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12/06/1986 | CJUE | N°92/85

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Sir Gordon Slynn présentées le 12 juin 1986., M. Hamai contre Cour de justice des Communautés européennes., 12/06/1986, 92/85


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

SIR GORDON SLYNN

présentées le 12 juin 1986 ( *1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

M. Hamai a travaillé comme interprète à la Commission de 1973 à 1977, institution qu'il a quittée en qualité de fonctionnaire au grade LA 7, échelon 2. De 1977 à 1980, il a travaillé comme interprète free-lance pour la Commission, le Parlement et d'autres employeurs encore. En 1980, il a commencé à travailler à la Cour de justice comme interprète free-lance. A cette époque, la pratique voulait que l

es interprètes de la Cour soient engagés sur une base free-lance ou en qualité d'agents temporaire...

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

SIR GORDON SLYNN

présentées le 12 juin 1986 ( *1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

M. Hamai a travaillé comme interprète à la Commission de 1973 à 1977, institution qu'il a quittée en qualité de fonctionnaire au grade LA 7, échelon 2. De 1977 à 1980, il a travaillé comme interprète free-lance pour la Commission, le Parlement et d'autres employeurs encore. En 1980, il a commencé à travailler à la Cour de justice comme interprète free-lance. A cette époque, la pratique voulait que les interprètes de la Cour soient engagés sur une base free-lance ou en qualité d'agents temporaires.
En 1981 — ou avant cette date —, il a été décidé de créer un service dont l'effectif serait composé d'interprètes destinés à devenir fonctionnaires titulaires. Un concours interne s'est tenu et un certain nombre d'interprètes qui étaient agents temporaires y ont participé avec succès et ont été nommés fonctionnaires. Comme il était free-lance et — n'étant pas ressortissant communautaire — n'avait apparemment pas vocation à devenir agent temporaire, M. Hamai n'a pu participer à ce concours;
toutefois, le 20 janvier 1982, il a accepté une offre de contrat en qualité d'agent temporaire au grade LA 7, échelon 3, d'une durée de six mois. Tout en estimant que ce grade n'était pas suffisamment élevé, il a accepté cette offre, étant donné qu'on lui avait fait remarquer qu'aucun poste LA 6 n'était vacant. Dans le mémorandum l'informant de sa nomination, il lui a été indiqué que son contrat ne devait pas être considéré comme une promesse de titularisation, celle-ci étant subordonnée à la
réussite (de l'intéressé) à un concours général et à l'existence d'une vacance d'emploi pour la cabine française.

Le 15 octobre 1983, M. Hamai a adressé une lettre au greffier de la Cour pour demander son reclassement au grade LA 6, compte tenu du départ imminent d'un collègue de la cabine néerlandaise, classé dans ce même grade. Cette lettre est demeurée sans réponse.

Le 17 novembre 1983, un avis de vacance d'emploi no CJ 117/82 relatif à un emploi d'interprète de langue française à la Cour, de la carrière LA 7/LA 6, a été publié, assorti de la mention que le poste était à pourvoir au grade LA 7, sauf en cas de mutation d'un fonctionnaire de grade LA 6. Le 29 novembre, M. Hamai a posé sa candidature à ce poste LA 7.

Le 9 janvier 1984, cet avis de vacance a été remplacé par l'avis de vacance no CJ 117/82 bis, dans lequel il était simplement fait mention de la carrière LA 7/LA 6, afférente à ce poste. La restriction visant le classement au grade LA 7 pour les candidats qui n'étaient pas déjà de grade LA 6 — figurant sur l'avis de vacance précédent — avait été supprimée.

Le 19 janvier 1984 a été publié un avis de concours interne à l'institution, sur titres et épreuves, pour un interprète de langue française, et comportant là encore la simple mention de la carrière LA 7/LA 6. M. Hamai était le seul candidat; ayant réussi à ce concours, il a été nommé en qualité de fonctionnaire stagiaire le 16 mai 1984 au grade LA 7, échelon 4, avec effet au 1er juin 1984; il a été informé de sa nomination par mémorandum du 24 mai 1984.

