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23/04/1986 | CJUE | N°81/85

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Lenz présentées le 23 avril 1986., Union sidérurgique du nord et de l'est de la France (Usinor) contre Commission des Communautés européennes., 23/04/1986, 81/85


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. CARL OTTO LENZ

présentées le 23 avril 1986 ( *1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

A —

Le 24 mai 1982, la requérante dans l'affaire qui nous occupe aujourd'hui a, par l'intermédiaire de sa filiale Galvanor, adressé à la Commission, conformément à la décision n° 3302/81, un programme d'investissement relatif à une installation de production de tôles galvanisées. Au sens de la décision n° 234/84, « prorogeant le régime de surveillance et de quotas de production de cert

ains produits pour les entreprises de l'industrie sidérurgique », il s'agit de produits relevant des catég...

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. CARL OTTO LENZ

présentées le 23 avril 1986 ( *1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

A —

Le 24 mai 1982, la requérante dans l'affaire qui nous occupe aujourd'hui a, par l'intermédiaire de sa filiale Galvanor, adressé à la Commission, conformément à la décision n° 3302/81, un programme d'investissement relatif à une installation de production de tôles galvanisées. Au sens de la décision n° 234/84, « prorogeant le régime de surveillance et de quotas de production de certains produits pour les entreprises de l'industrie sidérurgique », il s'agit de produits relevant des catégories le et Id
définies par l'article 1er. La mise en service de cette installation — d'une capacité de 155000 tonnes par an — était envisagée pour le deuxième trimestre de 1984. Dans la communication, il était expressément déclaré que la nouvelle installation devait remplacer la production de deux installations fermées ou devant l'être (à savoir celle de Blagny, d'une capacité de 60000 tonnes de produits de la catégorie le, et celle du train de laminage à froid de Montataire, ayant une capacité de 400000 tonnes
de produits de la catégorie Ib).

Le 10 février 1983, la Commission a rendu sur ce point un avis en application de l'article 54 du traité CECA. Elle y déclarait qu'elle avait pris en compte la fermeture des deux installations précitées et qu'elle considérait donc que le projet d'investissement était « conforme aux objectifs généraux de la Communauté ».

Après la mise en service de cette installation, qui a eu lieu comme prévu au deuxième trimestre de 1984, la requérante s'est efforcée d'obtenir à cette fin des quotas de production supplémentaires dans le cadre du régime bien connu des quotas « acier ». Le 27 avril 1984, elle a, dans ce but, adressé à la Commission une demande d'attribution de productions de référence supplémentaires s'élevant, pour les produits des catégories le et Id, à 155000 tonnes par an à partir du deuxième trimestre de 1984,
montant à partager à raison de 65 % en catégorie le et 35 % en catégorie Id. Dans cette demande, il était fait référence à la réglementation applicable à l'époque (donc — d'après le contexte général — à la réglementation en vigueur au printemps de 1983), ce dont il fallait déduire que la demande portait sur une adaptation en application de l'article 15 de la décision n° 1696/82 évoqué dans d'autres affaires (mais supprimé du régime de quotas par la décision n° 2177/83, du 28 juillet 1983).

La requérante ayant ensuite été simplement avisée par lettre d'un directeur de la Commission, datée du 20 juin 1984, du fait que les services de la direction « acier »« examin(ai)ent... (sa) demande en vue de soumettre une décision à la Commission », elle s'est à nouveau adressée, le 5 juillet 1984, à la Commission. Elle rappelait que la ligne de galvanisation était, comme prévu, entrée en service; elle soulignait que, les quotas n'ayant pas été adaptés à temps, des dépassements s'étaient déjà
produits au deuxième trimestre de 1984, aucun échange ou achat n'ayant pu être réalisé, et elle demandait, pour éviter d'être condamnée à payer des amendes, « de bien vouloir autoriser exceptionnellement l'imputation de ces réalisations sur les quotas à valoir au titre de la troisième ligne de galvanisation » (donc, sur les quotas supplémentaires espérés).

Les efforts de la requérante ont, comme on le sait, été vains. Elle a pu déduire d'une communication du 31 décembre 1984 fondée sur la décision n° 234/84 et se rapportant au premier trimestre de 1985 que les productions et quantités de référence annuelles pour 1985 avaient été fixées à un montant identique à celui s'appliquant à l'année 1984. C'est ce qui résultait d'une comparaison avec la communication du 23 mai 1984 qui portait sur les deux premiers trimestres de 1984. Il en a été de même d'une
communication du 20 février 1985 qui fixait un quota de production légèrement plus élevé uniquement pour le premier trimestre de 1985, la décision n° 313/85 du 6 février 1985 ayant modifié le taux d'abattement pour la catégorie le; pour le reste, les quotas de production et de livraison sont restés ceux déjà cités dans la communication du 31 décembre 1984.

Cet état de fait a amené une première fois la requérante à soumettre à la Cour le problème de l'augmentation de ses quotas de production due à la mise en service de la nouvelle ligne de galvanisation en introduisant un recours qui est parvenu à la Cour le 1er avril 1985 (affaire 81/85). Les conclusions qu'elle a formulées dans ce cadre sont les suivantes (nous nous limitons à la version reprise dans la réplique):

a) annuler la décision de la Commission du 20 février 1985 en ce qu'elle refuse à la requérante l'attribution de références supplémentaires pour les produits des catégories le et Id;

b) dire que le silence des décisions nos 2177/83 et 234/84 quant aux possibilités d'ajustement des références doit être interprété en ce sens que seuls sont visés les investissements nouveaux, à l'exclusion des investissements commencés sous l'empire de la réglementation antérieure à la suite d'un avis favorable délivré par la Commission;

c) à titre subsidiaire (en cas de rejet de la demande précédente), déclarer illégale la décision n° 234/84 dans la mesure où elle a supprimé les possibilités d'attribution de références supplémentaires existant sous l'empire de la décision n° 1696/82 ou n'a pas prévu de mesures transitoires;

d) accueillir la demande en réparation du préjudice subi et la réserver à un stade ultérieur de la procédure.

