, en effet, avoir fixé, à compter du 1er juillet 1981, deux redevances différenciées, l'une de 150 UKL, s'appliquant aux demandes présentées par des distributeurs, l'autre de 100 UKL, concernant celles émanant des particuliers.

La requérante a, par ailleurs, indiqué que la délivrance d'un certificat de conformité pour les véhicules convertis préalablement pour la CAD supposait le versement d'une redevance supplémentaire de 100 UKL pour couvrir les frais d'inspection.

Considérant que l'homologation des versions C AG expirait le 1er octobre 1981 et a été rétablie le 16 mars 1983, on peut dresser le tableau suivant des différentes redevances demandées par BL.

Versions jusqu'au 1.7.1981 du 1. 7. 1981 jusqu'au 1. 10. 1981 après le 16. 3. 1983 1986

Période
CAD   25 UKL    
CAG 25 UKL revendeurs 150 UKL    
    particuliers 100 UKL 100 UKL 50 UKL
CAD après conversion: redevance supplémentaire de 100 UKL

21. A l'encontre de l'appréciation portée par la Commission, BL a cherché à démontrer que les redevances en cause n'auraient pas eu la portée qu'elle leur attribue.

Celle de 150 UKL n'aurait été appliquée que pendant une courte période, donc dans quelques cas seulement. Celle de 100 UKL, applicable aux particuliers, aurait vu son effet atténué par la possibilité de recourir à des importations personnelles. Ainsi, les importations parallèles n'auraient pas été ralenties, contrairement à la situation constatée par la Cour dans son arrêt 26/75.

En tout état de cause, BL soutient que leur montant serait justifié par le travail de certification exigé et leur niveau bien inférieur à celui pratiqué par les autres constructeurs. A cet égard, BL observe que les constructeurs qui accepteraient de délivrer un certificat de conformité pour une automobile préalablement convertie pour la CAD ne le feraient qu'après inspection, demandant alors de 100 à plus de 650 UKL. En sanctionnant uniquement BL, la défenderesse aurait donc pris une décision
discriminatoire.

Enfin, la requérante estime que la Commission n'aurait pas rapporté la preuve du caractère excessif des redevances, au regard de la valeur économique de la prestation fournie, comme l'exigerait la Cour dans sa décision General Motors.

22. L'argumentation ainsi développée ne peut être retenue. A cet égard, on peut dégager de votre décision General Motors les critères essentiels permettant d'apprécier le caractère excessif ou non d'une redevance du type considéré.

Vous y releviez, en effet, une fois délimitée la position dominante détenue par l'entreprise en cause sur le marché des prestations de service nécessaires à l'immatriculation d'un véhicule en Belgique,

« qu'on ne saurait exclure la possibilité, de la part du détenteur de (cette) position d'exclusivité ..., d'une exploitation abusive du marché, par la détermination du prix — en ce qui concerne une prestation qu'il est seul en mesure de fournir — au détriment de tout acquéreur d'un véhicule automobile importé d'un autre Etat membre et soumis aux prescriptions du contrôle de conformité ».

Vous ajoutiez,

« qu'un tel abus pourrait consister, notamment, dans la perception d'un prix exagéré par rapport à la valeur économique de la prestation fournie, ayant pour effet de freiner les importations parallèles, du fait qu'elle neutraliserait le niveau éventuellement plus favorable des prix pratiqués dans d'autres zones de vente dans la Communauté » (26/75, précité, points 11 et 12).

Considérant alors « l'ensemble des faits concrets qui ont donné lieu à la décision de la Commission », vous constatiez que le montant de la redevance perçue sur certains particuliers« était largement exagéré par rapport à la valeur économique de la prestation fournie au titre du contrôle de conformité » (26/75, précité, points 15 et 16).

Nous ne croyons pas nécessaire de rechercher quel était ce dernier montant. C'est à juste titre que la requérante a observé qu'on ne saurait, de ce point de vue, comparer la situation en cause dans la présente instance avec celle ayant fait l'objet de votre arrêt 26/75. Il faut, par contre, au vu de l'ensemble des données de l'espèce, tenter de circonscrire les éléments constitutifs de la valeur économique du travail requis en vue de la délivrance du certificat de conformité.

Rappelons que la délivrance d'un certificat de conformité d'une Metro avec CAG importée du continent suppose:

— l'identification du véhicule par son numéro de châssis, opération qui permet de s'assurer qu'il s'agit bien d'un véhicule conforme à la version CAG de la Metro homologuée initialement;

— la vérification de la réalisation des quatre modifications de base conditionnant la mise en circulation de tout véhicule en Grande-Bretagne.