Le 21 juin 1984, il a demandé à la Cour, pour des raisons qu'il explicitait, de le reclasser au grade LA 6. N'ayant pas reçu de réponse, et pour sauvegarder ses droits, il a introduit une réclamation au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut. Les raisons exposées dans sa demande ont été complétées par un mémorandum du 21 novembre 1984. Sa réclamation a été rejetée par la commission compétente en matière de réclamations, instituée en 1983 à cette fin par la Cour pour agir en lieu et place de
l'AIPN, par décision du 13 décembre 1984, qui lui a été notifiée le 8 janvier 1985.

M. Hamai demande à présent à la Cour d'annuler la décision de la commission des réclamations.

La défenderesse excipe, pour la bonne forme, de l'irrecevabilité du recours. Selon elle, la commission des réclamations a simplement confirmé la décision antérieure, communiquée au requérant le 24 mai 1984. Se fondant sur toute une série d'arrêts (par exemple, dans l'affaire 227/83, Moussis/Commission, Rec. 1984, p. 3133), la défenderesse soutient qu'il aurait dû attaquer la première décision, plutôt que la décision confirmative. Si on se réfère à des décisions antérieurement rendues par la Cour,
cette thèse est certes exacte, bien qu'on doive observer que, dans l'affaire 25/83, Buick/Commission (Rec. 1984, p. 1773), et les affaires jointes 20 et 21/83, Vlachos/Cour de justice (Rec. 1984, p. 4149), les requérants ont attaqué les décisions rejetant leurs réclamations sans que cela ait suscité des objections de la part de la Cour. Quoi qu'il en soit, la Cour a admis qu'une erreur était excusable dès lors qu'on prouvait l'existence d'un motif sérieux (affaire 117/78, Orlandi/Commission, Rec.
1979, p. 1613). Considération prise de ce que l'on n'a pas apprécié à sa juste mesure — ou même, selon les dires du requérant, eu connaissance de — la fonction précise de la commission des réclamations, jusqu'à la signification du mémoire en défense, il nous paraît compréhensible et excusable que le requérant ait cru devoir attaquer cette décision plutôt que la décision antérieure. Si nous n'étions pas arrivé à cette conclusion, nous pourrions considérer à titre subsidiaire — pour reprendre les
conclusions de M. l'avocat général Capotorti dans l'affaire 145/80, Mascetti/Commission (Rec. 1981, p. 1975, plus particulièrement p. 1989 et 1990) — que, lorsqu'une institution prend une décision non motivée, qu'une réclamation est ensuite introduite par un fonctionnaire contre cette décision et que la réponse à cette réclamation indique une motivation qui n'était pas nécessairement implicite à la décision originale, cette réponse rejetant la réclamation est susceptible de constituer un acte
faisant grief au requérant, que ce dernier peut attaquer directement. Tel nous paraît être le cas en l'espèce.

Dans ces conditions, nous penchons en faveur de la recevabilité du recours.

A l'appui de son recours, le requérant fait pour l'essentiel valoir qu'on lui a refusé l'égalité de traitement vis-à-vis de personnes nommées se trouvant dans une situation comparable, en violation de l'article 5, paragraphe 3, du statut des fonctionnaires, qui dispose comme suit: « Les fonctionnaires appartenant à une même catégorie ou à un même cadre sont soumis respectivement à des conditions identiques de recrutement et de déroulement de carrière. » Il souligne le fait qu'en 1981 cinq
interprètes ont été nommés au grade LA 6, quatre d'entre eux ayant terminé ex aequo à la deuxième place. Ses qualifications n'étaient pas inférieures et son expérience professionnelle dans certains cas même supérieure à celle de ses collègues. Le rapport de stage, qui faisait état de ce que les connaissances, l'expérience professionnelle et la qualité du travail du requérant étaient nettement supérieures au grade qu'il occupe et qu'il méritait une promotion, constitue, de l'avis de l'intéressé, une
preuve de ses aptitudes. En outre, il fait état de ce que la commission des réclamations a apparemment admis que son expérience professionnelle et sa compétence étaient égales à celles de certains de ses collègues. Il ajoute qu'aucune personne ayant son expérience et ses qualifications acquises à la Cour de justice ou dans d'autres institutions de la Communauté n'est classée à un grade inférieur au grade LA 6: en particulier, les nominations au service de traduction de la Cour se font au grade LA 6.