Avant l'introduction du recours dans l'affaire 81/85, l'auteur de la lettre précitée du 20 juin 1984 a adressé, le 18 mars 1985, une autre lettre à la requérante (faisant référence à la première lettre citée). Il y était, d'une part, question de l'échec face à la résistance unanime des membres d'Eurofer (dont la requérante fait partie) d'une proposition de la Commission en vue de modifier la décision n° 234/84, laquelle aurait permis de résoudre les problèmes de la requérante (car elle prévoyait un
regroupement des catégories le et Id et une augmentation des productions de référence).D'autre part, la Commission attirait l'attention sur la décision n° 470/85, du 25 février 1985, portant modification de la décision n° 234/84 (elle autorisait des quotas supplémentaires pour la catégorie Id) et incitait la requérante à lui adresser une demande en ce sens (ce que la requérante a apparemment fait et — comme il nous l'a été dit au cours de la procédure orale — avec succès). En outre, la requérante a
reçu, le 29 mars 1985, une lettre de M. Narjes, vice-président de la Commission. D'une part, cette lettre reprenait en substance les explications relatives à la proposition de décision de la Commission de fin 1984 et à la décision n° 470/85. D'autre part, elle soulignait — en ce qui concerne la mise en service de la nouvelle ligne de galvanisation de la requérante et les quotas de production de la catégorie le, que cette dernière jugeait insuffisants — que les décisions nos 2177/83 et 234/84 ne
prévoyaient plus l'octroi de références supplémentaires du fait d'installations mises en service sous leur empire.

La requérante, y voyant un rejet explicite de sa demande du 27 avril 1984, a introduit un deuxième recours (affaire 119/85) avec les conclusions suivantes — nous nous basons à nouveau sur la version de la réplique:

a) annuler la décision du 29 mars 1985 et, en tant que de besoin, la lettre du 18 mars 1985 dans la mesure où, par ces décisions, la Commission refuse à la requérante l'attribution de références supplémentaires pour les produits des catégories le et Id;

b) faire la même constatation que celle formulée sous b) dans les conclusions dans l'affaire 81/85 (voir ci-dessus);

c) en tant que de besoin, déclarer illégales les décisions nos 2177/83 et 234/84 parce que, sans contenir de mesures transitoires, elles ne prévoient pas expressément des possibilités d'attribution de références supplémentaires pour les produits des catégories le et Id qui existaient sous ľempire des décisions précédentes;

d) accueillir la demande en réparation du préjudice subi telle qu'elle a été formulée sous d) également dans l'affaire 81/85.

Comme vous le savez, la Commission estime que ces recours sont en premier lieu irrecevables. A titre subsidiaire, elle conclut à leur rejet comme n'étant pas fondés.

B — Dans ce litige, il convient, à notre avis, d'adopter la position suivante.

I — Sur la recevabilité des recours

1. Recours dans l'affaire 81/85

a) Ce recours a pour principal objet l'annulation de la décision du 20 février 1985 en ce que cette dernière refuse à la requérante l'attribution de références supplémentaires pour les produits des catégories le et Id.

Cette demande repose — entre autres — sur la thèse selon laquelle la décision n° 234/84 (comme celle qui l'a précédée) a illégalement omis de prévoir, à l'instar de l'article 15 de la décision n° 1696/82, la possibilité d'adapter la production de référence des entreprises n'ayant pas reçu d'avis négatif de la Commission eu égard à un nouveau dispositif de production et ayant entamé la réalisation du programme d'investissement correspondant encore sous l'empire de la décision n° 1696/82.

Selon la défenderesse, la requérante aurait dû invoquer cette circonstance immédiatement après avoir pris connaissance de la décision n° 2177/83, mais elle ne peut pas, après avoir omis d'agir en temps utile, y revenir en 1985 par le biais de l'examen d'une décision de quota parfaitement normale. En outre, selon la défenderesse, il est en tout état de cause décisif que la requérante n'ait pas formé dans les délais de recours au titre de l'article 35 du traité CECA lorsque sa demande du 27 avril
1984 n'a été suivie d'aucune décision positive dans le délai prescrit.

La requérante réfute cette thèse en faisant en premier lieu état du droit de recours limité qu'ont les entreprises à l'égard de décisions générales dans le cadre de l'article 33, paragraphe 2, du traité CECA. Par ailleurs, elle met en doute le fait que sa demande du 27 avril 1984 ait, en l'absence de « mise en demeure », fait courir les délais de l'article 35 du traité CECA. En outre, elle objecte à la Commission que cette dernière lui avait promis, le 20 juin 1984, d'examiner sa demande.
L'expérience prouvant que l'examen de ces demandes prend beaucoup de temps (comme le montre, entre autres, la décision prise le 27 janvier 1986 à propos de la demande fondée sur l'article 10, paragraphe 3, de la décision n° 234/84), on ne peut, selon elle, partir du principe qu'au bout de deux mois il y a eu décision de rejet de sa demande. Ce n'est plutôt que dans la décision du 20 février 1985 que l'on peut voir un tel rejet — implicite (car cette décision a repris les productions de référence
de la requérante pour l'année 1984 sans les modifier). La requérante dit avoir réagi à celle-ci dans les délais en formant un recours, comme au reste aussi en déposant un autre recours dans l'affaire 119/85 lorsque, le 29 mars 1985, sa demande a été expressément rejetée.

aa) Dans l'appréciation de ce point litigieux, nous avons d'abord été enclin à penser que l'opinion de la Commission, qui s'appuie essentiellement sur l'absence de recours dans les délais contre les décisions générales nos 2177/83 et 234/84, emportait la conviction en particulier parce qu'il est possible de déduire de l'argumentation de la requérante que la limitation du droit de recours inscrite dans l'article 33, paragraphe 2, du traité CECA n'a aucune répercussion dans un cas comme l'espèce
présente (en effet, la requérante faisait valoir qu'on avait omis de prendre des mesures transitoires particulières précisément dans le contexte des circonstances qui étaient les siennes, ce que l'on peut sans difficulté faire rentrer dans la notion de « détournement de pouvoir à son égard»).

