La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/01/1986 | CJUE | N°28/85

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Lenz présentées le 23 janvier 1986., Alexandre Deghillage contre Caisse primaire d'assurance maladie de Maubeuge., 23/01/1986, 28/85


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. CARL OTTO LENZ

présentées le 23 janvier 1986 ( *1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

A —

La question apparaissant en toile de fond dans la procédure au principal qui est à la base de l'affaire sur laquelle nous nous prononçons aujourd'hui est celle de savoir quelle est l'« institution compétente » pour l'octroi de prestations pour maladie professionnelle à un travailleur qui a été exposé aux mêmes risques de maladie professionnelle dans plusieurs États membres.

La demande de décision préjudicielle de la cour d'appel de Douai et le dossier transmis à la Cour par cette...

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. CARL OTTO LENZ

présentées le 23 janvier 1986 ( *1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

A —

La question apparaissant en toile de fond dans la procédure au principal qui est à la base de l'affaire sur laquelle nous nous prononçons aujourd'hui est celle de savoir quelle est l'« institution compétente » pour l'octroi de prestations pour maladie professionnelle à un travailleur qui a été exposé aux mêmes risques de maladie professionnelle dans plusieurs États membres.

La demande de décision préjudicielle de la cour d'appel de Douai et le dossier transmis à la Cour par cette juridiction font apparaître les faits suivants.

1. Le demandeur, ressortissant belge, qui est entré dans la vie professionnelle en 1937, a travaillé de mars 1942 à décembre 1948 dans une usine à Feignies (France) en qualité d'ébarbeur. De janvier 1949 à avril 1958, il a occupé à Jemappes (Belgique) des emplois comportant l'utilisation du pistolet pneumatique et du chalumeau. Enfin, de 1958 au 30 novembre 1981, il a à nouveau travaillé en qualité d'ébarbeur à Feignies, dans la même usine où il avait été employé jusqu'à décembre 1948.

Depuis le 1er décembre 1981, le demandeur n'exerce plus d'activité professionnelle.

Le 12 septembre 1980, le demandeur a fait l'objet d'un audiogramme visant à vérifier s'il était atteint d'un déficit audiométrique. Un deuxième audiogramme a été effectué le 3 décembre 1981, un troisième le 19 janvier 1984.

2. Le 14 janvier 1982, le demandeur a introduit auprès du Fonds des maladies professionnelles de Bruxelles une « demande en réparation d'une maladie professionnelle ».

Par décision du 28 février 1983, le Fonds a rejeté cette demande comme « irrecevable » pour les motifs suivants:

« Les conditions prévues par les conventions internationales concernant la sécurité sociale des travailleurs migrants ne sont pas réunies.

La victime a été exposée au risque de la maladie professionnelle en dernier lieu sur le territoire d'un autre État membre de la CEE (règlement no 1408/71, article 57, paragraphe 1). »

3. Le 5 avril 1983, le Fonds a transmis la demande de prestation, ainsi qu'un compte rendu d'examen et un rapport médical du i 2 décembre 1981 constatant la maladie professionnelle (surdité traumatique) au Centre de sécurité sociale des travailleurs migrants à Paris. Le Centre a transmis le dossier le 28 avril 1983 à la Caisse primaire d'assurance maladie de Maubeuge, invitée à examiner si l'activité exercée en France par l'intéressé était susceptible par sa nature d'avoir provoqué l'affection
constatée chez l'intéressé.

4. La Caisse d'assurance maladie de Maubeuge a rejeté la demande au motif qu'il ne lui était pas possible, bien que les activités exercées par le demandeur fussent susceptibles de provoquer la maladie professionnelle en cause, de reconnaître, en ce qui concerne le demandeur, une maladie professionnelle figurant au tableau 42 ( 1 ), le deuxième audiogramme n'ayant pas été effectué dans le délai prévu (trois semaines à un an après cessation de l'exposition aux bruits lésionnels).

5. Par décision du 27 octobre 1983, la Commission de recours gracieux de la Caisse d'assurance maladie de Maubeuge a confirmé la décision de celle-ci.

6. Un recours dirigé à l'encontre de cette décision statuant sur réclamation a été rejeté par la commission de première instance de sécurité sociale de Valenciennes aux termes d'un jugement du 17 avril 1984.