Nous ne considérons pas, quant à nous, que des allégations générales tirées d'une comparaison avec d'autres institutions suffisent à démontrer une discrimination, ni que les services de traduction et d'interprétation de la Cour doivent nécessairement aller de pair à cet égard, puisque les candidats souhaitant entrer à la direction de la traduction doivent avoir des qualifications tant juridiques que linguistiques. La question cruciale est de savoir si, par rapport à ceux des membres du service
d'interprétation nommés en 1981, il a été traité de telle manière qu'il est en droit de demander que la décision le concernant soit annulée.

La commission des réclamations a indiqué que les nominations en LA 6 avaient eu lieu à une époque où le service d'interprétation de la Cour était en cours de constitution et qu'on avait décidé de nommer les lauréats du premier concours au grade LA 6, sauf en ce qui concerne l'un d'entre eux, de moindre expérience; que par contre, dans le cadre d'un recrutement ultérieur, postérieur à la mise en place du service, la Cour avait décidé de procéder à des nominations au grade de base de la catégorie ou
du cadre, conformément à l'article 31, paragraphe 1, du statut, tout en tenant compte de l'expérience aux fins de la décision sur l'échelon en application de l'article 32.

L'article 31 définit la règle de principe, selon laquelle les candidats choisis à l'issue du concours sont nommés fonctionnaires de la catégorie A ou du cadre linguistique au grade de base de leur catégorie ou de leur cadre. Cette pétition de principe est tempérée comme suit:

«2. Toutefois, l'autorité investie du pouvoir de nomination peut déroger aux dispositions ci-dessus dans les limites suivantes:

b) Pour les autres grades (autres que les grades A 1, A 2, A3 et LA 3), à raison :

— d'un tiers s'il s'agit de postes rendus disponibles,

— de la moitié s'il s'agit de postes nouvellement créés. »

Pour autant qu'il importe, « cette disposition s'applique par séries de six emplois à pourvoir dans chaque grade ».

A cette fin, il nous semble que c'est le nombre de personnes dans chaque grade qui doit être pris en considération et non le nombre de personnes de chaque grade dans une cabine donnée.

Aux termes de l'article 32, le fonctionnaire recruté est classé au premier échelon de son grade. « Toutefois, l'autorité investie du pouvoir de nomination peut, pour tenir compte de la formation et de l'expérience professionnelle spécifique de l'intéressé, lui accorder une bonification d'ancienneté d'échelon dans ce grade », en l'occurrence 48 mois.

Lors de la création du service d'interprétation, treize postes étaient disponibles. L'un était destiné au chef du service en LA 3; un LA 5/LA 4 et un LA 7/LA 6 ont été occupés par voie de transfert. Il restait de ce fait dix postes, dont trois initialement de la carrière LA 5/LA 4 et sept de la carrière LA 7/LA 6: deux postes de la carrière supérieure ont été déclassés en LA 7/LA 6, ce qui fait que neuf postes de cette carrière étaient disponibles. Si on ajoute celui qui a été occupé par voie de
transfert, cela donne dix. Quatre de ces postes ont été pourvus par des nominations en LA 6 et un par une nomination en LA 7 à l'issue du concours de 1981. Le deuxième poste LA 5/LA 4 a également été pourvu, alors que les autres postes sont à ce stade demeurés inoccupés.