Comme l'a expressément reconnu la requérante à l'audience, aucune inspection du véhicule, telle celle prévue en cas de demande d'homologation d'un véhicule converti préalablement en CAD, n'est ici nécessaire. La conversion intervient ultérieurement et, nous l'avons vu, sans altérer la validité du certificat de conformité.

Ainsi que BL l'indiquait à la Commission dans un télex du 9 février 1983, l'homologation NTA pour les différents modèles avec CAG que BL venait de rétablir, signifie donc

« qu'il existe une voie simple, rapide et peu coûteuse qui permet à un importateur d'obtenir les informations nécessaires afin de se conformer au règlement NTA ».

La seule réserve que nous ferons concerne l'appréciation relative au montant de l'opération. Bien que ramené alors à 100 UKL, il n'en reste pas moins sans grand rapport avec le service rendu. Constater, par le numéro de série, que le véhicule a été fabriqué par BL à une date où il existait un certificat NTA pour la version de référence, puis s'assurer, sur la base d'une facture délivrée par l'un de ses distributeurs agréés, que les phares ont été réorientés, le feu antibrouillard et un
rétroviseur extérieur mis en place à droite, enfin que le tachymètre est bien en miles, constituent deux opérations mineures, demandant un minimum de temps au constructeur, surtout si, comme BL, il a centralisé les services compétents en créant un département d'homologation. Ces constatations suffisent par elles-mêmes à donner la mesure de la faible valeur économique de la prestation en cause.

L'analyse comparative des redevances appliquées par les constructeurs britanniques n'est pas aisée, BL étant la seule à avoir homologué en Grande-Bretagne les versions avec CAG. En ce sens, les chiffres présentés par la requérante ne sont pas probants puisqu'ils intègrent les frais d'inspection du véhicule converti en CAD qui ne sont nullement encourus pour la certification des CAG. Les données présentées par la Commission, fournies par la SMMŤ, indiquent, pendant la période considérée,
c'est-à-dire jusqu'en mars 1983, que les redevances exigées pour l'homologation des véhicules réimportés variaient de 0 à 50 UKL et, depuis lors, ne dépasseraient pas 75 UKL. Compte tenu du cas particulier de BL, il ne peut s'agir là que d'une indication. Au demeurant, d'autres facteurs, d'ailleurs privilégiés par la Commission dans sa décision, permettent de mettre en relief la non-correspondance entre le montant des redevances demandées par BL et la valeur économique du service presté.

Comme l'a relevé, à juste titre, la Commission, le coût d'établissement d'un certificat de conformité ne représente certainement pas un facteur décisif du niveau de la redevance. L'abaissement successif de celle-ci à 100 UKL et, actuellement, à 50 UKL, soit désormais un montant trois fois inférieur au montant initial, est à cet égard révélateur. Il y a plus. La différence ayant existé entre les redevances imposées aux particuliers (100 UKL) et aux revendeurs (150 UKL) est tout aussi
significative. La justification donnée par BL — marge bénéficiaire des distributeurs leur permettant de mieux faire face au coût ainsi demandé — paraît confirmer que la redevance n'a pas été conçue pour couvrir les coûts réels, mais en fonction des possibilités de paiement des demandeurs. Le caractère abusif d'un tel comportement est patent.

Dans le même ordre d'idées, on comprend mal ce qui pourrait justifier l'écart entre la redevance demandée pour les CAG, 150 et 100 UKL, et celle de 25 UKL exigée pour les CAD. En effet, dans les deux cas il existe un certificat NTA, la seule différence tenant aux modifications de base à effectuer sur les CAG. Or, cette opération de simple vérification, dont la charge financière revient à l'utilisateur, ne paraît nullement justifier l'application d'un montant six ou même quatre fois plus élevé.

Ajoutons, enfin, que BL a reconnu que les redevances ainsi établies avaient eu pour source la pression exercée par ses distributeurs. Nous y voyons la confirmation que leur établissement répondait à la volonté délibérée de dissuader les importations parallèles.

Quant à l'alternative constituée, pour les particuliers, par le recours à des importations personnelles, elle ne saurait modifier le contenu de l'infraction commise par BL. Comme nous l'avons déjà souligné, les conditions légales exigées pour se prévaloir de cette exception font que certains particuliers ne pouvaient ou ne voulaient y recourir, le cas de Mme Fox, déjà cité, pouvant en être un exemple. Mais surtout, cette alternative n'enlève rien au caractère excessif des redevances demandées
aux revendeurs d'automobiles, visés expressément par la Commission dans sa décision. Il va de soi que ceux-ci constituent, compte tenu des problèmes afférents à l'importation depuis le continent d'un véhicule qu'il faut homologuer et aussi, ultérieurement, convertir, les interlocuteurs « naturels » des usagers. A leur égard, une redevance de 150 UKL puis de 100 UKL reste, compte tenu des circonstances et des éléments d'appréciation retenus précédemment, tout particulièrement dissuasive car
susceptible de neutraliser l'avantage de prix escompté par l'importation de CAG.

