CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL
M. JEAN MISCHO
présentées le 11 mars 1986
Monsieur le Président,
Messieurs les Juges,
La question préjudicielle dont la Cour est saisie par le Finanzgericht Düsseldorf concerne la légalité de la fixation de montants compensatoires monétaires (MCM) pour l'importation effectuée dans le cadre d'un contingent tarifaire communautaire de viande bovine fraîche, réfrigérée ou congelée, relevant des sous-positions 02.01 A II a) 4 bb) et 02.01 A II b) 4 bb) du tarif douanier commun (TDC).
I — Cadre réglementaire et faits
Comme un grand nombre de règlements communautaires sont concernés dans le cas d'espèce, il me paraît nécessaire de décrire brièvement la législation applicable. A cet égard, je me permettrai de distinguer, pour les facilités de la compréhension et de la présentation, entre les textes relevant de la réglementation contingentaire (A) et ceux régissant l'application du système des MCM (B).
A — Réglementation contingentaire
La Communauté s'est engagée, dans le cadre du GATT, à des dates différentes, à ouvrir trois contingents tarifaires relatifs à la viande bovine.
Ces contingents ont en commun les deux éléments suivants:
— la non-perception du prélèvement applicable en vertu de l'organisation commune des marchés dans le secteur de la viande bovine;
— l'application d'un droit de douane de 20 % (identique au droit autonome du tarif douanier commun), consolidé dans le cadre du GATT.
Les autres caractéristiques de ces contingents sont les suivantes:
1) le premier contingent concerne la viande bovine congelée de la sous-position 02.01 A II b) du TDC, d'un volume total, exprimé en viande désossée, de 50000 tonnes. Il a été ouvert pour l'année 1982 par le règlement no 136/82 du Conseil, du 19 janvier 1982QO 1982, L 17, p. 1); ce contingent a été réparti entre les Etats membres;
2) le deuxième contingent a été ouvert en faveur de la viande de buffle congelée de la sous-position 02.01 A II b) 4 bb) du TDC, d'un volume total de 2250 tonnes. Il a été ouvert pour l'année 1981 par le règlement no 218/81 du Conseil, du 20 janvier 1981QO 1981, L 38, p. 2), et reconduit pour l'année 1982 par le règlement no 3716/81 du Conseil, du 21 décembre 1981QO 1981, L 373, P. 2);
3) le troisième contingent vise les viandes bovines de haute qualité, fraîches, réfrigérées ou congelées, des sous-positions 02.01 A II a) et 02.01 A II b) du TDC, d'un volume total de 21000 tonnes. Il a été ouvert pour l'année 1981 par le règlement no 217/81 du Conseil, du 20 janvier 1981QO 1981, L 38, p. 1), et reconduit pour l'année 1982 par le règlement no 3715/81 du Conseil, du 21 décembre 1981QO 1981, L 373, p. 1). Le volume en question de cette viande de haute qualité dénommée habituellement
« Hilton beef », n'a pas été réparti entre les États membres.
Afin d'assurer, notamment, l'accès égal et continu de tous les opérateurs intéressés de la Communauté audit contingent et l'application, sans interruption, du taux prévu à toutes les importations des produits en question dans tous les États membres jusqu'à épuisement du volume contingentaire, la suspension totale du prélèvement à l'importation est subordonnée à la présentation, lors de la mise en libre pratique, d'un certificat d'authenticité ou, pour une catégorie déterminée de viande, d'un
certificat d'importation.
Les modalités de ces deux derniers contingents sont régies par le règlement no 263/81 de la Commission, du 21 janvier 1981 (JO 1981, L 27, p. 52), prorogé pour l'année 1982 par le règlement no 3751/81 de la Commission, du 22 décembre 1981 (JO 1981, L 374, p. 14).
B — Réglementation concernant l'application des MCM
Le règlement no 2140/79 de la Commission, du 28 septembre 1979, fixant les montants compensatoires monétaires ainsi que certains coefficients et taux nécessaires à leur application (JO 1979, L 247, p. 1), tel qu'il a été modifié par le règlement no 2979/79 de la Commission, du 27 décembre 1979QO 1979, L 336, p. 57), prévoit, à la partie 3 (secteur de la viande bovine) de son annexe I, note en bas de page 2, une exception pour les produits de la sous-position tarifaire 02.01 A II b). Cette note en
bas de page dispose en effet que le MCM prévu pour le secteur de la viande bovine en général n'est pas appliqué:
« — dans la limite d'une quantité de 50000 tonnes, exprimée en viande désossée, du contingent tarifaire annuel à octroyer par les autorités compétentes des Communautés européennes pour la viande bovine congelée,
— dans la limite d'une quantité de 2250 tonnes, exprimée en viande désossée, du contingent tarifaire annuel à octroyer par les autorités compétentes des Communautés européennes pour la viande de buffle congelée».
Précisons ici que, dans les considérants de son règlement, la Commission a estimé qu'il convenait de prévoir la non-application des MCM aux importations effectuées dans le cadre de ces contingents «compte tenu du caractère spécifique de ces échanges».
La non-application des MCM à ces contingents a été prolongée à partir du 1er mars 1982 par le règlement no 481/82 de la Commission, du 26 février 1982, modifiant les montants compensatoires monétaires (JO 1982, L 57, p. 1).
En clair, les MCM ne sont donc pas applicables aux contingents ouverts par les règlements du Conseil nos 3716/81 (2250 tonnes de viande de buffle congelée) et 136/82 (50000 tonnes de viande bovine congelée).