Selon la thèse qui a été développée à l'audience, on a apparemment considéré qu'on pouvait procéder à des nominations au grade supérieur, à concurrence de cinq postes sur un total disponible de dix (ou éventuellement, à raison de cinq postes sur neuf); et, en l'espèce, cette faculté — nous dit-on — a été mise à profit. Or, nous ne déduisons rien de tel de la dernière phrase de l'article 31, paragraphe 2. La disposition dérogatoire «s'applique par séries de six emplois à pourvoir dans chaque grade »,
de sorte que, dans l'hypothèse où il y aurait six postes à pourvoir, seuls trois fonctionnaires peuvent être nommés à un grade supérieur au grade de base. Ce chiffre ne saurait être augmenté par référence au nombre total de postes disponibles mais non pourvus à ce stade. Pour ce qui est des nominations ultérieures à des postes nouvellement créés, non encore pourvus, la moitié (un tiers, pour des postes devenus vacants après avoir été pourvus) des fonctionnaires — au maximum — peuvent être nommés à
un grade plus élevé que le grade de base. Pour de telles nominations, intervenant ultérieurement, l'institution n'a pas à attendre que six postes soient disponibles pour nommer à un grade supérieur au grade de base. Elle peut nommer le premier fonctionnaire à un grade plus élevé, pour autant que dans le second groupe de six (ou jusqu'à six) nominations, pas plus de la moitié ou du tiers (selon le cas) des nominations n'interviennent à un grade supérieur au grade de base. Il ne nous semble pas,
cependant, qu'on puisse valablement soutenir que si une institution va au-delà de la moitié (ou du tiers) du premier groupe de six, le nombre de postes excédant cette moitié — ou, selon le cas, ce tiers — doit être considéré comme emprunté au second groupe de six, en sorte de réduire le nombre de postes effectivement disponibles dans ce groupe pour des nominations au grade supérieur.

En l'espèce, la défenderesse a affirmé à l'audience que M. Hamai avait été nommé sur un poste nouvellement créé. Il ne nous semble pas, eu égard aux éléments dont nous disposons, que la défenderesse avait épuisé son quota, égal à la moitié du second groupe de six, même si, pour des raisons que l'on peut comprendre — puisque quatre des candidats avaient été classés ex aequo à l'issue du concours —, plus de la moitié des postes du premier groupe de six avaient été pourvus à un grade supérieur au grade
de base. Nous ne considérons pas, dans ces conditions, qu'une nomination de M. Hamai au grade LA 6 fût exclue au départ du fait de l'article 31, paragraphe 2.

D'un autre côté, l'article 31, considéré en lui-même, n'oblige évidemment pas une institution à nommer tout candidat à un grade supérieur au grade de base. Elle a — ainsi que l'a soutenu la défenderesse à l'audience — à ce titre un pouvoir discrétionnaire d'agir dans un sens ou dans l'autre.

La question reste cependant de savoir si l'article 5, paragraphe 3, qui implique un principe d'égalité de traitement lors du recrutement, exigeait que, dans l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire au regard des faits de la cause, M. Hamai fût traité à peu près de la même manière que ceux des fonctionnaires nommés sur des postes LA 6 à l'issue du concours de 1981.

Il s'agit là d'une question qui n'est guère facile.

Il nous semble d'un côté qu'une institution est en droit de se donner pour règle générale que, une fois qu'un certain nombre de postes ont été pourvus à un grade supérieur au grade de base, les nominations ultérieures se feront au grade de base. Cette décision peut se justifier en raison de nécessités budgétaires, administratives ou hiérarchiques, de sorte que, si l'on crée, comme en l'espèce, un nouveau service comportant en son sein des emplois permanents, et qu'on estime souhaitable de nommer au
grade supérieur de la carrière les agents temporaires ayant exercé pour une large part des fonctions supérieures à celles correspondant au grade de base, il peut être justifié de procéder aux nominations ultérieures, en règle générale, au grade de base.