7. La cour d'appel de Douai, saisie d'un appel à l'encontre du jugement de la commission de première instance de sécurité sociale, a rendu, le 21 décembre 1984, un arrêt décidant de surseoir à statuer et de demander à la Cour de se prononcer à titre préjudiciel sur le point suivant:

« En interprétation de l'article 86 du règlement (CEE) no 1408/71, quelle conséquence doit-on tirer de la transmission tardive du recours de l'organisme belge saisi à l'organisme français? »

B —

Avant de nous prononcer sur cette demande de décision préjudicielle, nous voudrions revenir un instant sur les dates essentielles.

1. Le demandeur ayant cessé le 30 novembre 1981 son activité comportant un risque de maladie professionnelle, un deuxième audiogramme aurait dû être effectué, selon la législation française, au cours de la période comprise entre le 21 décembre 1981 et le 30 novembre 1982. Les audiogrammes dont le demandeur a fait l'objet le 12 septembre 1980, le 3 décembre 1981 et le 19 janvier 1984 n'ont pas été réalisés au cours de ladite période. Lorsque le demandeur a introduit, le 14 janvier 1982, sa demande de
prestation auprès de l'institution belge, le délai de réalisation du deuxième audiogramme n'était pas encore écoulé; il était cependant expiré, et ce depuis plus de quatre mois, lorsque l'institution belge a saisi l'institution française, le 5 avril 1983, de la demande de rente.

2. La Commission et — lors de la procédure orale — le gouvernement de la République française ont adopté des points de vue largement concordants sur les aspects juridiques de cette affaire.

L'une et l'autre attribuent le fait que le demandeur s'est trouvé dans l'impossibilité de respecter le délai prévu par la législation française pour la réalisation du deuxième audiogramme à la transmission tardive de la demande par l'institution belge à l'institution française.

Ils exposent que, conformément à l'article 86 du règlement no 1408/71 ( 2 ), le demandeur a pu régulièrement introduire sa demande de prestation auprès de l'institution belge et que, dès lors, l'institution belge aurait dû transmettre sans délai la demande à l'institution française. Ils remarquent cependant que le non-respect de cette obligation n'est assorti d'aucune sanction.

Ils estiment que, en vertu de la disposition de l'article 86, la demande doit être considérée comme introduite dans les délais malgré la transmission tardive, mais que l'on ne saurait tirer d'autres conséquences de l'article 86, celui-ci ne constituant qu'une disposition de procédure devant être distinguée des dispositions de fond concernant la reconnaissance d'une maladie professionnelle.

Selon eux, les délais prévus par la législation française pour la réalisation du deuxième audiogramme nécessaire pour la reconnaissance d'une lésion auditive n'ayant pas été respectés, le demandeur ne peut plus bénéficier de prestations françaises en raison de sa maladie professionnelle.

La Commission suggère en outre de donner à la juridiction de renvoi, en allant au-delà des termes de la question posée, d'autres indications en vue de la solution du litige pendant devant elle. Elle estime que, eu égard au souci constant de la Cour d'éclairer complètement les juridictions de renvoi sur la portée du droit communautaire, il est permis, le cas échéant en complétant la formulation de la demande, de faire état d'autres dispositions qui permettent de résoudre le problème.

A cet égard, la Commission examine deux types de conséquences possibles:

a) Elle rappelle que, conformément à l'article 57, paragraphe 1, du règlement no 1408/71, un travailleur ayant exercé une activité susceptible de provoquer une maladie professionnelle dans deux ou plusieurs Etats membres peut prétendre à des prestations « exclusivement au titre de la législation du dernier de ces États dont les conditions se trouvent satisfaites ».

Elle estime qu'en l'espèce la France ne saurait être considérée comme ce « dernier État membre », car, en raison de la transmission tardive de la demande, il est devenu impossible à l'intéressé de satisfaire aux conditions de la législation française. Selon elle, le dernier État membre dont les conditions légales peuvent se trouver satisfaites est donc la Belgique, les conditions d'octroi d'une prestation pour maladie professionnelle étant remplies en application du droit belge du fait de la
constatation médicale du 12 décembre 1981.

Toujours selon la Commission, s'il est établi que le demandeur ne peut prétendre à des prestations au titre de la législation française, la Caisse d'assurance maladie de Maubeuge doit faire application de l'article 67, paragraphe 3, du règlement no 574/72 ( 3 ). Elle rappelle, en effet, que, lorsque l'institution de l'État membre sous la législation duquel la victime a exercé en dernier lieu une activité susceptible de provoquer la maladie professionnelle considérée constate que la victime ne
satisfait pas aux conditions de sa législation, elle doit transmettre sans délai la déclaration à l'institution de l'État membre sous la législation duquel la victime a exercé précédemment une activité susceptible de provoquer la maladie professionnelle considérée.