Cependant, il convient de songer, d'une part, au fait que — d'après la réplique — la thèse principale de la requérante réside en ce qu'il faut, pour être exact, interpréter les décisions générales en question en ce sens qu'elles permettaient (même sans dispositions expresses à cet effet) d'adapter la production de référence suivant l'exemple de l'article 15 de la décision n° 1696/82 dans des cas comme celui de la requérante; il ne s'agit donc absolument pas d'une mise en cause de ces
décisions générales ni de la constatation de leur illégalité. Toutefois, dans la mesure où l'argument qui précède a été invoqué à titre subsidiaire pour le cas où les décisions générales seraient interprétées différemment, il y a, d'autre part, lieu de mettre en doute le fait qu'une telle exception d'illégalité soulevée à l'encontre de décisions générales — il ne s'agit de rien d'autre — peut être rejetée en renvoyant au fait que ces décisions générales n'ont pas été attaquées dans les
délais. De fait, il est de jurisprudence constante qu'il est possible de se prévaloir, à l'appui d'un recours contre une décision individuelle, de l'illégalité d'une décision générale sur laquelle la décision individuelle est fondée, même après l'expiration du délai de recours contre la décision générale en cause (voir arrêts rendus dans les affaires 9/56, 10/56 et 15/57 ( 1 )).

En outre, contrairement à l'opinion que défend la Commission, il est difficile de contester qu'il existe un « lien juridique direct » (au sens de l'arrêt rendu dans l'affaire 21/64 ( 2 ), Rec. 1965, p. 259) entre la décision de rejet de la demande de la requérante et la décision générale n° 234/84 — prétendument viciée — car, selon la thèse avancée à titre subsidiaire par la requérante, il y a eu décision de rejet de sa demande parce que la décision n° 234/84 ne contenait, contrairement à
l'article 15 de la décision n° 1696/82, aucune clause d'adaptation.

bb) Toutefois, il ne fait pour nous aucun doute que la Commission a raison d'affirmer que le recours n'a pas été introduit dans les délais, dont le point de départ est constitué par le dépôt de la demande au mois d'avril 1984.

— Dans ce contexte, il nous paraît en premier lieu difficilement contestable que la lettre de la requérante du 27 avril 1984 dont nous avons examiné le contenu plus haut constitue une saisine valable au sens de l'article 35 du traité CECA. La requérante y réclame clairement une décision en sa faveur et, si elle ne fait à cet égard expressément référence à aucune base légale, cela ne devrait pas prêter à conséquence parce que le renvoi aux dispositions relatives à une augmentation de la
production de référence qui étaient en vigueur lorsqu'à été entamée la réalisation du projet d'investissement peut être considéré comme une référence suffisamment claire à l'article 15 de la décision n° 1696/82. Selon nous, la Commission a, de la sorte, été informée de manière suffisamment explicite (au sens de l'arrêt rendu dans l'affaire 17/57, Rec. 1958-1959, p. 27 ( 3 ) ) que son éventuelle abstention ferait l'objet d'une action en justice. Le système mis en place par le traité n'impose
manifestement pas d'autre « mise en demeure ». En admettant qu'elle soit malgré tout nécessaire, on pourrait penser à cet effet à la lettre de rappel envoyée par la requérante le 5 juillet 1984 que nous avons également déjà mentionnée plus haut (à partir de laquelle l'introduction du recours ne serait cependant pas davantage intervenue dans les délais).

— Il est également évident que la décision réclamée par la requérante n'est pas intervenue dans les deux mois qui ont suivi sa demande. Cela signifie, d'après le régime de protection juridique du traité, qu'une décision implicite de rejet est réputée avoir été prise à cette date et que le recours contre celle-ci doit être introduit dans le mois qui suit (ce qui nous aurait amené en l'espèce à l'été de 1984, et non au printemps de 1985). On peut aisément déduire clairement des arrêts rendus
dans les affaires jointes 42 et 49/59 ( 4 ) (Rec. 1961, p. 156 et suiv.) et 81/83 ( 5 ) (Rec. 1984, p. 2962) que l'article 35 du traité CECA doit effectivement être interprété en ce sens.

— Par contre, lorsque la requérante renvoie à la lettre d'un directeur de la Commission, datée du 20 juin 1984, acceptant de procéder à un examen qui devait obligatoirement être assez long, nous serions d'accord avec la Commission pour penser que cela ne pouvait pas entraîner une prolongation du délai de recours eu égard à la demande de la requérante, la seule à nous intéresser pour le moment.

C'est en premier lieu assurément ainsi qu'il y a lieu de comprendre l'arrêt rendu dans l'affaire 42/58 ( 6 ) (Rec. 1958-1959, p. 419), dans lequel, à propos d'une lettre du directeur de la division du marché de la Haute Autorité déclarant que la question était mise à l'étude, la Cour a énoncé que cette lettre ne constituait pas une décision au sens du traité et qu'il y avait donc décision implicite de rejet conformément à l'article 35 (dans le même sens, l'arrêt rendu dans l'affaire 49/59,
Rec. 1961, p. 156). Sur ce point, la jurisprudence applicable en matière de recours de fonctionnaires établit de manière particulièrement claire que l'absence de décision sur une demande formulée ou l'absence de réponse à une réclamation produisent à l'expiration de certains délais précis des effets juridiques qui doivent à leur tour donner lieu à une action dans les délais prescrits. A cet égard, la Cour a souligné sans équivoque possible que l'expiration du délai équivaut à une décision
implicite de rejet; c'est cette dernière qu'il y a lieu d'attaquer. Cependant, une décision interlocutoire exhortant à la patience ou promettant une mise à l'étude ne doit pas être considérée comme un acte prolongeant le délai de recours, car — dans l'intérêt de la sécurité juridique — les parties ne peuvent pas disposer de ce dernier à leur convenance (en ce sens, les arrêts rendus dans les affaires 12/65, 52/64, 79/70 et 40/71 ( 7 )).