Par contre, en vertu du même règlement no 481/82, qui a actualisé les MCM à la suite des modifications des taux pivots intervenues à l'époque, les importations de viande bovine autres que celles visées ci-devant, sont soumises à la perception de MCM.
C — Les faits
Les faits qui ont donné lieu à la présente affaire sont les suivants.
En avril 1982, la demanderesse, la Malt GmbH, a importé en Allemagne, dans le cadre du contingent tarifaire communautaire de 21000 tonnes, de la viande bovine de très haute qualité, dite « Hilton beef », relevant des sous-positions 02.01 A II a) et b) du TDC, à savoir de la viande fraîche en provenance d'Argentine et de la viande congelée en provenance des États-Unis. Pour ces importations, elle a acquitté, outre les droits de douane et la taxe sur le chiffre d'affaires à l'importation, des MCM
s'élevant à 210874,64 DM, fixés sur la base du règlement no 481/82 de la Commission, susmentionné.
La demanderesse a formé une réclamation contre la perception de ces MCM en faisant valoir que celle-ci constituerait une discrimination par rapport au traitement dont bénéficiaient les importations effectuées dans le cadre des deux autres contingents susmentionnés.
Cette réclamation ayant été rejetée par le défendeur, le Hauptzollamt Düsseldorf, comme non fondée, la demanderesse a introduit un recours contre la perception des MCM au tribunal compétent en matière fiscale de Düsseldorf.
Estimant que l'interprétation du règlement no 481/82 de la Commission suscitait des doutes et que la solution du litige dépendait de cette interprétation, le Finanzgericht Düsseldorf a soumis à la Cour la question suivante :
« La fixation d'un montant compensatoire monétaire pour les viandes bovines relevant de la sous-position 02.01 A II a) 4 bb) du TDC intervenue aux termes du règlement (CEE) no 481/82, du 26 février 1982, est-elle illégale dans la mesure où elle entraîne la perception de montants compensatoires monétaires à l'importation de viandes bovines fraîches, réfrigérées ou congelées, effectuée dans le cadre d'un contingent tarifaire [règlement (CEE) no 3715/81]?»
Dans sa question, le tribunal de renvoi se réfère uniquement à la sous-position tarifaire 02.01 A U a) 4 bb) (viande bovinefraîche ou réfrigérée). Il ressort cependant clairement du contexte, et d'ailleurs des termes mêmes de la question, que la viande congelée, relevant de la sous-position 02.01 A II b) 4 bb) est également visée.
Je signale encore que la requérante au principal avait demandé, à titre subsidiaire, que les MCM perçus soient diminués du montant dont le prélèvement à l'importation aurait été diminué, s'il avait été perçu, du fait de l'application du coefficient monétaire. Dans son ordonnance, le tribunal de renvoi a clairement indiqué qu'il ne souhaitait pas obtenir de la Cour une décision à ce sujet et n'a, dès lors, pas inclus ce point dans la question préjudicielle. Je ne m'y attarderai donc pas par la suite.
II — La question de la validité du règlement no 481/82 de la Commission
Les règlements précités de la Commission relatifs aux MCM ont été fondés, notamment, sur le règlement no 974/71 du Conseil, du 12 mai 1971, relatif à certaines mesures de politique de conjoncture à prendre dans le secteur agricole à la suite de l'élargissement temporaire des marges de fluctuation des monnaies de certains États membres (JO 1971, L 106, p. 1), règlement de base du système même des MCM.
C'est donc à la lumière du règlement no 974/7 í du Conseil qu'il y a lieu d'apprécier la légalité du règlement no 481/82 de la Commission, et notamment de son article 1er, paragraphe 1, qui renvoit à l'annexe I fixant, dans sa partie 3, les MCM applicables au secteur de la viande bovine.
La demanderesse considère que cet article est illégal dans la mesure où il prévoit également l'application de MCM en ce qui concerne le contingent de 21000 tonnes, étant donné que les conditions d'application des MCM, telles que prévues au règlement no 974/71 du Conseil et précisées par la jurisprudence de la Cour, ne seraient pas réunies en l'espèce.
Ces conditions d'application, selon la demanderesse, sont au nombre de trois:
a) la présence d'une perturbation ou d'une menace de perturbation dans les échanges intracommunautaires;
b) le respect du principe de la « stricte nécessité » de la perception des MCM eu égard à leur caractère provisoire;
c) l'interdiction d'un élément protecteur supplémentaire.
Outre la demanderesse, seule la Commission est intervenue dans la présente affaire. Elle estime, quant à elle, que la validité de la fixation d'un MCM pour la viande bovine importée par la demanderesse ne serait pas susceptible d'être mise en doute.
Dans la suite de mon exposé, j'examinerai le bien-fondé des arguments des uns et des autres en suivant l'ordre des critères invoqués par la demanderesse.
A — Présence d'une perturbation dans les échanges intracommunautaires
La demanderesse soutient qu'aux termes de l'article 1er, paragraphe 3, du règlement no 974/71 du Conseil, tel que modifié par le règlement no 2746/72, du 19 décembre 1972 (JO 1972, L 291, p. 148), « le paragraphe 1 (c'est-à-dire les MCM) ne s'applique qu'autant que l'application des mesures monétaires visées audit paragraphe entraînerait des perturbations dans les échanges de produits agricoles ».