D'un autre côté, rien n'impose, selon nous, de faire une distinction absolue ou rigide entre la situation au moment de la création d'un nouveau service et celle qui résulterait de nominations ultérieures. Il y a toujours lieu, selon nous, de tenir compte des dispositions de l'article 5, paragraphe 3, du statut des fonctionnaires, dont la Cour a souligné à maintes reprises « l'importance essentielle pour le droit de la fonction publique communautaire » (affaire 9/81, Williams/Cour des comptes, Rec.
1982, p. 3301, point 21 des motifs; affaires jointes 129 et 274/82, Lux/Cour des comptes, Rec. 1984, p. 4127, point 20 des motifs; affaire 119/83, Appelbaum/Commission, jugement du 11 juillet 1985, Rec. p. 2423 point 25 des motifs).

Le requérant s'est fondé sur l'arrêt rendu par la Cour dans l'affaire Lux, par lequel la Cour a déclaré que, « dans le cas où la dérogation à la règle générale de nomination intervient sous la forme d'une décision générale interne de l'institution, le principe de la non-discrimination entre fonctionnaires d'une même catégorie lors de leur recrutement, énoncé par l'article 5, paragraphe 3, du statut, serait privé de toute signification juridique si l'AIPN disposait encore dans ce cas des mêmes
pouvoirs d'appréciation que celui que lui confère l'article 31 du statut ».

Cette décision, à notre sens, ne s'applique pas directement en l'espèce, étant donné que la défenderesse n'a pas, postérieurement à la création du service, adopté de ligne de conduite ou de décision générale suivant laquelle les nominations devraient se faire au grade LA 6. En outre, les avis de vacance récemment publiés mentionnent de façon générale la carrière LA 7/LA 6 ou se limitent, à l'intérieur de cette carrière, au seul grade LA 7. L'arrêt de la Cour met toutefois en évidence l'importance du
principe d'égalité de traitement en dépit de la marge de pouvoir discrétionnaire conférée par l'article 31, paragraphe 2.

Nous n'acceptons pas non plus l'argumentation de M. Hamai selon laquelle le service d'interprétation était toujours en voie de constitution en 1984, de sorte qu'il était pour cette raison en droit d'être traité comme les autres ou qu'il a été en quelque sorte pénalisé du fait qu'il a dû se soumettre à un concours sur titres et épreuves plutôt que sur simples titres.

La défenderesse n'a pas suggéré — pas plus que nous ne considérons — que la circonstance que M. Hamai n'a pas pu participer au concours de recrutement en 1981, essentiellement du fait que la nationalité qu'il avait alors l'empêchait d'être agent temporaire, ait constitué en soi une justification quant à la différence de traitement par rapport à d'autres personnes, à un stade ultérieur, alors qu'il était agent temporaire.

Dans ce cas particulier, il nous semble qu'il y a trois facteurs importants à considérer. En premier lieu, le requérant avait, en 1984, autant d'expérience que n'importe quel interprète, parmi ceux qui avaient été nommés en LA 6, et une expérience presque double de celle de deux lauréats également nommés à ce grade, aux côtés desquels il travaillait et avait travaillé pendant un certain temps. Ses titres n'étaient pas inférieurs aux leurs; la qualité de son travail a été jugée excellente par son
chef de service. En deuxième lieu, le poste qui avait fait l'objet de l'avis de vacance n'était pas, en définitive, simplement un poste LA 7, mais un poste de la carrière LA 7/LA 6, de sorte que la défenderesse se réservait expressément la possibilité de nommer le lauréat dans l'un ou l'autre grade, et un poste LA 6 était disponible. En troisième lieu, et pour des raisons à notre sens compréhensibles, la défenderesse ne s'en est pas tenue, en 1981, à la lettre de l'article 31, paragraphe 2, et a, au
contraire, nommé quatre lauréats arrivés ex aequo à l'issue du concours sur titres — y compris deux candidats ayant moins d'expérience que M. Hamai — sur des postes LA 6.