Dans ce contexte, il nous paraît surtout significatif que — de manière clairement discernable par la requérante — la mise à l'étude promise ne se rapportait — de manière clairement discernable par la requérante — pas à la demande exprimée dans la lettre par laquelle elle avait saisi la Commission de la question (octroi de productions de référence supplémentaires en raison de la mise en service d'une nouvelle installation conformément aux dispositions en vigueur au commencement des travaux).
A cette fin, d'après la situation non équivoque et connue de la requérante (l'article 15 de la décision n° 1696/82 n'avait sciemment pas été repris dans la réglementation qui lui avait fait suite), une étude d'assez longue durée n'était pas nécessaire. Il s'agissait plutôt — d'après les explications données à la Cour pendant la procédure orale — d'examiner s'il était possible d'aider la requérante par le biais de dispositions souples en vigueur (comme celle de l'article 15, paragraphe 2, de
la décision n° 234/84, qui autorisait le transfert de quantités de référence en cas de fermeture d'installations), et en particulier de se pencher sur le problème de la modification du régime en vigueur pour les tôles galvanisées (à savoir le regroupement des catégories le et Id et la fixation de nouvelles productions de référence plus favorables pour la catégorie commune ainsi créée). Enfin, des négociations étaient déjà en cours lorsque la requérante a introduit sa demande (elle l'admet
expressément dans la réplique dans l'affaire 119/85); elles ont donné lieu à une communication adressée au Conseil par la Commission le 29 novembre 1984 ainsi qu'à un projet de décision du 21 décembre 1984 (qui a, à vrai dire, été sans résultat de sorte qu'on en est arrivé en fin de compte à ne mettre en place — dans la décision n° 470/85 — qu'un régime partiellement nouveau, qui n'autorisait de quotas supplémentaires que pour la catégorie Id).

Toutefois, lorsque la requérante a préféré abandonner sa demande initiale pour attendre l'issue — incertaine — des autres démarches citées, il ne lui est assurément pas possible, la situation ayant été définitivement éclaircie et le délai applicable ayant expiré, de revenir à sa demande première, à savoir l'attribution de productions de référence supplémentaires à l'exemple des dispositions de l'ancien régime en vigueur.

— Enfin, il convient encore de retenir que, même en se ralliant à l'opinion de la requérante eu égard aux effets de la lettre du 20 juin 1984 (si, donc, on admet qu'elle a attendu à bon droit la notification des productions de référence valables pour 1985 — ce qui, manifestement, constitue, selon elle, la durée maximale de l'examen), il est difficile d'admettre que le recours a été introduit dans les délais. En réalité, la décision du 20 février 1985 (sur laquelle la requérante se base)
n'était pas le premier acte dont elle pouvait déduire que ses productions de référence ne seraient pas modifiées (et, donc, que sa demande d'adaptation serait rejetée). Cela ressortait au contraire déjà de la première décision du 31 décembre 1984 se rapportant au premier trimestre de 1985 (annexe 2 à la requête). C'est par conséquent au plus tard à cette décision qu'elle aurait dû réagir, et non attendre seulement la décision du 20 février 1985 (qui remplace certes la première décision
citée, mais en ne modifiant que les taux d'abattement pour la catégorie le, alors qu'à d'autres égards — y compris en ce qui concerne les productions de référence — elle ne fait que confirmer les données du 31 décembre 1984).

cc) En conséquence, on ne peut que retenir que la demande principale doit être jugée irrecevable pour cause de forclusion.

b) La Commission a également émis des doutes quant à la demande de constatation (ou d'interprétation) se rapportant aux décisions générales nos 2177/83 et 234/84, qui tend, à titre subsidiaire, à obtenir que ces décisions soient déclarées illégales. Elle estime, en effet, par rapport à la demande en constatation que la Cour ne peut pas, par la voie de l'interprétation, faire revivre à la place de la Commission l'article 15 de la décision n° 1696/82 ni donner instruction à la Commission de
réintroduire à titre rétroactif une disposition qui ne se trouve pas dans la décision n° 234/84. Eu égard à la demande subsidiaire, elle est d'avis que la requérante ne peut pas valablement exciper ainsi de l'illégalité de ces décisions parce qu'il n'est pas possible de dire que les décisions générales ont constitué la base légale de la décision individuelle attaquée dans la mesure où cette dernière contenait le refus de modifier la production de référence, il n'y a donc pas de lien direct entre
la décision individuelle, qui n'est en substance qu'une application, pour ainsi dire automatique, du régime de quotas, et l'absence de dispositions d'adaptation dans les décisions générales.

aa) Nous avons la conviction qu'il est clair que les deux demandes précitées — conçues comme des demandes indépendantes — ne pourraient pas être jugées recevables.

Il est manifeste que le régime de protection juridique mis en place par le traité CECA, qui n'énumère que des formes de recours bien précises, ne comprend pas la demande visant à faire constater une interprétation définie d'une disposition légale et il est tout aussi évident que l'article 31 cité par la requérante, lequel ne contient qu'une définition générale des fonctions de la Cour, ne peut servir de base légale à une demande en constatation.

En ce qui concerne, d'autre part, la demande subsidiaire, il conviendrait de dire qu'en tant que demande indépendante elle devrait être considérée comme étant irrecevable parce qu'étant hors délai.

bb) Si, par contre, il y a lieu de partir de l'idée — ce qui est en particulier facile à concevoir pour la demande subsidiaire — que, dans le cas des deux demandes citées, nous avons en réalité affaire à des moyens destinés à appuyer la demande principale (donc, à la motivation du recours), il ne reste qu'à conclure qu'il n'y a plus maintenant de raison de les examiner, la demande principale n'étant — comme nous l'avons vu — pas recevable.

c) Enfin, quant à la demande de réparation du préjudice subi, on observera que la formulation choisie dans la requête ne fait pas apparaître de manière très claire si une demande en ce sens est déjà introduite ou si elle ne le sera qu'ultérieurement (ce qui nous dispenserait assurément d'avoir à l'examiner maintenant).