Elle est ainsi d'avis que la Caisse d'assurance maladie de Maubeuge doit retourner le dossier au Fonds à Bruxelles; elle indique que celui-ci l'a, au demeurant, autorisée à déclarer devant la Cour qu'il examinera le dossier du demandeur avec bienveillance s'il est établi que celui-ci ne peut prétendre à des prestations au titre de la législation française.

b) Toujours selon la Commission, une deuxième conséquence serait la possibilité pour le demandeur de poursuivre l'organisme belge de sécurité sociale en dommages-intérêts en raison de la transmission tardive de son dossier ayant entraîné la perte de son droit à obtenir la prise en charge sous le régime français de sa maladie professionnelle.

3. La solution proposée par le gouvernement de la République française et la Commission, selon laquelle l'institution belge devrait être à nouveau saisie du dossier, est peut-être exacte sur la base d'une interprétation littérale du règlement no 1408/71. Nous estimons cependant que la Cour ne devrait pas se contenter dans cette affaire d'une simple interprétation littérale, le résultat ainsi obtenu n'étant conciliable ni avec l'objet et le but du règlement no 1408/71 ni avec les exigences d'une
protection juridique efficace. Le fait qu'il serait manifestement inéquitable de renvoyer à nouveau le demandeur devant l'institution belge, qui a déjà eu besoin de treize mois pour rédiger sur une page une décision erronée et de cinq autres semaines pour satisfaire à son obligation de transmettre la demande sans délai à l'institution française, saute aux yeux et ne nécessite pas de plus amples explications.

Compte tenu du fait que le demandeur a passé en France vingt des trente années au cours desquelles il s'est consacré à une activité comportant un risque, l'on ne saurait sérieusement contester qu'il serait matériellement justifié que l'institution française soit contrainte à octroyer les prestations litigieuses. Au surplus, on ne voit pas la raison pour laquelle l'institution française devrait tirer profit d'un comportement fautif de l'institution belge avec pour effet qu'elle n'aurait pas à
servir des prestations à l'octroi desquelles elle est matériellement tenue.

En recherchant une solution juste à ce problème de droit, il ne faut notamment pas perdre de vue l'objectif poursuivi par le législateur communautaire lorsqu'il a arrêté le règlement no 1408/71 : celui de « garantir à l'intérieur de la Communauté, d'une part, à tous les ressortissants des États membres l'égalité de traitement au regard des différentes législations nationales et, d'autre part, aux travailleurs et à leurs ayants droit le bénéfice des prestations de sécurité sociale, quel que soit
le lieu de leur emploi ou de leur résidence».

a) Il convient de se demander tout d'abord si l'article 86 du règlement no 1408/71 n'a vraiment que la portée formelle s'attachant à la suspension des délais de demande ou si on peut lui attribuer une signification plus large.

L'article 86 prévoit que les demandes, déclarations ou recours qui auraient dû être introduits, en application de la législation d'un État membre, dans un délai déterminé auprès d'une autorité de cet État sont recevables s'ils sont introduits dans le même délai auprès d'une autorité correspondante d'un autre État membre. Dans ce cas, l'autorité ainsi saisie transmet sans délai ces demandes à l'autorité compétente de l'État compétent. La date à laquelle ces demandes ont été introduites auprès
d'une autorité du second État est considérée comme la date d'introduction auprès de l'autorité compétente pour en connaître.

Ainsi, lorsqu'une demande est présentée à une autorité d'un État membre autre que celui au titre de la législation duquel la prestation doit être attribuée, cette autorité n'est pas compétente pour apprécier la recevabilité de la demande dont il s'agit. Cette compétence appartient exclusivement à l'autorité de l'État membre au titre de la législation duquel la prestation doit être accordée et à laquelle la demande doit de toute manière être transmise ( 4 ).

Il convient, dès lors, d'examiner la question de savoir si ladite disposition de l'article 86 pourrait être interprétée en ce sens qu'elle aurait non seulement pour effet de sauvegarder le délai d'introduction d'une demande de prestation, mais également de suspendre le cours des délais prévus pour certains actes par la législation nationale. Le fait que le demandeur ne dispose d'aucun moyen d'agir sur la mesure dans laquelle l'institution non tenue à la prestation transmet la demande « sans
délai » à l'institution tenue à la prestation pourrait militer en faveur d'une pareille interprétation de l'article 86 du règlement no 1408/71. La simplification de procédure prévue par l'article 86 du règlement no 1408/71 en faveur du demandeur perdrait une grande partie de son effet utile si l'institution non tenue à la prestation, par sa négligence ou sa lenteur, pouvait justement anéantir au détriment du demandeur les avantages qui résultent pour lui de l'article 86.