23. L'examen de l'ensemble des moyens dirigés par la requérante à l'encontre des trois comportements anticoncurrentiels retenus par la Commission dans sa décision attaquée, nous conduit à la conclusion que BL a abusivement exploité le monopole légal à elle conféré en matière d'homologation et de certification de la conformité des véhicules.

La restriction de la concurrence a consisté pour BL, sous la pression de ses distributeurs, en exigeant des redevances excessives, en refusant de délivrer des certificats de conformité et en ne renouvelant pas le certificat NTA, à cloisonner le marché britannique des versions CAD des Metro, protégeant ainsi ces dernières de la concurrence par les prix que risquait d'impliquer le développement d'importations parallèles des versions CAG continentales du même modèle, notamment à partir de la
Belgique. L'affectation du commerce entre les Etats membres ne fait donc aucun doute, l'isolement recherché du marché britannique constituant un obstacle incontestable à l'interpénétration économique voulue par le traité.

Ainsi confirmé l'abus de position dominante commis par BL, il nous reste à examiner les arguments avancés par la requérante pour démontrer les irrégularités dont la Commission se serait rendue responsable au cours de la procédure administrative préliminaire.

III — Régularité de la procédure

24. Selon BL, l'attitude adoptée par la Commission au cours de la procédure postérieure à l'audition du 19 octobre 1982 entacherait la décision attaquée d'irrégularité. A cet égard, elle fait valoir, d'une part, qu'en ce qui concerne la redevance uniforme de 100 UKL la Commission aurait violé le principe des droits de la défense, d'autre part, que, de façon plus générale, elle aurait porté atteinte au principe de bonne administration et commis un détournement de pouvoir.

25. S'agissant de la redevance réduite de 100 UKL, les moyens de la requérante conduisent à rechercher si cette infraction a été régulièrement retenue et si, au regard de sa gravité et de sa durée telles qu'appréciées par la Commission, il convient d'en faire remonter l'origine au 16 mars 1983 alors que

— la redevance de 150 UKL aurait seule fait l'objet de la communication des griefs,

— la Commission aurait considéré la minoration de cette redevance comme acceptable jusqu'au 31 août 1983,

— elle n'aurait pas donné à la requérante la possibilité de faire valoir son point de vue.

C'est donc par la communication des griefs, qui délimite l'objet de la procédure engagée par la Commission et constitue le cadre dans lequel sa décision doit s'inscrire, qu'il est nécessaire de commencer l'examen de ce moyen.

La Commission n'y vise que la redevance de 150 UKL fixée par BL à la charge des distributeurs. Il faut cependant souligner que le passage qui y est consacré met en relief son caractère disproportionné au regard de la redevance de 25 UKL jusque-là appliquée et toujours demandée dans le cas des véhicules avec CAD (nos 62 et 63 de la communication des griefs). La Commission souligne également les différences existant entre les redevances exigées des personnes privées et des revendeurs, bien que le
travail administratif soit le même. C'est donc avec raison qu'elle soutient qu'elle ne s'est pas fondée sur un montant déterminé mais, pour le qualifier d'excessif après analyse comparative, sur un niveau de redevance.

On discerne mal le reproche qui peut, en l'occurrence, être fait à la Commission. La redevance de 150 UKL, alors appliquée, a été le point de départ obligé de son raisonnement. Elle n'a pu qu'enregistrer avec satisfaction la décision prise par BL de la réduire à 100 UKL. Elle a considéré, cependant, que cette réduction ne faisait pas disparaître le caractère excessif précité. Elle a donc demandé à la requérante les justifications réelles de ce montant. BL s'est bornée à proposer que l'examen de
cette question soit différé. La Commission, qui lui avait donné le moyen de se faire entendre, n'était pas tenue de lui accorder ce délai. Elle a donc pu arrêter sa décision en retenant définitivement le caractère excessif de la redevance que sa minoration n'avait pas fait disparaître. Rappelons, au demeurant, que la Commission a fixé le montant de l'amende en tenant compte de « l'attitude coopérative » de BL (décision n° 31).

A cet égard, il convient de rappeler que vous avez considéré que

« le respect des droits de la défense dans toute procédure susceptible d'aboutir à des sanctions, notamment à des amendes ou astreintes, constitue un principe fondamental du droit communautaire, qui doit être observé, même s'il s'agit d'une procédure de caractère administratif ».