Si la première hypothèse devait être la bonne — ce que corrobore la remarque figurant dans la réplique selon laquelle cette demande est formulée « à titre conservatoire et pour faire l'économie d'une nouvelle procédure », nous pouvons renvoyer sur ce point à nos conclusions dans les affaires jointes 63 et 147/84 ( 8 ), dans lesquelles nous avons déjà dit tout ce qui était nécessaire à propos d'une situation similaire. En réalité, l'article 34 du traité CECA établit clairement qu'il ne peut y
avoir de recours en indemnité que si la Commission ne prend pas les mesures appropriées à la suite d'une décision d'annulation et de la constatation que la décision attaquée était entachée d'une faute de nature à engager la responsabilité de la Communauté. En conséquence, une demande de réparation formulée en même temps qu'une demande d'annulation est assurément prématurée et, partant, irrecevable.

De plus, il paraît absurde d'interpréter cette demande en ce sens qu'elle vise à la constatation du fait que la décision attaquée est entachée d'une faute de nature à engager la responsabilité de la Communauté. En effet, si — comme nous l'avons montré — le recours en annulation ne peut pas être jugé recevable, il n'y a aucune possibilité de constater à son égard qu'il rentre dans le cadre de l'article 34 du traité CECA.

d) C'est pourquoi, comme le suggère la Commission, le recours dans l'affaire 81/85 doit être rejeté en tous ses moyens comme étant irrecevable.

2. Le recours dans l'affaire 119/85

Compte tenu de l'ensemble des considérations qui précèdent, nous pourrons être bref sur ce recours.

a) En ce qui concerne la demande principale (demande d'annulation, voir ci-dessus p. 1780), il nous suffira d'observer qu'une décision de rejet de la demande de la requérante tendant à l'octroi de productions de référence supplémentaires est réputée intervenue deux mois après la saisine de la Commission (c'est-à-dire fin juin 1984), mais au plus tard à la suite de la communication contenue dans la décision du 31 décembre 1984 relative aux productions de référence applicables pour l'année 1985 (si on
ne considère pas déjà que les communications des quotas pour le troisième et le quatrième trimestres de 1984 sont importantes). Les décisions se rapportant au même objet qui sont intervenues ultérieurement ne peuvent donc être considérées que comme des actes purement confirmatifs qui — en l'absence de faits nouveaux — ne peuvent rouvrir de nouveaux délais. C'est ce qui ressort clairement de la jurisprudence applicable (voir arrêt rendu dans les affaires jointes 7 et 9/54 ( 9 ) dans cette affaire,
après l'expiration du délai de recours de l'article 35, une décision explicite de refus était encore intervenue). La jurisprudence applicable en matière de droit du personnel est ici encore intéressante (arrêt rendu dans les affaires 24/69 ( 10 ) et 79/70).

La demande d'annulation des décisions des 18 et 29 mars 1985 dans la mesure où, par celles-ci, la Commission refuse à la requérante l'attribution de références supplémentaires pour les produits des catégories le et Id n'est par conséquent certainement pas recevable. De ce fait, il est possible de laisser en suspens la question de savoir si les lettres citées ont réellement un caractère de décision ou si — comme le pense la Commission — il y a lieu d'en douter, car elles ne contiennent que des
informations uniquement fournies dans l'intérêt de la requérante (et qui, en outre, dans le cas de la lettre du 18 mars 1985, n'émanaient pas de la Commission, mais simplement d'un haut fonctionnaire).

b) Eu égard aux autres demandes correspondant à celles formulées dans l'affaire 81/85, nous renvoyons à nos explications les concernant.

3.

On retiendra donc en définitive que les deux recours doivent être rejetés comme étant irrecevables.

II — Sur le bien-fondé

Étant donné la conclusion claire à laquelle nous a amené l'examen de la recevabilité des recours, nous pourrions à vrai dire nous abstenir d'apprécier à titre subsidiaire le bien-fondé de ces recours. Toutefois, il paraît utile d'exprimer en quelques mots encore notre sentiment à cet égard.

1. Il y a lieu de se pencher d'abord sur la thèse qui est logiquement au premier plan de l'argumentation de la requérante, à savoir: le refus d'attribution d'une production de référence supplémentaire est illégale parce que la décision n° 234/84 (comme la décision précédente) doit, pour prétendre à l'exactitude, être interprétée en ce sens qu'une possibilité d'adaptation de la production de référence a subsisté dans les cas dans lesquels la réalisation d'un programme d'investissements a débuté sous
l'empire d'un régime de quotas qui — comme la décision n° 1696/82 — autorisait une telle adaptation.

A notre avis, ce point de vue ne doit manifestement pas être retenu. Une comparaison de la décision n° 1696/82 avec les décisions qui ont suivi montre tout à fait clairement que ces dernières ne contiennent pas de clause d'adaptation correspondant au souhait de la requérante. Que cela ait été fait sciemment et sans réserve ressort — d'après les affirmations incontestées de la Commission — de la communication de la Commission au Conseil du mois de juin 1983 qui a servi à la préparation de la
décision n° 2177/83 et dont les entreprises ont eu connaissance.

Ce que la requérante vise par l'opinion qu'elle défend n'a donc en réalité rien à voir avec une interprétation; il s'agit plutôt de créer un droit, ce que la Cour ne peut cependant certainement pas faire, l'auteur de la décision ayant clairement exprimé sa volonté.

2. La question se pose ensuite de savoir si l'absence de dispositions d'adaptation applicables à la mise en service de nouvelles installations dans la décision n° 234/84 constitue un vice de droit.