Nous admettons, bien entendu, que des décisions administratives de ce genre comportent une certaine marge de manoeuvre au profit de l'autorité administrative compétente. Toutefois — ainsi que l'a soutenu le conseil de M. Hamai —, nous sommes en présence d'un cas exceptionnel. Étant donné le degré de flexibilité par rapport à l'article 31, paragraphe 2, en 1981 et le pouvoir discrétionnaire de nomination en LA 6, expressément réservé dans l'avis de vacance et dans l'avis de concours, il nous semble
que l'article 5, paragraphe 3, et la nécessité d'accorder lors du recrutement un traitement comparable à des fonctionnaires comparables exigeaient que M. Hamai fût traité sensiblement sur le même pied que ceux aux côtés desquels il travaillait en 1981 et dont les qualifications et l'expérience n'étaient pas supérieures. Il est constant qu'il n'a pas été traité de la sorte. Nous ne considérons pas que la distinction ayant servi de fondement à la décision — à savoir la mise en place du service, à
distinguer de la nomination à un stade ultérieur — justifiait en l'espèce cette différence de traitement. Cet aspect nous paraît pouvoir faire l'objet d'un contrôle juridictionnel par la Cour.

A la lumière des arguments plus fournis soumis à l'attention de la Cour en sa qualité d'organe juridictionnel, nous suggérons en conséquence d'annuler cette décision en tant qu'elle a pour effet de nommer M. Hamai au grade LA 7, échelon 4. Le grade correct, selon nous, eût été le grade LA 6, assorti d'un échelon (à déterminer par 1'AIPN, au 1er juin 1984), qui nous paraît devoir être en l'occurrence l'échelon 2.

Le deuxième moyen est tiré d'une méconnaissance, par la défenderesse, de l'avis de concours. Le requérant met à cet égard en exergue la différence existant entre le premier avis de vacance (LA 7, sauf transfert) et les avis de vacance et de concours interne, ultérieurs (visant la carrière LA 7/LA 6). Nous ne sommes pas d'avis que la modification du libellé emportait en elle-même l'obligation pour la défenderesse de nommer M. Hamai au grade LA 6. Il s'agit là de l'exercice par l'AIPN d'un pouvoir
discrétionnaire, qui lui demeurait acquis, sur la base des critères que nous avons énoncés.

Le requérant soutient ensuite qu'il pouvait, légitimement s'attendre à être nommé en LA 6. Il se fonde à cet égard sur les assurances que son chef de service lui avait données en ce sens. Cela, pas plus que le défaut de réponse du greffier à sa demande tendant à l'octroi d'un poste LA 6, ne saurait lier l'autorité investie du pouvoir de nomination ou, selon nous, créer la confiance légitime de classement dans ce grade. On ne peut pas non plus soutenir, eu égard aux dispositions de l'article 31,
paragraphe 2, que la nomination d'autres interprètes en LA 6 en 1981 crée en soi la confiance légitime qui commanderait une nomination à ce grade. Le recours ne peut aboutir que si le requérant établit qu'il y a eu inégalité de traitement.

Le dernier moyen soulevé par le requérant, selon lequel le principe de bonne administration avait été violé en l'espèce, ne nous semble pas ajouter quoi que ce soit. Si la défenderesse avait été en droit de faire ce qu'elle a fait en vertu de l'article 5, paragraphe 3, ou du principe consistant à traiter de façon comparable des situations comparables, l'institution défenderesse n'aurait pas excédé les limites du pouvoir d'appréciation qui lui revient.

Pour la raison que nous avons indiquée précédemment, nous vous suggérons toutefois d'annuler la décision du 16 mai 1984 pour autant qu'elle a eu pour effet de nommer M. Hamai au grade LA 7, échelon 4, et de condamner la défenderesse aux dépens de l'instance.

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( *1 ) Traduit de l'anglais.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 92/85
Date de la décision : 12/06/1986
Type de recours : Recours de fonctionnaires - fondé

Analyses

Fonctionnaires - Nomination, classement de grade.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : M. Hamai
Défendeurs : Cour de justice des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Sir Gordon Slynn
Rapporteur ?: Kakouris

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1986:245

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