Elle fait valoir que la Commission qui, comme la Cour de justice l'a reconnu dans de nombreux arrêts, dispose d'un large pouvoir d'appréciation pour évaluer les perturbations ou risques de perturbations justifiant l'application de MCM, aurait manifestement dépassé en l'espèce les limites de ce pouvoir, en tout cas telles qu'elles seraient plus étroitement définies depuis l'arrêt de la Cour du 15 octobre 1980 dans l'affaire 4/79 (ONIC, Rec. 1980, p. 2823). En effet, selon la demanderesse, « une
perturbation ou un risque de perturbation sous toutes les formes concevables d'une entrave au régime d'intervention en ce qui concerne la viande bovine est exclu notamment compte tenu de la triple restriction quantitative (contingent communautaire, contingents bilatéraux par rapport aux pays fournisseurs et contingents nationaux), du prix et de la qualité du produit ainsi que des acheteurs » (p. 13 de ses observations écrites du 10 décembre 1984).
Selon la Commission, la non-application des MCM donnerait lieu à des perturbations des échanges intracommunautaires tant en ce qui concerne la viande bovine en général que la qualité « Hilton beef » en particulier. Si l'importation de cette dernière échappait à l'application du système des MCM, il serait vraisemblable, selon la Commission, que l'ensemble du contingent serait importé dans l'État membre ayant la monnaie la plus forte. Cela étant, la Commission ne serait pas obligée de démontrer
l'existence de perturbations concrètes ou d'un risque de perturbations spécifiques dans chaque cas d'espèce, la jurisprudence de la Cour l'autorisant à fixer les MCM « d'une manière forfaitaire et générale pour des produits ou des groupes de produits » (arrêt du 9 mars 1978 dans l'affaire 79/77, Kühlhaus Zentrum/Hauptzollamt Hamburg, Rec. 1978, p. 611).
Comme la demanderesse s'appuie dans son argumentation, en premier lieu, sur 1' arrêt précité de la Cour du 15 octobre 1980 dans l'affaire 4/79, interprété comme limitant sensiblement les pouvoirs d'appréciation de la Commission, il me semble important d'en examiner brièvement les parties éventuellement susceptibles de s'appliquer au cas d'espèce.
Les éléments de cet arrêt plus particulièrement invoqués par la demanderesse à l'appui de sa thèse sont les attendus 20 et 24. Selon la demanderesse (p. 12 de ses observations écrites du 10 décembre 1984), la Cour aurait souligné le caractère restrictif des articles 1er, paragraphe 1 bis, et 3 du règlement no 974/71 du Conseil (attendu 24) et considéré que des perturbations dans les échanges de produits ne sont notamment provoquées que si le régime d'intervention prévu pour ces produits est
compromis (attendu 20).
Or, une lecture attentive de ces deux attendus permet de démontrer que cette présentation de l'arrêt de la Cour n'est pas objective.
A l'attendu 20, la Cour précise en effet que « l'instauration des montants compensatoires monétaires a pour objet de corriger les effets des variations de taux de change instables qui, dans un système d'organisation des marchés des produits agricoles basé sur les prix communs, seraient de nature à provoquer des perturbations dans les échanges de produits, et notamment à compromettre le régime d'intervention prévu pour ces produits. L'instauration des montants compensatoires monétaires vise donc
essentiellement au maintien du système des prix uniques dans les organisations agricoles de marché ».
Plutôt que de faire ainsi de l'affectation du régime d'intervention le critère exclusif d'une perturbation des échanges, comme semble le vouloir la demanderesse, la Cour confirme que l'élément déterminant, tel qu'il figure à l'article 1er, paragraphe 3, du règlement no 974/71 du Conseil, est effectivement la perturbation (ou le risque de perturbation) dans les échanges de produits agricoles. L'affectation du régime d'intervention n'est qu'une des expressions possibles, parmi d'autres, de ces
perturbations. Aussi, dans l'attendu 24 de l'arrêt Roquette (29/77, Rec. 1977, p. 1835), la Cour a déclaré « que les perturbations dans les échanges de produits agricoles consistent fréquemment en des détournements de trafic ».
Mais je me propose de démontrer également plus loin que, dans le cas d'espèce, le système de prix uniques aurait été mis en cause en cas de non-perception des MCM.
A l'attendu 27 de l'arrêt 4/79, la Cour a par ailleurs confirmé le large pouvoir d'appréciation, reconnu dans ce domaine à la Commission, « notamment en ce qui concerne l'existence ou la menace de perturbations dans les échanges ».
Ce large pouvoir d'appréciation de la Commission, la Cour l'avait à plusieurs reprises reconnu dans des arrêts antérieurs, notamment dans l'affaire 29/77, précitée. Il y est dit, aux attendus 21 à 23, que:
— « l'article 1er, paragraphe 3, du règlement no 974/71 ne saurait être interprété comme obligeant la Commission à décider, cas par cas, ou pour chaque produit séparément et en distinguant d'après le pays d'exportation, de l'existence d'un risque de perturbation;
— les termes mêmes de cette disposition démontrent qu'il peut être procédé, à cet égard, à des appréciations de nature globale;
— notamment, des raisons impérieuses, tenant à la praticabilité du système des montants compensatoires, permettent, pour apprécier la possibilité de perturbations dans les échanges de produits agricoles, de prendre en considération des groupes de produits ».
Aucun doute ne me semble permis au sujet du fait que la Commission a procédé de la sorte en ce qui concerne le secteur de la viande bovine. En soumettant, dans ses différents règlements successifs fixant ou modifiant les MCM, les importations de viande bovine d'une façon générale à des MCM, la Commission a manifestement été convaincue qu'en raison des variations intervenues dans les taux de change, la non-application du MCM donnerait lieu à des perturbations dans les échanges de viande bovine. Ceci
n'a d'ailleurs pas été mis en cause par la demanderesse.