Selon la requérante, il y a lieu de l'admettre pour plusieurs raisons.

a) Elle invoque en premier lieu la violation du principe de confiance légitime. Ce dernier exige, selon elle, qu'au moins pour les entreprises dont un programme d'investissement avait reçu un avis favorable sous l'empire du régime antérieur, il existe une mesure transitoire permettant l'adaptation de la production de référence.

Comme on le sait, cette thèse a déjà été soutenue dans les affaires 63 et 147/84 sans que la Cour y adhère. Cependant, la requérante en l'espèce pense que son cas doit être apprécié différemment et qu'il est important à cet égard, d'une part, que, d'après l'arrêt cité, les avis au sens de l'article 54, qui sont donnés dans le cadre du régime de quotas, doivent recevoir une interprétation différente de celle qui leur a été donnée à l'origine dans la jurisprudence (à savoir qu'ils ne doivent pas
être considérés comme de simples conseils) et, d'autre part, que, dans cet arrêt, la Cour a expressément déclaré qu'il était possible que, dans d'autres circonstances, un avis favorable au titre de l'article 54 puisse fonder une confiance légitime [attendu 21; voir également mes conclusions sous B II 1 c), Rec. 1985, p. 2865-2867].

Sur ce point, et en particulier en ce qui concerne l'opinion de la requérante selon laquelle un avis favorable au titre de l'article 54 du traité CECA donné dans le cadre du régime de quotas a, en réalité, la valeur d'une autorisation (parce que, sans cet avis, il n'est effectivement pas possible d'obtenir des quotas supplémentaires et, donc, de mettre en service une nouvelle installation), il convient de souligner d'emblée que, d'après son contexte général, l'arrêt cité met très clairement en
lumière qu'un avis favorable au sens de l'article 54 du traité CECA n'est, même dans le cadre du régime de quotas, pas à analyser comme une autorisation (voir surtout attendu 21).

En outre et surtout, il est important de savoir — et nous en venons ainsi aux « circonstances différentes » de l'espèce présente, que la requérante fait tant ressortir — quels espoirs il était possible d'avoir quant à l'adaptation des productions de référence dans le cadre juridique de la décision n° 1696/82 (sous l'empire de laquelle la Commission a, comme on le sait, donné un avis favorable à la requérante) et si la Commission a ainsi fourni à la requérante un « indice » (au sens de l'arrêt
rendu dans l'affaire 68/77 ( 11 )) justifiant sa confiance dans la possibilité de mettre en service l'installation projetée avec des quotas supplémentaires. A cet égard, il convient, d'une part, de ne pas oublier que les dispositions d'adaptation s'appliquant aux nouvelles installations sont (comme l'a montré la Commission) devenues de plus en plus strictes depuis la mise en place du régime de quotas et que, par conséquent, la persistance et l'aggravation de la crise (que l'on pouvait
constater en 1983) incitaient plutôt à penser que de telles possibilités ne seraient pas maintenues sans modification, mais seraient encore restreintes. Si, d'autre part, on donne la priorité à la situation existant sous l'empire de la décision n° 1696/82, il est également important que son article 15 ne donnait pas un droit absolu à l'adaptation de la production de référence, mais laissait à la Commission un pouvoir d'appréciation. La manière dont elle exerçait ce pouvoir dans la pratique
était donc tout à fait essentielle pour établir un rapport de confiance. Or, cette pratique semble avoir été telle — et, si la requérante n'en avait pas connaissance, elle aurait dû s'en faire une idée avant de prendre des dispositions — qu'une adaptation n'entrait en ligne de compte que pour la catégorie Id et seulement lorsque l'utilisation de productions de référence d'installations fermées ne suffisait pas à atteindre le taux moyen d'utilisation d'installations de ce type dans la
Communauté (après un certain abattement). En conséquence, au moment où la Commission a donné son avis — dont la requérante fait si grand cas —, il ne pouvait être question de faire naître un espoir légitime que la nouvelle installation bénéficierait en tout état de cause d'une augmentation de la production de référence (sans tenir compte des fermetures dont la requérante parlait déjà dans sa demande et la Commission également dans son avis); un tel espoir ne pouvait certainement pas être fondé
à l'égard des produits de la catégorie le, car la capacité de la nouvelle installation correspondait à peu près à celle de l'installation fermée (55000 tonnes, contre 60000 tonnes). Or, d'après le contenu de sa demande du 27 avril 1984, ce sont ces produits qui importaient essentiellement à la requérante. En revanche, pour les produits de la catégorie Id, il n'y avait manifestement aucune difficulté insurmontable (la requérante dit elle-même qu'elles auraient pu être résolues en 1984 sur la
base de l'article 11 de la décision n° 234/84); en outre, à leur égard, l'aide pouvait venir — en raison de l'amélioration des conditions de marché — de la décision n° 470/85 (dans le cas de la requérante, comme il l'a été dit au cours de la procédure orale, une décision du mois de janvier 1986 l'en a fait bénéficier).

Il ne nous reste alors qu'à conclure que, dans l'espèce présente, il n'est pas davantage possible de déclarer illégale la décision n° 234/84 (et celle qui l'a précédée) en raison de l'absence de dispositions d'adaptation (du type de celle de l'article 15 de la décision n° 1696/82) en invoquant le principe de la confiance légitime.

b) Selon la requérante, l'illégalité des décisions générales citées résulte encore de la violation du prìncipe de sécurité juridique.

La requérante explique à ce sujet qu'il n'est pas possible d'anéantir par un acte ultérieur les effets juridiques d'un acte antérieur lorsque celui-ci était créateur de droits; par conséquent, les entreprises qui ont un droit à l'adaptation de leur production de référence découlant de l'avis positif donné par la Commission dans le cadre de la décision n° 1696/82 ne peuvent pas se voir privées de ce droit dans des décisions ultérieures.