Une pareille interprétation de l'article 86 du règlement no 1408/71, aussi séduisante qu'elle apparaisse — et la jurisprudence de la Cour intervenue jusqu'à présent au sujet de cette disposition ne s'opposerait pas à cette interprétation —, pourrait appeler des réserves si la Cour devait se prononcer en l'espèce sur cette question d'ordre général, et ce d'autant plus que ses implications pratiques ne semblent pas pouvoir être évaluées dans tous les détails.

Aussi bien croyons-nous disposer pour la présente espèce d'une solution que nous offre une disposition spéciale du règlement no 1408/71 concernant les maladies professionnelles.

b) La Cour fournissant, selon sa jurisprudence constante ( 5 ), aux juridictions nationales les éléments d'interprétation relevant du droit communautaire qui pourraient leur être utiles dans leur tâche juridictionnelle, il devrait être répondu à la question posée par la cour d'appel de Douai à la lumière de toutes les dispositions du droit communautaire, même de celles qui n'ont pas été mentionnées expressément dans la question de la juridiction de renvoi.

Nous examinerons donc, dans l'esprit de cette jurisprudence, la question de savoir s'il peut être fait application en l'espèce de l'article 57, paragraphe 2, du règlement no 1408/71.

L'article 57, paragraphe 2, du règlement no 1408/71 est libellé comme suit:

« Si l'octroi des prestations de maladie professionnelle au titre de la législation d'un État membre est subordonné à la condition que la maladie considérée ait été constatée médicalement pour la première fois sur son territoire, cette condition est réputée remplie lorsque ladite maladie a été constatée pour la première fois sur le territoire d'un autre État membre. »

Nous déduisons de cette disposition une autre simplification de procédure en faveur du demandeur: l'institution d'un État membre tenue à la prestation doit reconnaître la première constatation médicale d'une maladie professionnelle en tant que constatation valable, même dans le cas où cette constatation est intervenue sur le territoire d'un autre État membre. L'article 57, paragraphe 2, comporte sur ce point une exception à la disposition de l'article 57, paragraphe 1, selon lequel les
prestations « sont accordées exclusivement au titre de la législation du dernier de ces États ». Si cette « exclusivité » s'applique en général à la fixation du montant des prestations ainsi qu'à la procédure de leur attribution, elle ne s'applique pas à la première constatation médicale de la maladie professionnelle.

Si l'institution tenue à la prestation doit ainsi se satisfaire de la constatation médicale d'une maladie professionnelle effectuée dans un autre État membre, cette règle doit s'appliquer même dans le cas où cette constatation médicale n'a pas été effectuée selon les règles de procédure de l'État membre tenu à la prestation. Il n'est, en effet, pas impossible qu'au moment de la constatation médicale de la maladie professionnelle, on ne sache même pas encore quel État membre sera tenu de servir la
prestation. Au demeurant, l'on ne saurait exiger du médecin appelé à constater médicalement la maladie professionnelle qu'il connaisse les règles de procédure du droit social d'autres États membres.

Il convient donc d'interpréter la disposition de l'article 57, paragraphe 2, du règlement no 1408/71 en ce sens que si l'octroi de la prestation de maladie professionnelle au titre de la législation d'un État membre est subordonné à la condition que la maladie considérée ait été constatée médicalement pour la première fois sur son territoire, cette condition est réputée remplie lorsque ladite maladie a été constatée sur le territoire d'un autre État membre, et ce même lorsque cette constatation a
été réalisée selon les règles de procédure de l'autre État membre.

Le Centre de sécurité sociale des travailleurs migrants de la République française semble d'ailleurs avoir adopté ce point de vue lorsque, dans sa lettre de transmission du 28 avril 1983 — dont le caractère succinct a été reconnu — à la Caisse d'assurance maladie de Maubeuge, il s'est borné à inviter celle-ci à examiner la question de savoir si l'activité exercée en France par le demandeur était susceptible par sa nature de provoquer l'affection constatée chez le demandeur. Ainsi, la Caisse
d'assurance maladie de Maubeuge n'a pas été invitée à mettre en œuvre l'ensemble de la procédure tendant à la reconnaissance d'une maladie professionnelle; elle devait simplement se prononcer sur un aspect partiel.