Estimant toutefois que le risque de perturbations des échanges n'existe pas en ce qui concerne la viande de buffle congelée, importée dans la limite d'un contingent tarifaire communautaire de 2250 tonnes, et la viande bovine congelée, importée dans la limite d'un contingent tarifaire communautaire de 50000 tonnes, la Commission a exempté ces importations de la perception des montants compensatoires monétaires.
Je rappelle encore que la Commission a explicitement motivé ces exceptions en soulignant, au deuxième considérant de son règlement no 2979/79, le « caractère spécifique de ces échanges ».
En effet, pour ce qui concerne la viande de buffle congelée, il s'agit d'un contingent très restreint qui permet le maintien d'importations traditionnelles de viande bovine de cette catégorie en Allemagne. Il semble effectivement que la viande de buffle n'ait jusqu'à présent jamais été importée dans un État membre autre que l'Allemagne. Le risque de détournement est donc très limité.
Pour ce qui concerne la viande bovine congelée, il s'agit d'un contingent réparti entre les États membres au prorata de leurs besoins. L'application de MCM n'est donc plus nécessaire pour éviter des détournements de trafic, les quantités importées devant, en principe, être consommées ou transformées dans le pays d'importation.
La demanderesse n'a pas contesté que, dans ces deux cas, le risque de perturbations dans les échanges n'existait pas.
La situation est différente pour la viande bovine importée par la demanderesse dans le cadre du contingent tarifaire communautaire de 21000 tonnes. Ce contingent ne présente pas les caractéristiques que l'on vient de relever à propos des deux contingents susmentionnés. La Commission n'a donc pas prévu, en sa faveur, d'exception à la règle valable pour la viande bovine en général. Conformément à la jurisprudence précitée de la Cour, elle n'a pas dû démontrer expressément dans le cas d'espèce que la
non-application de montants compensatoires monétaires aux produits concernés entraînerait des perturbations dans les échanges. Aussi, l'examen de la démonstration faite par la Commission en réponse à la question que la Cour lui avait posée de préciser quel était, concrètement, le risque de perturbations dans les échanges en ce qui concerne la viande de haute qualité importée par la demanderesse ne saurait-il rien ajouter, en droit, aux éléments que la Cour aura à peser lors de sa délibération.
Je voudrais cependant indiquer que cette démonstration de la Commission me paraît convaincante.
Même si, dans le pays d'exportation, un « additional price » proche du montant du prélèvement suspendu était effectivement perçu, comme le déclare la demanderesse, la viande en question arriverait en République fédérale d'Allemagne à un prix qui ne serait pas supérieur au prix communautaire, puisque le prélèvement est égal à la différence entre le prix du marché mondial et le prix communautaire.
Or, ce dernier est inférieur au prix du marché allemand. La différence est précisément égale au montant compensatoire monétaire allemand. La viande qui serait importée en exemption du MCM aurait donc, déjà sur le marché allemand, un avantage concurrentiel équivalant à ce montant. Mais ce n'est pas cela qui doit nous préoccuper ici, puisque la Communauté est prête à assumer ce risque dans certains cas limités.
Ce qui engendrerait une perturbation dans les échanges intercommunautaires, c'est le fait que la viande, une fois mise en libre pratique en Allemagne (sans paiement des MCM), pourrait être réexportée à tout moment à destination d'un État membre ayant un prix garanti, exprimé en monnaie nationale, inférieur au prix commun. Tel était par exemple, à l'époque des faits, le cas de la Belgique.
L'opérateur économique aurait, dans ce cas, eu droit au paiement du MCM négatif belge, augmenté du MCM positif allemand (pourtant non acquitté à l'entrée du territoire allemand). Il aurait donc été à même d'abaisser son prix de vente en Belgique à un niveau inférieur au prix en vigueur en Belgique pour des viandes de qualité comparable, produites dans la Communauté ou importées directement dans le cadre du même contingent tarifaire.
Il faudrait, par conséquent, s'attendre à des perturbations des échanges, sous la forme de détournements de trafic, à la mise en cause du système des prix communs et à une prestation financière de la part du FEOGA, non justifiée sur le plan économique, mais nullement illégale.
Il est donc faux de dire, comme le fait la requérante, que « surtout le prix et la qualité excluent quasiment une perturbation du marché ».
La requérante fait aussi valoir que la réglementation sanitaire allemande empêcherait l'importation, en Allemagne, de viande originaire de pays tiers qui aurait transité par un autre État membre. Or, il est loin d'être certain que cette réglementation allemande soit compatible avec le droit communautaire et, de toute façon, ce qui est en cause ici, ce sont des détournements de trafic à travers l'Allemagne vers les pays ayant des MCM négatifs, et non l'inverse.
En second lieu, la Commission a soumis à la Cour un tableau statistique qui démontre qu'au cours des années 1982 et 1983 des importations, dans le cadre du contingent en question, ont été effectuées par d'autres pays de la Communauté que la République fédérale d'Allemagne.
Il est donc possible de supposer qu'à partir du moment où la perception des MCM serait supprimée, ces importations transiteraient à travers l'Allemagne afin d'obtenir le « paiement » injustifié du MCM allemand, décrit ci-dessus. De plus des importations nouvelles et additionnelles de « Hilton beef » dans les pays à devise faible, et transitant à travers les pays à devise forte, seraient susceptibles d'être engendrées par la perspective de toucher le MCM des pays à devise forte.