Sur ce point, la Commission a fait remarquer avec pertinence qu'il s'agit en substance d'une argumentation identique à celle qui, pour l'essentiel, a déjà été développée à propos de la violation du principe de la confiance légitime et elle ne peut donc pas plus être jugée valable sous l'appellation qui lui est donnée maintenant qu'elle ne l'a été dans le cadre du moyen traité précédemment. De fait, comme nous l'avons vu, il est manifestement erroné de tirer un droit à une adaptation d'un avis
de la Commission donné sous l'empire de la décision n° 1696/82. En outre, il est clair que les possibilités d'adaptation résultant de l'article 15 de la décision n° 1696/82 n'étaient applicables que dans le cadre d'un régime de quotas limité dans le temps; mais il est difficile d'admettre qu'il y ait eu une obligation de les maintenir inchangées sans tenir compte de l'évolution des données économiques (tout à fait indépendamment du fait que la requérante, d'après tout ce que nous savons,
n'aurait probablement rien pu retirer d'une disposition de cette nature pour le fonctionnement de sa nouvelle installation).

Ainsi, on ne voit pas non plus comment le principe de la sécurité juridique pourrait permettre d'arguer de l'absence de dispositions autorisant l'adaptation des productions de référence de la requérante pour les catégories le et Id en raison de la mise en service d'une nouvelle installation.

c) La requérante critique encore les décisions générales qui sont ici en cause au motif que le comportement actuel de la Commission est en contradiction avec ses manifestations antérieures de volonté et, dans cette mesure, elle a également méconnu certains objectifs de Yarticle 3 du traité CECA [il a surtout été question des lettres a), c) et g), à l'égard desquelles la requérante a notamment fait valoir qu'elle était ainsi empêchée de satisfaire la demande de ses clients pour des produits ayant
du succès].

Sur ce point — en ce qui concerne la première partie de l'argumentation —, il est possible de faire un nouveau renvoi à l'arrêt rendu dans les affaires 63 et 147/84, dans lequel des considérations en ce sens ont déjà été rejetées (voir attendu 26 et aussi nos conclusions sous B II 3, Rec. 1985, p. 2868). Au surplus, il y a lieu de remarquer — dans la mesure où, dans ce contexte, la requérante expose que l'avis de la Commission a eu la portée d'une autorisation et que l'absence de clause
d'adaptation l'empêche d'exploiter de manière rentable sa nouvelle installation — qu'en réalité il ne faut pas voir une autorisation dans l'avis de la Commission (comme cela a déjà été mis en lumière dans l'arrêt Finsider); d'autre part — tout à fait indépendamment du fait que, dans le cadre du régime de quotas, il n'existe, comme cela a déjà été souligné à maintes reprises dans la jurisprudence, aucune garantie de principe de l'utilisation rentable des installations —, il convient de retenir
que la requérante n'a pas prouvé qu'en utilisant les quotas des installations fermées et à fermer (dont, comme nous l'avons dit, il était expressément question dans l'avis de la Commission) elle ne peut pas parvenir à un taux d'utilisation de sa nouvelle installation en quelque sorte satisfaisant par rapport à la moyenne communautaire.

En ce qui concerne la seconde branche de l'argumentation de la requérante, on peut également, pour l'essentiel, se référer à l'arrêt Finsider (attendu 27, ainsi que mes conclusions, loc. cit., p. 2868-2869). Pour être complet, on ajoutera à la rigueur encore, à propos de l'opinion de la requérante selon laquelle il s'agit en l'espèce de produits dont les débouchés se sont nettement améliorés, que, d'après l'évolution des taux d'abattement en 1983 et en 1984, telle que la Commission l'a
présentée, cela n'est pas vrai des produits de la catégorie le (sur lesquels portait principalement la demande d'augmentation de ses quotas formulée par la requérante). Au surplus, lorsque la requérante parle de satisfaire la demande de ses clients, il y a lieu ici aussi d'observer qu'elle invoque à tort l'article 3, sous a), et on rappellera les principes énoncés dans l'arrêt rendu dans l'affaire 78/83 ( 12 ) selon lesquels un dépassement de quota ne peut être justifié par la nécessité de
satisfaire les désirs des clients.

d) Enfin, quelques mots encore sur le moyen tiré de la discrimination qu'invoque la requérante à l'encontre des décisions générales en question, en soulignant que d'autres entreprises ont bénéficié d'augmentations de leurs productions de référence.

A notre avis, la Commission y répond de manière convaincante en arguant que les situations ne sont pas comparables. Cet argument est effectivement exact à l'égard d'entreprises qui ont bénéficié, en raison de la mise en service antérieure de nouvelles installations, de la clause d'adaptation encore en vigueur à l'époque — pour laquelle la date de mise en service était déterminante. Cela est également vrai dans le cas d'autres entreprises auxquelles ont été appliquées certaines dispositions
d'adaptation très spécifiques (à savoir celles relatives au démarrage d'une activité de production ou aux entreprises qui rentraient dans le champ d'application du régime de quotas en raison du dépassement d'une production minimale).

3. S'il est apparu jusque-là que les critiques adressées aux décisions générales ne sont pas justifiées, il convient d'aborder néanmoins encore brièvement le moyen tiré du défaut de motivation.

Sur ce point, la requérante a, comme on le sait, fait valoir que le refus d'accorder des productions de référence supplémentaires dans la décision du 20 février 1985 n'est pas motivé et, à cet égard, la référence générale à la décision n° 234/84 ne peut pas être jugée suffisante (car celle-ci ne fournit pas non plus de justification à l'absence de possibilité d'adaptation) pas plus que la communication faite durant l'été 1983 à l'association Eurofer sur la non-prorogation de la clause
d'adaptation dans la décision n° 2177/83.