S'agissant de la communication des griefs, vous avez estimé

« (qu')il est satisfait à ces exigences dès lors que cette communication énonce, même sommairement, mais de manière claire, les faits essentiels sur lesquels la Commission se base »,

et que l'entreprise en cause a

« été mise en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances alléguées et sur les documents retenus par la Commission à l'appui de son allégation de l'existence d'une infraction à l'article 86 du traité » (85/76, Hoffmann-Laroche, Rec. 1979, p. 461, points 9 à 11).

Dans votre arrêt Musique Diffusion Française du 7 juin 1983, vous avez précisé que

« la Commission doit tenir compte des éléments résultant de la procédure administrative, soit pour abandonner des griefs qui se seraient révélés mal fondés, soit pour aménager et compléter tant en fait qu'en droit son argumentation à l'appui des griefs qu'elle retient, à condition toutefois qu'elle ne retienne que des faits sur lesquels les intéressés ont eu l'occasion de s'expliquer et qu'elle ait fourni, au cours de la procédure administrative, les éléments nécessaires à la défense » (100 à
103/80, Musique Diffusion Française, Rec. 1983, p. 1825, point 14).

De manière générale, il n'apparaît pas que ces principes aient été méconnus en l'espèce.

26. Qu'en est-il de la durée de l'infraction ainsi retenue contre BL? Dans votre arrêt Musique Diffusion Française précité, vous avez relevé que

« la durée de l'infraction figure parmi les éléments à prendre en considération lors de la fixation de l'amende... »,

en sorte que

« la Commission, en particulier lorsqu'elle envisage d'infliger des amendes, doit indiquer, en tant qu'élément essentiel, la durée retenue par elle sur la base des informations dont elle dispose au moment de l'élaboration de la communication des griefs ».

Vous ajoutiez qu'elle

« peut étendre la période ainsi indiquée si des informations supplémentaires recueillies au cours de la procédure administrative le justifient, pourvu que les entreprises aient eu l'occasion de s'expliquer à cet égard » (100 à 103/80, précité, point 15).

Comme nous l'avons indiqué, cette exigence a été remplie en l'espèce par la lettre du 31 août 1983. La Commission laisse entendre que la redevance de 100 UKL serait excessive, ce qui étendrait d'autant la durée de l'infraction retenue initialement. C'est donc à juste titre que la décision critiquée fixe au 16 mars 1983 le point de départ de ce chef d'infraction.

27. Selon la requérante, la Commission aurait également, par son comportement au cours de la procédure administrative, porté atteinte au principe de bonne administration et commis un détournement de pouvoir.

La Commission n'aurait laissé entendre qu'elle était satisfaite des mesures correctrices adoptées par BL — renouvellement de l'homologation, réduction de la redevance — que pour l'amener à réduire le prix de ses véhicules avec CAD sur le continent. Elle aurait ainsi non seulement violé le principe de bonne administration, en négligeant les efforts consentis par BL, mais aussi commis un détournement de pouvoir, le prix des versions CAD sur le continent n'entrant pas dans le cadre de la procédure
engagée.

28. Une première constatation s'impose: si l'on reprend la correspondance échangée par les parties, après l'audition du 19 octobre 1982, on ne peut manquer de constater que la Commission n'a nullement méconnu les efforts consentis par BL. Bien plus, la procédure administrative préliminaire a rempli l'un de ses objectifs, à savoir donner

« l'occasion, pour les entreprises concernées, d'adapter les pratiques incriminées aux règles du traité » (arrêt IAZ du 8 novembre 1983, Rec. p. 3369, point 15).

Le grief tiré de la violation du principe de bonne administration ne peut donc être retenu.

En ce qui concerne le détournement de pouvoir allégué, observons d'abord que si le problème du prix des véhicules CAD sur le continent a certes été évoqué postérieurement à la communication des griefs, c'est avec l'accord de la requérante. Celle-ci a d'ailleurs présenté un tableau comparatif des prix des versions CAD et CAG offertes dans différents États membres et fourni des explications sur sa politique des prix.

Mais on doit faire surtout une deuxième constatation: le problème du prix des versions CAD sur le continent n'a nullement fait l'objet de la décision attaquée. La décision critiquée n'est donc, selon nous, ni contraire au principe de bonne administration ni entachée de détournement de pouvoir.

29. Régulière en la forme, justifiée au fond, tant dans son principe que pour le quantum de l'amende, la décision de la Commission échappe aux critiques de la requérante.

Nous concluons, en conséquence, au rejet du recours introduit par cette dernière qui devra en supporter les dépens.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 226/84
Date de la décision : 08/07/1986
Type de recours : Recours contre une sanction - non fondé, Recours en annulation - non fondé

Analyses

Position dominante - Homologation de véhicules automoteurs.

Position dominante

Ententes

Concurrence


Parties
Demandeurs : British Leyland Public Limited Company
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Darmon
Rapporteur ?: Schockweiler

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1986:294

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