Un tel trafic serait évidemment également possible, en théorie, en ce qui concerne les produits importés au titre des deux autres contingents. Mais, dans ces cas-là, il ne se réalise pas en pratique, à cause de la répartition du contingent de 50000 tonnes entre les États membres, respectivement à cause de l'absence d'intérêt des consommateurs dans les autres États membres pour la viande de buffle. C'est une des raisons pour lesquelles les deux types de situation ne sont pas comparables.
La question de savoir si le Conseil n'aurait pas été mieux avisé de répartir également le contingent de 21000 tonnes entre les États membres, et de suggérer à la Commission de supprimer la perception des MCM, est une question qui relève du pouvoir d'appréciation du Conseil. Peut-être a-t-il considéré qu'un contingent non réparti est « plus communautaire » qu'un contingent réparti, et qu'il est plus simple d'appliquer la règle normale en matière de MCM plutôt que d'y déroger.
Si la Cour annulait le règlement de la Commission, pour autant qu'il prévoit la perception des MCM sur le « Hilton beef », le Conseil serait vraisemblablement amené à répartir ce contingent entre les États membres.
En conclusion, on peut donc dire, en ce qui concerne cette partie de l'argumentation de la demanderesse, que cette dernière n'a pas démontré que la Commission aurait commis une erreur manifeste ou dépassé les limites du pouvoir d'appréciation général que la Cour lui a reconnu dans sa jurisprudence en ne suspendant pas la perception des MCM en faveur du « Hilton beef ».
C'est, au contraire, la Commission qui a démontré, dans ses réponses aux questions de la Cour, que la suppression des MCM dans le cadre du contingent « Hilton beef » serait de nature à conduire à des perturbations dans les échanges, à une mise en cause du système de prix uniques, et à des prestations injustifiées de la part du FEOGA.
Bien que n'étant donc pas obligée à un examen cas par cas des perturbations ou risques de perturbations dans les échanges intracommunautaires, il est évident que la Commission ne doit pas exercer son pouvoir d'appréciation de façon discriminatoire sous peine de violer l'article 40, paragraphe 3, du traité CEE. Il résulte de l'ordonnance de renvoi que la demanderesse, devant les instances allemandes, a effectivement plaidé l'argument de la discrimination. Une certaine contradiction s'est glissée à
cet égard dans son argumentation, en ce sens qu'elle a d'abord plaidé que la discrimination résulterait du fait que les importations de viandes bovines de qualité comparable ne sont pas toutes exemptées de l'application des MCM, avant d'arguer qu'elle consisterait dans le fait que des viandes bovines, bien que différentes, mais toutes importées dans le cadre de contingents tarifaires communautaires négociés au GATT, ne sont pas toutes exemptées de cette application.
Devant la Cour, cependant, la demanderesse n'a pas directement invoqué le principe de la non-discrimination qui, toutefois, s'est retrouvé, sous une forme différente, dans son deuxième moyen: le respect du principe de la « stricte nécessité ».
B — Respect du principe de la « stricte nécessité »
Pour la demanderesse, même si une perturbation ou un risque de perturbations existe, l'application de montants compensatoires monétaires ne serait légale que dans la mesure où ils seraient strictement nécessaires aux fins de protéger le système d'intervention dans le secteur de la viande bovine.
La demanderesse prétend donc que la notion de stricte nécessité constituerait un principe juridique autonome.
Elle invoque, à cet égard, d'abord, le sixième considérant du règlement no 974/71 du Conseil, qui est libellé comme suit:
« considérant que les montants à instaurer doivent être limités aux montants strictement nécessaires pour compenser l'incidence des mesures monétaires sur les prix des produits de base pour lesquels des mesures d'intervention sont prévues et qu'il convient de les appliquer dans les seuls cas où cette incidence conduirait à des difficultés ».
Elle renvoie ensuite à la jurisprudence de la Cour, notamment à l'arrêt précité dans l'affaire 4/79.
Pour ce qui concerne le « Hilton beef », l'absence de la stricte nécessité des MCM résulterait du « caractère spécifique » des échanges dans le cadre d'un contingent tarifaire communautaire, exactement comme pour la viande bovine congelée ou la viande de buffle congelée exemptées, dans le cadre de leurs contingents respectifs, de l'application de MCM. En clair, si j'interprète bien l'argumentation de la demanderesse, on serait ainsi en présence d'une discrimination qui résulterait du fait que la
Commission aurait reconnu aux échanges dans le cadre des deux derniers contingents un « caractère spécifique » qui ne rendrait pas l'application de MCM strictement nécessaire, tandis qu'elle n'aurait pas reconnu — à tort — ce caractère spécifique aux échanges dans le cadre du premier contingent. La Cour elle-même aurait exprimé, dans son arrêt précité dans l'affaire 79/77 (attendu 8), des doutes sur l'utilité d'appliquer le système des MCM dans le cas d'un contingent sans perception de prélèvement
ouvert à l'égard d'un pays tiers.
Pour la Commission, il ne saurait y avoir de discrimination, les différents contingents n'étant pas comparables, d'une part, en raison de leurs caractéristiques différentes discutées ci-devant, notamment en ce qui concerne l'existence ou le risque de perturbations dans les échanges, et, d'autre part, en raison des objectifs de politique commerciale propres aux différents cas, que la Communauté poursuit au sein du GATT et qui seraient précisément visés par la référence au « caractère spécifique de
ces échanges » (deuxième considérant du règlement no 2979/79 de la Commission).
1. Reconnaissons tout d'abord que le principe de la « stricte nécessité » ne saurait être contesté à propos des montants compensatoires monétaires.
Il figure dans le considérant du règlement de base du Conseil que je viens de rappeler, et il a été réaffirmé à maintes occasions par la Cour.