Il convient cependant de faire observer que nous ne disposons pas d'une certitude absolue sur le point de savoir si la législation française subordonne l'octroi de la prestation de maladie professionnelle à la condition que la maladie considérée ait été constatée pour la première fois sur le territoire de la République française. Certaines dispositions du code de la sécurité sociale français semblent certes militer en faveur de l'affirmative, mais il s'agit là d'une question devant être résolue
en tant que de besoin par la juridiction nationale.

L'issue du présent litige ne dépend cependant pas de la solution définitive de ce problème. En effet, si la constatation médicale d'une maladie professionnelle effectuée selon les règles de procédure de l'État de résidence du médecin est suffisante même lorsque la législation de l'État membre tenu à la prestation dispose que cette constatation aurait dû intervenir sur son territoire, une semblable première constatation médicale doit être à plus forte raison suffisante lorsque la constatation
médicale intervenue dans l'État membre tenu à la prestation ne constitue pas une condition expresse. Il convient ici encore d'appliquer l'idée de base selon laquelle le médecin chargé de la première constatation médicale d'une maladie professionnelle ne saurait être tenu de connaître les règles de procédure du droit social d'autres Etats membres.

Enfin, il convient encore de préciser que le deuxième audiogramme prévu au tableau 42 de l'annexe au décret no 46-2959 dans la rédaction du décret no 81-507 fait encore partie de la première constatation médicale de la maladie professionnelle au sens de l'article 57, paragraphe 2, du règlement no 1408/71, puisque ce règlement distingue entre la première constatation médicale de la maladie professionnelle, d'une part, et l'aggravation d'une maladie professionnelle d'un travailleur, d'autre part
(article 60).

C —

Au terme de toutes ces considérations, nous proposons à la Cour de répondre ainsi qu'il suit à la demande de décision préjudicielle de la cour d'appel de Douai.

L'article 57, paragraphe 2, du règlement no 1408/71 doit être interprété ainsi qu'il suit, en liaison avec l'article 86 du même règlement.

Lorsque la victime d'une maladie professionnelle a exercé une activité susceptible de provoquer ladite maladie, sous la législation de deux ou de plusieurs États membres, les prestations auxquelles elle peut prétendre sont accordées au titre de la législation du dernier de ces États, étant précisé que, en ce qui concerne la première constatation médicale de la maladie professionnelle, il suffit que celle-ci ait été effectuée dans un autre État membre et selon la législation de celui-ci.

Il est sans importance, dans un pareil cas, que l'institution auprès de laquelle la demande de prestations en cause avait été introduite en premier lieu n'ait pas, comme l'y oblige l'article 86 du règlement no 1408/71, transmis sans délai cette demande à l'institution compétente de l'autre État membre, l'ayant droit n'ayant pu, de ce fait, respecter les délais prévus pour la première constatation médicale de sa maladie professionnelle par la législation de l'État membre compétent.

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

( *1 ) Traduit de l'allemand.

( 1 ) Tableau 42 (affections professionnelles provoquées par les bruits) de l'annexe au décret no 46-2959 du 31 décembre 1946, relatif à l'application des dispositions du livre IV du code de la sécurité sociale (dans la rédaction du décret no 81-507 du 4 mai 1981).

( 2 ) Règlement no 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes du sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté (JO 1971, L 149, p. 2).

( 3 ) Règlement no 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d'application du règlement no 1408/71, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté (JO 1972, L 74, p. 1).

( 4 ) Voir arrêt du 22 mai 1980 dans l'affaire 143/79, Margaret Walsh/Insurance Officer (Rec. 1980, p. 1639).

( 5 ) Voir, par exemple, arrêt du 11 avril 1973 dans l'affaire 76/72, Michel S./Fonds national de reclassement social des handicapés (Rec. 1973, p. 457), et arrêt du 11 juillet 1985 dans l'affaire 137/84, Ministère public/Mutsch (Rec. 1985, p. 2681).


Synthèse
Numéro d'arrêt : 28/85
Date de la décision : 23/01/1986
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Cour d'appel de Douai - France.

Sécurité sociale - Reconnaissance d'une maladie professionnelle.

Sécurité sociale des travailleurs migrants


Parties
Demandeurs : Alexandre Deghillage
Défendeurs : Caisse primaire d'assurance maladie de Maubeuge.

Composition du Tribunal
Avocat général : Lenz
Rapporteur ?: Bosco

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1986:35

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award