Dans la mesure où il s'agit, dans ce contexte, de la décision du 20 février 1985, dans laquelle la requérante a reçu communication de ses quotas de production pour le premier trimestre de 1985, mais dans laquelle cette dernière voit aussi un rejet implicite de sa demande du mois d'avril 1984, il est, à notre sens, clair que l'absence de motivation de la partie de cette décision représentant prétendument un refus implicite ne peut être critiquée. La situation est ici identique à celle d'un silence
absolu faisant suite à une demande, situation dans laquelle, d'après la nature même des choses, le défaut de motifs n'entre pas en considération (car, dans le cas contraire, toute décision implicite de rejet devrait purement et simplement être annulée pour défaut de motivation). Nous pouvons en outre renvoyer à l'arrêt rendu dans l'affaire 14/81 ( 13 ), dans laquelle la Cour a souligné que la Commission n'a pas à motiver le fait de s'être abstenue de prendre d'autres mesures que celles indiquées
dans une décision (Rec. 1982, p. 766, attendu 18).

Si, par ailleurs, comme pourrait le faire croire son argumentation, la requérante pensait également à la motivation de la décision générale n° 234/84, il serait une nouvelle fois possible de renvoyer simplement à l'arrêt rendu dans l'affaire Finsider, dans lequel la Cour a déclaré, à propos d'un grief identique, que la disposition d'adaptation s'appliquant aux nouvelles installations a déjà été supprimée par la décision n° 2177/83 et qu'il n'est, au surplus, pas possible d'exiger que figure, dans
une décision, la motivation de chaque détail.

4. En conséquence, mes considérations annexes ne peuvent être résumées qu'en ce sens que ni la critique adressée par la requérante aux actes directement attaqués ni celle qui se rapporte à leur base légale ne paraît fondée. Il en résulte donc qu'il n'y a en aucun cas lieu de parler d'une faute de nature à engager la responsabilité de la Communauté au sens de l'article 34 du traité CECA.

C — Conclusion

Nous avons la conviction qu'il convient de rejeter les recours introduits par Usinor comme étant irrecevables et, en tout état de cause, non fondés. Les frais de la procédure sont donc à la charge de la requérante.

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( *1 ) Traduit de l'allemand.

( 1 ) Arrêt rendu le 13 juin 1958 dans l'affaire 9/56, Meroni & Co., Industrie Metallurgiche, SpA/Haute Autorité de la CECA, Rec. 1958, p. 9; arrêt rendu le 13 juin 1958 dans l'affaire 10/56, Meroni & Co., Industrie Metallurgiche, società in accomandita semplice/Haute Autorité de la CECA, Ree. 1958, p. 51; arrêt rendu le 12 juin 1958 dans l'affaire 15/57, Compagnie des hauts fourneaux de Chasse/Haute Autorité de la CECA, Rec. 1958, p. 159.

( 2 ) Arrêt rendu le 31 mars 1965 dans l'affaire 21/64, Macchiorlati Dalmas e Figli/Haute Autorité de la CECA, Rec. 1965, p. 241.

( 3 ) Arrêt rendu le 4 février 1959 dans l'affaire 17/57, De Gezamenlijke Steenkolenmijnen in Limburg/Haute Autorité de la CECA, Rec. 1958-1959, p. 9.

( 4 ) Arrêt rendu le 22 mars 1961 dans les affaires jointes 42 et 49/59, Société nouvelle des usines de Pontlieue — Aciéries du Temple (Snupat)/Haute Autorité de la CECA, Rec. 1961, p. 109.

( 5 ) Arrêt rendu le 12 juillet 1984 dans l'affaire 81/83, Acciaierie e Ferriere Busseni SpA/Commission, Rec. 1984, p. 2951.

( 6 ) Arrêt rendu le 17 juillet 1959 dans l'affaire 42/58, Société des aciers fins de l'Est (SAFE)/Haute Autorité de la CECA, Rec. 1958-1959, p. 399.

( 7 ) Arrêt rendu le 14 décembre 1965 dans l'affaire 12/65, Fred Bauer/Commission, Rec. 1965, p. 1239; arrêt rendu le 14 décembre 1965 dans l'affaire 52/64, Fred Pfloeschner/Commission, Rec. 1965, p. 1211; arrêt rendu le 7 juillet 1971 dans l'affaire 79/70, Helmut Mullers/Comité économique et social de la CEE et de la CEEA, Rec. 1971, p. 698; arrêt rendu le 17 février 1972 dans l'affaire 40/71, Denise Richez-Parise/Commission, Rec. 1972, p. 73.

( 8 ) Conclusions présentées le 11 juin 1985 dans les affaires jointes 63 et 147/84, Finsider, Società finanziaria siderurgica per azioni/Commission, Rec. 1985, p. 2858.

( 9 ) Arrêt rendu le 23 avril 1956 dans les affaires jointes 7 et 9/54, Groupement des industries sidérurgiques luxembourgeoises/Haute Autorité de la CECA, Rec. 1955-1956, p. 53.

( 10 ) Arrêt rendu le 14 avril 1970 dans l'affaire 24/69, Teo Nebe/Commission, Rec. 1970, p. 145.

( 11 ) Arrêt rendu le 14 février 1978 dans l'affaire 68/77, IFGInterkontinentale Fleischhandelsgesellschaft mbH & Co. KG/Commission, Rec. 1978, p. 353.

( 12 ) Arrêt rendu le 13 décembre 1984 dans l'affaire 78/83, Union sidérurgique du nord et de l'est de la France « Usinor »/Commission, Rec. 1984, p. 4177.

( 13 ) Arrêt rendu le 3 mars 1982 dans l'affaire 14/81, Alpha Steel Ltd/Commission, Rec. 1982, p. 749.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 81/85
Date de la décision : 23/04/1986
Type de recours : Recours en responsabilité - irrecevable, Recours en annulation - irrecevable

Analyses

CECA - Quotas de production - Programme de restructuration.

Sidérurgie - acier au sens large

Matières CECA

Quotas de production


Parties
Demandeurs : Union sidérurgique du nord et de l'est de la France (Usinor)
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Lenz
Rapporteur ?: Schockweiler

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1986:173

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