Dans l'affaire 4/79, si souvent citée par la partie requérante au principal, la Cour s'est exprimée comme suit dans l'attendu 25:
« Des montants compensatoires monétaires fixés à un niveau qui surcompenserait de manière évidente la marge entre les prix exprimés en monnaie nationale et ceux exprimés en unités de compte par application des taux de change représentatifs (taux verts des monnaies nationales) porteraient atteinte au caractère d'expédient provisoire des montants compensatoires monétaires et à l'exigence de stricte nécessité de leur instauration qui conditionne leur légalité. »
La Cour a ainsi défini en une seule phrase la double portée de l'exigence de la stricte nécessité:
« Un montant compensatoire monétaire ne saurait être instauré que s'il est strictement nécessaire, et son niveau doit correspondre à ce même critère. »
Mais quand un MCM est-il strictement nécessaire? Le sixième considérant du règlement no 974/71 du Conseil, cité à l'attendu 24 de l'arrêt 4/79, nous le dit: « dans les seuls cas où (l'incidence des mesures monétaires sur les prix des produits de base...) conduirait à des difficultés. »
Et quand sommes-nous en présence de telles difficultés?
Lorsqu'il risque de résulter des mesures monétaires « une désorganisation du système d'intervention prévu par la réglementation communautaire et des niveaux anormaux de prix » (quatrième considérant du règlement no 974/71) ou « des perturbations dans les échanges de produits agricoles » (article 1er, paragraphe 3, du même règlement).
L'on ne trouve donc nulle part un fondement pour l'affirmation de la requérante selon laquelle « la notion de ‘stricte nécessité’ constitue un principe juridique autonome, issu de la finalité du système des montants compensatoires monétaires qui va au-delà du risque de perturbation dans les échanges de produits. Même si une perturbation ou un risque de perturbation de ce genre existe, il peut s'avérer, sur la base d'autres considérations juridiques, que l'application de montants compensatoires
monétaires aux importations n'est pas strictement nécessaire aux fins de protéger le système d'intervention dans le secteur de la viande bovine ».
C'est bien le contraire qui est vrai. La perturbation ou le risque de perturbation dans les échanges et l'exigence de stricte nécessité sont indissolublement liés et, en vertu du principe de stricte nécessité, la Commission est obligée d'introduire des MCM s'il y a perturbation ou risque de perturbation des échanges, et de les abroger s'il n'y en a plus.
Dans son arrêt du 12 décembre 1985 dans l'affaire 208/84 (Vonk's Kaas, Rec. 1985, p. 4025), la Cour vient encore de confirmer que la Commission « n'a donc pas seulement le droit, mais même le devoir d'adapter sa réglementation si elle constate l'existence ou un risque de transactions abusives du type de celles décrites ».
2. Quant à la question de la discrimination, il faut relever tout d'abord que la situation du « Hilton beef » et celle des viandes importées au titre des deux autres contingents n'est pas comparable.
En effet:
— la qualité de ces différentes catégories de viande n'est pas la même; la requérante l'a démontré au cours de la procédure orale;
— le danger de perturbations dans les échanges existe en ce qui concerne le « Hilton beef », alors que tel n'est pas le cas pour le contingent de 50000 tonnes et le contingent de viande de buffle;
— les partenaires de la Communauté au sein du GATT ne s'opposent pas à la perception des montants compensatoires monétaires dans le cadre des contingents tarifaires ouverts ces dernières années.
La requérante insiste cependant beaucoup sur la prétendue discrimination qui consisterait dans le fait que les trois contingents négociés au sein du GATT revêtiraient, de ce fait, un « caractère spécifique » et devraient, dès lofs, être traités de la même façon pour ce qui est des montants compensatoires monétaires.
Mais la Commission a répondu à cette objection en citant des références jurisprudentielies qui sont pertinentes et convaincantes: tant l'arrêt rendu dans l'affaire 55/75 (Balkan-Import-Export, Rec. 1976, p. 19) que celui rendu dans l'affaire 52/81 (Faust/Commission, Rec. 1982, p. 3745) rappellent qu'« il n'existe pas, dans le traité, de principe général obligeant la Communauté, dans ses relations extérieures, à consentir, à tous égards, un traitement égal aux différents pays tiers ».
Dans le premier de ces deux arrêts, qui concernait également la validité de certains MCM, la Cour (à l'attendu 14) a jugé que, «si l'article 2 du règlement no 974/71 du Conseil, en fixant le mode de calcul des montants compensatoires, détermine les montants que ceux-ci ne peuvent dépasser, il n'en résulte pas que la Commission ne pourrait, à l'égard de certains pays tiers et pour des raisons tenant à l'exercice des autres compétences qu'elle tient du traité, s'engager à appliquer des montants
inférieurs ou accorder des exonérations négociées ». Elle a ajouté, dans le second arrêt (à l'attendu 25), que, « si une différence de traitement.entre pays tiers n'est pas contraire au droit communautaire, on ne saurait non plus considérer comme contraire à ce droit une différence de traitement entre opérateurs économiques communautaires qui ne serait qu'une conséquence automatique des différents traitements accordés aux pays tiers avec lesquels ces opérateurs ont noué des relations commerciales
».
La Commission a ainsi légitimement pu décider, en vertu des pouvoirs qu'elle tient notamment de l'article 113 CEE, sur lequel sont d'ailleurs fondés, en l'espèce, tous les règlements du Conseil ouvrant les différents contingents en cause, d'exempter les contingents ouverts par les règlements nos 3716/81 et 136/82 de l'application de MCM pour des raisons tenant aux relations de la Communauté avec ses partenaires du GATT.
3. A mon avis, les conclusions ci-dessus ne sauraient pas être mises en cause par un renvoi à l'arrêt rendu dans l'affaire précitée 79/77, dans lequel la Cour a estimé (à l'attendu 8) que, « dans le cas d'un contingent provenant d'un pays tiers, admis dans la Communauté sans perception du prélèvement, on peut douter de l` utilité d'appliquer le système des montants compensatoires monétaires ».
En l'occurrence, la Cour n'a pas approfondi cette question puisqu'elle a constaté aussitôt « que la requérante au principal n'a manifestement pas mis en cause le fait de l'application aux importations litigieuses du système des montants compensatoires monétaires ».
Si les montants compensatoires monétaires étaient un élément de la protection extérieure de la Communauté, on pourrait effectivement se demander pourquoi ils ne pourraient pas être supprimés en même temps que le prélèvement. Si l'essentiel du mur de protection est abattu, pourrait-on dire, pourquoi maintenir cet élément résiduel?
Or, nous allons voir dans un instant que, dans ses arrêts ultérieurs, la Cour a formellement constaté que les montants compensatoires monétaires n'ont aucun caractère protecteur et qu'ils ne sauraient en avoir. Leur raison d'être réside uniquement dans le fait qu'ils permettent de sauvegarder le régime des prix communs à l'intérieur de la Communauté. Nous avons pu voir ci-dessus à quelles perturbations leur suppression peut conduire dans le cas de produits susceptibles d'être réexportés à partir
de l'État membre de première importation.
Reste à savoir ce qu'il en est du troisième argument invoqué par la demanderesse au principal, qui consiste précisément à invoquer l'existence d'une surprotection.
C — L'interdiction d'un élément de protection supplémentaire
La demanderesse soutient qu'une multiplicité d'éléments protecteurs appliqués à l'égard du « Hilton beef », à savoir un contingentement quantitatif prolongé par des contingents bilatéraux répartis entre les pays fournisseurs et des contingents nationaux, une protection tarifaire de l'ordre de 20 % et un MCM, aboutirait à une protection excessive et injustifiée, et donc illégale. La Commission l'aurait reconnu elle-même en supprimant les MCM en ce qui concerne les importations de viande bovine
congelée et de viande de buffle congelée. La demanderesse ajoute que cette surprotection serait réelle malgré le fait que les prélèvements à l'importation sont suspendus (dans les conditions précisées à l'article 2 du règlement no 263/81 de la Commission), étant donné qu'un montant correspondant au prélèvement serait facturé lors de l'exportation du produit par l'État d'origine.
Examinons ces arguments un à un.
1. L'élément contingentaire
Il est faux d'utiliser dans le cas d'espèce l'expression « contingent quantitatif ».
On n'est en présence d'un contingentement quantitatif que lorsque l'ensemble des importations dans la Communauté, d'un produit donné, ne peut pas dépasser une certaine quantité.
Or, dans la mesure où un importateur est prêt à acquitter le droit de douane, le prélèvement et le MCM, il est libre d'importer dans la Communauté n'importe quelle quantité de viandes bovines de haute qualité.
En l'occurrence, nous sommes en présence d'un « contingent tarifaire ».
Les produits couverts par ce contingent bénéficient en réalité d'une protection réduite (absence de prélèvement) et ce n'est que cette réduction de la protection normalement applicable qui est soumise à une limitation quantitative. L'élément « contingent » n'apporte donc aucun surcroît de protection par rapport à la situation normale. Il a seulement pour objet d'éviter que l'ensemble des importations de ce produit ne bénéficie d'une protection réduite.
Quant à la répartition des 21000 tonnes entre les pays fournisseurs, à raison de 5000 tonnes pour l'Argentine, 5000 tonnes pour l'Australie, 1000 tonnes pour l'Uruguay et 10000 tonnes pour les États-Unis d'Amérique (qui résulte de la définition de différents types de viande dans le règlement no 263/81 de la Commission), elle a pour objet de garantir à chacun des pays exportateurs une part équitable du contingent total. Elle ne constitue donc qu'une modalité du contingent global, et non pas une
restriction quantitative supplémentaire.
Enfin, il est tout à fait faux de parler de « contingents nationaux » à propos d'un contingent tarifaire qui n'a pas été réparti entre les États membres.
2. La protection tarifaire
Le droit de douane de 20 % appliqué au « Hilton beef » est identique au droit de douane autonome du tarif douanier commun.
Il a simplement été « consolidé », ce qui signifie que la Communauté s'est engagée à ne pas l'augmenter même si elle devait un jour augmenter le droit du TDC.
Sur ce point, il n'y a donc pas non plus de protection supplémentaire.
3. La suspension du prélèvement
Les importations de « Hilton beef » qui ont lieu dans le cadre du contingent se font en franchise de prélèvement.
Elles bénéficient donc, à ce titre, d'une protection réduite.
Les frais liés, dans le pays d'exportation, à l'obtention d'un « certificat d'authenticité », même s'ils devaient être d'un montant équivalent à celui du prélèvement normalement applicable, mais dont la perception est suspendue, ne sont pas comparables à des prélèvements. Ces derniers sont définis et délimités d'une façon juridiquement claire et incontestable par la législation communautaire.
C'est d'ailleurs pour cette raison que le tribunal de renvoi n'a pas posé à la Cour de question en relation avec la demande subsidiaire de la demanderesse d'une diminution des MCM du montant dont serait réduit le prélèvement du fait de l'application du coefficient monétaire en cas d'importation obligatoirement soumise à un prélèvement. D'autre part, saisi de la réclamation de la société Malt, allant dans ce sens, le Haupt-Zollamt Düsseldorf, partie défenderesse au principal, l'avait déjà rejetée au
motif que la demanderesse avait précisément effectué les importations en franchise de prélèvement.
Quant au fond, et entre parenthèses, j'ajoute que ces deux instances me semblent ainsi avoir tiré les conséquences correctes de la jurisprudence de la Cour, qui, notamment dans l'affaire 79/77, précitée, a interprété le règlement applicable en l'espèce dans le sens que, pour une telle importation, le MCM ne doit pas être réduit du fait de l'application d'un coefficient monétaire multiplicateur, précisément en raison de l'exemption du prélèvement.
4. Le montant compensatoire monétaire
La Cour a statué à plusieurs reprises, et notamment dans l'affaire 4/79, que « les montants compensatoires monétaires n'ont pas... pour objet d'ajouter à la protection qui résulte des prélèvements et des restitutions dans les échanges avec les pays tiers », mais qu'ils doivent assurer, « à l'exclusion de tout élément protecteur, le maintien du système de prix agricoles uniques à l'intérieur du marché commun... » (attendu 38). Elle a même ajouté que « en sacrifiant la neutralité aussi poussée que
possible des montants compensatoires monétaires dans les échanges intracommunautaires — objectif fondamental du système — à un objectif de protection que l'on voudrait attribuer à ces mêmes montants compensatoires monétaires dans certaines relations d'échanges avec les pays tiers (en leur faisant, par exemple, jouer la fonction d'un complément de prélèvement), la Commission a dépassé la marge d'appréciation qui lui est reconnue en la matière et méconnu non seulement les principes qui se trouvent à
la base du règlement no 974/71, mais également la règle exprimée à l'article 43, paragraphe 3, du traité, selon laquelle l'organisation commune des marchés doit assurer aux échanges à l'intérieur de la Communauté des conditions analogues à celles qui existent dans un marché national » (attendu 40).
Mais, dans l'affaire 4/79, il s'agissait de produits agricoles transformés auxquels des MCM calculés sur une base trop forfaitaire avaient été appliqués, au point de créer une protection supplémentaire.
Dans le cas d'espèce, nous sommes en présence de produits agricoles de base, et la partie demanderesse n'a même pas essayé de prouver que le MCM applicable au « Hilton beef » comprendrait un élément protecteur en ce sens que son montant serait fixé à un niveau qui surcompenserait la marge entre les prix exprimés en monnaie nationale et ceux exprimés en Écus, par application des taux de change représentatifs (taux verts). Aucun autre élément du dossier ne permet par ailleurs de conclure qu'on serait
en présence d'une telle surcompensation.
L'addition du MCM à la protection réduite appliquée dans le cadre du contingent tarifaire ne conduit donc nullement à une « surprotection ».
Il n'est pas non plus vrai que ce contingent ait, pour ainsi dire, été « sorti de l'organisation de marché », car tous les éléments de l'organisation de marché, à la seule exception du prélèvement, continuent à s'appliquer.
Rappelons aussi une nouvelle fois que ni « l'élément contingent » ni la protection résiduelle, à savoir le droit de douane de 20 %, ne sauraient éviter des perturbations dans les échanges intracommunautaires résultant des fluctuations monétaires.
Et, enfin, n'oublions surtout pas que si le MCM est perçu à l'importation dans les pays à devise forte, il est payé à l'importateur lors de l'importation dans un pays à devise faible (ayant des MCM négatifs), même lorsqu'il s'agit d'une importation directe en provenance d'un pays tiers.
Voilà donc une raison supplémentaire qui interdit de ranger les montants compensatoires monétaires dans la catégorie des taxes d'effet équivalent.
Il me reste à dire un mot au sujet d'une question qui a été abordée au cours de la procédure orale, à savoir celle de savoir s'il y avait dans la Communauté une production comparable de viandes bovines de haute qualité et, si oui, quelle en était l'importance (la Commission a indiqué qu'il existait une production comparable d'environ 50000 tonnes/an).
Cette question a certainement joué un grand rôle lorsqu'il s'est agi d'arrêter le principe et le volume du contingent tarifaire pour le « Hilton beef ».
Elle me semble, par contre, d'une importance plutôt secondaire dans le cadre d'un débat centré sur les montants compensatoires monétaires.
Comme il a été rappelé ci-dessus, ces montants ne doivent comporter aucun élément protecteur et ils n'en comportent pas dans le cas d'espèce. Même si une production communautaire de viandes bovines de haute qualité faisait totalement défaut, la perception de MCM pourrait néanmoins être justifiée pour éviter des perturbations dans les échanges entre États membres des viandes importées.
III — Conclusions
Au vu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre de la manière suivante à la question préjudicielle posée par le Finanzgericht de Düsseldorf:
« L'examen de la question préjudicielle n'a fait apparaître aucun élément susceptible de mettre en doute la légalité de la fixation d'un MCM, aux termes du règlement no 481/82 de la Commission, du 26 février 1982, pour les viandes bovines relevant des sous-positions 02.01 A II a) 4 bb) et 02.01 A II b) 4 bb) du TDC dans la mesure où elle entraîne la perception de MCM également à l'importation de viandes bovines fraîches, réfrigérées ou congelées, effectuée dans le cadre d'un contingent tarifaire
communautaire ouvert au titre du règlement no 217/81 du Conseil, du 20 janvier 1981, modifié par le règlement no 3715/81, du 21 décembre 1981. »